Cet article possède unparonyme, voirChronoscaphe.
Ne doit pas être confondu avecChronomètre.
LechronographeÉcouter est un instrument de mesure du temps entre deux événements. Dans l’acception moderne du terme, un chronographe est unemontre équipée d’au moins uneaiguille indépendante que l’on peut démarrer, stopper et remettre à zéro, en vue de mesurer un intervalle detemps[1].
Dans le langage commun, on utilise souvent et abusivement le termechronomètre pour désigner un chronographe. Lechronomètre est un label de qualité, basé sur la norme ISO 3159, obtenu par un instrument horaire auprès d'un organe certifié, par exemple leCOSC. Une montre chronographe peut également obtenir le label de chronomètre, dans ce cas on peut parler d'un chronomètre-chronographe.
Le nom chronographe est dérivé dugrec ancienχρόνος,khrónos « temps » etγράφωgráphō « écrire ».
Lorsque l’heure est absente, on parle de « compteur ».
Le plus souvent, le chronographe est actionné par des poussoirs permettant d'enclencher le comptage (départ ouStart), de l'arrêter (arrêt ouStop) et de réinitialiser (remise à zéro ouReset).
Dans la terminologie horlogère, c’est unecomplication, c'est-à-dire une fonction additionnelle ajoutée à une montre, au même titre que ladate, les phases de la lune ou la sonnerie.
Les premières montres capables d'indiquer la durée d'une observation furent les montres à secondes indépendantes ou à secondes mortes. On attribue leur invention à l'horlogergenevois Jean Moïse Pouzait en 1776. Sur ces montres qui « battent la seconde » on peut arrêter et faire repartir l'aiguille des secondes, mais il n'y a pas de remise à zéro. En 1788, l’horlogerbelgeHubert Sarton (1748-1828) a présenté à la société d’émulation deLiège une « montre chronométrographique » qui pourrait être précurseur du chronographe moderne. John Arnold père (1736-1799) etLouis Moinet (1768-1853), ont fabriqué des compteurs capables d'indiquer le 1/60e de seconde. Louis Moinet a appelé son compteur, fabriqué vers 1816, « compteur de tierces ». C'est un instrument remarquable puisque l'aiguille centrale, qui fait un tour en une seconde, peut être démarrée, arrêtée et remise à zéro.
Le mot « chronographe[2] » a été utilisé plus tard pour la première fois enhorlogerie parNicolas-Mathieu Rieussec (1781-1866), horloger installé àParis, qui a créé, et fait breveter en 1821, un système de mesure des temps courts, à l’aide d’un cadran tournant surmonté d’une aiguille fixe munie d'un petit réservoir d'encre. La trace de l’encre laissée sur lecadran permettait de déterminer le laps de temps que l’on souhaitait mesurer.
Louis-Frédéric Perrelet (1781-1854), conçut en 1827 une montre avec deux aiguilles dessecondes : l’une des aiguilles pouvait être arrêtée à volonté, et par un deuxième appui sur le poussoir elle reprenait la place qu’elle aurait eue si elle ne s’était pas arrêtée[3]. C'est l'ancêtre des systèmes à rattrapante modernes.
Vers 1836, Joseph Thaddeus Winnerl (1799-1886) a inventé le cœur de chronographe, une came en forme de cœur permettant facilement la remise à zéro de l'aiguille des secondes[4].
Enfin en 1861 Henri-Ferréol Piguet, qui travaillait pour la maison Nicole & Capt àLondres, a réalisé le premier chronographe moderne, montre dotée d'une aiguille supplémentaire commandée par un poussoir unique permettant le départ, l'arrêt et la remise à zéro[5],[6].
Le mécanisme de chronographe est ajouté à unmouvement de montre. Il peut alors être sous le cadran, donc invisible lorsque l'on regarde le mouvement, ou ajouté sur lesponts, on dit alors « en vue ».
À partir des années 1860, la fabrication du chronographe va s'étendre rapidement, principalement enSuisse[7].
C'est d'abord dans laVallée de Joux et àGenève que sont produits des pièces de grande qualité, souvent en or. Le plus souvent les mouvements sont produits dans la Vallée de Joux par des ateliers spécialisés comme ceux de Louis-Elisée Piguet[8] auBrassus, Meylan-Truan & Fils auSentier, ou la sociétéLeCoultre &Cie qui, entre 1870 et 1900 a créé pas moins de 128 calibres chronographe.
Les montres complètes sont commercialisées par les grandes maisons de Genève comme Golay Fils & Stahl, Benjamin Haas Jeune &Cie, etc. Certaines de ces maisons sont toujours actives de nos jours, commeAudemars, Piguet &Cie,Patek Philippe &Cie ouVacheron & Constantin.
