Considéré comme un des dirigeants français les plus influents de l'histoire, Charles de Gaulle est aussi un écrivain de renom. Il laisse notamment desMémoires de guerre, où il affirme s'être toujours« fait une certaine idée de la France », jugeant que« la France ne peut être la France sans la grandeur ». Si sa présidence ne fut pas exempte de contestations, il apparaît, plus d'un demi-siècle après sa mort, comme une figure morale omniprésente dans la vie politique de laCinquième République, la quasi-totalité de la classe politique lui rendant hommage et revendiquant à divers degrés son héritage.
Charles André Joseph Marie de Gaulle naît le à 4 heures du matin, au 9rue Princesse àLille[2]. Il estbaptisé quelques heures après sa naissance en l'église Saint-André de Lille[3] : son parrain est son oncle Gustave de Corbie et sa marraine sa tante Lucie Maillot née Droulers[4]. Charles est le troisième des cinq enfants d'Henri de Gaulle (1848, Paris - 1932,Sainte-Adresse,Seine-Inférieure) — précepteur, fonctionnaire, enseignant puis fondateur d'établissement d'enseignement privé — et de son épouse, Jeanne Maillot (1860, Lille - 1940,Paimpont,Ille-et-Vilaine), qui est également sa cousine issue de germain. Il est le petit-fils deJulien-Philippe de Gaulle (1801, Paris - 1883, Paris), historien, et de Jules Maillot (1819, Lille - 1891, Lille), entrepreneur manufacturier textile dans leNord.
Les de Gaulle sont une famille de juristes parisiens originaires de laprovince de Champagne, et dont lepatronyme pourrait être une déformation dunéerlandaisde Walle. Dans ses travaux de généalogie, le grand-père de Charles de Gaulle faisait l'hypothèse d'une lointaine ascendancenoble[5], bien que la famille ne figurât dans aucun nobiliaire[6] et qu'il n'existât aucune preuve à l'appui de ces prétentions[7]. L’arrière-grand-père, Jean-Baptiste de Gaulle (1759-1832), est avocat ; fils d'un procureur auparlement de Paris[n 6] né enChampagne[11], il échappe de peu à la guillotine devant leTribunal révolutionnaire pendant laTerreur[12] et devient directeur desPostes militaires de la Grande Armée. Il meurt ducholéra en 1832. Son fils, Julien-Philippe enseigne alors àLille, où un de ses oncles a un poste à lamanufacture des tabacs. Julien-Philippe de Gaulle y épouse la fille d'un administrateur de la manufacture, Joséphine Maillot. Le pensionnat qu'ils créent àValenciennes fait faillite. Ils s'installent alors à Paris pour écrire : le mari rédige deux études (sur unpeintre paysagiste et sur unbiographe de Saint Louis) ainsi qu'une vasteNouvelle histoire de Paris et de ses environs d'inspiration monarchiste et catholique préfacée parCharles Nodier. Joséphine, prolifique, collabore à des revues littéraires et écrit plus de 70 ouvrages dont certains dénoncent la pauvreté ouvrière du Nord.
Ils ont trois fils. Les deux oncles du général sont des chercheurs érudits : l'aîné,Charles, son homonyme, paralysé par la poliomyélite, étudie leslangues celtes, et le cadet, Jules, estentomologiste.Henri, père du général, naît en 1848, un comme son fils. Formé par lejésuiteOlivaint, il se lie aux milieux monarchistes et catholiques sociaux, et entre au secrétariat deTalhouët-Roy dont il est précepteur des enfants. Admissible àPolytechnique, il s'engage et est blessé au cours de laguerre de 1870. Il s'inscrit au barreau et dans uncercle jésuite influent. Mais, pour entretenir la famille, il renonce à une carrière militaire ou politique et fait partie de l'administration du ministère de l'Intérieur jusqu'en 1884. Il a ensuite trois doctorats (lettres, sciences, et droit) et enseigne lettres, histoire et les mathématiques aucollège de l'Immaculée-Conception de Paris, tenu par les jésuites. À trente-sept ans, il épouse Jeanne Maillot, une petite-cousine de sa mère[réf. nécessaire].
Le grand-père maternel de Charles de Gaulle, Jules-Émile Maillot, mort l'année de la naissance de Charles, est un entrepreneur du textile qui a rapporté une nouvelle machine à tisser letulle d'Angleterre. Il était issu de l'union de deux familles des manufactures du tabac, les Maillot et les Kolb. Louis Philippe Kolb, grand-père de Jules-Émile Maillot,luthérien duduché de Bade, était, avant 1791, sergent major aurégiment de Rheinach. Marié àMaubeuge en 1790 avec une certaine Marie Nicot[13], il avait réorganisé des manufactures de tabac, en particulier à Lille. Ses deux fils y réussissent : l'un, Henri, esturbaniste ; l'autre,Charles Kolb-Bernard, industriel sucrier, devient sénateur chrétien social et légitimiste[14].
La grand-mère maternelle du futur « homme deLondres », Justine Maillot-Delannoy, reçoit jusqu'à sa mort en 1912 ses enfants et petits-enfants. Elle était la fille d'un avocat et d'uneBritannique. Son grand-père maternel descendait d'un membre duclanirlandaisMacCartan(en) qui,jacobite, s'était réfugié en France après laGlorieuse Révolution[15] ; sa grand-mère maternelle, quant à elle, était issue d'une famille écossaise et protestante, lesFleming.
Enfance et éducation
Charles de Gaulle est marqué par les valeurs familiales : catholicismelégitimiste, goût des études et du service de l'État (droit, administration des tabacs ou de l'armée)[réf. nécessaire].
Ses parents forment une famillecatholique qui réside àParis au 15 de l'avenue de Breteuil. Bien que la famille de Gaulle vécût à Paris, la mère du général de Gaulle se rendit dans sa famille à Lille pour donner naissance à son fils, en accord avec la tradition familiale de la famille Maillot[16]. La famille se rend régulièrement à Lille pour voir la grand-mère Julia Delannoy-Maillot. Toute sa vie, Charles de Gaulle garde une relation particulière avec sa région d'origine[n 7].
Marie-Agnès de Gaulle (1889-1982), résistante française, incarcérée à Fresnes, Buchenwald puis au Château d'Itter, libérée par les troupes américaines le 5 mai 1945;
De gauche à droite :Xavier,Marie-Agnès, Charles, Jacques et Pierre de Gaulle vers 1899.
Très tôt, son père lui fait découvrir les œuvres deMaurice Barrès,Henri Bergson etCharles Péguy. Henri de Gaulle se dit monarchiste de regret et litL'Action française, mais finit par douter de la culpabilité du capitaineDreyfus ; pour autant, malgré des témoignages ultérieurs, rien n'indique qu'il se soit engagé politiquement dans le combatdreyfusard[18]. Jeanne de Gaulle est davantage passionnée de politique : dès la première page desMémoires de guerre, Charles de Gaulle rend hommage à sa mère admirée,« qui portait à la patrie une passion intransigeante à l'égal de sa piété religieuse ».
Durant ses premières années, le jeune Charles est jugé par les siens comme un enfant « difficile ». Ses maîtres le regardent d'abord comme un élève médiocre, à la différence de son frèreXavier, très brillant[19]. Il parvient cependant à atteindre un très bon niveau dans les disciplines jugées essentielles, notamment l'histoire. Il déploie en sa faveur un sens de l'organisation, desprocessions comme des spectacles récréatifs[19]. Son humour et sa gaieté demeurent, lors des fêtes au collège notamment, tandis que sa culture personnelle reflète l'équilibre entre les matièresscientifiques etlittéraires[19].
Le jeune Charles a quinze ans quand, en 1905, il rédige un récit dans lequel il se décrit en « général de Gaulle » sauvant la France, témoignage d'une ambition nationale précoce[21]. Plus tard, il explique à son aide de camp Claude Guy avoir eu dès son adolescence la conviction qu'il serait un jour à la tête de l'État[22],[n 8].
Le, son régiment est attaqué et décimé, anéanti par l'ennemi en défendant le village deDouaumont, près deVerdun. Sa compagnie est mise à mal au cours de ce combat et les survivants sont encerclés. Tentant alors une percée, il est obligé par la violence du combat à sauter dans un trou d'obus pour se protéger, mais des Allemands le suivent et le blessent d'un coup debaïonnette à la cuisse gauche[30]. Capturé par les troupes allemandes, il est soigné à l'hôpital deMayence puis interné àOsnabrück enWestphalie[31]. Tenu pour mort au combat, cette disparition lui vaut d'êtrecité à l'ordre de l'armée[32],[n 10].
Plaque sur le pont deDinant commémorant l'endroit où Charles de Gaulle fut blessé alors qu'il traversait laMeuse en 1914.
Plaque apposée sur l'ancienne maison de la sœur de Charles de Gaulle àCharleroi, où il est venu lui rendre visite après labataille de Dinant.
Extrait d'une lettre de De Gaulle à son commandant, où il revient sur les circonstances de sa capture.
Après une tentative d'évasion manquée àOsnabrück[37], il est transféré àNeisse enSilésie puis àSczuszyn enEmpire russe (territoire moderne de laBiélorussie) et enfin au fort d'Ingolstadt, enBavière, un camp de représailles destiné aux officiers prisonniers remuants[38]. Il y croise le futur généralGeorges Catroux, l'aviateurRoland Garros, le journalisteRémy Roure, le colonel Lucien Nachin[n 11],[16],[39],[40] et le futurmaréchal soviétiqueMikhaïl Toukhatchevski, dont il partage la cellule[41]. Dans une lettre adressée à sa mère, il décrit sa situation de captif comme un « lamentable exil ». Pour tromper l'ennui, de Gaulle organise pour ses compagnons de captivité des exposés magistraux sur l'état de la guerre en cours. Mais surtout, il tente de s'évader à cinq reprises, sans succès, au cours de sa détention de trente-deux mois dans une dizaine de camps différents (Osnabruck,Neisse,Sczuczyn,Ingolstadt,forteresse de Rosenberg(de), prison militaire dePassau, camps deWülzburg(de) ou deWürzburg[n 12] et deMagdebourg)[46]. Il est libéré après l'armistice du et retrouve les siens le mois suivant. De ces deux ans et demi de captivité, il garde un souvenir amer, estimant être un « revenant », un soldat inutile qui n'a servi à rien[47]. Toutefois, il reçoit la croix de chevalier de laLégion d'honneur, le, et lacroix de guerre 1914-1918 avec étoile d'argent[26].
Prisonnier au camp allemand deSczuczyn (Biélorussie), le capitaine de Gaulle sert la soupe à ses camarades, vers 1916-1917.
Charles de Gaulle en Pologne en 1916, accompagné d'un camarade de captivité.
De la Pologne à l'École de guerre : officier conférencier
Charles de Gaulle durant sa mission militaire en Pologne, vers 1920.
Charles de Gaulle poursuit sa carrière militaire sous la protection de Pétain, dans un premier temps[réf. nécessaire].
Le, il arrive àSaint-Maixent pour suivre les cours de remise à niveau destinés aux officiers de retour de captivité. Désireux de relancer sa carrière militaire compromise par ses mois de détention, il cherche à s'engager sur un théâtre d'opération, et postule simultanément pour un engagement dans l'armée d'Orient et auprès de l'armée de Pologne. Début, il obtient son détachement auprès de l'Armée polonaise autonome qui commence à quitter la France pour la Pologne. Il effectue dans le pays deux séjours très rapprochés, le premier d' à, et le second de à la fin du mois de[48]. Dans le cadre de la mission militaire française dugénéral Henrys, le capitaine de Gaulle est affecté comme instructeur à l'école d'infanterie deRembertow. Il y exerce successivement les fonctions d'instructeur, de directeur des études en, et enfin de directeur du cours des officiers supérieurs à partir de.
Repoussant l'offre du général Henrys qui lui proposait de poursuivre sa mission auprès de lui, de Gaulle, qui ambitionne de se présenter au concours de l’École supérieure de guerre dans les meilleures conditions, retourne en France. Déçu par le poste qui lui échoit au cabinet des décorations du ministre, et alors que laguerre soviéto-polonaise fait rage, il repart en Pologne en. D'abord témoin des épreuves traversées par la population polonaise, il prend ensuite activement part aux opérations avec le général Bernard au sein du3e bureau du groupe d'armées Sud (puis Centre) commandé par le général polonaisRydz-Śmigły. Il y gagne une citation. Après la victoire de la Pologne, il rédige notamment un rapport général sur l'armée polonaise. Si à l'analyse de l'action de l'unique régiment dechars FT 17, il a pu écrire« Les chars doivent être mis en œuvre rassemblés et non dispersés », de Gaulle découvre surtout en Pologne la guerre de mouvement et l'emploi des grandes unités de cavalerie comme élément de choc et moyen d'obtenir une décision à portée stratégique[réf. nécessaire].
