Fils unique de Charlie Parker Senior[4],pianiste etdanseur itinérant, puissteward dans les chemins de fer, et d'Addie Parker[5],amérindienne d'ascendanceChoctaw[6], le jeune Charlie chante dans la chorale de son école, puis se passionne pour lejazz, dontKansas City est à l'époque la capitale, en même temps que celle du jeu, de la prostitution, de la drogue et du trafic d'alcool — nous sommes sous laProhibition. Dès 11 ans, Parker commence à jouer du saxophone pour intégrer l'orchestre de son école à l'âge de 14 ans. De nombreux témoignages concordent pour affirmer qu'il montre dans ses jeunes années un talent exceptionnel pour la musique. À cette époque à Kansas City, les musiciens des grands orchestres de jazz comme celui deCount Basie luttent pour la reconnaissance dans desjam-sessions, lieux d'affrontements sans merci où tout est possible mais qui offrent une émulation exceptionnelle aux jeunes musiciens comme Parker, ainsi que l'espoir qu'un jour eux aussi pourront rivaliser avec les meilleurs.Il parvient à intégrer des orchestres de Kansas City pour quelques dates et travaille sa technique auprès deBuster Smith. Très respectueux des virtuoses de l'instrument (Coleman Hawkins,Lester Young,Jimmy Dorsey,Johnny Hodges...) et des maîtres du Jazz en général (Louis Armstrong représentant la maîtrise totale), Charlie travaille sans relâche en écoutant sans fin les disques qu'il parvient à acquérir, repiquant les solos des maîtres de l'époque, et les rejouant note pour note — pratique extrêmement répandue chez les musiciens de Jazz, la seule « école de Jazz » consistant à reproduire à l'oreille les phrases des meilleurs musiciens. En 1937, il intègre finalement l'orchestre du pianisteJay McShann[7], avec qui il effectue une tournée dans toute la région jusqu'àNew York. Il enregistre ses premiers morceaux dontThe Jumpin' Blues en 1942, où il interprète un solo court mais éblouissant.
En 1939, Parker quitte Kansas City pour New York City, où se trouvent les meilleurs orchestres du pays. Il cherche à approcher les meilleurs musiciens, dontArt Tatum[8], dont la virtuosité l'impressionne et trouve le moyen de l'écouter tous les soirs par le biais d'un emploi de plongeur du restaurant où se produit le pianiste.
En 1942, Parker quitte le groupe de McShann pour jouer pendant huit mois aux côtés deEarl Hines. On situe à cette époque les débuts du be-bop, bien qu'aucun enregistrement — à cause d'une grève du syndicat des musiciens — ne puisse en témoigner. Il semble pourtant que ce style ait été inventé ou du moins formalisé par un groupe de jeunes jazzmen dont Parker fait partie et pour qui probablement la maîtrise instrumentale touche déjà à sa maturité. Il y a aussi le trompettisteDizzy Gillespie[9], le pianisteThelonious Monk, le guitaristeCharlie Christian et les batteursMax Roach etKenny Clarke. Élaborée au cours des jam-sessions d'après concert dans les clubs de la ville, cette musique à la complexité nouvelle a pour but, comme le résume plus tard Monk, de créer quelque chose « qu'ils ne puissent pas jouer », « ils » désignant les musiciensswing, musique (souvent commerciale) de la génération précédente (Benny Goodman,Glenn Miller,Tommy Dorsey,Artie Shaw...).
Pour cela, le bebop apporte une harmonisation plus riche (utilisation d'accords comportant de nombreuses notes altérées, 9° et 13°), dans un cadre rythmique plus complexe, tout en conservant les morceaux traditionnels du jazz. Le thème fétiche de Bird,Cherokee illustre ceci.
L'émergence subite du bebop, peu ou aucunement documentée a donné lieu à de nombreuses controverses, dont beaucoup furent colportées par les musiciens eux-mêmes. C'est cependant Charlie Parker lui-même qui a raconté à un journaliste dans les années 1950 que les principes de ce genre musical lui étaient venus subitement en 1939 alors qu'il travaillait l'improvisation surCherokee, lorsqu'il parvint à jouer une musique qu'il « entendait » en lui depuis quelque temps sans parvenir à la produire, en particulier dans l'exploitation des notes « altérées » des accords. Les premiers enregistrements entièrement « bop » sont effectués en 1945, en particulier le 28 février lorsque les compositionsGroovin' high etDizzy Atmosphere sont enregistrées, et le 11 mai avec des œuvres tout aussi révolutionnaires tels queHot house,Shawnuff etSalt Peanuts ; Charlie Parker ayant trouvé en Dizzy Gillespie un partenaire à sa mesure. Une troisième session réalisée le 26 novembre en compagnie deMiles Davis, âgé de 19 ans et encore inconnu du grand public, fournit d'autres enregistrements célèbres, parmi lesquelsKo-Ko (basé sur les accords deCherokee),Now's the Time,Billie's Bounce. À partir de là, lebebop s'impose comme un genre de jazz à part entière, ce qu'il reste encore de nos jours.
AvecBud Powell, Dizzy Gillespie,Tadd Dameron ou Thelonious Monk, il fréquente la pianiste et compositriceMary Lou Williams, qui lui donne des conseils et accompagne cette nouvelle génération de musiciens[10], qu'elle invite à son émission de radio hebdomadaire sur WNEW,Mary Lou Williams's Piano Workshop[11].