Très vite la fabrication de chronographes va gagner les régions deNeuchâtel et deBerne. C'est là que va débuter l'industrialisation du chronographe à partir des années 1880. La fabrication en série permettant une forte réduction des coûts, le chronographe va devenir un instrument courant pour ses applications industrielles et sportives. Les entreprises pionnières sontLongines àSt-Imier (création en 1862), Guinand Frères auxBrenets (création en 1865), Henchoz Frères auLocle, Stauffer/Nicolet àLa Chaux-de-Fonds (création en 1830),Breitling à La Chaux-de-Fonds (création en 1884), Jules-Frédéric Jeanneret[9] et sa descendance à St-imier (création en 1866) ou encoreÉdouard Heuer àBienne (création en 1860).
La fabrication de chronographes est attestée également enGrande-Bretagne et enAllemagne, mais c'est surtout auxÉtats-Unis que cette production atteindra des proportions non négligeables. L'American Waltham Watch Co. en a produit dès 1874, sur la base des brevets du Suisse Henri-Alfred Lugrin, de même que la Trenton Watch Co. vers 1891. La fabrication de chronographes de poche bon marché, à 1 ou 7rubis, se poursuivra auXXe siècle chez la New England Watch Co, la New York Standard Watch Co., la Sterling Watch Co., et la New York Chronograph Watch Co. Enfin,Hamilton produira de remarquables chronographes de poche pendant laSeconde Guerre mondiale.
Lors desJeux olympiques d'été de 1932, àLos Angeles,Omega devient le premier chronométreur officiel de l'évènement en fournissant 30 chronographes issus des ateliersLemania[10]. Ils permettent de mesurer les résultats aux dixièmes de seconde près. AuxJeux de 1948, àLondres, est introduite la caméraphoto finish ; la machine commence donc à avoir une précision supérieure à l'œil humain. AuxJeux de 1952, àHelsinki, on utilise le quartz et l'électronique, alors que les résultats sont enregistrés au centième de seconde. Lors desJeux de 1960, àRome, c'est la dernière fois qu'un résultat final est jugé par un œil humain. AuxJeux de 1964, àTokyo, les résultats sont affichés sur un panneau en temps réel, à destination du public. AuxJeux de 1968, àMexico, le chronométrage est stoppé par la main du nageur sur un panneau de contact ; les juges sur le bord du bassin disparaissent[11].
Dans la gamme des chronographes mécaniques simples, on distingue les chronographes à un poussoir des chronographes à deux poussoirs[12].
Le poussoir du chronographe àun poussoir permet de démarrer (start), puis d'arrêter (stop) et enfin de remettre à zéro (reset) les aiguilles du chronographe.
Le premier poussoir du chronographe àdeux poussoirs sert à démarrer (start) et arrêter (stop) le comptage, alors que le deuxième poussoir permet d'effectuer la remise à zéro (reset) des aiguilles. Il est ainsi possible, à l'aide du premier poussoir, de redémarrer le chronométrage sans avoir fait au préalable une remise à zéro.
Le chronographe comporte une aiguille mise en mouvement par un poussoir situé sur la montre. En général, cette aiguille est au centre et fait un tour par minute. Elle est appeléetrotteuse[13].
Cette trotteuse ne tourne que lorsque le chronographe est enclenché. L'affichage de la seconde du mouvement de base, qui elle tourne tout le temps, se fait en général sur un petit cadran, en bas (à 6 h) ou à gauche (à 9 h). On l'appelle lapetite seconde.
Le chronographe peut également être doté d'autres compteurs pour afficher, par exemple, des fractions de seconde, les minutes ou les heures chronométrées.
Sur le chronographeOmega Speedmaster ci-contre, les aiguilles sont placées de la manière suivante:
La trotteuse peut être utilisée commetachymètre : en mesurant le temps nécessaire pour faire 1 km, l'aiguille indique, sur la lunette, la vitesse moyenne durant ce kilomètre. Si le temps mesuré est de 36 s, l'aiguille indiquera.
D'autres échelles peuvent également être présentes comme l'échelletélémétrique, qui permet de mesurer la distance qui nous sépare d'un événement visible et audible, typiquement unéclair. Le décalage temporel entre image et son fournit la distance sur la base de lavitesse du son.
Les chronographes pulsométriques fournissent lafréquence cardiaque: le nombre debattements que l'utilisateur doit compter avant d'arrêter le chronographe est généralement indiqué sur lecadran de la montre. La durée, par exemple de 15 battements, permet de déterminer la fréquence en battements par minute.
La maison Zenith propose, en 1969 déjà, un chronographe équipé d'un oscillateur 5 Hz. Cette fréquence, plus élevée que celle des autres montres-chronographe (généralement 4 Hz), permet d'afficher le 1/10e de seconde lors du chronométrage.