Son père (qui s'était fait rappeler à66 ans en 1914) se retire progressivement de l'enseignement et Charles de Gaulle indique à sa famille qu'il souhaite se marier. Il a été affecté par le décès sous les bombes d'une « quasi fiancée », en 1916 enBelgique. Les familles lui présentent une jeune fille issue de la bourgeoisie du Nord. Le, Charles de GaulleépouseYvonne Vendroux ; le mariage religieux est célébré le lendemain à l'église Notre-Dame de Calais[49]. Le couple a trois enfants :
À son retour, le capitaine de Gaulle est chargé de cours d'histoire à l'École de Saint-Cyr[51], avant son admission à l'École supérieure de guerre en 1922. En conflit de doctrine avec ses supérieurs dont il conteste la vision stratégique trop liée à la planification défensive et compartimentée du terrain, mais bénéficiant de la protection dePhilippe Pétain, il est mal noté, mais continue de se faire une réputation prometteuse.
En 1924, à l'occasion d'une visite à l'École de guerre, Pétain s'étonne de la faiblesse des notes attribuées à de Gaulle. Ses professeurs appréciaient peu l'indépendance de celui-ci, trait de caractère qu'il partageait avec Pétain. L'intervention de Pétain a probablement conduit à une rectification à la hausse desdites notes[52].
En 1925, il est détaché à l'état-major dePhilippe Pétain, vice-président du Conseil supérieur de la Guerre. Celui-ci l'impose comme conférencier à l'École de guerre et lui demande de préparer la rédaction d'un ouvrage sur l'histoire du soldat. En 1927, en présence de Pétain, il présente à l'École de guerre trois conférences remarquées, respectivement intitulées : « L'action de guerre et le chef », « Du caractère », et enfin « Du prestige »[réf. nécessaire].
Théoricien militaire : les chars et l'armée de métier
Promu chef de bataillon le, il part le mois suivant pourTrèves prendre le commandement du19e bataillon de chasseurs à pied (BCP)[53]. Il y conduit un commandement énergique et continue ses conférences comme dans son poste suivant.
En, il est affecté à l’État-major desTroupes du Levant àBeyrouth où il est responsable des2e et3e bureaux (renseignement militaire et opérations). Accompagné de sa famille, il y demeure jusqu'en[54]. Il effectue plusieurs missions àAlep,Damas,Homs,Palmyre. En, il participe à uneexpédition de pacification sur les territoires majoritairement kurdes du nord-est de la Syrie. Dans une lettre de à son père, il exprime sa fierté d’avoir atteint le Tigre au nom de la France :« C’était, je pense, la première fois dans l’histoire que des soldats français y allaient en armes »[55].
Grâce à l'appui dumaréchal Pétain, il est affecté en ausecrétariat général de la Défense nationale à Paris. Ce nouveau poste est capital, car c'est l'occasion de s'initier aux affaires de l'État[56], puisqu'il est chargé en particulier de travailler au projet de loi militaire. Le, il est promu lieutenant-colonel.
Il fait passer ses idées également sous forme d'articles de presses - une cinquantaine publiés entre 1933 et 1937 - dansL'Echo de Paris. Ceux-ci sont publiés avec le soutien du journalisteAndré Pironneau et sous son nom, afin de préserver l'obligation de réserve de De Gaulle[57].
La France et son armée est préparé depuis 1925 pourPhilippe Pétain ; de Gaulle s'y consacre pendant deux ans (sous le titre deLe Soldat), et Pétain lui permet même de présenter les trois conférences citées plus haut. Mais, jugeant que la partie sur la Grande Guerre n'est pas suffisante, le maréchal veut confier la suite du travail aucolonel Audet. Ceci blesse de Gaulle qui prétend finir seul le travail ; l'ouvrage est mis au placard jusqu'en 1938. En 1932, de Gaulle dédicace néanmoins au maréchal Pétain son ouvrageLe Fil de l'épée : « Car rien ne montre mieux que votre gloire, quelle vertu l'action peut tirer des lumières de la pensée ». Mais en 1938, de Gaulle décide de publier sous son nom le texte duSoldat, et en avertit Pétain, qu'il cite dans la préface comme « inspirateur de l'ouvrage », dont il a retiré toutes les suggestions et observations faites par son supérieur. Pour arranger les choses, Pétain le reçut chez lui et lui proposa de rédiger une dédicace que de Gaulle estime pouvoir adapter dans un premier temps ; devant cette réécriture, Pétain intervient directement auprès de l'éditeur pour demander une correction, que de Gaulle lui accorde bien volontiers,« vos désirs [étant] pour moi des ordres ». Mais Pétain semble considérer désormais que le colonel n'est plus qu'un ambitieux dépourvu d'éducation, et le lieutenant-colonel de Gaulle a perdu sa considération pour Pétain (depuis déjà le renvoi par Pétain deLyautey) d'où une brouille définitive entre les deux hommes qui ne se reverront brièvement qu'en[58],[59],[60].
Dans son premier ouvrage, de Gaulle insiste sur la nécessité de l'unité du commandement et de la nation, donnant la primauté au politique sur le militaire. C'est selon lui à cause de ses divisions que l'Allemagne a perdu. En publiant la reprise de ses conférences sur le rôle du commandement, en 1932, dansLe Fil de l'épée il rappelle l'importance de la formation des chefs et le poids des circonstances. Si de Gaulle étudie l'importance de la défense statique au point d'écrire :« La fortification de son territoire est pour la France une nécessité permanente […] L'encouragement de l'esprit de résistance d'un peuple par l'existence de fortifications permanentes, la cristallisation, l'exaltation de ses énergies par la défense des places sont des faits que les politiques comme les militaires ont le devoir de reconnaître dans le passé et de préparer dans l'avenir », il n'en est pas moins sensible aux idées du généralJean-Baptiste Eugène Estienne sur la nécessité d'un corps deblindés[61], alliant le feu et le mouvement, capable d'initiatives et d'offensives hardies. Sur ce point il entre de plus en plus en opposition avec les doctrines officielles, en particulier celles de Pétain.
Dans son ouvrageVers l'armée de métier, il développe cette question de fond qui nécessite la création d'une armée professionnelle aux côtés de laconscription. Il devient alors le promoteur de la création d'unités blindées autonomes non liées à l'infanterie. Cependant, cette idée rencontre peu d'échos favorables, à l'exception notable dePaul Reynaud, député decentre-droit, ou dePhilippe Serre[réf. nécessaire].
À ce sujet, l'armée comptait d'ardents partisans des divisions cuirassées : les générauxWeygand, Billotte,Héring, Doumenc,Delestraint et, en particulier, la plupart des généraux issus de la cavalerie, commePrioux qui sera en 1940 vainqueur tactique d'une bataille contre un corps d'armée de panzers allemands, ouTouzet du Vigier qui commandera l'une des deux divisions blindées de 1944 sous les ordres de De Lattre[62].
À l'étranger, en revanche, l'idée du généralEstienne d'employer desblindés dans une « percée motorisée » reprise par de Gaulle a déjà suscité la plus grande attention (Heinz Guderian,Liddell Hart).Vers l'armée de métier n'a enFrance qu'un bref succès de curiosité et ne fait que conforter le général Guderian dans ses idées, lui qui était déjà en train de créer la force mécanique allemande[n 13]. Néanmoins, les théories de Charles de Gaulle sont suivies avec intérêt parAdolf Hitler,Albert Speer rapportant que le Führer avait lu à plusieurs reprises le livre du général de Gaulle et qu'il affirmait avoir beaucoup appris grâce à lui[64].
En revanche, contrairement à son influent aîné le colonelÉmile Mayer (dont il est intellectuellement proche, se considérant comme son élève[65]), de Gaulle ne perçoit pas l'importance de l'aviation à laquelle il n'attribue qu'un rôle secondaire : « Les troupes à terre recevront de l'aviation une aide précieuse quant à leur camouflage. Les fumées épandues sur le sol du haut des airs cachent en quelques minutes de vastes surfaces du sol tandis que le bruit des machines volantes couvre celui des moteurs chenillés ». Il faudra attendre l'édition de 1944 où il fera ajouter une phrase : « Mais surtout en frappant elle-même à vue directe et profondément, l'aviation devient par excellence l'arme dont les effets foudroyants se combinent le mieux avec les vertus de rupture et d'exploitation de grandes unités mécaniques ».
ÀParis, de Gaulle est introduit par Lucien Nachin dans le salon non conformiste qui se tient autour du colonelMayer, retraité très ouvert, favorable à une réforme de lastratégie : l'état-major ne doit pas se contenter d'une stratégie défensive derrière laligne Maginot. Cependant, ni l'un ni l'autre ne sont écoutés[40]. Partant des idées du généralFuller et du critique militaire britanniqueLiddell Hart, Charles de Gaulle défend uneguerre de mouvement menée par des soldats de métier, et appuyée par des blindés.
Idées et fréquentations politiques avant la guerre
Charles de Gaulle fait une conférence à laSorbonne au printemps 1934, sous l'égide du cercleFustel de Coulanges, une vitrine de l’Action française[66]. Influencé originellement par la traditionmonarchiste, Charles de Gaulle, militaire soumis au devoir de réserve, révèle dans sa correspondance privée son peu de considération pour leparlementarisme et lui préfère un régime fort, tout en se tenant publiquement à l'écart de l’antirépublicanisme d'une partie de l'armée[67]. Cette méfiance à l'égard du parlementarisme explique que Charles de Gaulle se soit senti avant la guerre proche de l'Action française, avant que la position de Maurras relative aux accords de Munich ne l'en éloigne. Ainsi,Paul Reynaud, qui rencontra en captivité en Allemagne la sœur du général de Gaulle,Marie-Agnès Cailliau, note dans ses carnets de captivité parlant de cette dernière[68] :« Très franche, intelligente et bonne, [elle] nous raconte que Charles était monarchiste, qu'il défendaitMaurras contre son frère Pierre jusqu'à en avoir les larmes aux yeux dans une discussion. Mais au moment de Munich, il a désapprouvé entièrement l'attitude deMaurras. » De même,Christian Pineau dira àAndré Gillois « que le général avait reconnu devant lui qu’il avait été inscrit à l’Action française et qu’il s’était rallié à la République pour ne pas aller contre le sentiment des Français »[69]. Lui-même résistant de gauche,Claude Bourdet qualifiera de Gaulle d’homme de droite, longtemps proche de l’Action française, devenu républicain par mimétisme[70]. SelonEdmond Michelet, de Gaulle subit l’influence de Maurras[71],[n 14].
Pourtant, si la pensée de Maurras a influencé de Gaulle[n 15] durant la première partie de sa vie, celles deCharles Péguy[73],[74],[75]et deMaurice Barrès[76] ressortiront davantage dès les années 1930.
De fait il fréquente le colonelÉmile Mayer, officier israélite, dreyfusard et socialisant. Ayant avant laPremière Guerre mondiale assisté àLille à des meetings deJaurès, il a aussi fréquenté le socialisteClub du Faubourg et les mouvementsnon-conformistes des années 30 (Esprit). Il adhéra également auxAmis de Temps présent, groupe de militants qui soutenaitTemps présent, comme l'indique Éric Roussel, qui signale cependant que de Gaulle« n'est pas devenu pour autantdémocrate-chrétien, loin s'en faut[77]. » Cet hebdomadaire est en effet de la mouvance catholique progressiste et proche duSillon deMarc Sangnier[78], mouvance qui fut favorable auFront populaire et à l'intervention de la France aux côtés desrépublicains espagnols. L'hebdomadaireTemps présent saluera la nomination de Charles de Gaulle comme sous-secrétaire d'État à la Guerre dans son dernier numéro de, comme le signale leCentre d'information sur le gaullisme[79], signalant au passage que de Gaulle fut aussi l'un des premiers abonnés àSept, hebdomadaire à direction religieuse dontTemps présent était le successeur.
Le, Charles de Gaulle publie dans la revue militaire une étude sur la mobilisation économique à l'étranger. À la recherche d'exemples pour la France, il cite parmi d'autres l'Italie mussolinienne[n 16], mais étudie aussi favorablement l'exemple de l'Amérique de Roosevelt. Le futur général de Gaulle fera l'apologie du livreLa réforme de l'État publié parAndré Tardieu en 1934 et dira s'en être inspiré pour la constitution de laVe République[80].
