Cléopâtre VIIPhilopator (engrec ancienΚλεοπάτρα Θεά Φιλοπάτωρ /Kleopátra Theá Philopátōr, « Cléopâtre la déesse qui aime son père », puisΘεά Νεωτέρα Φιλόπατρις /Theá Neōtéra Philópatris, « Déesse nouvelle qui aime sa patrie ») est une reine d'Égypte antique[a] de ladynastie lagide née vers et morte le
Elle règne sur l'Égypte entre 51 et avec ses frères-épouxPtolémée XIII etPtolémée XIV puis aux côtés du général romainMarc Antoine. Elle est célèbre pour avoir été la compagne deJules César puis de Marc Antoine avec lesquels elle a eu plusieurs enfants. Partie prenante dans laguerre civile opposant Marc Antoine àOctave, elle est vaincue à labataille d'Actium en Sa défaite permet aux Romains de mener à bien la conquête de l'Égypte, événement qui marque la fin de l'époque hellénistique.
Cléopâtre est un personnage dont la légende s'est emparée de son vivant même. Sa mort tragique n'a fait qu'ajouter au romanesque qui l'entoure et peut pour cette raison nuire à une approche objective de celle qui a été l'une des femmes les plus célèbres de l'Antiquité.
Origines et personnalité
Sources
Les principaux auteurs antiques (Plutarque,Suétone etAppien) n'évoquent Cléopâtre que pour sa place dans l'histoire romaine. Nous avons donc peu d'informations sur son séjour àRome — au lendemain de l'assassinat deCésar — ou àAlexandrie — durant l'absence d'Antoine, entre 40 et 37 avant notre ère —. De plus, ces auteurs, inspirés par son vainqueur, l'empereurAuguste et son entourage, la montrent comme l'adversaire malfaisant de Rome et le mauvais génie d'Antoine[1]. On observe par ailleurs que César ne fait aucune mention de sa liaison avec elle dans lesCommentaires sur la guerre civile[2].
Le jugement que porte sur elleFlavius Josèphe auIer siècle est révélateur[3] :« Elle fit d'Antoine l'ennemi de sa patrie par la corruption de ses charmes amoureux. » Lalégende noire propagée par la propagande augustéenne est relayée par les poètes (Horace,Properce,Lucain) et les historiens romains (Tite-Live,Dion Cassius,Eutrope), pour lesquels Cléopâtre incarne plusieurs dangers : reine, elle remet en cause les valeurs de laRépublique romaine ; femme de caractère et séductrice, elle met en danger la virilité et lavirtus romaine ; ambitieuse, elle menace la liberté ; étrangère d'origine grecque et aux mœurs orientales, elle incarne débauche et luxure. Elle est ainsi à l'opposé des « vertus romaines » comme lapudicitia[4]. Face à l'enthousiasme qu'elle a suscité chez les dramaturges, romanciers et les cinéastes occidentaux, les historiens restent circonspects.
Cléopâtre est née au cours de l'hiver 69/68 avant notre ère[5] ou entre décembre 70 et début janvier 69[6], probablement àAlexandrie. Elle appartient à la dynastie d'originemacédonienne desLagides, laquelle règne sur l'Égypte depuis la fin duIVe siècle av. J.-C. Cette dynastie a été fondée parPtolémée Ier, l'un des généraux d'Alexandre le Grand, qui s'empare de l'Égypte à la mort du conquérant.
Cléopâtre est l'une des trois filles connues du roiPtolémée XIIAulète, et peut-être d'une concubine, puisqueStrabon affirme quePtolémée XII n'eut qu'un seul enfant « légitime »[7],Bérénice IV, qui a régné de 58 à 55. Il est dès lors envisageable que son père, qui se serait engagé dans la polygamie pharaonique, ait eu une deuxième épouse égyptienne, peut-être issue de la classe sacerdotale deMemphis, ce qui expliquerait que certains auteurs romains la surnomment de manière injurieuse l'« Égyptienne »[8]. Selon l'historienMaurice Sartre, l'origine de la mère de Cléopâtre serait, très vraisemblablement, non pas « égyptienne » maisgréco-macédonienne[9]. Cléopâtre entretient d'ailleurs elle-même le mystère sur ses origines maternelles, laissant planer le doute sur une possible ascendance égyptienne, d'autant qu'elle parleégyptien[10], contrairement à ses prédécesseurs. PourToby Wilkinson, des siècles de tradition royale suggèrent que la mère de Cléopâtre était aussi d'origine grecque macédonienne[11].
Cependant, cette éventuelle bâtardise n'est pas certaine (par exemple, elle ne figure jamais dans les attaques dont la reine sera plus tard l'objet de la part des Romains)[12],[b]. Quoi qu'il en soit, à l'époque hellénistique, être un enfant « illégitime » n'est pas un handicap politique pour accéder au trône,Ptolémée XII étant lui-même, par exemple, un bâtard dePtolémée IX.
Cléopâtre s'est adjoint l'épithète, classique chez lesLagides, dePhilopator, « Qui aime son père ». Mais en 36 avant notre ère, dans un contexte de renouveau politique, elle s'ajoute l'épithètePhilopatris (« Qui aime sa patrie »)[13]. Cette titulature surprend dans une dynastie qui privilégie plutôt les liens dynastiques (« qui aime son père, sa mère, sa sœur », etc.) que l'attachement aux pays et aux peuples qu'elle gouverne. Peut-être faut-il y voir une attention plus marquée, rare chez ses prédécesseurs si l'on exceptePtolémée VIII, envers les Égyptiens indigènes, thèse la plus consensuelle, à moins quePhilopatris n'évoque l'originemacédonienne de la dynastie lagide[14]. Une dernière hypothèse consiste à dire que cette « patrie » n'est autre qu'Alexandrie, ce qui insisterait sur le fait que Cléopâtre est une « métisse » macédonienne et non pas une Égyptienne : en effet, Alexandrie (fondation d'Alexandre le Grand) est alors considérée comme extérieure et indépendante de l'Égypte à laquelle elle n'est réunie que du fait de ses souverains. De cela découle l'expression « d'Alexandrie près de l'Égypte » alors courante, et qui marque cette situation.