D'autres types de chronographes s'utilisent commecompte à rebours. Les participants à desrégates, par exemple, utilisent les intervalles de temps entre quatre signaux pour passer la ligne de départ au plus tôt. Les signaux de références sont les pavillons montés ou descendus, ils sont accompagnés de signaux sonores (coups de canon, klaxon,corne de brume). Lesrègles de course évoluent à chaque signal : les bateaux ont, par exemple, le droit de franchir à l'envers la ligne de départ pendant le premier intervalle de temps, mais sont pénalisés voire disqualifiés s'ils le font par la suite. Les règles sont variables selon les courses : par exemple, quatre signaux sont émis : 5 min, 4 min, 1 min avant le départ, puis au départ à proprement parler et à partir duquel les bateaux peuvent franchir la ligne de départ.
La montreRolex Yacht Master II possède un compte à rebours réglable. Suivant la course, le temps entre premier et dernier signaux peut être, par exemple, de 10 min à la place de 5 min. L'aiguille affichant les minutes avant le départ peut être ajustée. Lorsque l'utilisateur presse sur le premier poussoir (à 2 h), la trotteuse commence à bouger, le compteur de minutes commence à décompter. À chaque signal sonore, une pression du deuxième poussoir permet de resynchroniser le compte à rebours à la minute la plus proche. En cas de report, l'utilisateur peut arrêter ou recommencer le compte à rebours[14].
Le chronographe a en principe trois phases de fonctionnement qui sont :
Ces trois phases sont déclenchées par trois actions :
Les actionsstart etstop sont déclenchées par le premier poussoir. Ces actions peuvent être répétées alternativement (restart etrestop) toujours avec le premier poussoir. Les temps chronométrés sont additionnés.
L'actionreset est déclenchée par le deuxième poussoir. Son déclenchement est bloqué durant la phase dechronométrage et ne peut donc être effectué que pendant la phase d'affichage.
Le chronographe a un poussoir ressemble beaucoup au chronographe à deux poussoirs. Cependant, le poussoir unique effectue de façon séquentielle les trois actionsstart,stop etreset. Il n'est donc pas possible d'effectuer unrestart comme avec le chronographe à deux poussoirs.
Le fonctionnement d'un chronographe nécessite des actions simultanées ou quasi-simultanées sur plusieursmobiles.
Suivant le type de chronographe le sélecteur diffère de forme :
La roue à colonne tourne toujours dans le même sens sous l'action d'uncliquet, alors que la navette, aussi appeléecame, tourne alternativement à gauche et à droite.
Le sélecteur actionne le levier d'embrayage, le frein et les marteaux. Dans le cas du chronographe à deux poussoirs, les marteaux sont actionnés directement par le deuxième poussoir.
Le chronographe à rattrapante[15]comporte également les phasesposition de départ,chronométrage etaffichage du chronographe simple, mais il possède une aiguille trotteuse supplémentaire et un poussoir additionnel. Lors du départ, les deux trotteuses sont superposées et tournent ensemble.
La deuxième trotteuse, appeléerattrapante, peut être stoppée à tout moment par le poussoir additionnel, alors que la première trotteuse continue sa course. On peut alors lire un temps intermédiaire sur la rattrapante.
Une nouvelle pression sur le poussoir additionnel ramène la rattrapante sur la trotteuse et les deux aiguilles continuent de tourner ensemble.Le chronographe à rattrapante possède en général deux roues à colonnes, la première ayant la même fonction que pour le chronographe simple, alors que la deuxième manipule la pince (frein) de rattrapante.
En général, le chronographe flyback[16] possède également deux poussoirs.
Le chronographe flyback est utilisé principalement par les pilotes en navigation aérienne. Il leur permet de relancer une nouvelle mesure tout en limitant les actions (une pression unique).
Il existe des chronographes, souvent appelés compteurs de sport, comportant unrésonateur à haute fréquence, typiquement à 50 Hz, permettant d'améliorer la résolution temporelle, typiquement au 1/100e de seconde. Ces compteurs étaient largement utilisés dans le chronométrage sportif. La précision d'un chronographe est à mettre en relation avec letemps de réaction humain et surtout avec sa répétabilité. Bien que le temps moyen de réaction à unstimulus optique soit d’environ 180 ms[17], si le temps de réaction est exactement le même lors dustart et dustop, le chronométrage a la précision temporelle du chronographe.