De fait, avant la guerre, de Gaulle n'est pas un idéologue, mais un homme de réflexion et d'action[n 17] et d'ambition.
À cette fin, il se rapproche d'hommes politiques de différentes tendances pour se faire connaître et faire progresser ses idées. Dans le salon de Mayer, il a fait la connaissance de l'avocatJean Auburtin, qui affirme être son principal mentor politique. De fait, Auburtin peut lui présenterPaul Reynaud (accompagné de son conseiller d'alors,Gaston Palewski), que de Gaulle fréquente ensuite régulièrement (il lui écrira soixante fois de 1936 à 1940[n 18]), et qui portera aupalais Bourbon le système du colonel. Auburtin lui présente également d'autres personnalités politiques plus à gauche, telles queLéo Lagrange (président de la commission de l'armée à la Chambre des députés) etMarcel Déat, tous deux intéressés par l'armée de métier[81] ; si le premier ne s'engage pas par loyauté enversLéon Blum, le second, qui vient de rompre avec le dirigeant de la SFIO, accepte de lui prêter son concours (après sa défaite aux élections de 1936 — et son attirance pour une voie opposée, Déat ne sera plus d'un réel soutien)[82]. De Gaulle affirme à propos de Déat en, après avoir reçu un exemplaire deLe Front populaire au tournant[83] :« Déat a sans aucun doute un grand talent et une haute valeur. C'est de quoi on lui en veut. Mais patience, je crois qu'on le verra remonter et aller très haut. » Il enverra à Déat en 1940 un exemplaire de son mémorandumL’Avènement de la force mécanique, lui manifestant alors encore un intérêt certain[84].
À la publication de l'ouvrage,Léon Blum manifeste sa vive hostilité pour les idées de l'armée de métier du colonel de Gaulle dans trois articles publiés parle Populaire, car il craint qu'elle ne soit utilisée contre le peuple, notamment lesgrévistes. Et, de fait, comme le montre une lettre de 1935 envoyée àPaul Reynaud, de Gaulle n'excluait nullement une telle possibilité. Certains passages des livres publiés par le colonel de Gaulle suscitent d'ailleurs l'approbation de l'Action française[85].
En 1935, de Gaulle approuve lepacte franco-soviétique signé par Laval et Staline, évoquant l'alliance de FrançoisIer avec les musulmans contreCharles Quint pour justifier une alliance destinée à assurer la survie du pays pour justifier un accord avec les Russes« quelque horreur que nous ayons pour leur régime »[86]. De Gaulle décide de faire abstraction des — vices — et des« crimes du régime soviétique » en ne retenant que la théorie de l'ennemi :« nous sommes très franchement avec les Russes puisqu'ils combattent les Allemands »[87]. Comme le ditClaude Bouchinet-Serreulles,« De Gaulle se moque pas mal de Staline ou du communisme, il ne veut voir que l'allié dans la lutte contre l'Allemagne nazie »[88].
Charles de Gaulle explique dansVers l'armée de métier quelle est la condition pour faire aboutir ses idées qui sont d'abandonner le service militaire universel au profit d'une armée motorisée composée exclusivement de professionnels :« Il faut qu'un maître apparaisse, indépendant dans ses jugements, irrécusable dans ses ordres, crédité par l'opinion. Serviteur du seul État, dépouillé de préjugés, dédaigneux des clientèles, commis enfermé dans sa tâche, pénétré de longs desseins, au fait des gens et des choses du ressort, faisant corps avec l'armée, dévoué à ceux qu'il commande, homme assez fort pour s'imposer, assez habile pour séduire, assez grand pour une grande œuvre, tel sera le ministre, soldat ou politique, à qui la patrie devra l'économie prochaine de sa force. ». Il affirme également :« Il n'est point de regroupement, de parti, de consul, qui n'invoque le redressement, l'ordre nouveau, l'autorité. Nul doute qu'à bref délai le jeu des institutions, suivant le mouvement des besoins, n'ouvre le champ aux résolus. » Cet appel à la figure du grand homme était déjà présent dansLe Fil de l'épée, où, dès 1932, il exalte[89],« les ambitieux de premier rang […] qui ne voient d'autre raison que d'imprimer leur marque aux événements » ; dans cet ouvrage, il affirme également :« On ne fait rien de grand sans de grands hommes, et ceux-ci le sont pour l'avoir voulu. » Dans leFil de l'épée, il brosse le portrait de l'ambitieux de haute stature qui n'est pas forcément un soldat, à tout le moins un émule deLouvois,Carnot, ou au moins deGouvion Saint-Cyr ouThiers[90].
Néanmoins, Blum se laisse progressivement intéresser par la thématique des chars qu'il soutiendra activement au moment de la guerre[91].
En, le lieutenant-colonel de Gaulle est affecté au507e régiment de chars de combat basé auquartier Lizé àMontigny-lès-Metz. C'est la rencontre concrète avec « son » outil. Il en prend le commandement par intérim le suivant, puis est promu colonel le[92]. Lors des manœuvres, il tente d'imposer, contre le règlement, sa conception de l'usage autonome des blindés, ce qui lui vaut l'hostilité de son supérieur, le généralHenri Giraud.
Lorsque la guerre éclate, Charles de Gaulle est toujourscolonel, et commande par intérim les chars de la5e armée du généralBourret. Le, il envoie à quatre-vingts personnalités civiles ou militaires, dontLéon Blum etPaul Reynaud, ainsi qu'aux générauxMaurice Gamelin etMaxime Weygand, un mémorandum fondé sur les opérations de Pologne. IntituléL'Avènement de la force mécanique, le texte insiste sur la nécessité de constituer de grandes unités autonomes blindées plutôt que de disperser les chars au sein d'unités tactiques plus larges, comme le préconise l'état-major. Trois jours avant l'offensive allemande du, qui conduit à une percée rapide du front français, le colonel de Gaulle est averti de la décision du commandement de lui confier la4e DCR (364 blindés[93]) dont il prend effectivement le commandement le. De Gaulle est conseillé parGeorges Boris[94],[95],[96].
Le, à la suite de la bataille de Montcornet, l'état-major envoie un correspondant de guerre pour interroger de Gaulle, qui lance à cette occasion, àSavigny-sur-Ardres, un premier appel radiodiffusé destiné à remonter le moral des Français en vantant les mérites des divisions blindées et qui se termine par la phrase :« Grâce à cela, un jour, nous vaincrons sur toute la ligne »[98].
Le, il est nommé général de brigadeà titre temporaire[99],[100]. Cette nomination, dans une promotion de six colonels, correspond au fait que de Gaulle en tant que commandant d'une division blindée depuis le, fait déjà fonction de général, ses trois collègues commandants de division blindée (DCR) étant tous déjà généraux. Elle suscite la satisfaction dans plusieurs journaux, par exemple d'Amédée Dunois dansLe Populaire[101], ou encore deCharles Maurras dans l'Action française[102],[103],[n 20].
Ces résultats limités n'empêchent pas le général Weygand, chef des armées, de décerner le au général de Gaulle une citation très élogieuse en tant que commandant d'une division blindée près d'Abbeville :« Chef admirable de cran et d'énergie. A attaqué avec sa division la tête de pont d'Abbeville très solidement tenue par l'ennemi. A rompu la résistance allemande et progressé de14 kilomètres à travers les lignes ennemies, faisant des centaines de prisonniers et capturant un matériel considérable »[104]. Commentant le comportement militaire de De Gaulle sur le terrain, l'historienHenri de Wailly juge que celui-ci, loin d'avoir été particulièrement brillant, a montré dans la bataille « les mêmes faiblesses et les mêmes incompétences » que les autres dirigeants militaires[105].
Au cours de labataille de Montcornet du 17 mai, la division de De Gaulle perd une quinzaine de soldats tués, une dizaine d'autres blessés et 25 chars contre 85 engagés (les Allemands n'ayant de leur côté perdu aucun char),Face au défaitisme ambiant, la bataille de Montcornet, qui se solde pourtant par une défaite sur le plan militaire, pris l'allure d'une victoire morale.[pas clair][106]. Elle doit être mise en vis-à-vis de labataille de Hannut des 12-14 mai. Celle-ci est livrée en Belgique par un corps d'armée blindé dirigé par legénéral Prioux contre un corps allemand de deux panzer-divisions commandé par le général Hoepner. Elle est considérée comme une victoire sans lendemain, du fait de l'effondrement militaire sur la droite et la gauche du corps Prioux. Côté français, sont engagés sans soutien aérien 411 chars (dont 105 à 164 détruits ou perdus), 104 canons (dont 40 antichars et 12 de DCA). Côté allemand, 623 chars (dont 50 à 164 détruits et 200 endommagés) qui sont engagés, 397 canons (dont 159 antichars et 72 de DCA), ainsi qu'un soutien aérien très actif. Le corps de panzer est arrêté par le corps d'armée français qui doit reculer par la suite pour ne pas être enveloppé sur ses ailes où d'autres unités ont été vaincues[107].
Entre le et le, la Grande-Bretagne décide, sans concertation avec le commandement français, de replier son armée enrembarquant par Dunkerque la totalité de soncorps expéditionnaire de 200 000 hommes, ainsi que 139 229 Français, laissant le reste de l'armée française seule face aux Allemands qui capturent tout leur matériel (2 472 canons, près de 85 000 véhicules, 68 000 tonnes de munitions, 147 000 tonnes de carburant, 377 000 tonnes d'approvisionnements) et font prisonnier les 35 000 soldats français restants[réf. nécessaire].
Le, le chef du gouvernement, Paul Reynaud, relèveÉdouard Daladier de son ministère et exerce dès lors à sa place les fonctions de ministre de la Guerre[réf. nécessaire].
Le, le général de Gaulle est convoqué d'urgence à Paris par le président du Conseil et ministre de la Guerre,Paul Reynaud, pour occuper dansson gouvernement le poste desous-secrétaire d'État àla Défense nationale et àla Guerre[108]. Charles de Gaulle sort alors de la hiérarchie militaire pour commencer une carrière politique. Il a pour mission de coordonner l'action avec leRoyaume-Uni pour la poursuite du combat. Le, il rencontre le Premier ministre du Royaume-Uni,Winston Churchill.
C'est le moment des ultimes réunions du Conseil suprême interallié où Churchill, lors de laconférence de Briare à laquelle de Gaulle participe avec un rôle important, puisqu'il est presque le ministre de la Guerre[110], tente de convaincre le gouvernement français de continuer la guerre, malgré la défection totale de l'armée anglaiserembarquée à Dunkerque. Le général Weygand demande l’intervention des 25 escadrilles de chasse de laRoyal Air Force qui avaient été promises par les Anglais pour pousser la France à entrer en guerre, mais Churchill refuse, car il veut les réserver pour la défense contre une attaque directe du territoire de l'Angleterre.
Le, il est en mission àLondres et dicte au téléphone la note deJean Monnet à Paul Reynaud, intituléeAnglo-French Unity, d'uneUnion franco-britannique votée le jour même par laChambre des communes, consistant dans la fusion des armées, notamment des marines, des territoires, des colonies et du gouvernement français dans l'Empire britannique. Il fait valoir que dans le cadre
« d'un gouvernement unique franco-britannique et vous, Monsieur le Président, pouvez être Président du cabinet de Guerre franco-britannique. »
De retour àBordeaux, il apprend avec consternation, le, la démission duprésident du Conseil, Paul Reynaud, et son remplacement par Philippe Pétain. Le même jour, la nomination du généralWeygand, alors chef d'état-major de l'Armée, comme ministre de la Défense nationale et de la Guerre sonne le glas des ambitions ministérielles de De Gaulle. Le transfert des pouvoirs de chef de gouvernement à Pétain n'ayant lieu que le lendemain, de Gaulle est encore membre dugouvernement Reynaud et se dit qu'il court peu de risques en quittant la France[111].
Le représentant de Churchill auprès du gouvernement français, legénéral Edward Spears, est venu à Bordeaux pour tenter de convaincre Paul Reynaud etGeorges Mandel de rejoindre Londres, comme le prévoit le projet d'Union franco-britannique, mais sans succès[112],[113]. Ceux-ci avaient l'intention d'embarquer pour l'Afrique du Nord à bord duMassilia. N'ayant plus de rôle à jouer dans le nouveau gouvernement, et Paul Reynaud lui ayant fait remettre par son ex-directeur de cabinetJean Laurent 100 000 francs prélevés sur lesfonds secrets pour sa logistique à Londres, De Gaulle et son aide de campGeoffroy Chodron de Courcel obtiennent dugénéral Spears, après maintes hésitations[114], d'embarquer avec lui dans lede Havilland Flamingo qui repartait à Londres le, tout en faisant croire à un enlèvement[115].