Autre nouveauté dans la titulature, Cléopâtre se voit ajouter en 36 l'épithète deThéa Néôtera, soit « Déesse nouvelle / plus jeune », comme l'attestent des monnaies et un papyrus trouvé àHéracléopolis Magna qui donne sa titulature complète[15] : « Déesse nouvelle qui aime son père et qui aime sa patrie ». Diverses interprétations sont possibles quant à cetteépiclèse divine[16] : soit Cléopâtre est l'objet d'un culte spécifique (sachant tout de même que les Lagides en sont déjà l'objet), soit il s'agit pour elle de s'inscrire comme le successeur deCléopâtreThéa, fille dePtolémée VI, qui a épousé successivement trois roisséleucides, afin de montrer son ambition à contrôler les territoires qui ont autrefois formé le royaume séleucide.
Son enfance et ses années d'adolescence sont méconnues. Il est possible d'imaginer qu'elle dût observer les événements du règne chaotique de son père avec une grande acuité. La désaffection entre la population égyptienne et la dynastie lagide est patente sous le règne dePtolémée XII. Les causes sont nombreuses : dégénérescence physique et morale des souverains, centralisation outrancière, corruption et cupidité des administrateurs. La multiplication des révoltes indigènes, la perte deChypre et de laCyrénaïque, la dévaluation de latétradrachme (une première depuisPtolémée Ier) dont la valeur en argent passe de 90 % à 33 % font de ce règne l'un des plus calamiteux de la dynastie.
La puissance deRome, qui intervient militairement pour rétablirPtolémée XII en 55 avant notre ère, renversé par sa fille aînéeBérénice IV trois ans plus tôt, est certainement un élément compris et assimilé par la jeune Cléopâtre. Rétabli parGabinius[c], le gouverneur deSyrie,Ptolémée XII se lance dans une série de massacres, de proscriptions et d'assassinats (dont sa propre fille Bérénice, la demi-sœur de Cléopâtre). Cette politique ne rend pas son autorité à un roi fantoche qui ne se maintient que par la présence romaine, laquelle de plus grève les finances du pays. Les tribulations du règne précédent apprennent ainsi à la future reine à utiliser tous les moyens pour se débarrasser de ses adversaires ou de ceux qui gênent ses projets, comme son jeune frèrePtolémée XIV en 44.
Il est difficile de cerner la véritable personnalité de Cléopâtre, qu'un certain romantisme a contribué à déformer ; mais elle possèderait beaucoup de courage et se révèlerait suffisamment intelligente pour inquiéter les Romains. De plus, alors qu'elle est souvent présentée dans des écrits hostiles comme étant une « prostituée », elle a démontré ses capacités de diplomate et de dirigeante politique[17]. Le fait qu'elle ait séduit des Romains et créé des liens politiques avec eux uniquement à l'aide de sa beauté est une supposition probablement fausse[17].
Aucune source sûre ne vient nous éclairer sur son aspect physique qui échappe à un classement esthétique banal. Le buste deCherchell, réalisé bien après sa mort, à l'occasion du mariage de sa fille,Cléopâtre Séléné, avec le roiJuba II deMaurétanie, est idéalisé. Certains auteurs antiques insistent sur sa beauté presque divine[18]. La pièce de théâtre deShakespeare contribue au mythe de la femme fatale qui se voit impliquée dans des relations passionnées vouées à la tragédie[19]. Cette pièce en a inspiré bien d'autres, qui contribuent à leur tour à créer le symbole de la beauté éblouissante de Cléopâtre[19]. Toutefois, les quelques pièces de monnaie donnent l'image d'une femme aux traits lourds et au nez assez proéminent. Un des seuls portraitsa priori ressemblant de la reine se trouve sur une pièce de monnaie auCabinet des médailles : il montre une femme au visage empâté, avec un menton et un nez proéminents. Si son physique semble en réalité avoir été des plus banals,Plutarque laisse entendre que ses interlocuteurs auraient été impressionnés par le ton de sa voix et ses capacités linguistiques[d]. Bien qu'il soit impossible de définir avec certitude son apparence, son intelligence et son esprit cultivé sont probablement des traits de son caractère[20].
Comme dans tout le monde hellénistique où l'éducation des filles de familles libres est devenue chose normale[21], Cléopâtre bénéficie apparemment de l'enseignement de précepteurs cultivés. Le philosophePlutarque insiste sur ses qualités intellectuelles[22]. C'est ainsi que Cléopâtre est unepolyglotte : elle parle, outre legrec, l'égyptien[10] (première et dernière de sa dynastie à faire cet effort, encore qu'il y ait un doute pourPtolémée VIII), l'araméen, l'éthiopien, lemède, sans doute aussi l'hébreu ainsi que la langue desTroglodytes, un peuple vivant au sud de laLibye. De tels dons ne la laissent sans doute pas longtemps démunie face aulatin, encore que lesRomains cultivés commeCésar parlent et lisent couramment le grec. Plusieurs traités demétrologie, d'alchimie, degynécologie ou decosmétique (leKosmètikon) lui sont attribués, mais ils sont jugésapocryphes par les historiens modernes[23].
Fin 52 à début 51 avant notre ère, Cléopâtre VII, alors âgée d'environ dix-huit ans, est associée au pouvoir de son pèrePtolémée XII[9]. Quelques mois après, le testament du roiPtolémée XII, mort en 51, désigne comme successeurs Cléopâtre et un frère cadet de celle-ci,Ptolémée XIII, d'une dizaine d'années environ, à qui elle est nominalement mariée car selon la coutume ptolémaïque, elle ne peut régner seule[24]. Rien ne prouve que Cléopâtre ait voulu exercer la totalité du pouvoir à l'époque, en tout cas les titulatures de cette période lui accordent toujours la seconde place. Ces trois premières années de règne sont difficiles du fait des difficultés économiques : disette des années 50/48,crues insuffisantes duNil et lutte politique entre l'eunuquePothin et le généralAchillas qui cherchent à opposer le frère et la sœur[25].