Peu après cette dernière session, Gillespie et Parker se séparent, Charlie restant enCalifornie, où le groupe joue quelques concerts qui ne se déroulent pas idéalement. L'une des raisons de ces deux événements est sans doute le comportement de plus en plus instable de Parker.
En 1947
Le saxophoniste a développé dans son adolescence une forte addiction auxopiacés, assez courante chez les artistes à l'époque. De la morphine il passe rapidement à l'héroïne, ce qui empoisonnera le reste de sa vie et sera finalement la cause de son décès prématuré. Le jazz resta plusieurs décennies associé auxnarcotiques, ce qui a grandement contribué à ternir l'image du mouvement bebop dans son ensemble et a gâché l'ascension de nombreux musiciens talentueux.
L'addiction de Parker aux drogues est importante et il se soucie davantage de l'obtention de ses doses plutôt que d'arriver à l'heure ou même d'assurer concerts et sessions d'enregistrement. 1946 fut pour lui ponctuée par une succession de péripéties qui se terminèrent par un séjour de six mois à l'hôpital psychiatrique deCamarillo[12],[13].
À sa sortie d'hôpital en janvier 1947, Parker est débarrassé de ses problèmes de drogue et prêt à se replonger dans la musique. Il produira les années suivantes des disques excellents pour les labelsSavoy etDial, dont certains avec ce qu'on surnomme depuis son « quintet classique », comprenantMiles Davis à la trompette,Duke Jordan au piano,Tommy Potter à la basse etMax Roach à la batterie.
Appliquant à des chansons populaires américaines et à desblues son talent extraordinaire d'improvisateur, Parker produit des morceaux d'une complexité mélodique stupéfiante, jamais dénués de qualité émotionnelle. Ainsi, l'écoute deParker's Mood reste aujourd'hui encore d'une intensité exceptionnelle.
Dès 1946, il participe aux concerts duJazz at the Philharmonic organisés par Norman Granz, il se produit alors aux côtés de l’idole de sa jeunesse, le saxophonisteLester Young.Norman Granz le fait rapidement signer sur son labelVerve. En mai 1949, il se produit en France avec son quintet,Salle Pleyel à Paris, àMarseille et àRoubaix[14]. En novembre 1949, il enregistre accompagné d’un orchestre à cordes, qui lui offre une reconnaissance et un succès auprès du grand public, statut rare à cette époque pour un musicien de jazz noir aux États-Unis.
En 1951, à la suite de ses démêlés avec des patrons et des imprésarios, on lui retire sa carte de travail à New York pendant quinze mois, ce qui lui interdit de se produire dans les clubs. Cette même année, il retrouve ses vieux complicesDizzy Gillespie etThelonious Monk pour l’enregistrement du disqueBird and Diz(en). En 1953, malgré une santé déclinante, Charlie Parker montre des qualités musicales intactes lors du concert historique duMassey Hall de Toronto où il se produit aux côtés de Dizzy Gillespie à la trompette,Bud Powell au piano,Charles Mingus à la basse et Max Roach à la batterie. Au début des années 1950, les disques de Charlie Parker se vendent très bien et son impact sur le monde du jazz est sans précédent depuisLouis Armstrong, plus de vingt ans plus tôt. Son jeu est imité par un grand nombre de musiciens, même parmi ceux qui tentent d'échapper à son influence.
Alors que pendant des années, sa renommée reste au plus haut, il ne parvient toujours pas à se passer d'héroïne ou à calmer ses pulsions autodestructrices. Il a fait sa dernière apparition le 5 mars 1955 au club de jazz new-yorkaisBirdland qui porte son nom. Charlie Parker meurt le 12 mars 1955[15] à New York chez la baronnePannonica de Koenigswarter[16], alors qu'il regardait la télévision, à l'âge de seulement 34 ans. Si sa mort est officiellement attribuée à unepneumonie et unulcère, elle est surtout le résultat de ses excès d'alcool et de drogue. Lemédecin légiste chargé d'examiner le corps le trouvera si abîmé et épuisé qu'il lui attribuera un âge compris entre 50 et 60 ans. Lors de ses funérailles, lemaire de New York est officiellement représenté parAnna Arnold Hedgeman[17].
En 1985, dans son titreLa Boîte de jazz, composé comme un hommage aux grands jazzmen américains, le chanteur françaisMichel Jonasz mentionne le nom de Charlie Parker.
La chansonKind Of Bird du groupeThe Allman Brothers Band est un hommage à Charlie Parker. Le titre se trouve sur l'albumShades Of Two Worlds (1991) et a été composé parWarren Haynes etDickey Betts (tous deux guitaristes au sein des Allman Brothers).
La chansonBird's Lament du compositeurMoondog lui rend hommage.
Le rappeur strasbourgeois Dooz Kawa lui rend hommage dans sa chansonParker Charlie.
Textes de Lillo Gullo et Angelo Leonardi, Dessins de Gaetano et Gaspare Cassaro,Charlie Parker, Préface deCarlos Sampayo, Desiba, Paris, 1980,(ASINB01N01FOE7)