Blue plaque sur le mur de Carlton House Terrace (Londres), son quartier général pendant la Seconde Guerre mondiale.Charles de Gaulle au micro de laBBC à Londres. Ce cliché est postérieur au, car le Général porte sur sa vareuse l'insigne àcroix de Lorraine[116], adoptée comme emblème de laFrance libre en juillet de la même année[117]. Aucune photographie n'a été prise durant la lecture de l'appel du 18 Juin[116].
Le gouvernement britannique avait tenté vainement de convaincrePaul Reynaud de transférer le gouvernement français au Royaume-Uni avecGeorges Mandel, ancien ministre des Colonies devenu ministre de l'Intérieur, qui aurait lancé lui-même un appel à poursuivre les combats avec toutes les ressources de l'Empire français. Réfugiés à Bordeaux avec leurs familles pour fuir l'invasion allemande, ceux-ci avaient réquisitionné lepaquebotMassilia, qui devait appareiller le pour l'Afrique du Nord[réf. nécessaire].
Dans l'après-midi du 17 juin, alors que Pétain vient d'appeler à cesser le combat, de Gaulle soumet à Churchill son projet de s'exprimer à la radio. Le Premier ministre britannique, avec lequel il s'est déjà entretenu à plusieurs reprises lors des jours précédents, accepte sans hésiter. Le, de Gaulle rédige donc son appel qu'il s'apprête à diffuser sur le programmeRadio Londres de laBBC[19].
Cependant, lecabinet de guerre britannique et notamment le ministre des Affaires étrangèresLord Halifax, n'est pas favorable à cet appel. Les ministres britanniques veulent éviter de gêner le gouvernement Pétain dans ses négociations d'un armistice qu'ils souhaitent le plus favorable possible aux Alliés. Tout au long de la journée du, le Conseil des ministres britannique discute du texte rédigé par De Gaulle[118]. Devant le soutien du Premier ministre, ils donnent finalement leur accord mais exigent quelques modifications afin de ménager le gouvernement français dont on ne connaît pas encore l'orientation.
Après avoir déjeuné avecDuff Cooper, ministre de l’Information britannique, le général de Gaulle accepte d'atténuer sa critique dePhilippe Pétain et de son gouvernement[119]. Le maréchal n'est ainsi pas nommé dans son discours, et la première phrase du texte faisant référence à la trahison du nouveau gouvernement qui« s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat. » est remplacée par[120],[121] :
« Le gouvernement français a demandé à l’ennemi à quelles conditions honorables un cessez-le-feu était possible. Il a déclaré que, si ces conditions étaient contraires à l’honneur, la dignité et l’indépendance de la France, la lutte devait continuer[122]. »
Charles de Gaulle enregistre son texte vers 18h dans les studios de la BBC[19]. Diffusé en France en fin de soirée, son message appelle tous les militaires, ingénieurs et ouvriers d'armement français qui se trouvent en territoire britannique ou qui pourraient s'y trouver à le rejoindre pour continuer le combat. Anticipant le caractère mondial du conflit, de Gaulle affirme que la victoire sur l'Allemagne nazie est possible. Il fonde son espoir sur les atouts stratégiques encore mobilisables au-delà de la métropole : l'Empire colonial français, la puissance maritime des britanniques ainsi que l'industrie américaine[123].
La BBC communique le texte duMinistry of Information (MOI) à la presse, il est publié dansThe Times du,page 6 col. 3, dans leDaily Express, et dans quelques quotidiens régionaux français dontLe Petit Provençal qui le cite sur sa une (colonnes 5 et 6) de son édition de Marseille du mercredi[124]. Le même jour, la BBC rediffuse l'appel à quatre reprises[19]. Cependant, très peu de personnes se souviennent de l'avoir entendu, ou de l'avoir remarqué dans la presse[125].
Ce texte est à l'origine du mythe faisant du général le « père de la Résistance » alors que ce dernier ne prendra conscience de l'intérêt de laRésistance intérieure qu'à partir de 1941[126].
La modification demandée par les ministres britanniques a longtemps été occultée. Elle disparaît dans leBulletin officiel des Forces françaises libres du, dans le premier numéro duJournal officiel de la France libre le, puis dans lesMémoires de guerre et dans l'ensemble des recueils de discours du général de Gaulle, qui continuent à faire commencer l'appel avec la phrase supprimée qui décrivait parfaitement la situation d'éviction que de Gaulle vivait à ce moment :
« Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement.
Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat[119]. »
Affiche « À tous les Français » placardée dans la ville de Londres le
Aucun enregistrement del'appel radiophonique n'ayant été conservé, le texte du 18 juin est parfois confondu avec le contenu des autres appels à résister lancés par de Gaulle. En effet, celui-ci reformule son message à plusieurs reprises : le à la radio, jour de lasignature de l'armistice par le gouvernement pétainiste, puis le alors qu'il est filmé pour les actualités cinématographiques[127]. Son appel est également imprimé sur une affiche devenue célèbre, placardée dans des rues de Londres le[123].
En, le journalLe Monde en partenariat avec l'Institut de Recherche et Coordination Accoustique Musique (IRCAM), avec la participation de l'acteurFrançois Morel, a reconstitué une version du discours radiodiffusé le 18 juin 1940, avec l'aide de l'intelligence artificielle[128].
« Le gouvernement français a demandé à l’ennemi à quelles conditions honorables un cessez-le-feu était possible. Il a déclaré que, si ces conditions étaient contraires à l’honneur, la dignité et l’indépendance de la France, la lutte devait continuer. […] Certes, nous avons été, nous sommes submergés par la force mécanique terrestre et aérienne de l'ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui. […] La France n'est pas seule […] elle a un vaste empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut comme l'Angleterre utiliser sans limite l'industrie des États-Unis. […] Moi, Général De Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas[122]. »
Sanctions
Le, de Gaulle est condamné à mort parcontumace par le tribunal militaire siégeant à Clermont-Ferrand[129] (une deParis-Soir).
Les actions de De Gaulle à Londres se font sans aucun ordre de mission. Le, legénéral Weygand, qui est ministre de la Guerre et son supérieur hiérarchique, lui donne l'ordre de revenir de Londres[130],[131] et le il annule sa promotion au grade de général à titre temporaire. Le, le président de la RépubliqueAlbert Lebrun prend un décret décidant de mettre le colonel de Gaulle à la retraite d'office par mesure disciplinaire[132], et de le traduire devant le Conseil de guerre, qui le condamne le à quatre ans de prison et à la perte de sa nationalité française[133],[n 21].
DeLondres, de Gaulle crée puis dirige lesForces françaises libres. Il est reconnu parWinston Churchill chef des Français libres le. Mais son but est devenu beaucoup plus ambitieux que de mettre en place une légion de volontaires qui continuerait la lutte aux côtés de l'Empire britannique. Il s'agit pour de Gaulle d'ignorer le traité d'armistice qui a été signé et de poursuivre le projet établi dePaul Reynaud, de garder la France dans la guerre contreHitler, en créant une armée et un contre-État doté de tous les attributs desouveraineté et légitimité, et qui se donne une base territoriale en ralliant les territoires français de l'Empire colonial, future plate-forme de la reconquête[137].
Dès le début de l'été 1940, à partir de presque rien et assisté de quelques volontaires, de Gaulle jette ainsi les bases d'une marine (FNFL), d'une aviation (FAFL), de forces terrestres (FFL), d'un service de renseignements (leBCRA du colonelPassy, vite actif en métropole). Lacroix de Lorraine proposée par l'amiralMuselier[n 23],[139],[140], devient son emblème. Les statuts juridiques de la France libre et ses rapports avec le gouvernement anglais sont fixés par le juristeRené Cassin. La France libre a bientôt sa banque, son journal officiel, ses décorations — le Général fonde l'ordre de la Libération àBrazzaville dès, pour honorer ses « compagnons ». Des comités français libres actifs dans le monde entier se constituent et tentent de rallier à de Gaulle les Français de l'étranger, les opinions et les gouvernements[141]. Il y organise également le 27 octobre leConseil de défense de l'Empire, à la suite de son « manifeste à Brazzaville »[142],[143].
En France, de Gaulle a été condamné deux fois parcontumace[n 24]. En Grande-Bretagne, il trouve en revanche le soutien de Winston Churchill, mais aussi celui du Parlement, de la presse et de l'opinion publique, reconnaissantes augallant French d'être resté aux côtés de leur pays au pire moment de la menace allemande. Cet appui, comme celui de l'opinion américaine, se révèle plus tard un atout très précieux lors des tensions avec Londres et Washington[147].
Convaincu de l’importance stratégique de l’empire colonial, de Gaulle annonce dès le 30 juin 1940 son intention d’instituer unConseil de défense de l'Empire et adresse un appel à tous les fonctionnaires civils et militaires des colonies les exhortant à se rallier à son mouvement de résistance. D'abord, seuls les territoires insulaires du Pacifique, isolés dans un environnement géopolitique australo-britannique — lesNouvelles-Hébrides, puis laPolynésie et laNouvelle-Calédonie — et l'Inde française, se rallient. Le 26 août 1940, le ralliement duTchad, également frontalier de territoires britanniques (Soudan anglo-égyptien etNigeria), est accompli par le gouverneurFélix Eboué, et à la suite de quelques coups de force militaires, de Gaulle se rend maître du reste de l'Afrique-Équatoriale française. C’est dans la foulée de ces ralliements rapides qu'il tente de faire basculer l'Afrique-Occidentale française du côté de la France libre.L'opération de Dakar, ratée, tourne à la confrontation entre les flottes vichyssoises et britanniques les 23-25 septembre 1940. À la suite de cet échec, c'est presque tout l'Empire — Afrique-Occidentale française, Afrique du Nord, Levant, Madagascar, Djibouti, Indochine et Antilles — qui se ferme à de Gaulle, parfois farouchement et pendant longtemps. Malgré tout, le petit domaine colonial dont il dispose lui offre une base territoriale et humaine qui lui permet d'asseoir son mouvement[148],[149].
De Gaulle se place à la tête duComité national français à partir du. Mais il fait surtout en sorte que la France reste présente dans le camp allié, par ses Forces françaises libres (FFL) qui combattent l'armée de Vichy sur les différents fronts. En outre, à partir de 1941-1942, il stimule et obtient le ralliement de larésistance intérieure, grâce au colonelPassy, àPierre Brossolette et àJean Moulin. Le, leComité national français propose au gouvernement britannique, qui l'accepte, de changer l'appellation officielle du mouvementFrance libre enFrance combattante, afin d'intégrer la Résistance intérieure[150].
De nombreux facteurs s'opposaient à ce rapprochement de la résistance intérieure et des forces françaises libres. DansLa France de Vichy,Robert O. Paxton remarque qu'en 1940, bien des résistants degauche refusent de voir un chef convenable dans ce militaire qu'ils croient à tort proche de l'Action française, et qui en 1940, est entouré par des Français libres favorables à un changement de régime. SelonJean Pierre-Bloch,Christian Pineau,Henri d'Orléans (comte de Paris) et même le gaullistePierre Lefranc, le ralliement à la République n'aurait d'ailleurs été que tactique. À l'inverse, beaucoup de résistants de droite lui reprochent sa dissidence explicite avec Vichy — à moins qu'ils ne préfèrent, commeMarie-Madeleine Fourcade, n'avoir de relations qu'avec les services secrets britanniques. Le rôle de la radio, qui permet à De Gaulle d'être la voix de la France et son acceptation politique d'un retour à la république permettent à Jean Moulin de le faire reconnaître comme chef par l’essentiel des réseaux, y compris communistes[réf. nécessaire].
Winston Churchill avec le général Władysław Sikorski et le général Charles de Gaulle, après une démonstration du charCruiser Mk IIA CS (A10).
Dès 1940, de Gaulle n'a de cesse que soient protégés les intérêts de la France, dans la guerre et après le conflit. Le, il obtient ainsi de Churchill la signature de l'accord deChequers, par lequel leRoyaume-Uni s'engage à sauvegarder l'intégrité de toutes les possessions françaises et à la« restauration intégrale de l'indépendance et de la grandeur de la France ». Le gouvernement britannique s'engage de plus à financer toutes les dépenses de la France libre, mais de Gaulle insiste pour que ces sommes soient des avances remboursables et pas des dons qui jetteraient une ombre, aussi ténue soit-elle, sur l'indépendance de son organisation[réf. nécessaire].
