Cet article concerne le clavier d'instrument de musique. Pour les instruments appelés « claviers », voirInstrument à clavier.
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Leclavier est, enmusique, et plus précisément enorganologie, un ensemble de touches que l'on enfonce à l'aide des doigts (soit d'une ou deux mains) pour jouer de certainsinstruments. Sur certains d'entre eux, lesorgues en particulier, un clavier spécial est actionné avec les pieds — il s'agit, dans ce cas, d'unpédalier.
Les touches sont, la plupart du temps, de deux sortes (qui se distinguent généralement par leur couleur) :
Cette disposition alternée des naturelles et des feintes permet de repérer visuellement une note pour la nommer, ce qui serait impossible si le clavier ne comportait qu'une seule rangée de touches continues, rendant de plus le déplacement des mains quasi impossible pour certains intervalles[1].
On peut attribuer àCtésibios (IIIe siècle avant notre ère) l'invention de l'ancêtre du clavier, alors destiné à faire fonctionner l'hydraule (ancêtre de l'orgue, également de son invention). AuMoyen Âge sont apparus plusieurs instruments utilisant un clavier : l'organistrum et la chifonie (ancêtres de lavielle à roue) ; leclavicorde et leclavicythérium (dont l'origine serait anglaise) ; l'organetto et l'orgue positif (petits orgues portatifs ou de table, à soufflet, rappelant l'accordéon et l'harmonium) ; ainsi que les premiers orgues d'église à plusieurs claviers.


Le clavier se présente comme un alignement de touches. Dans le langage technique, les touches larges au bord du clavier s'appellent lesmarches (ce sont les touches de couleur blanche du clavier de piano) ; les touches plus étroites situées en retrait par rapport au bord du clavier s'appellent lesfeintes (ce sont les touches de couleur noire). La géométrie du clavier est facile à reconnaître grâce à la disposition alternée des feintes par groupes successifs de 2 ou de 3[1].
La conception de la touche d'un clavier de type « piano » pose un problème de proportions qui n'a pas de solution rigoureuse :
Il en résulte que l'octave comporte deux zones : dedo àmi, dont l'axe de symétrie estré ; et defa àsi, dont l'axe de symétrie estsol
. La marche est constituée d'une partie utile large, lapalette, et d'une partie étroite, laqueue. Il reste deux exigences à remplir : répartir les feintesdo
–ré
, dans la zonedo –mi, soit 5 queues (oufeintes) sur 3 marches ; et répartir les feintesfa
,sol
,si
, dans la zonefa –si, soit 7 queues/feintes sur 4 marches.
Il va de soi que 5/3 ne vaut pas 7/4. Il faut que le doigt passe entre les feintes. On cherche donc à avoir le même espace entre chaque feinte, en élargissant la répartition des deux feintes autour duré, de manière à obtenir les mêmes espaces qu'autour dusol
. Il en découlera que la largeur des queues dedo etmi ne vaudra pas celles defa etsi, ce qui importe peu. Dans la pratique, le facteur se sert de « règles à clavier » qu'il dessine selon le compromis ci-dessus. En ce qui concerne les dimensions des touches et du clavier des pianos, enAllemagne est en vigueur la norme DIN 8996 (Klaviatur für Pianos und Flügel ; Maße) : largeur des marches, 23,6 mm ; largeur des feintes, 11,5 mm ; largeur de l'octave (7 marches), 165,2 mm ; largeur du clavier (88 touches), 1 227 mm (+4/-0 mm) ; etc. Dans le piano, les parties invisibles (extrémités opposées des touches) vont rejoindre le mécanisme de production sonore par un léger biais. Ce biais est de toute façon programmé dans quasiment tous les pianos, le placement des cordes croisées obligeant à construire des blocs de notes dont la somme est plus large que le clavier lui-même. Dans l'orgue et l'harmonium les queues sont toutes d'égale largeur.

L'autre solution, celle de donner à toutes les queues une égale largeur implique un système de proportion différent. Les marches et les feintes sont donc d'égale largeur, et ce sont les palettes des marches qui diffèrent en largeur. Les palettes dedo,ré etmi sont égales à l'octave divisée par douze (largeur des touches) multipliée par cinq (nombre de touches de do à mi) et divisé par trois (nombre de palettes) ; les palettes defa àsi sont, elles, égales à l'octave divisée par douze (largeur des touches) multipliée par sept (nombre de touches de fa à si) et divisé par quatre (nombre de palettes).
Il existe de nombreuxstandards suivant le type d'instrument (orgue à tuyaux, clavecin, orgue électronique, etc.) et l'époque considérée. On peut citerL'Art du facteur d'orgues deDom Bédos de Celles pour les instruments anciens ou encore les normes AGO (American Guild of Organists) pour les instruments récents. Ces deux standard préconisent la solution à palettes de largeur égale. Néanmoins, la solution à queues de largeur égale a également été largement utilisée. On obtient alors des palettes dedo àmi d'une largeur de [(164 ÷ 12) × 5] / 3, soit 22,8 mm, et dans le cas des palettes defa àsi une largeur de [(164 ÷ 12) × 7] / 4, soit 23,9 mm. Là aussi, lefacteur d'orgues utilise une règle à clavier. Enfin, il existe un intérêt assez large pour l'octave de 162 mm, qui permet à l'interprète d'atteindre plus facilement l'octave, la neuvième, la dixième et même la onzième, et permet une largeur de touche au clavecin et à l'orgue de 13,5 mm, plus facile d'utilisation que le 13,66 mm obtenus par la division 164 ÷ 12. En fin de compte, le clavier de l'orgue et celui du piano, apparemment identiques, diffèrent en réalité légèrement dans leur apparence physique. Peu d'organistes, eux-mêmes pianistes, en sont conscients. Certains suivent les principes décrits par le pèreMersenne (1588-1648), permettant d'avoir un tracé optimal compte tenu de ces contraintes, mais moins subtil.