À l'automne 49, les relations se dégradent totalement entre les deux souverains. Les causes de cette rupture sont ignorées, mais à partir de cette date, le nom de la reine figure dans les textes officiels avant celui dePtolémée XIII. En fait, c'est une véritable guerre qui éclate entre les deux monarques puisqu'à l'été 48, ils se font face àPéluse. Alors que le jeune roi vient d'atteindre sa majorité, Pothin et ses amis accusent la reine de complot contre son frère et provoquent un soulèvement desAlexandrins[26], si bien que Cléopâtre doit fuir enSyrie[27] puis àAshkelon, au sud de laJudée, où elle se constitue une armée de mercenaires recrutée parmi les tribus arabes[28].
Jules César
Assassinat de Pompée
C'est alors qu'intervient la puissance romaine. En effet,Pompée, vaincu parJules César à labataille de Pharsale à l'été 48 avant notre ère, tente de trouver refuge en Égypte.Pompée a en effet été le protecteur dePtolémée XII, le père de Cléopâtre et dePtolémée XIII dont il se considère comme le tuteur[29].Ptolémée XIII et Cléopâtre auraient d'ailleurs aidé Pompée par l'envoi d'une flotte de soixante navires[30]. Mais le jeune roiPtolémée XIII et ses conseillers jugent sa cause perdue et pensent s'attirer les bonnes grâces du vainqueur en faisant assassiner Pompée à peine a-t-il posé le pied sur le sol égyptien, près dePéluse, le, sous les yeux de son entourage[25].
César, qui débarque deux jours plus tard, est en apparence furieux de ce lâche forfait et n'éprouve pour le pharaon que mépris, car ce n'est pas son adversaire qu'on a lâchement frappé dans le dos mais Rome elle-même[25]. Il fait enterrer la tête de Pompée dans le bosquet deNémésis en bordure du mur est de l'enceinte d'Alexandrie. Pour autant, la mort de Pompée est une aubaine pour César qui tente par ailleurs de profiter des querelles dynastiques pour annexer l'Égypte.
César renonce semble-t-il à ce moment à son projet d'annexion, préférant contracter une alliance. Peut-être est-ce à cause de la romance avec la reine de trente ans sa cadette ;Suétone affirme à ce propos que Cléopâtre est la plus grande passion de César[34], mais il écrit plus d'un siècle et demi après les faits. D'autres faits pourraient expliquer ce choix : les difficultés militaires rencontrées durant la guerre civile à Alexandrie au cours de l'hiver 48/47, ou encore son voyage « voluptueux » sur leNil jusqu'aux confins de laNubie[35],[e].
Il existe enfin un autre motif qui pourrait expliquer ce changement de politique. En cette période troublée (César n'a pas encore réduit les derniers partisans dePompée), un gouverneur d'Égypte ambitieux aurait pu affamer Rome en la privant du blé égyptien et s'en faire un tremplin pour ses ambitions politiques.Auguste, plus tard, interdit d'ailleurs auxsénateurs l'accès à l'Égypte afin d'éviter d'éventuelles tentations. Maintenir une dynastie discréditée tout en gardant le contrôle militaire du pays (trois légions romaines restent après le départ de César) est par conséquent la solution, peut-être provisoire dans l'esprit du conquérant, la plus commode.
Séjour à Rome
Cléopâtre épouse alors un autre de ses frères cadets,Ptolémée XIV, sur l'injonction deJules César[31]. Cependant, elle est la seule à détenir réellement le pouvoir (sous protectorat romain) et le protocole enregistre cette prépondérance en plaçant le nom de la reine en tête des actes officiels. Sa liaison avec César n'est un mystère pour personne. Ce dernier, cependant, doit bientôt quitter Alexandrie pour combattre le roi duPont,Pharnace II, puis les derniers partisans dePompée enAfrique. De retour àRome, il y convoque les souverainslagides en 46 avant notre ère. Les motifs de cette convocation sont imprécis. César, lui-même marié, âgé d'une cinquantaine d'années, souhaite-t-il retrouver sa maîtresse âgée, elle, d'une vingtaine d'années, qu'il loge dans sa propriété de la rive droite duTibre ? Veut-il impressionner par l'éclat des quatretriomphes qu'il célèbre durant l'été 46 ? A-t-il comme objectif de montrer ce qu'il en coûte de se révolter contre Rome en faisant figurer dans son triomphe la sœur de Cléopâtre et dePtolémée XIV,Arsinoé, qui s'est fait reconnaître reine par les troupes dePtolémée XIII ? Souhaite-t-il garder en otage les deux souverains d'un État dont les ressources en blé sont vitales à Rome ?Suétone affirme dans ce sens que César préfère maintenir deux souverains fantoches à la tête de l'Égypte plutôt que d'en faire uneprovince où un gouverneur audacieux serait en position d'affamer Rome, très dépendante de ses importations de blé égyptien[36]. Toujours est-il que l'Égypte est administrée pendant ce temps par les officiers de ses troupes restés àAlexandrie.
Ce séjour de deux ans à Rome reste méconnu. En fait, il y a deux séjours : un premier dans la villa duTrastevere de César, puis, après un bref retour en Égypte, un second, probablement dans les anciens jardins appartenant à son amie Claudia, la femme deCatulle[37]. Le seul geste officiel de César en sa faveur est de faire placer une statue dorée de la reine dans le sanctuaire deVénusGenetrix[38], ancêtre mythique de lagens Iulia dont il est issu. Il est cependant attesté qu'elle a rencontré de nombreux hommes politiques romains dontCicéron qui n'hésite pas à écrire àAtticus : « Je déteste la reine ![39] »
Aux yeux de la morale romaine, Cléopâtre reste la prostituée de César. Même si elle est reine ou déesse en sa demeure, elle incarne une conquête romaine ou une esclave qui ne doit pas offrir de descendance à César.Pline la surnommera même laregina meretrix, la « reine putain ». De nombreuses lampes à huile sont illustrées de scènes la caricaturant. On la voit ainsi s'accoupler avec un crocodile en tenant une palme de victoire[40].