Malgré les relations de confiance scellées par traités entre Churchill et de Gaulle, les deux hommes ont des relations parfois tendues, gênées par l'anglophobie que manifestait le Général dans lesannées 1920 et1930. Churchill lance à de Gaulle en[151] :« Mais vous n'êtes pas la France ! Vous êtes la France combattante, nous avons consigné tout cela par écrit », de Gaulle réplique immédiatement :
« J'agis au nom de la France. Je combats aux côtés de l'Angleterre mais non pour le compte de l'Angleterre. Je parle au nom de la France et je suis responsable devant elle. »
Churchill renonce alors en poussant un« J'avais espéré que nous pourrions combattre côte à côte. Mais mes espoirs ont été déçus parce que si vous êtes si combatif que non content de lutter contre l'Allemagne, l'Italie et le Japon, vous voulez aussi combattre l'Angleterre et l'Amérique… » De Gaulle recadre alors le débat en précisant :
« Je prends cela comme une plaisanterie, mais elle n'est pas du meilleur goût. S'il y a un homme dont les Anglais n'ont pas à se plaindre, c'est bien moi. »
Ils sont au bord de la rupture en 1941, au sujet de la Syrie, puis en 1942 au sujet de sa convocation àAlger après le débarquement allié en Afrique du Nord (opérationTorch)[réf. nécessaire].
Les relations avecFranklin Delano Roosevelt sont plus problématiques. Le président américain, personnellement francophile, a été déçu par l'effondrement de la France en 1940 et refroidi à l'égard de De Gaulle par l'échec de son entreprise devant Dakar (fin). Les antigaullistes français sont nombreux à Washington, par exemple l'ancien secrétaire général du Quai d'Orsay Alexis Léger (Saint-John Perse) qui lui décrit ce général comme un « apprenti dictateur ». Le président est aussi très mal informé sur la situation en France par l'ambassadeur américain à Vichy (jusqu'au mois de), l'amiralLeahy. Il n'a donc aucune confiance en de Gaulle. Un mot de de Gaulle à Churchill explique en partie l'attitude française face à l'Amérique : « Je suis trop pauvre pour me courber. » De surcroît, au contraire du Général qui mise beaucoup sur l'Empire français, le président américain est profondément hostile au système colonial. Roosevelt projetait de faire de la France un État faible, et le projet d'Allied Military Government of Occupied Territories (AMGOT) allait d'ailleurs très loin dans cette direction, en traitant la France comme un vaincu, plutôt que comme une des puissances victorieuses. La haine de Roosevelt était tellement flamboyante (il considérait de Gaulle au pire comme un futur tyran, au mieux comme un opportuniste) que même ses adjoints finirent par en prendre ombrage, y compris lesecrétaire d'ÉtatCordell Hull qui, finalement, se rangea aux côtés de la France libre et de son chef[réf. nécessaire].
Jusqu'en 1943, les gouvernements en exil en Angleterre s'étaient contentés de relations de bon voisinage avec les gaullistes. C'est que tous ces gouvernements, qui étaient légaux, s'estimaient installés dans une meilleure position que les gaullistes qui étaient, de fait, des dissidents par rapport au gouvernement Pétain que les Français avaient installé dans des conditions reconnues légales, au début, par les grandes puissances. Cette situation évolua lentement. Mais, en 1943, le gouvernement belge en exil deHubert Pierlot etPaul-Henri Spaak précipita le mouvement et fut le premier à reconnaître officiellement les « Français libres » et de Gaulle comme seuls représentants légitimes de la France. Le gouvernement anglais, en l'occurrenceAnthony Eden, un proche de Churchill, avait tenté de dissuader les Belges, craignant que leur initiative serve de modèle aux autres gouvernements en exil. Les Américains eux-mêmes intervinrent, croyant pouvoir utiliser les relations commerciales belgo-américaines pour faire pression sur les Belges (notamment quant à leurs commandes d'uranium du Congo belge). Rien n'y fit. Malgré les pressions britanniques et américaines, Spaak fit savoir officiellement que la Belgique considérait dès lors le gouvernement Pétain comme dépourvu de légitimité et le Comité des Français libres, plus tard Gouvernement provisoire de la France, comme seuls habilités à représenter légalement la France[152].
Relations tendues avec les États-Unis de Franklin Roosevelt
En 1964, lors du vingtième anniversaire du débarquement de Normandie, le général de Gaulle, alors président de la jeune cinquième république, refusa de participer aux commémorations. Il expliqua au porte-parole du gouvernement,Alain Peyrefitte, les raisons d’une telle décision. Pour le Président de la République française, le débarquement du 6 juin 1944 fut une affaire « d’anglo-américains » de laquelle les Français furent délibérément exclus[153]. Pour l'historien Bruno Bourliaguet,« L’attitude de Charles de Gaulle envers les États-Unis après 1945 ne se comprend qu’en considérant les relations conflictuelles entretenues durant la Seconde Guerre mondiale avec le président Franklin D. Roosevelt »[154]. En effet, pourÉric Branca, il y aurait au premier chef de ces conflits, la tentative des Américains de profiter de l’écroulement de la France pour accaparer à leur avantage l’Empire colonial français :« le gouvernement américain proposait de placer – pour commencer – les colonies françaises sous le régime d’un International trusteeship » ; statut grâce auquel les États-Unis pourraient librement accéder aux marchés et aux ressources en plus de points stratégiques[155].
La crise deSaint-Pierre-et-Miquelon fut un autre moment fort des tensions entre la France libre et le gouvernement des États-Unis. D'après l'historienJean-Baptiste Duroselle, les Alliés redoutaient que l’archipel français, sous autorité vichyste, ne devînt une base radio profitant aux sous-marins allemands. Le général de Gaulle proposa donc aux Alliés d’occuper l’île avec ses forces navales libres. Les Américains refusèrent, car ils avaient passé un accord avec le gouverneur vichyste de l’archipel. Dans un premier temps, de Gaulle ordonne à Muselier de s'emparer de l'ile avec ou sans le concourt des Alliés, ce qu'il refusera dans un premier temps, en apprenant cela, les Canadiens et américains projettent d'envahir l'ile sans l'aval de quiconque. Furieux en apprenant la nouvelle, de Gaulle ordonne à Muselier avec une grande insistance de s'emparer de l'ile au plus vite avec ou sans l'accord des alliés. L’insubordination de de Gaulle aux consignes américaines, fut comprise parCordell Hull, le Secrétaire d’État, comme un grave outrage et un défi à l’autorité des États-Unis. Hull parla publiquement des volontaires français ayant réalisé cette action comme des« soi-disant (“ so-called ”) Français libre ». Cette expression lui fut vivement reprochée par l’opinion publique américaine, sympathique à l’égard de l’action des résistants français. Hull conclut de cette affaire que« de Gaulle était une sorte d’aventurier dangereux, d’apprenti dictateur »[156].
Lancée le 8 novembre 1942, l’Opération Torch visait, pour les Alliés, à prendre le contrôle de l’Afrique française du Nord (AFN). D'après Éric Branca, de ce débarquement en« terre de souveraineté française », de Gaulle ne fut pas prévenu, ce qu’il interpréta comme une volonté d’écarter son organisation. D'autant plus qu'à la suite de ce débarquement, les Étasuniens installèrent à la tête de l'AFN l'amiral Darlan,« ex-dauphin du maréchal Pétain et qui prétend gouverner au nom de celui-ci ». Il sera assassiné par la résistance locale le 24 décembre 1942 pour ces raisons[157]. Après cet assassinat, l'historienSerge Berstein nous explique que les Étasuniens appuient un« autre fidèle du maréchal Pétain », le généralHenri Giraud, qui maintient en AFN les lois antisémites et est« excellent du point de vue américain », car piètre politicien et surtout n’ayant pas« l’esprit visionnaire de de Gaulle »[158]. D'après Duroselle, cette politique antigaulliste systématique de Roosevelt dite tactique du « troisième homme », qui visait à évincer le chef de la France libre au profit d’hommes de Vichy, marqua pour longtemps l’esprit de l’homme du 18 juin qui y vit une manoeuvre sournoise de l’impérialisme américain[159].
D’après Bruno Bourliaguet, l’antagonisme entre Roosevelt et de Gaulle atteignit son apogée à la veille du débarquement de Normandie[160]. Cette exacerbation des tensions s'explique par le projet allié de mise en place d’un Allied Military Government of Occupied Territory (AMGOT) en France. D’après l'historienne Régine Torrent, cet organisme, qui éveilla les passions, consistait en « l’occupation militaire de la France par des généraux britanniques et américains » qui maintiendraient et utiliseraient l’administration vichyste tout en réservant « le premier rang de l’administration nationale […] entre les mains du commandant en chef britannique ou américain ». Du point de vue des Étasuniens, de tels expédients s'expliquaient par les contingences de la guerre et la nécessité de maintenir l'ordre (un ordre qu'ils contrôleraient) sur les arrières de leurs armées. Le général de Gaulle, qui en 1944 était président du GPRF, considéra l’AMGOT comme une atteinte d’une extrême gravité à la souveraineté française. Une véritable « seconde occupation », « entreprise de soumission de la France au moyen d’une administration militaire » matérialisée par un franc imprimé aux États-Unis, "fausse monnaie" "symbolique des atteintes à la souveraineté française" qui devait avoir cours forcé dans la France libérée[161].
Enfin, de Gaulle s'efforce, sans doute en partie pour faire « plier » les anglo-saxons, d'entretenir les liens les plus étroits possibles avec l'URSS, notamment en voulant envoyer des régiments français se battre sur le front Est, ce que Churchill et Roosevelt empêchent corps et âmes. D’aprèsJean-Luc Barré, de Gaulle demande même àBogomolov si, en cas de rupture avec les anglo-saxons, il serait possible de déménager les QG de la France Libre àMoscou[162].
Le général de Gaulle avec notamment, legénéral Koenig, sur le perron de l'hôtel de ville de Cherbourg en août 1944.
La fermeté et la rapidité avec lesquelles le général de Gaulle rétablit l'autorité d'ungouvernement national permettent d'éviter la mise en place de l'AMGOT, prévu par les Américains, qui aurait fait de la France libérée unÉtat administré et occupé par les vainqueurs[réf. nécessaire].
L'itinéraire du au du général de Gaulle n'est pas tout à fait clair, les différentes sources comportant à ce sujet des imprécisions et des incohérences. Le, il est à Cherbourg. Il rencontre le général Eisenhower àTournières. Il passe par Coutances, Avranches, Fougères pour se rendre àRennes. Le, il se recueille àPaimpont sur la tombe de sa mère. Le, il est àLaval[165], où il prononce un discours type dans la suite du discours de Bayeux. Il passe ensuite àMeslay-du-Maine, Sablé, Le Mans, puis le à La Ferté-Bernard, Nogent-le-Rotrou, Chartres, et arrive enfin à Rambouillet à18 h.
La2e division blindée dugénéral Leclerclibère Paris le et celui-ci reçoit la reddition deVon Choltitz. Ce même jour, le général de Gaulle se réinstalle au ministère de la Guerre,rue Saint-Dominique àParis, dans le bureau qu'il occupait jusqu'au, signifiant ainsi que « Vichy » était une parenthèse et que laRépublique n'avait jamais cessé d'exister. Il se rend ensuite à l'hôtel de ville, où il prononce au milieu de la foule un discours resté célèbre. Il insiste sur le rôle essentiel joué par les Français dans leur propre libération et déclare« Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! »[166]. Le lendemain,, il descend triomphalement lesChamps-Élysées et fleurit latombe du Soldat inconnu. Le « peuple dans ses profondeurs » manifeste un enthousiasme indescriptible[167].
Charles de Gaulleprésidant un Conseil des ministres duGPRF, le.
Bien après d'autres pays européens, les femmes françaises obtiennent ledroit de vote, exercé pour la première fois auxélections municipales de 1945. Pour la professeure d’histoire à l’université d’AngersChristine Bard :« Dans ses mémoires, le droit de vote tient en trois lignes. Il avait des conceptions traditionnelles sur le rôle des femmes, même si cela ne l’a pas empêché d’accepter l’idée de la citoyenneté des femmes, plus aussi subversive qu’auXIXe siècle »[168].
D'autres réformes figurant dans ce même programme sont entreprises à la Libération :nationalisations (notamment les Houillères du Nord et du Pas-de-Calais, les usines Renault et Gnome et Rhône, laBanque de France, les quatre grandes banques de dépôt et les compagnies aériennes[169]), mise en place du monopole de l'assurance maladie obligatoire qu'est lasécurité sociale (l'Alsace et laMoselle conserveront le système d'assurance maladie instauré parBismarck). Il s’agit notamment de revendications de laSFIO, duParti communiste français et duMouvement républicain populaire (MRP), qui étaient les forces politiques les plus représentées dans le Conseil national de la Résistance.
