| 9 thermidor an II (27 juillet 1794) | LaConvention nationale renverse et arrêteMaximilien de Robespierre,Georges Couthon,Joseph Le Bas,Augustin de Robespierre,Louis Antoine de Saint-Just... mettant fin au pouvoir desjacobins. |
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Lachute de Robespierre est consécutive à une série d'événements qui se sont déroulés du8 thermidor anII () vers midi, au10 thermidor (). Ils marquent la fin de la période que l’on a,a posteriori, appelée laTerreur.
Cet événement est dénommé 9 Thermidor (27 juillet), correspondant au jour de l'arrestation deRobespierre à laConvention nationale, et ouvre la période dite de laConvention thermidorienne[2].
Événement central de laRévolution française, le 9 Thermidor marque la rupture entre le gouvernement d’exception et la phase thermidorienne de la Convention.

À laConvention, le8 thermidor anII, vers midi,Robespierre monte à la tribune et lit son discours. Il commence par se justifier sur la manière dont est appliquée laloi du 22 prairial. Il revendique sa part de responsabilité dans le système de laTerreur, tout en rejetant ses excès sur ses adversaires — notamment — sans les nommer[2] — les représentants qu’il a fait rappeler de mission :Carrier,Fouché,Barras,Fréron etTallien. Il s’indigne des listes de proscription qu’on lui attribue, puis répond à ceux qui l’accusent detyrannie.
Robespierre retrace ensuite les différentes phases de l’attaque menée contre lui et désigne ses ennemis par des allusions transparentes : les anciensreprésentants en mission qu’il a rappelés, plusieurs membres duComité de sûreté générale qui sabotent selon lui l’action du gouvernement, et enfin certains membres duComité de salut public. Le seul dont Robespierre prononce le nom estCambon, responsable de laTrésorerie nationale. Robespierre propose alors d’« épurer » le Comité de salut public et de rétablir l’unité du gouvernement sous l’autorité de la Convention nationale. Mais la conclusion de son discours, selon l’historienne Françoise Brunel, « revêt une évidence tragique et (…) suicidaire », comme si « le retour à la centralité démocratique paraissait impossible, vain l’appel à la Convention, irréalisable la démocratie, perdue la Révolution »[3]. Il achève sa harangue par ces mots :« Je suis fait pour combattre le crime, non pour le gouverner. Le temps n’est point arrivé où les hommes de bien peuvent servir impunément la patrie ; les défenseurs de la liberté ne seront que des proscrits tant que la horde des fripons dominera[4]. »
À la fin de son intervention,Lecointre demande l’impression du discours.Bourdon de l’Oise s’y oppose et réclame le renvoi du texte aux Comités avant toute impression.Barère insiste pour l’impression, etCouthon propose un amendement : l’envoi du discours à toutes les communes de France. La Convention adopte sa proposition.
C’est alors queCambon s’élance à la tribune pour répondre à Robespierre, ayant été le seul cité nommément. Il défend sa gestion des finances et s’écrie :« Il est temps de dire la vérité tout entière : un seul paralysait la volonté de la Convention nationale ; cet homme est celui qui vient de faire le discours, c’est Robespierre ; ainsi, jugez. » Ses paroles provoquent des applaudissements nourris et changent le ton du débat. L’opposition exige immédiatement l’ajournement de l’envoi du discours aux communes.Thirion demande la révocation du décret d’impression, qui est adoptée. Le discours sera imprimé, mais non diffusé dans les communes de la République[5]. Robespierre ne trouve alors qu’une seule voix pour le soutenir, celle de Couthon. Cet affrontement entre Robespierre et Cambon illustra la rupture entre la morale politique révolutionnaire — fondée sur la vertu et la suspicion — et la logique administrative et budgétaire d’un gouvernement républicain cherchant à restaurer l’équilibre financier et la stabilité des institutions.