Règne sans partage
Mort de Jules César
Imaginer que la présence de Cléopâtre à Rome s'explique par le rôle actif qu'elle y aurait joué et prêter à César l'intention de transporter àAlexandrie sa capitale (comme l'estimeSuétone) est excessif. Il paraît difficile d'imaginer César gouvernant l'Italie depuis l'Égypte alors que la situation politique demeure trouble. Dans son testament, il ne fait aucune allusion àCésarion, né de Cléopâtre[f] ; mais il fait d'Octave son héritier[41].Il est donc certain que César vivant est plus un obstacle au projet de restauration de la puissancelagide que nourrit Cléopâtre. Aussi sa mort est-elle une surprise mais aussi une chance que la reine tâche d'exploiter.[réf. nécessaire]
Début 44 avant notre ère, César est assassiné par une conjuration de sénateurs. Profitant de la situation confuse qui s'ensuit, Cléopâtre quitte alors Rome à la mi-avril, faisant escale en Grèce. Elle parvient à Alexandrie en juillet 44. Elle entreprend de rétablir l'autorité de l'Égypte surChypre, qui a été cédée à Rome parPtolémée XII en 59. À peine de retour dans son royaume, elle fait assassinerPtolémée XIV, à la fois monarque inutile et rival potentiel. La naissance de son fils lui assure un successeur éventuel et elle prend donc seule le titre de reine.
Cléopâtre, enfin seule reine d'Égypte, même si c'est officiellement au nom de son fils, est confrontée à des années difficiles. En 43 avant notre ère, une famine s'abat sur le pays, puis la crue duNil fait défaut deux années consécutives (42/41). Il semble que la reine se soit préoccupée essentiellement de l'approvisionnement d'Alexandrie, centre de son pouvoir mais prompte à la rébellion. De plus, il lui faut compter avec les quatrelégions romaines installées par son défunt amant, qui se livrent à des exactions jusqu'à leur départ en 43.
La guerre que se livrent les assassins de César,Cassius etBrutus, et ses héritiers,Octave etMarc Antoine, oblige la reine à des contorsions diplomatiques. En effet, Brutus tient laGrèce ainsi que l'Asie Mineure, tandis que Cassius s'installe enSyrie. Le gouverneur de Cléopâtre àChypre,Sérapion(en), vient en aide à Cassius, avec l'assentiment de la reine quels que soient les sentiments que lui inspire l'un des assassins de César. Sérapion est officiellement désavoué plus tard.
Dans le même temps, Cléopâtre envoie les quatre légions aux partisans de César (qui ont reconnu Césarion comme roi d'Égypte) qui luttent contre Cassius en Syrie. C'est aussi l'occasion pour elle de se débarrasser de l'occupation romaine. Mais la flotte qui les transporte est victime d'une tempête au large de laCyrénaïque et passe du côté de Cassius[42]. Cassius aurait envisagé de s'emparer d'Alexandrie quand le débarquement en Grèce d'Antoine et d'Octave l'oblige à renoncer à ses projets[43]. La reine se place finalement dans le camp des vainqueurs quand en 42 les républicains sont écrasés à labataille de Philippes.
Monnaie à l'effigie de Cléopâtre et de Marc Antoine.
Nous ignorons depuis quand Cléopâtre, âgée de 29 ans en 41 avant notre ère, et le général romain, qui a une quarantaine d'années, se connaissent.Marc Antoine est l'un des officiers qui ont participé au rétablissement dePtolémée XII en 55, mais il est peu probable qu'ils se soient fréquentés, Cléopâtre n'ayant à l'époque qu'une quinzaine d'années, même siAppien indique qu'Antoine a déjà remarqué la future reine[g]. Il n'existe aucun témoignage certain sur cette possible rencontre. Il est plus vraisemblable qu'ils se soient fréquentés lors du séjour à Rome de Cléopâtre. Pourtant, lors de leur rencontre en 41 avant notre ère, ils semblent assez mal se connaître.
Dans le partage du monde romain intervenu après l'écrasement des républicains, l'Orient est dévolu à Antoine dans le cadre duSecond triumvirat[44]. Il reprend alors le projet de César avant sa mort, c'est-à-dire une grande expédition contre lesParthes. Pour cela, il convoque les souverains des royaumes clients àTarse, enCilicie, y compris la reine d'Égypte[45],[h]. Celle-ci connaît au moins un des défauts de l'officier, sa vanité et son amour du faste, aussi arrive-t-elle dans un navire à la poupe dorée et aux voiles pourpres, siégeant sous undais d'or, entourée d'un équipage déguisé ennymphes,Néréides etAmours. Puis, elle invite Marc Antoine à son bord pour un somptueux banquet. Commence alors une liaison de dix ans, sans doute l'une des plus célèbres de l'Histoire, même s'il est difficile de savoir quelle est la part de calcul dans l'attitude d'Antoine, lequel a besoin de l'Égypte pour ses projets.
Dans un premier temps, Marc Antoine suit Cléopâtre àAlexandrie, où il passe l'hiver 41/40 avant notre ère, laissant son armée[46]. C'est à ce moment qu'une vaste offensive desParthes leur permet de s'emparer de laSyrie, du Sud de l'Asie Mineure, et de laCilicie.Antigone Mattathias, un prince de la famille desHasmonéens, hostile auxRomains, est installé sur le trône deJérusalem. Marc Antoine mène une courte contre-offensive depuisTyr puis est obligé de rentrer à Rome (été 40) où s'affrontent ses partisans et ceux d'Octave[i]. Il conclut avec ce dernier lapaix de Brindes en octobre 40 et épouse sa sœur,Octavie[j]. Pendant ce temps, àAlexandrie, Cléopâtre accouche dejumeaux : un garçon,Alexandre Hélios (« soleil »), et une fille,CléopâtreSéléné (« lune »).