Le 12 juillet 1945, de Gaulle annonce aux Français la tenue d'une double-consultation. Il s'agit d'une part d'élire une Assemblée et d'autre part de déterminer si elle sera constituante, ce qui impliquerait l'abandon de la IIIe République, conformément au souhait de de Gaulle. À l'issue de ce double referendum, le Général est conforté dans son projet puisque 96% des Français se prononcent pour une Assemblée constituante[169].
Président du Gouvernement provisoire, mais en désaccord avec l'Assemblée constituante sur la conception de l'État et le rôle des partis, le général de Gaulle remet sa démission sur la question des crédits militaires au président de l'Assemblée nationale,Félix Gouin, le. Il a rempli la mission qu'il s'était donnée le : libérer le territoire, restaurer la République, organiser des élections libres et démocratiques, entreprendre la modernisation économique et sociale. Durant cette période, il exerça de fait une fonction équivalente à celle dechef de l'État. Le, il reçoit une lettre d'Edmond Michelet, lui proposant de« fixer sa situation dans l'Armée », et lui indiquant queFélix Gouin souhaite l'élever à la dignité demaréchal de France[170]. Charles de Gaulle refuse, disant qu'il est impossible de« régulariser une situation absolument sans précédent »[171].
En 1947, il fonde un mouvement politique, leRassemblement du peuple français (RPF), afin de transformer la scène politique française, de lutter contre le régime « exclusif » des partis, de s'opposer à l'avancée du communisme et de promouvoir une nouvelle réforme constitutionnelle privilégiant le pouvoir exécutif. Il propose également une troisième voie économique (l'association capital-travail). Le RPF reprend également les thèmes de la droite la plus traditionnelle : ultra-conservatisme colonial (il critique jusqu'à la construction de lycées d'enseignement général àMadagascar), anticommunisme virulent (exploitant les inquiétudes sur l'avancée du communisme dans l'Union française et en Indochine) et même, au moins jusqu'en 1950, la clémence à l'égard de Philippe Pétain. Toutefois, les déclarations ducolonel Rémy réhabilitant le rôle de Pétain seront immédiatement désavouées par le général de Gaulle, mais pas l'initiative deTerrenoire, demandant son amnistie. Il est vrai, comme le rappelle l'historienRené Rémond (dansLes Droites en France), que c'est au nom de la réconciliation nationale qu'en 1949 et 1950, le même général de Gaulle plaidait pour l'élargissement du« vieillard de quatre-vingt-quinze ans »[réf. nécessaire].
Affiches du Rassemblement populaire français
Permanence parisienne du RPF (vers 1947).
Le parti rallie des résistants (dont Jacques Chaban-Delmas) mais aussi des notables comme Édouard Frédéric-Dupont ou Edmond Barrachin (qui fut, dans les années 1930, directeur du comité central du Parti social français). D'anciens pétainistes et même d'anciens collaborateurs parviennent à s'y faire admettre, notamment dans les sections d'Indochine et d'Algérie, dans le service d'ordre, dans les rangs des syndicats ouvriers proches du R.P.F. et parmi les maires élus en 1947. Certains polémistes du parti, notamment Jean Nocher, déploient une extrême agressivité verbale. Pour ces raisons, l'historien Henry Rousso (dans Le Syndrome de Vichy) discerne au RPF « des tendances pro-pétainistes, soit qu’elles aient été envoûtées par la magie du verbe maréchaliste, soit qu’elles aient été convaincues de son impact dans l’opinion ». René Rémond (Les Droites en France) préfère rapprocher le RPF de la lignée du bonapartisme et du boulangisme, tout en observant que le RPF est, dans l'histoire du gaullisme, l'épisode le moins éloigné de « ce qu'en France on a l'habitude de qualifier de fascisme ».[réf. nécessaire]
Charles de Gaulle votant à Colombey-les-Deux-Églises (c. 1950).
Après un grand succès en 1947-1948 (35 % des suffrages aux municipales de 1947, 42 % des sénateurs élus en 1948), le RPF décline de 1949 à 1951. La gestion efficace des événements sociaux de l'automne 1947 par le gouvernement de latroisième force a affaibli le mouvement gaulliste. Le recours à de Gaulle semble alors moins nécessaire pour les conservateurs, les modérés et le patronat. Dans l'opposition, le RPF est frappé d'un véritable ostracisme de la part des autres partis politiques, entretenu par le refus du général de Gaulle de se compromettre avec les autres partis. En 1951, le RPF obtient encore plus de 4 millions de voix (22,3 % des suffrages et 16,8 % des inscrits) et 117 députés.
Le RPF est irrémédiablement affaibli par la défection de vingt-sept députés : ainsi, contre les consignes du Général,Édouard Frédéric-Dupont etEdmond Barrachin votent la confiance au gouvernement d'Antoine Pinay en 1952. En, quarante-cinq autres font défection. Les gaullistes se divisent alors entre les loyalistes, qui fondent l'Union des républicains d'action sociale (URAS), et les autres, qui rejoignent l'Action républicaine et sociale (ARS).
Mise à l'écart du pouvoir
Aux élections locales de 1953, le RPF perd la moitié de ses suffrages et commence alors à décliner. Les élus gaullistes participent encore avec lePCF à l'échec de laCommunauté européenne de défense (CED) en 1954, avant la mise en sommeil définitive du RPF le. Lessondages montrent une indifférence des Français envers le général[172].
À la suite de la défaite électorale de son parti, le général de Gaulle se retire àColombey-les-Deux-Églises et rédige sesMémoires de guerre. Pendant cinq années il se tient à l'écart de la politique, une période que de nombreux observateurs appellent sa « traversée du désert »[réf. nécessaire].
L'instabilité ministérielle, l'impuissance de laIVe République face à laquestion algérienne, déclenchée par une insurrection le, conduisent le régime à une crise grave. Des responsables politiques de tous bords en viennent à souhaiter le retour du Général. Cette même année 1954, lesMémoires de guerre sont publiées[réf. nécessaire].
Même si de Gaulle s’est officiellement retiré de la vie politique, il continue à recevoir et écouter bon nombre de sympathisants gaullistes qui ne souhaitent que son retour au pouvoir. Ce qu’on appelle alors les événements d’Algérie semblent présager ce retour[réf. nécessaire].
Il convient de rappeler que l'action de De Gaulle à Londres a été la création d’un réseau de renseignement qui donna naissance auxservices secrets français et du réseau français de résistance commandé parJean Moulin. Ce réseau de renseignement est, en quelque sorte, un réseau social ou un média communicationnel très discret mais actif. À l’instar des événements de la Seconde Guerre mondiale, ces anciens compagnons de la résistance seront ceux qui le mèneront au pouvoir ; tous continuent de vouer une admiration à l’artisan de la Libération. Le mouvement gaulliste étant bien structuré, notamment grâce au concours du Rassemblement du peuple français (RPF), plusieurs acteurs du mouvement sont placés à des postes stratégiques.Jacques Chaban-Delmas (résistant), ministre de la Défense nationale en 1957, envoie Léon Delbecque (résistant) à Alger où, vice-président duComité de salut public (CSP), il conseille le général Salan, qui appellera publiquement de Gaulle au pouvoir[173]. Le CSP d’Alger prendra notamment le contrôle de radio Algérie, transformant ce qui était alors une radio provinciale en canal majeur de propagande gaulliste en Algérie comme en métropole. Il se trouve que le responsable de cette chaîne est le résistantLucien Neuwirth, épaulé par Léon Delbecque, tous deux envoyés en Algérie par Chaban-Delmas. Le 17 mai,Jacques Soustelle, également résistant, est chargé de la propagande pour le CSP[174]. D’autres figures de la résistance contribueront à répandre le nom du Général partout en France et en Algérie mais le feront de leur plein gré. Le général à la retraite ne leur a rien demandé[175]. Seul le souvenir qu’il a laissé à ses compagnons de la résistance (ethos) a suffi à les motiver. C’est parce que tous se souvenaient de ce qu’il avait promis en démissionnant en 1946, c’est-à-dire qu’il reviendrait s’il était appelé au pouvoir.
Le, un comité de vigilance appelle à manifester contre leFLN àAlger. Un comité de salut public est créé, à la tête duquel se trouve legénéral Massu, et dont fait aussi partie legénéral Salan. Ce dernier, poussé parLéon Delbecque, lance le devant la foule son appel au retour du général de Gaulle, « Vive de Gaulle ! », du haut du balcon du Gouvernement général. L'insurrection prend de l'ampleur et risque de dégénérer en guerre civile. Le, le Général se dit « prêt à assumer les pouvoirs de la République[176] ». Certains voient dans cette déclaration un soutien à l'armée et s'inquiètent. Il rassure et insiste sur la nécessité de l'union nationale ; s'il se présente encore comme le recours, il ne donne officiellement aucune caution ni à l'armée ni à quiconque. Néanmoins, un plan d'action militaire, baptisé « Résurrection », a déjà été mis en place en cas d'échec des négociations politiques.
De Gaulle entre officiellement en scène avec pour intention d’appliquer la réforme qu’il avait voulue lors de sa première présidence et étayée à Bayeux en 1946[175]. Il explique alors au présidentRené Coty que son retour sera conditionnel à l’obtention des pleins pouvoirs. La conférence de presse donnée le servira, entre autres, à rassurer le public quant à cette période spéciale qu’il exige. Sa réponse marquera les esprits :« Est-ce que j'ai jamais attenté aux libertés publiques fondamentales ? Je les ai rétablies. Et y ai-je une seconde attenté jamais ? Pourquoi voulez-vous qu'à 67 ans, je commence une carrière de dictateur ? ». Cette conférence de presse donne le ton à toutes celles qui suivront durant sa présidence et deviendra le symbole de la communication présidentielle pour laVe République[177].
À la suite du soutien accordé par l’Assemblée nationale, il quitte Paris et se rend à Alger le. Il y prononce un discours, le premier de sa tournée algérienne, où il scande « Je vous ai compris ! » Cette communication aux Français d’Algérie, sans rien offrir de concret, charme autant les partisans de l'Algérie française que ceux de l’« Algérie algérienne », qui voient en lui la possibilité d’une paix négociée. Deux jours plus tard, à Mostaganem, il affirme clairement soutenir l’Algérie française, renforçant ainsi le soutien qui lui serait accordé plus tard au moment de voter la nouvelle Constitution[179].
La nouvelle Constitution, élaborée au cours de l'été 1958, est très proche des propositions qu'il avait énoncées dans sondeuxième discours de Bayeux, avec un exécutif fort. Le général de Gaulle accepte cependant que le Parlement ait plus de poids qu'il ne le souhaitait. En particulier, de Gaulle doit renoncer à l'élection du président de la République au suffrage universel, élément central de son dispositif constitutionnel qu'il finira par imposer en 1962[réf. nécessaire].
Comme le rapporteJean-Marie Domenach dans la revue politiqueEsprits[180], leréférendum de 1958 ne porte pas seulement sur la Constitution. La stratégie communicationnelle du Général présente ce référendum constitutionnel comme une nouvelle forme de cohésion nationale en proposant un plan d’adhésion des colonies d’outre-mer et profite de l’occasion pour plébisciter sa légitimité. En métropole, les électeurs sont appelés à voter pour une Constitution ; dans les colonies, le Général propose l'indépendance à celles qui le veulent ou l’adhésion pour celles qui veulent de la France mais, à travers tout l’Empire, il est appelé à voter pour ou contre un des grands hommes de la patrie[180]. De Gaulle utilise sa personne comme un lien entre ces deux électorats divisés et garantit sa victoire au référendum car, comme le dit la devise duPanthéon, « aux grands hommes, la patrie reconnaissante ».
LaConstitution est adoptée parréférendum le, avec 79,2 % de « oui ». L'Empire l'approuve également, sauf laGuinée qui devient ainsi la première colonie française de l'Afrique subsaharienne à obtenir sonindépendance. Charles de Gaulle est élu président de la République le[181] et prend ses fonctions le suivant.
Entre le moment de son entrée en fonction commeprésident du Conseil et son élection à la présidence de la République, Charles de Gaulle a largement amorcé la politique qui marquera son passage au pouvoir : outre la volonté de doter la France d'une nouvelle Constitution, le Général se soucie de la politique européenne de la France (rencontre avec le chancelierAdenauer le[n 25]), de l'indépendance du pays face aux États-Unis (mémorandum du adressé au présidentEisenhower), de l'assainissement des finances publiques (mesures du) et du sort de l'Algérie (il refuse les choix des comités de salut public et appelle à la « paix des Braves » en).
