Lors de sa découverte parJames W. Christy de l'Observatoire naval des États-Unis le en examinant des images fortement agrandies de Pluton sur des plaques photographiques prises deux ou trois mois auparavant, Charon fut temporairement désigné1978 P 1 (rétrospectivementS/1978 P 1 depuis 1995), selon la convention de nommage qui venait récemment d'être instituée. James Christy choisit immédiatement le nom « Charon » (qui apparaît dès mars 1978 dans une publication d'Ernst Öpik[6]), mais son adoption officielle par l'Union astronomique internationale ne fut annoncée que le[7]. « Charon » fait aussi référence au prénom de l'épouse de Christy, Charlene[8].
Charon est également dénommé suivant la désignation systématiquePlutonI. Son nom complet officiel est donc(134340)PlutonI Charon[c].
La découverte de Charon a permis de calculer la masse du système plutonien et les occultations mutuelles des deux corps ont révélé leur taille. La découverte des lunes extérieures de Pluton en 2005 a permis de déterminer les masses respectives de Pluton et Charon : la masse de Charon vaut approximativement 11,65 % de celle de Pluton (environ un neuvième). En conséquence, la masse de Charon atteint1,52 ± 0,06×1021kilogrammes[1], soit environ un quatre-millième de celle de la Terre et un peu plus d'un cinquantième (2%) de celle de la Lune. Samasse volumique est de1,65 ± 0,06 gramme par centimètre cube[1], comparable aux satellites d'UranusTitania etObéron.
Charon ne possède aucune atmosphère détectable[12]. Dans un article publié en,Alan Stern et ses collaborateurs montrent que la pression partielle de14 espèces chimiques atomiques ou moléculaires est, pour chacune d'elles, inférieure à0,3 nanobar (c'est-à-dire30 micropascals)[13].
Charon et sa zone sombre dite « Mordor » en haut de l'image.Détail de la surface de Charon. Un pic rocheux dans une dépression en haut à gauche semble être la caractéristique la plus intrigante[14].
À la différence de Pluton, qui est recouvert de glaces deméthane et d'azote, la surface charontienne semble être principalement constituée deglace d'eau moins volatile. En 2007, des observations de l'observatoire Gemini semblent avoir mis en évidence des zones d'hydrates d'ammoniac et de cristaux d'eau à la surface de Charon, suggérant desgeysers froids[15].
Les observations faites par la sondeNew Horizons en montrent que la surface de Charon, densémentcratérisée, est vieille d'au moins quatre milliards d'années. Mais il y a eu vers cette époque une activité intense[16] : des coulées de glace d'ammoniac, de vastes plaines inondées de glace d'eau dans l'hémisphère sud, une ceinture de canyons jusqu'à cinq fois plus profonds que leGrand Canyon du Colorado, et au pôle nord une calotte rouge qui pourrait être constituée de méthane et d'azote (la couleur rouge serait due à des sous-produits d'hydrocarbures), dénomméeMordor[17].
La densité de Charon montre qu'il s'agit principalement d'un corps glacé et qu'il contient moins de roches en proportion de son volume que Pluton (55 ± 5 % de roches et 45 % de glace, contre 70 % de roches pour Pluton), ce qui est cohérent avec l'hypothèse d'une création à la suite d'un impact géant dans le manteau glacé de Pluton. Il existe deux théories différentes sur la composition interne de Charon : soit un corps différencié comme (potentiellement) Pluton, possédant unnoyau rocheux et unmanteau glacé, soit un corps possédant une composition uniforme. Des indices en faveur de la première hypothèse furent trouvés en 2007, lorsque des observations réalisées par l'observatoire Gemini suggérèrent la présence decryovolcanisme. La présence de glace cristalline à la surface de Charon indique qu'elle y a été récemment déposée, car le rayonnement solaire aurait dégradé une glace plus ancienne en unétat amorphe après plus de 30 000 ans[15].
Lecentre de masse du couple Pluton–Charon n'est pas situé à l'intérieur de Pluton, mais à l'extérieur de sa surface, conférant à l'ensemble un caractère de système double, voire deplanète double. Cette caractéristique n'est pas commune dans le Système solaire ; parmi les autres couples possédant cette propriété, on peut noter le coupleSoleil–Jupiter[d], le seul impliquant des masses plus importantes que Pluton–Charon, les astéroïdesAntiope,(79360) Sila-Nunam et(341520) Mors-Somnus.
Des simulations publiées en 2005 parRobin Canup suggèrent que Charon aurait pu se former à la suite d'un impact majeur survenu il y a environ 4,5 milliards d'années. Dans le modèle utilisé, un grand objet de laceinture de Kuiper pourrait avoir percuté Pluton à grande vitesse, se détruisant sous le choc, éjectant la majeure partie du manteau externe de Pluton et formant Charon à partir des débris[19]. Cependant, un tel impact aurait dû produire un Charon plus glacé et un Pluton plus rocheux que ce qui est observé[réf. nécessaire].
Pluton et Charon seraient deux corps entrés en collision avant de se placer en orbite l'un de l'autre. La collision aurait été suffisamment violente pour évaporer les glaces volatiles comme le méthane, mais pas assez pour briser les objets[réf. nécessaire].
Plaquette photographique originale de la découverte de Charon le.