La séparation dure trois ans, du printemps 40 à l'automne 37, et nous ne savons rien ou presque de l'action de la reine durant cette période. Au retour d'Antoine, les deux amants se retrouvent àAntioche à l'automne 37 ; celui-ci entame une politique nouvelle. Alors que ses officiers et ses alliés ont chassé les Parthes, il substitue là où c'est possible des États clients, qui lui sont fidèles, à une administration directe de Rome. C'est ainsi qu'Hérode devient roi deJudée avec l'appui direct d'Antoine. C'est un phénomène identique qui se déroule enGalatie, dans lePont et enCappadoce. Cléopâtre en tire un bénéfice immédiat puisqu'elle se voit confirmer la possession deChypre, qui est en fait effective depuis 44, mais aussi de villes de la côte syrienne, du royaume deChalcis, auLiban actuel, et de la côtecilicienne. Elle reconstitue ainsi une partie de lathalassocratie des premiers rois lagides.
En 37/36 avant notre ère,Marc Antoine entame une campagne contre lesParthes qui tourne au désastre, en grande partie dû à un hiver rigoureux dans les montagnes d'Arménie et d'Atropatène. Antoine lui-même en réchappe de peu. Cléopâtre est restée àAlexandrie pour accoucher du troisième enfant du couple,PtoléméePhiladelphe. Nous ignorons si c'est en 37, au retour de cette expédition, que Cléopâtre et Antoine se marient, ou en 34 lors dutriomphe célébré à Alexandrie.Eutrope fixe le mariage avant l'expédition contre les Parthes[47]. Nous n'en connaissons même pas le fondement légal, mais s'il s'agit du droit pharaonique, ce qui semble probable, ce mariage est considéré comme nul par ledroit romain. Toujours est-il que la relation entre Cléopâtre et Antoine fut longue de onze ans (de leur rencontre en 41 à 30, à la mort d'Antoine).
Après 37,Octave commence à voir dans l'alliance entre Antoine et Cléopâtre une menace. Il envoie sa sœurOctavie, la femme légitime d'Antoine et la mère de ses deux filles,Antonia l'Aînée (la future grand-mère deNéron) etAntonia la Jeune (future mère deGermanicus et deClaude), rejoindre son mari au début du printemps 35. Antoine ordonne à sa femme, lorsque celle-ci parvient àAthènes, de rebrousser chemin. Octavie, sans montrer extérieurement le moindre signe de contrariété, ordonne aux troupes qui l'accompagnent, des renforts de son frère pour son époux, de poursuivre leur chemin vers Alexandrie.
Antoine projette en effet de faire oublier son échec contre les Parthes et lance en 35 une seconde expédition plus chanceuse. L'Arménie et laMédie font acte d'allégeance et Antoine célèbre un triomphe, non à Rome, mais à Alexandrie, pour lequel Cléopâtre et ses enfants sont associés. Plus tard,Césarion est proclaméroi des rois sous le nom dePtolémée XV,Alexandre Hélios reçoit en partage l'Arménie et les terres au-delà de l'Euphrate,PtoléméePhiladelphe, quant à lui, se voit confier, nominativement car il a environ deux ans, laSyrie et l'Anatolie. Enfin,CléopâtreSéléné se retrouve à la tête de laCyrénaïque. Il semble que le caractère hasardeux et chimérique de ces projets grandioses (une partie non négligeable de ces royaumes ne sont pas réellement sous le contrôle de Marc Antoine) n'échappe pas à Cléopâtre qui se contente plus prosaïquement de réclamer à son amant, en vain, laJudée.
Les relations avecOctave s'enveniment de nouveau en 32 avant notre ère et l'affrontement devient inévitable. Nul doute qu'Octave craintMarc Antoine et sa popularité, encore forte auSénat, mais le triomphe d'Antoine en 35[48] et la désignation dePtolémée XVCésarion commeroi des rois lui font envisager un danger plus vaste encore. Après tout, ce jeune homme est le seul fils deCésar, et il pourrait un jour lui venir l'idée, si les circonstances s'y prêtent, de venir réclamer sonhéritage paternel. Aussi, Octave va s'employer à dénigrer par tous les moyens Marc Antoine et surtout Cléopâtre,l'Égyptienne, celle qui le tient sous ses charmes et qui l'oblige à des abandons qu'Octave estime désastreux pourRome. La plupart de ces accusations sont de mauvaise foi et de la propagande auprès de l'opinion publique romaine mais sont aussi pour beaucoup à l'origine de la « légende noire » de Cléopâtre chez nombre d'auteurs antiques commeSénèque. Ainsi, ce dernier écrit[49] :« Cet Antoine qui était un grand homme, une belle intelligence, qui est-ce qui l'a perdu en le faisant passer sous l'empire de mœurs étrangères, de vices qu'ignorait le Romain ? Son ivrognerie et son amour pour Cléopâtre qui égalait sa passion pour le vin. »Pline évoque Cléopâtre comme« une putain couronnée » dans l'Histoire naturelle. Cléopâtre est rendue responsable de la guerre et la propagande d'Octave n'hésite pas à affirmer qu'elle souhaite régner sur Rome[50].
La guerre voit l'Égypte fournir une part importante de l'effort de guerre (plus de 200 trières), de même que les royaumes alliés, à l'exception notable de l'habileHérode qui, visiblement, fait le pari d'une victoire d'Octave, la reine d'Égypte souhaitant annexer son royaume. Mais Marc Antoine, alors qu'il dispose des troupes les plus aguerries et de la supériorité numérique[51], mène la guerre en dépit du bon sens, sans énergie, et, alors qu'Octave peine à constituer son armée, l'inaction d'Antoine lui donne le temps de s'organiser. De plus, l'implication de Cléopâtre dans le conflit est mal perçue par les officiers qui entourent Antoine, en particulier les anciens républicains, assassins de César, ralliés à lui. Ainsi,Domitius Ahenobarbus refuse absolument de saluer Cléopâtre de son titre de reine et finit par faire défection[52]. Cette hostilité viscérale de certains Romains à la monarchie éloigne d'Antoine de nombreux hommes de valeur ; elle n'est pas comprise par les historiens de culture grecque des siècles suivants, qui ne font guère de différence entre ladictature de César, letriumvirat et le principe monarchique dans d'autres États. Ainsi, Appien écrit[53] :« La différence ne se trouve que dans les mots, en pratique le dictateur n'était ni plus ni moins qu'un roi. » Cléopâtre connaît d'ailleurs cette hostilité et ne quitte pas Marc Antoine de toute la préparation du conflit. Elle est présente àÉphèse, àAthènes puis àPatras. Plus lucide que les officiers d'Antoine, elle comprend fort bien qu'Octave ne la dénonce que pour mieux miner le prestige d'Antoine encore important au Sénat[1].