À la suite des échecs de laIVe République enIndochine et enAlgérie, une insurrection éclate àAlger et les putschistes civils et militaires organisent unComité de salut public (en référence à celui de laRévolution française) le pour maintenir l'Algérie française. Ils en appellent au retour du général de Gaulle. L'antenne d'Alger mise en place par le ministre de la DéfenseJacques Chaban-Delmas dès 1957, dirigée parLucien Neuwirth etLéon Delbecque, a influencé les partisans de l'Algérie dans la République française. Comme l'a rapportéOlivier Guichard dansAvec de Gaulle (voir bibliographie), l'antenne d'Alger faisait surtout de la transmission : le travail d'influence était supervisé par les deux plus proches collaborateurs du général de Gaulle, Guichard lui-même et, pour les militaires,Jacques Foccart[réf. nécessaire].
En, les gaullistes remportent les élections législatives et obtiennent une confortable majorité. Le suivant, de Gaulle est éluprésident de la République et de la Communauté africaine et malgache avec 78,51 % des voix, au suffrage indirect, par un collège de plus de 80 000 grands électeurs[182].
Charles de Gaulle en 1961.
Charles de Gaulle prend ses fonctions de président de la République le, succédant ainsi àRené Coty. Il gère leconflit algérien, met en place une nouvellepolitique économique et engage d’importantes mesures pour revitaliser le pays, avec en particulier une dévaluation de 29 % et l'introduction du nouveaufranc (valant 100 anciens francs), qui fait revenir lescentimes, disparus en 1945[réf. nécessaire].
Le, dans lestade olympique de Grenoble, il devient le second président français à ouvrir une cérémonie olympique, à l'occasion desXe jeux olympiques d'hiver[184].
En ce qui concerne laguerre d'Algérie, de Gaulle suscita d’abord de grands espoirs parmi les Français d’Algérie, auxquels il déclara à Alger le : « Je vous ai compris ». Ce jour-là, il se garda de rien leur promettre de précis, lors de ce discours, et ne reprit ni leur mot d'ordre d'« intégration » ni leur slogan « Algérie française ». Il proclame que « à partir d'aujourd'hui, la France considère que, dans toute l'Algérie, il n'y a qu'une seule catégorie d'habitants : il n'y a que des Français à part entière ». Ce n'est qu'àMostaganem, le, qu'il prononça les mots : « Vive l'Algérie française[187] », exception davantage révélatrice d'un désaccord que d'une adhésion, pourRené Rémond[188].
Mais il adopta aussi quelques mesures libérales en direction des indépendantistes algériens : « paix des Braves » proposée auFLN en, grâces accordées à plusieurs rebelles, dontYacef Saâdi, condamné à mort comme ancien dirigeant du FLN pendant labataille d'Alger, interdiction officielle formelle des actes de torture. C'est également sous de Gaulle que les femmes musulmanes d'Algérie obtinrent le droit de vote, que l'on vit les musulmans pouvoir voter à égalité avec les Européens (de ce fait, dès avant l'indépendance en 1962, une majorité des maires d'Algérie sont eux-mêmes des musulmans), ou que fut nommé le premier préfet musulman d'Algérie (Mahdi Belhaddad àConstantine). De Gaulle annonça en personne la mise en œuvre duplan de Constantine, dans cette ville, en : ce plan prévoyait, sur cinq ans, la redistribution de250 000ha de terres, la construction de 200 000 logements et la création de 400 000 emplois[189].
Il laissa son Premier ministre,Michel Debré, vilipender comme« manœuvre communiste » le rapport accablant établi par le jeuneMichel Rocard, et qui dénonçait l'entassement inhumain de deux millions de personnes civiles dans des « camps de regroupement ». Dès 1959, de Gaulle en revint aussi à une solution classique de répression militaire. À l'été 1959, l'opération « Jumelles », diteplanChalle, porta au FLN ses coups les plus rudes à travers tout le pays. Certes, de Gaulle réalisa rapidement qu'il n'était pas possible de résoudre le conflit par une simple victoire militaire, et à l'automne 1959 il commença à s'orienter vers une solution conduisant inéluctablement à l'indépendance de l'Algérie. Mais jusqu'à l'hiver 1961/62, il choisit tout de même de poursuivre la guerre, au prix de nombreuses victimes et, selon le journalisteRémi Kauffer, d'un accroissement de l'usage de la torture. Jusqu'à la fin de 1961, la lutte contre le FLN est menée avec autant de vigueur, et même davantage, qu'avant. SelonConstantin Melnik, conseiller spécial deMichel Debré chargé de coordonner les services secrets, il y eut environ500 assassinats politiques entre 1958 et 1961[réf. nécessaire].
Il reste difficile de savoir quand de Gaulle comprit que l'indépendance était la seule solution pour sortir d'un conflit coûteux en hommes, en argent et en prestige international. D'autant plus qu'il perd le soutien de proches et d'anciens combattants luttant pour l'Algérie française.Édouard Lebas, à cet effet, écrit le dansCombat :« Nous vivons depuis sur la plus grande duperie de l'histoire et depuis sur la plus grande imposture. La cause du mal c'est la volonté tenace, bien que supérieurement camouflée, du Général de Gaulle. Il faut donc dénoncer à la masse, sans subterfuges et sans faux-fuyants, le responsable du mal dont meurent la République et la Liberté »[190]. En 1961, de Gaulle fit encore rédiger parAlain Peyrefitte un plan de partition de l'Algérie, sans doute en fait pour faire pression sur leFLN. Au même Alain Peyrefitte, il expliquait dès 1959 que« l'intégration » de l'Algérie à la France, défendue par les partisans de l'Algérie française, était une utopie : deux pays culturellement si éloignés et présentant un tel écart de niveau de vie n'avaient pas vocation à en former un seul. Sans compter qu'au vu de l'accroissement démographique des musulmans, ce serait ouvrir la porte à leur immigration massive en métropole, dépassant de fort loin la simple venue traditionnelle de populations étrangères appelées à se fondre dans le creuset français.
Lasemaine des barricades à Alger (1960).Discours radiotélévisé du général de Gaulle, revêtu de son uniforme, le, pendant la semaine des barricades.
Dès le, de Gaulle parle de « l'autodétermination » de l'Algérie. Comme pour les pays de l'empire colonial français qui viennent d’accéder à l’indépendance, le chef de l’État aurait pour stratégie d'installer une administration qui défendrait les intérêts politiques et économiques de la France[191].
En, le limogeage du généralJacques Massu, qui avait critiqué sa politique, provoque la rupture avec les Français d'Algérie et l'érection debarricades au centre d'Alger. Malgré ce climat insurrectionnel, de Gaulle abroge définitivement, par uneordonnance du, lapeine de déportation[192]. En, un référendum valide cependant massivement sa politique des deux côtés de la Méditerranée.
Avec l'armée deconscription, il fait échec auputsch des généraux àAlger en. Quatre jours suffisent à mettre en déroute le « quarteron de généraux à la retraite » stigmatisés dans un de ses plus célèbres discours. Cette attitude provoqua de fortes résistances dans certains groupes nationalistes et de Gaulle fut obligé de réprimer des soulèvements depieds-noirs en Algérie[réf. nécessaire].
Il est la cible d'organisations terroristes telles que l'Organisation armée secrète (OAS), qui le surnomme « la Grande Zohra ». La métropole devient alors l'objet de plusieurs vagues d'attentats commis par l'OAS. L'amiralPierre Lacoste, ancien directeur de laDGSE, déclare en 1992, dans un entretien accordé au journalThe Nation, que certains éléments du réseauGladio étaient impliqués dans des activités terroristes contre le général de Gaulle et sa politique en Algérie[193],[194].
Dans lanuit du au, une manifestation, interdite par les autorités françaises, est organisée par le FLN. Les manifestants protestent contre le couvre-feu imposé en métropole aux ressortissants d'Afrique du Nord. Cette manifestation est férocement réprimée. Le préfet de policeMaurice Papon couvre ses policiers et le gouvernement l'ensemble de ses fonctionnaires. Selon le rapport de l'avocat général Jean Geromini, remis le, il y aurait eu au moins48 noyés pendant la nuit du17 au 18 octobre, sans compter les personnes mortes des suites de leurs blessures ou de leurs conditions d'internement. Selon l'historien et éditorialisteAlain-Gérard Slama et Linda Amiri (laquelle a dépouillé les archives de la préfecture de police), le chiffre total est de l'ordre d'une centaine de victimes (L. Amiri compte100 morts certains et31 disparus). Les propos tenus par de Gaulle en Conseil des ministres quelques jours après le drame sont connus grâce aux notes prises par son ministre Louis Terrenoire, et publiées par Éric Rossel[réf. nécessaire].
Quelques mois plus tard,lors d'une manifestation interdite le, huit manifestants sont tués par les forces de police au métro Charonne et un autre meurt ensuite à l'hôpital. Selon l'historienJean-Paul Brunet, Charles de Gaulle est« tout autant responsable de cette tragédie que le ministre de l'IntérieurRoger Frey, le préfet de policeMaurice Papon, et toute la hiérarchie policière ». Une des raisons est, explique J.-P. Brunet, « l'autoritarisme » du Général. Selon l'historienAlain Dewerpe, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, le massacre de Charonne n'est qu'une conséquence logique des « habitus de pouvoir » de De Gaulle et des gaullistes, dans la situation de la guerre d'Algérie[réf. nécessaire].
Quant à l'organisation terroristeOAS, elle est réprimée par des moyens impitoyables : exécutions sommaires, tortures, polices parallèles, lesquelles n'hésitent pas à recruter des truands, commeGeorges Boucheseiche etJean Augé. LaCour de sûreté de l'État est créée en pour en condamner les chefs, lesquels sont amnistiés quelques années plus tard (la Cour continue ensuite de juger des terroristes, jusqu'à sa suppression, en). En 1962, à la suite desaccords d'Évian, un cessez-le-feu est proclamé en Algérie. Le général de Gaulle fait adopter parréférendum l'indépendance de l'Algérie, effective en[195].
Très irrité par le ralliement massif des pieds-noirs à l'OAS, à l'heure où celle-ci lance une vague de terreur et de terre brûlée en Algérie, de Gaulle n'a aucun mot de compassion ni en public ni en privé pour le sort du million de Français rapatriés d'Algérie en à la suite de la non-application desaccords d'Évian par la partie algérienne[réf. nécessaire].
Le lendemain de la signature des accords d'Évian, les supplétifs de l'armée française, lesharkis, sont désarmés par la France, et abandonnés sur place. Le gouvernement s'oppose au rapatriement de la majorité d'entre eux, et fait interdiction aux officiers de l'armée de les aider à gagner la France, hors du cadre d'unplan de rapatriement général. Le, en Conseil des ministres, alors que les massacres de pieds-noirs et harkis ont commencé, Charles de Gaulle s'oppose au repli des harkis en France[196]. Par la suite, plusieurs dizaines de milliers sont torturés et massacrés[197].
En, le Premier ministreMichel Debré est remplacé parGeorges Pompidou, et, en de la même année, de Gaulle propose d'amender la Constitution afin de permettre au président d'être élu ausuffrage universel direct, dans le but de renforcer sa légitimité à gouverner directement. La réforme de la Constitution, malgré l'opposition duParlement, de la totalité de la gauche et d'une bonne partie de la droite, est aisément acceptée lors duréférendum du avec 62,25 % de « oui », le président du Sénat, à l'époqueGaston Monnerville, ira même jusqu'à accuser de forfaiture Charles de Gaulle puis saisira le conseil constitutionnel afin de faire annuler le résultat du vote. Le conseil constitutionnel, par 7 voix contre 2 (Coty et Auriol) refuse d'accéder à sa demande en se déclarant inapte :« Le Conseil constitutionnel n'a pas compétence pour se prononcer sur la demande susvisée du Président du Sénat »[198].
En, l'Assemblée nationale vote une motion de censure contre legouvernement Pompidou, mais le Général refuse la démission que lui présente le Premier ministre et choisit de dissoudre l'Assemblée. Les nouvelles élections renforcent la majorité parlementaire gaulliste[réf. nécessaire].