Louis Moinet, inventeur du chronographe, est également le père de Haute Fréquence. En 1816, son Compteur de Tierces battait à 216'000 vibrations par heure[18], soit 30 Hz. Il fallut attendre exactement un siècle (1916) pour qu'une telle fréquence fut dépassée, avant que la fréquence standard d'un chronomètre ne revienne aux valeurs actuelles, pour la plupart 4 Hz ou 5 Hz. Le Compteur de Tierces est toujours conservé aux Ateliers Louis Moinet, parfaitement fonctionnel.
La manufactureTag Heuer propose également des concepts de chronographes (pas disponibles sur le marché ou en version très limitées) équipés d'un résonateur très haute fréquence (500 et 1'000 Hz) permettant une résolution au 1/1000e, respectivement 1/2000e de seconde[19].
Lesmontres électroniques, qu'elles soient à affichage analogique (aiguilles) ou numérique (LCD), peuvent proposer les fonctions de chronographes, de manière très similaire aux montres mécaniques.
La partie chronographe peut être réalisée sous plusieurs formes :
On observe également des affichages hybrides, comme laCitizen ci-contre où l'heure du moment est affichée analogiquement alors que les temps chronométrés sont affichés numériquement. On rencontre aussi des temps chronométrés qui sont affichés en partie analogiquement (par exemple, la seconde) et en partie numériquement (par exemple, les 1/100e de seconde).
Les chronographes électroniques offrent parfois des fonctions supplémentaires, comme les fonctionssplit etlap.
Une montre avec la fonction split possède un premier poussoir qui déclenche les phaseschronométrage etaffichage comme dans la montre mécanique. Le deuxième poussoir permet d'afficher un temps intermédiaire, sans arrêter le chronométrage. Une nouvelle pression sur le deuxième poussoir ré-affiche le temps qui s'écoule depuis le début du chronométrage. Si le chronométrage est arrêté, le deuxième poussoir déclenche l'actionreset, comme dans la montre mécanique.
Le fonctionnement ressemble à celui du chronographe mécanique àrattrapante, mais sans aiguille de seconde supplémentaire. Le moteur fait de nombreux pas rapidement pour rattraper le temps.
La fonction lap est utilisée pour les sports impliquant plusieurs passages au même endroit (plusieurs tours).
Un poussoir permet, avec une seule pression, d'afficher le temps du tour tout en relançant simultanément le chronométrage du tour suivant. Une nouvelle pression sur le poussoir ré-affiche le temps de chronométrage qui s'écoule pour le tour suivant. Il est généralement possible de connaître le temps total (addition des différents tours) à la fin de la course.
De nombreux chronographes mythiques sont liés à laconquête spatiale. La plupart des montres qui sont allées dans l'espace sont en fait des chronographes. Bien queYouri Gagarine, le premier homme dans l'espace, portait au poignet une montre simple de la marquePoljot, les astronautes suivants avaient, pour la plupart, un chronographe.John Glenn était équipé d'un compteur Heuer[20],Scott Carpenter d'uneBreitling Navitimer.
Alexeï Leonov portait un chronographe Strela lors de la première sortie extra-véhiculaire en 1965[21]. Tous les astronautes ayant participé à laconquête de la lune étaient équipés du chronographeOmega Speedmaster Professional.
La première montreautomatique dans l’espace est aussi un chronographe deSeiko, porté parWilliam Pogue en 1973[22].
Avec l'apparition desmontres à quartz, les chronographes officiellement utilisés par les astronautes sont àaffichage hybride (analogique et numérique), comme l'Omega Speedmaster Skywalker X-33, qualifiée par laNASA et l'ESA[23]. Depuis 1994, les cosmonautes russes emportent des chronographesFortis.
D'autres chronographes mythiques sont liés aux sports automobiles et à l'aviation.Tag Heuer produit des chronographes destinés aux pilotes automobiles, comme la célèbre "Monaco", ainsi qu'aux pilotes d'avion, comme la "Carrera" avec sa fonction flyback.Rolex avec ses modèlesDaytona s'adresse aux courses de voitures. Citons encore le premier chronographe automatique (1969), "El Primero" deZenith. Son histoire est particulière, puisqu'il a fait la gloire de maison Zenith, mais qu'il aurait pu disparaître lors de lacrise horlogère des années 75-85, si Charles Vermot n'avait pas caché les plans et les moyens de production (étampes) dans les greniers de l'entreprise.
Du côté montre électronique, on notera en 1988 la sortie de la famille 251 des mouvements quartz chronographe de la maison ETA. Cette famille de mouvements associe à chaque aiguille compteuse, son propre moteur électronique. Les calibres ETA 251.272 (4 moteurs) et 251.262 (5 moteurs) ont marqué l'histoire de la maison ETA. Aujourd'hui, la famille de calibre 251 existe toujours dans des versions plus modernes.
Sur les autres projets Wikimedia :