Octave n'est pas un grand chef de guerre, mais il s'appuie surAgrippa, un officier compétent qui lui donne rapidement l'avantage. Lorsque éclate labataille navale d'Actium (), Cléopâtre anticipe rapidement l'issue finale de la guerre et rompt le combat avec sa flotte. Cette fuite, seul moyen de sauver ce qui peut l'être, est évidemment exploitée par Octave auprès des officiers et des hommes d'Antoine dont beaucoup changent d'allégeance.
Les derniers mois de son règne sont assez méconnus. Antoine retourne en Égypte et ne prend pratiquement aucune mesure pour lutter contre l'avancée de plus en plus triomphale d'Octave. Il consume ses forces en banquets, beuveries et fêtes somptueuses sans se soucier de la situation. Il semble que Cléopâtre ait surtout cherché à mettreCésarion à l'abri en l'expédiant àMéroé enNubie.
Vers août 30 avant notre ère, Octave arrive àAlexandrie. À la fausse annonce du suicide de Cléopâtre,Marc Antoine met fin à ses jours en se jetant sur son épée. Mourant, il est transporté par Cléopâtre dans son propre tombeau. Celle-ci est conduite devant Octave, qui la laisse se retirer avec ses servantes. Cette attitude est curieuse de la part du futurAuguste car il semble ne prendre aucune précaution pour prévenir un suicide de la reine ; il a pourtant besoin d'elle pour figurer à son triomphe. Craint-il qu'à l'instar de sa sœurArsinoé, figurant au triomphe deJules César en 46, elle n'inspire auxRomains que compassion plutôt que haine[k] ? Il n'est pas impossible qu'Octave ait espéré le suicide de Cléopâtre, qui peut passer pour un témoignage supplémentaire de lâcheté, accréditant la thèse défendue par sa propre propagande.Suétone affirme au contraire qu'Octave souhaitait maintenir la reine en vie et qu'il aurait tenté de la faire sauver[54].
Plutarque dresse un récit saisissant et mélodramatique du suicide de la reine[55], inspiré d'Olympos, le médecin personnel de Cléopâtre, qui aurait publié un récit des événements : avec ses deux plus fidèles servantes, Iras etCharmion, Cléopâtre se donne la mort, le[56], en se faisant porter un panier defigues contenant un ou deux serpents venimeux. Cette version est la plus courante[57].
Pour certains historiens, ce serait une nouvelle preuve de l'attachement de la reine aux traditions égyptiennes car la morsure de l'uræus, le cobra d'Amon-Rê, passe pour conférer l'immortalité et la divinité à sa victime[58]. D'autres historiens, comme Marcel Le Glay, ont souligné les invraisemblances de ce récit qui serait un nouvel avatar de la propagande octavienne, car d'après eux, un serpent lâche tout son venin à la première morsure ; deux cobras ne pourraient donc tuer trois personnes[59]. Cependant, cette hypothèse se heurte au fait que les serpents contrôlent l'injection de leur venin, un seul cobra pouvant parfaitement tuer trois personnes[60],[61]. Ces historiens estiment dès lors qu'Octave aurait fait exécuter Cléopâtre.
Des historiens continuent de croire en la thèse du poison, déjà évoquée parStrabon qui évoque une pommade toxique qu'elle se serait appliquée[62]. Le poison le plus connu à l'époque est en effet un mélange d'opium, deciguë et d'aconitum, peut-être placé dans une épingle à cheveux maintenant le diadème souvent orné d'un doubleuræus, d'où la quiétude décrite sur le visage cadavérique de la reine et la confusion avec les cobras[63].
SiCésarion est exécuté sur ordre d'Octave, les trois autres enfants d'Antoine et Cléopâtre sont emmenés à Rome (ils sont exposés lors dutriomphe d'Octave) et élevés parOctavie, restée fidèle à la mémoire de son époux, Marc Antoine.CléopâtreSéléné épouse plus tard le roi et savantberbèreJuba II deMaurétanie[l], orphelin de guerre élevé à Rome, comme elle, ce à quoi nous devons le buste deCherchell qui représente Cléopâtre. On ignore ce que deviennentAlexandre Hélios etPtolémée Philadelphe, qui ont peut-être survécu dans l'ombre.
Marc Antoine ayant demandé dans son testament d'être enseveli avec Cléopâtre,Octave autorise une inhumation double pour les amants mais sans préciser le lieu exact de leur sépulture. La découverte de leur tombeau constituerait un événement archéologique sans précédent, du même niveau que l'exhumation de la tombe deToutânkhamon parHoward Carter en 1922. Selon l'égyptologueZahi Hawass, directeur duConseil suprême des Antiquités égyptiennes, ce tombeau pourrait se situer àSemoha(en), dans la banlieue d'Alexandrie, où une fouille en 2003 suggère une association possible entre le mausolée de Cléopâtre et untemple d'Isis[64]. Depuis 2006, les recherches se concentrent àTaposiris Magna, à une quarantaine de kilomètres à l'ouest d'Alexandrie, où plusieurscampagnes de fouilles du temple ont notamment mis en évidence un cimetière et vingt-deux pièces en bronze frappées du profil de Cléopâtre[65].