Robespierre se rend le soir auxJacobins avec Couthon.Collot d'Herbois etBillaud-Varenne l’ont devancé et demandent la parole, c’est Robespierre qui l’obtient. Il relit son discours prononcé à la Convention et termine par cette péroraison[6] :
« Frères et amis, c’est mon testament de mort que vous venez d’entendre. Mes ennemis, ou plutôt ceux de la République sont tellement puissants et tellement nombreux que je ne puis me flatter d’échapper longtemps à leurs coups. C’en est assez pour moi, mais ce n’est pas assez pour la chose publique. Vous contenterez-vous de me plaindre ? Ne saurez-vous pas me défendre ou me venger ? La Convention a voulu vous humilier aujourd’hui par un insolent décret. Héros du 31 mai et toi braveHanriot, avez-vous oublié le chemin de la Convention ? …Si vous me secondez les traîtres auront subi dans quelques jours le sort de leurs devanciers. Si vous m’abandonnez, vous verrez avec quel calme je saurai boire laciguë… »
Les Jacobins l’acclament.Couthon propose que le club chasse de son sein tous les membres des comités qui ont voté à la Convention contre le discours de Robespierre et il en donne la liste. L'exclusion est votée, et ceux qui sont présents à la séance sont expulsés, frappés de coups et insultés[7]. Collot d'Herbois demande la parole et monte à la tribune, mais le vacarme l’empêche de parler, Billaud-Varenne réclame avec énergie la parole, inutilement. Ils sont chassés de la salle sous les huées et les cris « À laguillotine ! ».
Face à Robespierre se forme alors une vaste coalition menée par Billaud, Collot,Vadier, Amar et Lecointre, rejoints par quelqueshébertistes etdantonistes. Robespierre est soutenu par le club des Jacobins, l’état-major de laGarde nationale dirigé parHanriot, laCommune avecFleuriot-Lescot etPayan, certains membres duTribunal et de la justice, avecHerman,Dumas etCoffinhal.
Robespierre espère ressaisir la majorité parlementaire à la Convention le lendemain. Il ne croit pas possible que ses ennemis puissent entraîner l'Assemblée[8].

Dans la salle des délibérations du Comité, au premier étage dupavillon de l’Égalité,Saint-Just, arrivé depuis huit heures, rédige un discours qu’il doit prononcer le lendemain, destiné à apaiser les passions qui agitent la Convention ébranlée par le discours de Robespierre. Revenus au Comité,Billaud-Varenne etCollot d'Herbois l'apostrophent, voulant lui faire avouer qu’il prépare leur acte d’accusation. Saint-Just s’engage alors à leur soumettre son discours.
Craignant une insurrection de la Commune, Barère fait convoquer le maire Fleuriot-Lescot et Payan. Billaud veut faire arrêter les deux hommes. Saint-Just s’y oppose. Pendant quatre heures de suite, on les retient dans l’espoir de désorganiser les préparatifs d’une éventuelle insurrection puis on les laisse partir. Au lever du jour, Saint-Just quitte le Comité en promettant de revenir lire son rapport vers dix heures. Dans la matinée, Barère, Billaud, Collot et Carnot attendent Saint-Just. À dix heures, Collot va présider la séance de la Convention. Vers midi se présente un huissier porteur d’un billet de Saint-Just :« L’injustice a fermé mon cœur ; je vais l’ouvrir tout entier à la Convention nationale ». Barère, Billaud et Carnot se précipitent à la Convention.
Les opposants à Robespierre se mobilisent, sans qu’on puisse parler d’une véritable « conspiration » organisée[9].Le rôle de Barras et de Tallien, directement visés par le discours du 8 thermidor, est déterminant. D’anciens représentants en mission rappelés à Paris, comme Lebon ou Carrier, partagent cette hostilité sans participer à l’organisation de la chute.
Dans la nuit, plusieurs députés cherchent à rallier des membres influents dePlaine en promettant un retour à la légalité républicaine. L’adhésion prudente de Carnot et de Barère rassure les indécis et garantit l’appui parlementaire nécessaire[10].
Neuf membres des Comités de salut public et de sûreté générale se réunissent ensuite en secret et conviennent qu’il faut en finir. Selon Barras, « nous devions tous mourir s’il ne mourait pas ». Il s’agit moins d’un accord politique que d’une convergence de peurs, de rancunes et de réflexes de survie.
La Convention avait perdu près de 140 députés en treize mois — exécutés, suicidés ou morts en prison —, ce qui contribua à installer un climat de méfiance généralisée[11].Dans ce contexte d’épuisement politique, les deux tendances ennemies, indulgents et exagérés, finirent par s’unir contre Robespierre.
Laurent Lecointre joue un rôle moteur : il contacte successivementLindet le 6 thermidor, puisVadier le 7. Autour de lui se regroupent Barère, Barras, Tallien,Fréron, Thuriot,Courtois,Rovère,Garnier de l’Aube etGuffroy, qui préparent chacun leur intervention pour la séance du lendemain.
Ils conviennent de faire arrêter d’abordHanriot et ses aides de camp,Dumas, la familleDuplay et l’imprimeur Charles-Léopold Nicolas, afin d’isoler Robespierre de ses soutiens immédiats[12].

