Il est le fils de Carlos Arrau Ojeda,ophtalmologue, et de la pianiste Lucrecia León Bravo. Reconnu comme enfant prodige (il joue pour le président chilien à l’âge de six ans[3]), le jeune Claudio Arrau obtient une bourse pour aller étudier àBerlin avecMartin Krause, l'un des derniers élèves deFranz Liszt. Après leur rencontre Krause aurait dit : « cet enfant sera monchef-d'œuvre »[4]. Il jouera pour le jeune Arrau beaucoup plus que le rôle d'un simple pédagogue. Il sera en réalité un véritable père de substitution. Dépassant le simple champ de la musique, Krause sera également celui qui initiera Claudio Arrau à lapeinture et à lalittérature. Arrau restera toute sa vie marqué par l'enseignement de Krause, et au décès de celui-ci, quand Arrau n'a encore que 15 ans, il décide de ne plus suivre d'autre enseignement. Ayant suivi toutes ces années une formation hautement empreinte de culture germanique, Arrau fut longtemps considéré comme un pianiste davantageallemand quesud-américain (son patronyme est d'ailleurs allemand). De là, également, une prédilection pour les compositeurs allemands dont il se fera une spécialité (Brahms,Schumann,Beethoven) et dont il enregistrera la plupart des œuvres.
Pour autant, son répertoire ne se limite pas au seulXIXe siècle. Il est également un interprète remarquable de compositeurs duXXe siècle, commeClaude Debussy. La discographie de l'artiste ne rend que fort peu compte de ses affinités avec la musique contemporaine, puisque si Arrau est interprète deBach, deMozart, des romantiques (Beethoven,Schubert, Liszt, Chopin, Schumann, Brahms), et des modernes (Debussy,Albéniz,Ravel), il l'est aussi deSchönberg.
Commençant sa carrière dans lesannées 1930, il fait sensation lorsqu'il donne à Berlin, en 1935-1936, en un cycle de douze récitals, l'intégrale de l'œuvre pour clavier de Bach (hormis les pièces pour orgue). La concurrence à cette époque est particulièrement rude :Backhaus,Kempff, entre autres, jouent déjà les premiers rôles.
La journaliste Marisol García rapporte, selon le témoignage d'Eleonora Tikas, petite-nièce d'Erika Burkewitz[5], soprano lyrique de nationalité lettone, qu'Arrau et cette dernière se seraient mariés en 1928 et auraient eu un enfant : Klaudio Burkewitz-Arrau (1929-1949) né à Berlin, en Allemagne. En 1933, Erica Burkewitz et Claudio Arrau se seraient séparés. Leur fils serait décédé en 1949 dans un camp soviétique pour prisonniers de guerre situé àBautzen, en Allemagne de l'Est[6],[7].
En 1937 Arrau épouse une cantatrice allemande, la mezzo-soprano Ruth Schneider (décédée en 1989) ; ils auront trois enfants : Carmen (1938–2006), Mario (1940–1988) et Christopher (1959).
En 1940 Arrau quitte Berlin à cause du nazisme, mais muni d'une réputation bien assise, pour s'installer aux États-Unis et y recommencer une nouvelle carrière. Bien qu'il y soit peu connu le succès ne tarde pas à venir, et dès lors il ne le quittera plus durant les cinquante années qui suivront.
Son interprétation de lasonate de Franz Liszt, desNocturnes de Chopin, desBallades de Johannes Brahms et desPréludes de Claude Debussy sont, encore aujourd'hui, des références discographiques. Au début des années 1960 il signe un contrat d'exclusivité avec l'éditeur de disques Philips, qui lui permettra d'enregistrer la plus grande partie de son répertoire, dans des prises de son d'une qualité exceptionnelle.
Le jeu d'Arrau se caractérise tout d'abord par un scrupuleux respect de la partition. Dans une interview de 1939 il explique sa conception de l'interprétation : « L'œuvre d'art ne devrait pas être prétexte pour l'interprète à l'exposition de ses propres états d'âme. Ni davantage à l'étalage de soi-même, l'exhibition. C'est le devoir sacré de l'interprète que de communiquer, intacte, la pensée du compositeur dont il n'est que l'interprète[8]. » Il s'insurgera par exemple contre le fait que le compositeur et pianisteSergueï Rachmaninov ait, dans un de ses enregistrements, modifié la partition de la seconde sonate pour piano de Chopin. Pour autant, il sait faire respirer le texte, et ses interprétations sont des modèles de l'art de faire sonner et de timbrer le piano. Ne le cédant en rien aux virtuoses du clavier telsHorowitz, sa technique, héritage direct de la technique de Liszt, fait merveille dans les œuvres les plus ardues du répertoire telles que lesVariations sur un thème de Paganini de Brahms. Pianiste à l'idiome poétique métaphysique, artiste angoissé (il suivra unepsychanalyse pendant plusieurs années), il avait un toucher de velours particulier que le chef d'orchestreColin Davis décrit ainsi : « Il avait une force énorme, mais sans agressivité. À la place des mains, il avait des pattes et il les plongeait dans le clavier en créant un son très riche, comme un orgue, un son jamais brusque »[9].
En 1979 Arrau prit la nationalité américaine en signe de désaccord avec le régime dePinochet[10]. Il a néanmoins gardé son passeport chilien[11].
En 2016, le labelSony Classical publie une intégrale de ses enregistrements américains réalisés entre 1941 et 1952 pour les labels RCA Victor et Columbia Masterworks, en 12CD[12].
En 2018, le labelDecca publie une intégrale de ses enregistrements réalisés pour le label Philips, en 80 CD[13].
En 2022, le labelWarner Classics publie une intégrale de ses enregistrements réalisés entre 1921 et 1962 pour les labels Columbia Graphophone, Electrola, HMV, Parlophone et Telefunken, en 24 CD[14].
Claudio Arrau, Birth of a Legend, Columbia Recordings, USA 1946-1950 (Beethoven, Sonatesnos 21 et 26,Schubert, Allegretto,Chopin, 24 Préludes,Schumann, Kreisleriana, Arabesque,Debussy, Pour le Piano, Estampes, Images I et II,Ravel, Gaspard de la nuit (sans Scarbo),Albéniz, Iberia I et II) (United Archives)
Claudio Arrau in Germany : Pre-War Recordings from the collection of the Rundfukarchiv (Chopin, Beethoven,Mozart,Haydn,Liszt) (Music & Arts)
Claudio Arrau, The Early Years, Complete Pre-War Recordings :Balakirev,Busoni,Stravinsky, Liszt, Schubert, Chopin, Debussy,Schumann (1921-1939) (Marston)
Récitals à The Ambassador Auditorium,Pasadena,Californie, 1977, 1981, 1986 : Beethoven, Sonates pour piano n° 7, 13, 21, 23, 26, 30 ; Brahms, Sonate pour piano n° 3 ; Chopin: Fantaisie ; Debussy, Estampes ; Liszt: Sonate en si mineur, Sonate "Après une lecture du Dante" ; Schumann: Études symphoniques (Fist Hand Records, 2025)
Enregistrements, par ordre alphabétique de compositeurs
Schubert : Fantaisie Wanderer D. 760, Klavierstücke D. 946, Moments musicaux D. 780, Allegretto D. 915, Marche D. 606 (1956-59, EMI)
Schubert : Klavierstücke D. 946 (1959, BBC Legends)
Schubert : Sonates D. 664, D. 894, D. 958, D. 959, D. 960,Impromptus D. 899 et D. 935, Klavierstücke D. 946,Moments musicaux D. 780, Allegretto D. 915 (1978-90, Philips)