Œuvre politique
L'Égyptienne
Bien que l'appellation d'« Égyptienne » soit héritée de la propagandeaugustéenne, Cléopâtre s'est efforcée de renouer avec les traditions séculaires de l'Égypte pharaonique et de s'accommoder avec son peuple. Elle est en effet la seule souveraine qui ait tenté véritablement de rallier les gens de lachôra (la « province » par opposition à la capitale), sachant qu'elle reste peu populaire àAlexandrie, surtout depuis le passage deJules César. Les indigènes ne se sont guère révoltés durant son règne alors que le royaume connaît une grave crise d'approvisionnement en 42 avant notre ère et que les taxes royales restent toujours aussi élevées, comme en témoignent les importants revenus versés àMarc Antoine[66].
Elle assume des rituels pharaoniques que ses prédécesseurs ont négligés. Elle adopte notamment le rituel traditionnel pour la naissance dePtolémée-Césarion-Horus, fils deCésar-Amon et de Cléopâtre-Isis. Elle s'appuie par ailleurs sur les indigènes égyptiens pour assurer les droits de Césarion à la succession[67]. Elle est aussi la seule de sa dynastie à parler l'égyptien. Elle protège en outre la populationjuive pour qui le règne de Cléopâtre s'avère une période propice. De nombreux témoignages montrent l'attitude favorable de Cléopâtre envers les Juifs. Vers 30 avant notre ère, elle confirme par exemple unédit remontant àPtolémée IIPhiladelphe qui accorde des privilèges à certainessynagogues[68].
La royauté semble pour elle moins un patrimoine que l'on dilapide qu'une « patrie » que l'on dirige ; ce simple fait la distingue des derniers souverains de la dynastie lagide emportés dans d'inextricables querelles dynastiques et en butte à de nombreuses révoltes.
La dernière des Lagides
Cléopâtre connaît les pesanteurs qui paralysent leroyaume lagide, l'instabilité et la précarité qui le caractérisent ; elle estime dès lors queRome peut assurer la pérennité de la dynastie. Elle a donc tenté de persuader César (sans grand succès semble-t-il) puis Antoine (avec plus de réussite au départ) qu'une alliance est préférable à une colonisation. Si elle s'implique autant dans les aléas de la politique romaine, et cherche à utiliser sa puissance, c'est bien pour affermir son pouvoir et sortir son pays de la décadence, tout en maintenant son indépendance.
Tous les noms de sa titulature proviennent de la représentation de la naissance dePtolémée XV sur le temple d'Hermonthis au sud deThèbes. Lesnoms d'Horus sont suivis par descartouches la désignant sous l'épithète dePhilopator (« Qui aime son père »)[70].
La Vénus Esquilin, une statue romaine ou hellénistique-égyptienne de Vénus (Aphrodite), qui peut être une représentation de Cléopâtre VII,musées du Capitole, Rome.
Iconographie
Les représentations de Cléopâtre appartiennent à deux traditions distinctes, grecque ou égyptienne. Les images grecques nous montrent la reine vêtue duchiton et de l'himation et coiffée du bandeau plat (diadéma, bandeau dit royal mais présent sur des effigies non royales) des souverains hellénistiques[71]. Les traits du visage se veulent réalistes : visage ovale, pommettes hautes, nez busqué imposant ; cheveux coiffés en chignon et chevelure entortillée en « côtes de melon »[m] (tête en marbre duVatican, tête en marbre deBerlin). À l'inverse, l'iconographie égyptienne n'est pas du tout réaliste : il s'agit de faire apparaître Cléopâtre comme une souveraine pharaonique traditionnelle, notamment sur les bas-reliefs des temples deDendérah,Coptos etHermonthis. L'égyptologiste Sally-Ann Ashton a identifié six statues ou fragments de statues qui pourraient représenter Cléopâtre en reine égyptienne[72]. La plus célèbre est conservée aumusée de l'Ermitage àSaint-Pétersbourg. Cette sculpture en basalte figure Cléopâtre, coiffée d'une lourde perruque, sous les traits de son ancêtre,Arsinoé II divinisée, dont elle reprend le motif de la doublecorne d'abondance. Mais les trois cobras qui se dressent au-dessus de son front pourraient être une caractéristique de la dernière reine lagide.
Numismatique
Monnaie à l'effigie de Cléopâtre, avec au revers un aigle tenant un éclair et l'inscriptionΒΑΣΙΛΙΣΣΗΣ ΚΛΕΟΠΑΤΡΑΣ /Basilissēs Kleopatras.
Les monnaies de Cléopâtre appartiennent à l'iconographie grecque. Dix-neuf types monétaires différents ont été publiés[73]. Ils ont été frappés àAlexandrie,Chypre,Cyrène et dans divers ateliers du Proche-Orient actuel (Ascalon,Chalcis du Liban,Damas,Tripoli,Dora,Orthosia(en)). Ces monnaies sont datées de l'ère royale d'Alexandrie qui débute en 52/51 avant notre ère pour Cléopâtre, ou bien de l'ère dite de laThéa néôtéra (« Déesse nouvelle »), une épithète divine prise en 36. Parfois, les deux ères apparaissent conjointement. L'une des innovations majeures du monnayage de Cléopâtre est aussi d'avoir, pour la première fois, fait apparaître la valeur fiduciaire de la monnaie, au revers des pièces de bronzes. Il s'agit, par cette mesure très habile, d'enrayer l'inflation du bronze par rapport à l'argent.
Plutarque l'évoque dans lesVies parallèles des hommes illustres (César,Antoine,Auguste).
Blaise Pascal, dans lesPensées, affirme :« Lenez de Cléopâtre, s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé »[76]. Cette pensée est parodiée parIsidore Ducasse dans sesPoésies en 1870 : « Si la morale de Cléopâtre eût été moins courte, la face de la terre aurait changé. Son nez n'en serait pas devenu plus long. »
Édité en France en trois tomes :La Fille d'Isis,Sous le signe d'Aphrodite etLa Morsure du serpent. Cette œuvre retrace la vie de la reine, de son enfance à sa mort.
Irène Frain,Cléopâtre, l'Inimitable, Fayard, 1998 ; rééd. Le Livre de poche, 1999.
Emmanuelle Dupal,Princesse Cléo, Les Éditeurs réunis, 2011.