La séance s’ouvre en fin de matinée. Vers midi, Saint-Just se présente à la tribune pour lire le rapport confié la veille par les Comités. Contrairement aux usages, iln’avait soumis son texte ni au Comité de salut public ni au Comité de sûreté générale, ce qui est immédiatement perçu comme un acte de défiance par Billaud-Varenne, Collot d’Herbois et Carnot[13].
Ses premières phrases provoquent une protestation générale ; il s’interrompt et reste silencieux, incapable de reprendre. Plusieurs témoins ont vu dans cette hésitation le moment où l’Assemblée bascula[14].
Robespierre tente alors de se faire entendre. Il est hué et se dirige vers les bancs de gauche ; on lui crie : « Condorcet siégeait là ! » L’allusion — assimilant Robespierre à un aspirant dictateur — le réduit au silence. Les interruptions se multiplient et la Convention refuse désormais de lui accorder la parole[15].
La tension atteint son comble. Le montagnardLouis Louchet demande un décret d’arrestation contre Robespierre, adopté sans opposition. Sur leur demande, l’arrêt touche également Augustin Robespierre, Couthon, Saint-Just et Le Bas. Sur proposition des Comités, un second décret étend la mesure à plusieurs de leurs principaux soutiens administratifs.
En milieu d’après-midi, les cinq députés arrêtés sont conduits au Comité de sûreté générale. Ils sont ensuite dispersés dans différentes prisons de Paris, (Luxembourg, La Bourbe, Écossais, La Force), comme il était d’usage pour les arrestations jugées sensibles.Le transfert s’effectue dans une grande confusion administrative : la Convention, la Commune et les autorités policières agissent sans coordination claire[16].


Lorsque l’arrestation de Robespierre est annoncée vers dix-sept heures, laCommune réagit immédiatement : elle convoque son conseil général à l’Hôtel de Ville, vote une motion d’insurrection, ordonne la sonnerie dutocsin et intime aux concierges des prisons de refuser tout nouveau détenu. L’objectif est clair : empêcher l’emprisonnement des députés proscrits par la Convention.
Le général de laGarde nationale,François Hanriot, reçoit l’ordre de secourir les cinq députés arrêtés. Peu après son départ, il est neutralisé auxTuileries pour les délivrer, mais, dans la confusion, il est neutralisé par les gendarmes et enfermé dans la même salle qu’eux. Cet épisode prive la Commune de son chef effectif au moment décisif.
Pendant ce temps, les cinq députés sont dispersés dans différentes prisons. Les récits tardifs d’un refus d’écrouer Robespierre auLuxembourg étant incertains et contradictoires, la plupart des historiens modernes insistent surtout sur la désorganisation générale et l’absence de commandement effectif.
Les sections armées, convoquées par la Commune, ne se mobilisent que très partiellement. Faute d’ordres clairs, de vivres et d’un commandement reconnu, leur rassemblement se disloque au fil de la soirée, laissant la Commune isolée.
Malgré l’appel de la Commune, les forces populaires concentrées sur laplace de Grève — 2 000 à 3 000 sans-culottes, appuyés par une trentaine de canons — restent inactives. L’absence de chefs, l’arrestation de Hanriot et les hésitations du Comité d’exécution paralysent l’insurrection. Soumis aux émissaires de la Convention ou gagnés par le découragement, les détachements venus des sections commencent à refluer vers leurs quartiers.
« À10 heures du soir, presque toutes les sections étaient massées devant la Commune ; à2 heures du matin, c’était l’inverse », résumeAlbert Mathiez, décrivant ce basculement progressif[17].
Consciente de l’évolution défavorable, la Commune envoie à plusieurs reprises un billet pressant à Robespierre afin qu’il vienne accélérer les décisions. Dès l’annonce de sa mise hors la loi, il se rend à l’Hôtel de Ville, bientôt rejoint par Le Bas et Saint-Just après leur libération par les patriotes des sections voisines. Le Comité d’exécution prend alors une résolution capitale : l’arrestation immédiate des membres des comités et des principaux députés hostiles. Mais l’ordre, qui aurait pu changer l’issue de la journée s’il avait été lancé plus tôt, ne rencontre plus aucune force disposée à l’exécuter.
Paralysée, la Commune multiplie les délibérations. La masse des sans-culottes, épuisée par des heures d’attente, sans mot d’ordre clair, commence à se dissoudre.