La couleur du clavier n'a été fixée pour le piano, le synthétiseur et les autres instruments modernes que récemment, à partir duXIXe siècle : marches blanches et feintes noires. Sur les instruments plus anciens, les facteurs suivaient les usages de leur temps et du lieu, en s'autorisant des apports de décorations en tabletterie, gravures,marqueterie. Dans les instrumentsnordiques,flamands, les marches sont en os, les feintes enébène, ce qui modifie, par le poids de l'os le point d'équilibre de la touche. Dans les claviers français les marches sont plaquées d'ébène ou en ébène massive et les feintes en poirier noirci plaquées d'os ou bien en érable massif ou en ébène blanche.
Sur les instruments desXVIe et XVIIe siècles, deux particularités peuvent se présenter, parfois simultanément : l'octave « courte » (les touches correspondant à certaines notes graves peu utilisées servaient en fait à produire des notes plus graves que leur position sur le clavier ne l'aurait fait penser ; ceci permettait aux instrumentistes de jouer des accords de neuvième ou plus, impraticables sur un instrument moderne) ; et les touches divisées (« feintes brisées ») pour pouvoir produire séparément deux notesenharmoniques (sol
etla
, par exemple), que les claviers modernes confondent en une seule et même touche.
Il existe deux types de touches, lorsqu'on regarde le profil d'un clavier :
Côté main droite de l'accordéon chromatique, la gamme est répartie sur trois rangées de boutons ronds. Ledo est assigné à la rangée extérieure, le demi-ton immédiatement supérieur (do
) est accessible sur la rangée immédiatement supérieure et ainsi de suite. Les trois rangées sont donc accordées selon les trois accords de septième diminuée constituants la gamme chromatique. Pour faciliter la virtuosité, on ajoute parfois une ou deux rangées supplémentaires, ces quatrième et cinquième rangées répétant les deux premières au-dessus de la troisième rangée.
Il y a également des accordéons avec une main droite utilisant un clavier à "touches piano".
Pour la main gauche, il y a des boutons comme pour la main droite, mais de plus petite taille.
Les claviers spéciaux peuvent se classifier en trois familles, selon le rôle assigné aux éventuelles notes supplémentaires. La première et la seconde famille sont celles des claviers microtonaux, permettant d'explorer soit de compenser les défauts inhérents à toute solution de tempérament, soit permettant d'explorer les microintervalles comme les quarts de ton. La troisième famille ne compte pas de notes supplémentaires par rapport au clavier traditionnel, mais un réarrangement des notes de manière plus « logique » ou rationnelle. Cependant aucun clavier spécial, aussi juste fût-il, n'a jamais supplanté le clavier traditionnel, moins parfait mais universellement répandu.
L'évolution des systèmes de tempérament pour les instruments à sons fixes montre une recherche jamais satisfaite d'un compromis entre la justesse absolue des intervalles et la possibilité d'utilisation de toutes les tonalités (égalité de tous les intervalles). Les premières tentatives datent de la renaissance et visaient à éliminer le « loup » du tempérament mésotonique. Pour cela, on construisait des claviers munis de doubles feintes sur les notesré
–mi
etsol
–la
. L'une étant la quinte, l'autre la fondamentale d'un accord. Il a existé des claviers à 16, 17, 19, 24 et même 31 (clavier de Huygens-Fokker[2]) notes par octave (double feintes et même feintes supplémentaires enmi –fa etsi –do), portant le nom d'archiclavecins[3].
On compte surtout, puisque fréquemment utilisé dans les compositions microtonales, le clavier en quart de tons. Il en existe différentes variantes, toutes ayant le but de mettre à disposition de l’interprète 24 notes par octave, en conservant l'écart standard de 165 mm par octave[4]. Il existe aussi des solutions destinées à l'interprétation des musiques arabes, turques, persanes et indiennes, généralement implantés sur des instruments électroniques permettant au clavier traditionnel et des fonctions d'accordageon-the-fly de supplanter encore là des solutions à plus de 12 touches par octave[5].
Les claviers isomorphiques offrent une approche « logique » à l'organisation des notes. Une organisation en pavage régulier permet de garder les mêmes relations harmoniques entre les touches sur l'ensemble du clavier. Les accords peuvent être alors visualisés en tant que « formes » géométriques à deux dimensions, à l'opposé de la visualisation intervallique unidimensionnelle du piano par exemple[6]. L'exemple le plus connu de disposition isomorphique est celle du clavier de la main droite de l'accordéon chromatique.
Il existe :
Les instruments notables suivants se jouent par l'intermédiaire d'un ou plusieurs claviers :
Lepédalier d'orgue, actionné avec les pieds, ou les baguettes decarillon, qu'on frappe du poing, sont disposés comme le clavier du piano. Ils alternent marches et feintes. Il en va de même des lamelles de certaines percussions à notes (xylophone,marimba,glockenspiel,vibraphone).
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