Cette série de romans jeunesse illustre les aventures fantastiques de la jeune Cléopâtre, adolescente fougueuse et déterminée à protéger son père, Ptolémée XII.
La reine d'Égypte a donné lieu à de très nombreuses représentations. Ainsi, entre 1540 et 1905, elle a inspiré cinq ballets, 45 opéras et 77 pièces de théâtre en plus des sept films delong métrage tournés.
Cleopatra e Cesare est un opéra du compositeur allemandCarl Heinrich Graun, composé en 1742.
Cléopâtre est un opéra en quatre actes deJules Massenet sur un livret de Louis Payen. L'œuvre fut créée à l'opéra de Monte-Carlo le, presque deux ans après la mort du compositeur.
La Gondole est une longue chanson du compositeur et chanteur égyptienMohammed Abdel Wahab. Poème en langue arabe d'Ali Mahmoud Taha.
Frank Ocean, dans sa chansonPyramids, utilise l'image de Cléopâtre. Il narre dans une première partie l'histoire tragique de celle-ci. Dans une seconde partie, il décrit plutôt une « Cléopâtre des temps modernes »[77].
Katy Perry jouant le rôle de Cléopâtre sous un décor égyptien dans son clipDark Horse, sorti en 2014.
Le second album du groupeThe Lumineers, sorti en 2016, se nommeCleopatra.
Linda Cristal est la reine d'Égypte dansLes Légions de Cléopâtre (1959), deVittorio Cottafavi, qui fait revivre les derniers mois de l'existence de Cléopâtre et d'Antoine, retranchés à Alexandrie après la défaite d'Actium.
Néanmoins, l'actrice qui a incarné Cléopâtre pour des générations de cinéphiles estElizabeth Taylor dans le filmCléopâtre deJoseph L. Mankiewicz, sorti en1963, avecRex Harrison dans le rôle de Jules César et surtoutRichard Burton dans celui d'Antoine. La qualité du scénario et de l'interprétation, la médiatisation de la star et des soixante-quatre robes qu'elle porte à l'écran, sans compter ses amours avec Richard Burton ni la quasi-faillite de laFox entraînée par ce film extrêmement coûteux, associent étroitement et pour longtemps encore le visage de l'actrice et celui de la reine d'Égypte.
Le personnage de Cléopâtre apparaît également dans quelques filmspornographiques, souvent interprété par des actrices dont l'apparence physique rappelle celle d'Elizabeth Taylor.
Cléopâtre est aussi présente dans la sérieRome, où elle a les traits deLyndsey Marshal, qui campe un personnage autoritaire et prêt à tout pour sauver son royaume. Son amour pour Antoine y est passionnel, même si elle le manipule en vue de parvenir à ses fins.
En 2020, Cléopâtre est le personnage principal de la série d'animationCléopâtre dans l'espace de Tidwell Scooter et Thiessen Jayson, où elle se retrouve transportée 30 000 ans dans le futur sur une planète aux influences égyptiennes, dirigée par des chats qui parlent, et où elle apprend qu'elle est la sauveuse d'une galaxie.
Documentaires
1998 :The Real Cleopatra - The Great Egyptians réalisé par Peter Spry.
2010 :Cléopâtre, portrait d'une tueuse réalisé par Paul Elston.
↑DansCléopâtre : Un rêve de puissance (2018),Maurice Sartre fait remarquer que le titre employé à l'époque hellénistique se traduit simplement par « Reine Cléopâtre », sans connotation territoriale.
↑On peut objecter que Cléopâtre ne serait pas une bâtarde, puisque née d'un second mariage avec une Égyptienne.
↑Le chef de la cavalerie de ce dernier est un certainMarc Antoine dontAppien nous affirme qu'il ne reste pas indifférent à la future reine d'Égypte alors âgée de treize ou quatorze ans (Appien,V,I).
↑Plutarque écrit :« Et de fait, on dit que sa beauté en elle-même n'était pas incomparable ni propre à émerveiller ceux qui la voyaient, mais son commerce familier avait un attrait irrésistible, et l'aspect de sa personne, joint à sa conversation séduisante et à la Grâce naturelle répandue dans ses paroles, portait en soi une sorte d'aiguillon. Quand elle parlait, le son même de sa voix donnait du plaisir. Sa langue était comme un instrument à plusieurs cordes dont elle jouait aisément dans le dialecte qu'elle voulait, car il y avait très peu de barbares avec qui elle eût besoin d'interprète : elle répondait sans aide à la plupart d'entre eux, par exemple auxÉthiopiens, auxTroglodytes, auxHébreux, auxArabes, auxSyriens, auxMèdes et auxParthes. On dit qu'elle savait encore plusieurs autres langues, tandis que les rois ses prédécesseurs n'avaient pas même pris la peine d'apprendre l'égyptien et que même quelques-uns avaient oublié le macédonien. » (Plutarque,Vie des hommes illustres, « Antoine »).
↑Ce voyage n'est pas qu'une escapade amoureuse, c'est aussi l'exploration d'un pays.
↑L'officier que Marc-Antoine envoie à Alexandrie pour convoquer Cléopâtre estQuintus Dellius. Il trahit Antoine à la veille d'Actium et passe du côté d'Octave avec tous les documents d'état-major de son général. Il a laissé un livre, aujourd'hui perdu, mais quePlutarque a largement consulté.
↑Plutarque (Vie d'Antoine, 30) affirme que ces troubles sont l'œuvre de Fulvie (première épouse d'Antoine) et du frère d'Antoine afin d'obliger celui-ci à quitter la reine d'Égypte.
↑Fulvie, sa femme, est morte opportunément quelque temps plus tôt.
↑Thèse de l'historien Michel Chauveau dansL'Égypte au temps de Cléopâtre (1997) etCléopâtre au-delà du mythe (1998).
↑Il est l'arrière-petit-neveu d'un autre grand adversaire de Rome, le roinumideJugurtha.
↑Double série de mèches torsadées partant des tempes et réunies en chignon à l'arrière de la tête.
La version du 7 novembre 2007 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.