Aux alentours de minuit, les partisans de Robespierre le pressent d’agir : monter à cheval, haranguer les sections, appeler l’École de mars ou marcher sur la Convention. Robespierre refuse, préférant rédiger une proclamation. La rédaction s’éternise : deux heures plus tard, lorsque le texte est enfin mis au net, la Convention a déjà envoyé ses troupes vers l’Hôtel de Ville.
Soboul explique l’immobilisme des sections par la démoralisation qui suivit l’exécution des principaux hébertistes quatre mois plus tôt ; d’autres historiens, commeHervé Leuwers ouColin Jones, insistent surtout sur le manque d’instructions cohérentes et sur l’usure politique de la Commune. Dans tous les cas, l’initiative ne vient plus d’aucune force populaire organisée.
Entre minuit et deux heures du matin, la place de Grève se vide progressivement. Selon le rapport du conventionnelCourtois, seuls quatre cents sans-culottes de trois sections demeurent encore massés devant la Maison-Commune[18].

Vers deux heures du matin, àPetit Luxembourg, un détachement d’environ 150 gendarmes, conduit parMerda, reçoit l’ordre de prendre lePont Neuf et passer le Comité, installé à l’Hôtel de Brionne dans laRue du Carrousel, avant de marcher sur l’Hôtel de Ville par Rue de Rivoli. Barras a prisQuai Pelletier. Sous le feu des canons installés par la Commune sur laplace de Grève, les gendarmes forcent l’entrée et pénètrent dans le bâtiment.
Au premier étage, Robespierre, Saint-Just, Couthon et leurs proches se sont retirés dans le secrétariat. Selon le récit de Merda — corroboré par les rapports médicaux contemporains — celui-ci parvient à ouvrir la porte et tire sur Robespierre, le frappant à la mâchoire[19].La tradition thermidorienne a longtemps défendu la thèse d’un suicide, mais les analyses modernes (Mathiez, Walter, Leuwers) s’accordent à privilégier le tir.[réf. nécessaire]
Pendant que l’Hôtel de Ville est sécurisé, Robespierre est allongé dans une antichambre duComité de sûreté générale, la tête posée sur une caisse de bois, couvert de sang. Vers cinq heures du matin, Augustin Robespierre et Couthon sont transférés à l’Hôtel-Dieu de Paris. Maximilien, jugé trop compromis pour être déplacé, reçoit sur place des soins rudimentaires : un chirurgien militaire lui extrait des dents et des fragments de mâchoire avant son transfert à laConciergerie[20].

L’appel rédigé par le Comité d’exécution pour mobiliser la section des Piques — celle de Robespierre — est demeuré célèbre en raison de la signature abrégée (Ro…) et de la tache visible au bas du document, longtemps prise pour du sang. Les interprétations proposées auxixe siècle siècle par Michelet ou Hamel relèvent de la tradition thermidorienne.
En 1924,Mathiez montra que le texte n’était qu’une circulaire administrative annonçant la création du Comité d’exécution et la délivrance de Hanriot, rédigée après l’arrivée des proscrits à l’Hôtel de Ville. La lettre parvint bien à la section des Piques avant11 h, mais celle-ci demeura inactive. La raison de la signature abrégée demeure inconnue.
Nicolas Ruault, bourgeois de Paris écrit à son frère : « La tentative insurrectionnelle de la Commune avait échoué parce qu'elle avait été mal organisée et mal dirigée mais également parce que le mouvement populaire s'était peu à peu détaché du Gouvernement révolutionnaire lorsque ce dernier avait voulu lui imposer une politique économique restrictive »[21]
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