Charon fut découvert le lorsqueJames W. Christy réalisa que l'image de Pluton apparaissant sur des plaques photographiques prises dans les deux mois précédents semblait présenter une protubérance tantôt d'un côté, tantôt de l'autre[20],[21]. La protubérance fut confirmée sur d'autres plaques, dont la plus ancienne datait du. Des observations ultérieures de la protubérance montrèrent qu'elle était causée par un petit corps. La périodicité de la protubérance correspondait à la période de rotation de Pluton, laquelle était connue à partir de sacourbe de luminosité, indiquant uneorbite synchrone et suggérant qu'il s'agissait d'un effet réel et non d'un artefact d'observation.
La Terre étant sur le point de passer à travers le plan orbital de Charon, il fut alors possible d'observer plusieursoccultations mutuelles de Pluton et Charon entre 1985 et 1990. Ce phénomène ne se produit que deux fois pendant une révolution de Pluton autour du Soleil, qui dure248 ans. En déterminant quelle portion de l'objet serait couverte à quel moment et en observant la courbe de luminosité, les astronomes furent capables de construire une carte grossière des surfaces lumineuses et sombres des deux objets.
Des images de Pluton et de Charon résolus comme deux disques séparés furent prises pour la première fois par letélescope spatialHubble dans les années 1990. Plus tard, le développement de l'optique adaptative rendit possible cette observation depuis les télescopes terrestres. En 2022, deux astronomes amateurs français ont réussi à détecter la position de Charon à la distance et à la direction attendues de Pluton en utilisant un télescope de 62 cm[22]
Pluton (en anglaisPluto) et trois de ses lunes photographiés par le télescope spatialHubble.
La résolution duproblème à deux corps indique que deux corps célestes isolés orbitent autour dubarycentre du système. Si un corps est largement plus massif que l'autre, le barycentre est situé dans les profondeurs du premier permettant simplement de dire en première approximation que le plus petit orbite autour du plus massif, solution applicable à tous les satellites des planètes duSystème solaire, y compris de la Lune autour de la Terre, le couple où le ratio des masses en jeu est le plus près de l’unité (néanmoins à seulement 1,2:100). Avec plus de 10 % de la masse du système provenant du corps secondaire et un barycentre situé à l’extérieur des deux corps, le couple Pluton–Charon représente un cas très particulier, unique dans le Système solaire pour des corps aussi massifs. Cette situation positionne Charon dans une zone grise, alimentant les discussions sur son statut.
En 2006, lors de la tentative de définition officielle précise du terme « planète » par l'Union astronomique internationale, il fut proposé qu'une planète soit définie comme un corps orbitant autour du Soleil et suffisamment grand pour être de forme globalement sphérique. Selon cette proposition, Charon aurait été considéré comme une planète, puisqu'un satellite aurait été explicitement défini comme tournant autour d'un barycentre situé à l'intérieur du corps principal. La définition finalement adoptée exige qu'une planète ait également éliminé tout objet de taille comparable sur son orbite. Un objet répondant aux précédents critères mais pas au dernier est qualifié deplanète naine et Pluton a donc reçu cette nouvelle classification. Charon n'a pas été explicitement classée et reste donc, pour le moment, officiellement considéré comme satellite de Pluton.
Toutefois en accord avec la définition d'une planète naine, Charon pourrait prétendre aussi à ce statut. Dans leCiel & Espace d', une interview de l'astronomeKeith S. Noll, traitant du statut de Charon, déclara qu'il présentait toutes les critères requis pour être uneplanète naine. Mais il existe d'autres positions. La première est de considérer que Charon est une lune de planète naine, qui par la définition actuelle ne peut être lui-même une planète naine. La seconde serait de reclasser les deux objets réunis comme une « planète naine double »[23](officiellement « système binaire de planètes naines »).
Son statut fait débat, mais une décision devrait être prise dans un avenir plus ou moins proche[réf. nécessaire] pour trancher la question.
Les autres objets dusystème plutonien orbitent également autour de ce barycentre ; étant donné leur faible masse ils sont simplement considérés comme des satellites de Pluton ou, selon la discussion précédente, du couple Pluton-Charon[24]. Depuis, quatre lunes en sus de Charon sont connues autour de Pluton :Styx,Nix,Kerbéros etHydre. Si d'autres objets ont échappé aux observations, ils doivent avoir une taille très inférieure à celle de Charon pour ne pas avoir déjà été détectés.
Dans l'univers de science-fiction deMass Effect, Charon n'est pas d'origine naturelle, mais une énorme couche de glace qui recouvrait un « relais cosmodésique », technologie d'une civilisation disparue permettant de se déplacer instantanément en différents points de laVoie lactée. La couche de glace sera détruite par les humains lors de la réactivation du relais.
Dans le roman de science fictionLa Guerre éternelle deJoe Haldeman, Charon est une planète d'entrainement de l'AENU (Armée d’exploration des Nations-Unies).
Dans la sérieArchive 81 un épisode se déroulant dans lesannées 1920 fait mention de Charon ; c’est donc un anachronisme car Charon n’a été découverte que dans lesannées 1980.
Image composite formée d'une photographie noir et blanc et colorisée avec les données obtenues parRalph (Pluton à droite et Charon à gauche).
↑17 181 ± 4 kilomètres par rapport aubarycentre dusystème plutonien ; 19 571 ± 4 kilomètres en moyenne entre Pluton et Charon.
↑Pour14 espèces atomiques ou moléculaires différentes, la pression partielle est contrainte à moins de 0,3 nanobars. VoirSternet al. 2016 ([PDF]).
↑Nom complet officiel depuis le déclassement de Pluton du statut de planète à celui deplanète naine en 2006 et la conséquente attribution d'un numéro de planète mineure à Pluton. Avant cette date, son nom officiel était simplementPlutonI Charon (PlutoI Charon).