C'est sous l'autorité de De Gaulle que les réseaux de ce que l'on appellera plus tard laFrançafrique furent mis en place[199]. À la tête d'une partie de son cabinet, issue de l'éphémèreCommunauté française,Jacques Foccart maintient des liens étroits, non seulement de coopération, mais souvent de contrôle, avec les nouveaux pouvoirs des États africains ayant accédé à l'indépendance, notamment au moyen d'accords de coopération militaire et financiers, mais aussi par l'action des services secrets. L'expression de « pré carré » est alors courante, et ces liens politiques et économiques assurent un soutien diplomatique dans la stratégie d'entre deux blocs de De Gaulle.
Un polytechnicien ingénieur de l'armement nomméJean Bastien-Thiry, âgé de35 ans, considère la politique algérienne du général de Gaulle comme une politique d'abandon et de trahison. Il conçoit donc, avec l'aide de personnes partageant son point de vue et appartenant à l'Organisation armée secrète (OAS), d'enlever de Gaulle, voire, si ce rapt se révèle impossible, de l’abattre. Un attentat est ainsi organisé au rond-point duPetit-Clamart le. Il échoue, bien que laDS présidentielle montre ensuite, parmi les impacts (environ150 balles tirées), une trace de balle passée latéralement à quelques centimètres des visages du couple présidentiel[réf. nécessaire].
Charles de Gaulle dans la DS présidentielle lors d'une halte àIsles-sur-Suippe, le.
Dans la déclaration qu'il fait lors de l'ouverture de son procès en, Bastien-Thiry développe les motivations du complot basées essentiellement sur la politique algérienne du général de Gaulle. Il est condamné à mort le. Parce qu'il avait fait tirer sur une voiture occupée par une femme et parce que, contrairement aux autres membres du commando, il n'avait pas pris de risques directs, Bastien-Thiry n'est pas gracié par le général de Gaulle, comme l'ont été les autres membres du commando (tout comme d'ailleurs les autres membres de l'OAS, qui ont été pris). Une semaine après la fin de son procès, Bastien-Thiry est fusillé aufort d'Ivry[réf. nécessaire].
En1968, une première amnistie permet aux derniers responsables de l'OAS, aux centaines de partisans de l'Algérie française encore détenus, et à d'autres, exilés, commeGeorges Bidault ouJacques Soustelle, de rentrer en France. D'anciens activistes de l'Algérie française se rallient alors au gaullisme, en adhérant auSAC ou aux comités de défense de la République (CDR). De Gaulle déclare àJacques Foccart le :« Il faut que nous allions vers une certaine réconciliation. » Les autres condamnations pénales sont effacées par les lois d'amnistie de 1974 et 1987[réf. nécessaire].
Autres attentats
Plaque commémorative installée en 1950 et plastiquée fin 1962 en réaction aux événements d'Algérie. La charge fit sauter les premières lettres du mot, libérateur. La plaque fut depuis laissée telle quelle en témoignage[200]
L'attentat du Petit-Clamart est celui qui a été le plus près de réussir. De nombreux autres attentats ont été organisés contre la personne du Général, parmi lesquels[réf. nécessaire]:
le, une bombe commandée à distance est enterrée sur la route de Colombey, àPont-sur-Seine, mais laDS présidentielle conduite par le gendarmeFrancis Marroux n'est pas endommagée[201] ;
le, de Gaulle doit être abattu sur le perron de l'Élysée par un tireur posté près de l'Élysée[202] ;
le, de Gaulle est en visite aumont Faron, près deToulon ; une jarre est piégée de huit pains deTNT mis à feu à distance, mais ceux-ci n'explosent pas, le déclencheur étant trop faible[203].
Latélévision, pour la première fois dans l'histoire, joue un rôle très important dans une campagne ; malgré son refus de « jaspiner » dans « les étranges lucarnes », le Général se plie à cette nouvelle mode entre les deux tours. Cette campagne marque aussi l'apparition dessondages, qui mettent en évidence la baisse des intentions de vote en sa faveur avant le premier tour[204].
Charles de Gaulle est rééluprésident de la République le, avec 55,20 % des suffrages exprimés. Le Général indique ultérieurement à quelques proches qu'il n'ira pas au bout de son mandat (devant s'achever en 1972) et qu'il se retirera à ses 80 ans[207],[208].
Témoignage de la réconciliation franco-allemande, devant le parvis de lacathédrale de Reims, fait en 1962.Charles de Gaulle etKonrad Adenauer (1963).
De Gaulle doit attendre la fin du conflit en Algérie pour lancer réellement sa politique étrangère. En effet, le « boulet algérien »[209] réduisait considérablement la marge de manœuvre française et éclipsait les affaires extérieures. La politique de « l'indépendance nationale » est alors pleinement mise en application.
Sur le plan international, de Gaulle continue à promouvoir l'indépendance de la France : il refuse à deux reprises (en 1963 et en 1967) l'entrée duRoyaume-Uni dans laCEE[210] et en 1962, au moment de lacrise des missiles de Cuba, de Gaulle, soutient le président américain John F. Kennedy. En effet, lorsqu'il est informé par les États-Unis de la présence de missiles soviétiques à Cuba, de Gaulle exprime rapidement sa solidarité avec le président américain. Il fait confiance aux informations fournies par les Américains sans exiger de preuves supplémentaires. Il affirme son soutien aux mesures que Kennedy prend pour faire face à la menace des missiles soviétiques à Cuba. Cependant, De Gaulle condamne dès 1964 l'aide militaire apportée par lesÉtats-Unis à la république duViêt Nam (diteViêt Nam du Sud) contre la rébellion communiste menée par leViêt Cong (guérilla soutenue par le Nord-Viêt Nam), ainsi que la riposte israélienne au blocus dudétroit de Tiran par l'Égypte, et va même plus loin en établissant unBlocus militaire sur Israël[211] lors de laguerre des Six Jours en 1967. Il prend l'une de ses décisions les plus spectaculaires en 1966 en retirant la France du commandement militaire intégré de l'OTAN, expulsant les bases américaines de son territoire.
Concernant l'Europe, de Gaulle est partisan d'une « Europe des nations » et des États, qui peuvent seuls répondre des nations, celles-ci devant conserver leur pleinesouveraineté et leur personnalité historique et culturelle :« Si vous voulez que des nations s'unissent, ne cherchez pas à les intégrer comme on intègre des marrons dans une purée de marrons. Il faut amener leurs gouvernants légitimes à se concerter, et un jour, à seconfédérer, c'est-à-dire à mettre en commun certaines compétences, tout en restant indépendants pour tout le reste »[212]. De Gaulle est donc franchement hostile à l'idée d'une Europesupranationale, c'est-à-dire celle prônée parJean Monnet, une Europe avec un gouvernement fédéral composé des actuelles commissions, qui surplomberait des gouvernements provinciaux, lesquels ne s'occuperaient plus que des questions secondaires. En 1962, dans une conférence de presse, il rejette sans détour l'idée d'une fusion des états européens dans un ensemble supranational[213]. En particulier, il insiste sur les réalités culturelles nationales et emploie le mot « volapük »[n 26] pour moquer une hypothétique langue unique. Ces prises de positions entraînent, au sein de son gouvernement, la démission des cinq ministres duMRP.
C'est l'Europe qui fixe le cadre de son ambition, une Europe qui va même « de l'Atlantique à l'Oural », gommant d'un trait le provisoirerideau de fer. En effet, le pivot de la politique étrangère française est le rapprochement avec l'autre poids lourd du continent, l'Allemagne. Ainsi, de Gaulle tourne le dos aux « Anglo-Saxons »[réf. nécessaire].
On pourrait en effet s'étonner de l'intransigeance gaullienne vis-à-vis du Royaume-Uni, tout particulièrement. Pour de Gaulle, comme pour Churchill d'ailleurs, le Royaume-Uni n'avait fait que son devoir en1940, et il n'existait pas de « dette » française envers Londres liée à laSeconde Guerre mondiale. De Gaulle désapprouvait les relations privilégiées rapprochant le Royaume-Uni des États-Unis depuis la guerre, ainsi que la préférence économique impériale qui jouait entre celle-ci et les États duCommonwealth, rendant ainsi difficile son admission au sein de l'Europe. Aussi l'entrée d'un tel « cheval de Troie américain » au sein de l'Europe lui paraissait-elle non souhaitable. Les Britanniques attendront donc 1973 avant de rejoindre la Communauté économique européenne (CEE)[réf. nécessaire].
La position de De Gaulle face au monde communiste est sans ambiguïté : il est totalement anticommuniste. Il prône la normalisation des relations avec ces régimes « transitoires » aux yeux de l'Histoire de façon à jouer le rôle de pivot entre les deux blocs. La reconnaissance de larépublique populaire de Chine dès le va dans ce sens. De même sa visite officielle enrépublique populaire de Pologne (6-) fut un geste qui montre que le président français considère le peuple polonais dans son ancrage historique. La question allemande, et donc letracé de la frontière occidentale de la Pologne, jouent un grand rôle dans les discussions officielles. Malgré la domination exercée par l'URSS, de Gaulle est accueilli spontanément par des foules enthousiastes. Il mise, comme il le dit devant la diète (Assemblée nationale) polonaise, sur un futur où la Pologne recouvrerait sa place d'État indépendant. Il s'agit une fois de plus de son projet d'Europe continentale élargie[215].
Durant laSeconde Guerre mondiale, de Gaulle avait soutenu le mouvement royalistetchetnik deDraza Mihailovic, dont il était un admirateur[216]. Pour cette raison, le leaderTito qui fait partie des « non-alignés », soutient fortement l'indépendance algérienne avec des livraisons massives d'armes auFLN via laTunisie.
Pays visités par le général de Gaulle pendant sa présidence.
Les relations entre de Gaulle et les États-Unis sont assurément les plus complexes.[style à revoir] Malgré quelques tensions vives, de Gaulle est toujours à leurs côtés lors des vrais coups durs : leblocus de Berlin et lacrise de Cuba notamment. En revanche, lorsque ce sont les Américains qui attisent les tensions, de Gaulle prend publiquement ses distances, notamment par son discours du àPhnom Penh vilipendant l'attitude américaine au Viêt Nam, théâtre d'opération que la France connaissait fort bien[217]. Ses communications privées sont espionnées par les États-Unis, mais aussi par le Royaume-Uni, qui le surveille à son domicile[218].
La notion gaullienne d'« une certaine idée de la France » se manifeste surtout en politique étrangère. De Gaulle puise une force dans sa connaissance de l'Histoire de France, qu'il a d'ailleurs enseignée àSaint-Cyr. Selon lui, le poids de cette Histoire donne à la France une position particulière dans le concert des nations. Convaincu que les relations internationales reposent avant tout sur les réalités nationales et les rapports entre États, il surnomme l'ONU « le machin » et refuse que la France participe au financement des opérations menées par les « casques bleus » contre la sécessionkatangaise auCongo ex-belge. Passablement irrité par l'attitude duNigeria lors de l'explosion deGerboise bleue[219], le troisième essai nucléaire français, en 1960, et souhaitant le « morcellement » de ce pays, comme il le raconte à son conseiller aux affaires africaines,Jacques Foccart[219], de Gaulle soutient lasécession du Biafra en 1967-68, qui fait un à deux millions de morts[219].
En Afrique francophone, il ne prend pas position face aux coups d'État qui se succèdent, mais apporte son soutien aux régimes en place quand il le juge nécessaire, faisant intervenir les troupes françaises auGabon (1964) et auTchad (1968)[réf. nécessaire].
Il entreprend unvoyage de trois semaines en Amérique du Sud en 1964 au cours duquel il n'a de cesse de dénoncer les « hégémonies » des superpuissances. De Gaulle, qui visite dix pays, est acclamé par les foules, mais la tournée diplomatique a finalement peu de retombées concrètes et ne remet pas en cause l'hégémonie des États-Unis sur ce continent[220].
Caricature d'Arthur H. Sloggatt intitulée "This One Wants A Warhead Too" (Celui-ci veut aussi une ogive) et publiée dans le New York Daily Mirror en 1959.Charles de Gaulle etJohn Fitzgerald Kennedy en 1961.
Convaincu de l'importance stratégique de l'arme nucléaire, de Gaulle poursuit son développement en menant desessais nucléaires au Sahara puis en Polynésie française, sous la protestation de l'opposition qui n'y voit qu'une « bombinette ». De Gaulle lui rétorque: « Dans dix ans, nous aurons de quoi tuer 80 millions deRusses. Eh bien je crois qu'on n'attaque pas volontiers des gens qui ont de quoi tuer 80 millions de Russes, même si on a soi-même de quoi tuer 800 millions de Français, à supposer qu'il y eût 800 millions de Français »[221],[222].
L'attitude des États-Unis envers ce programme est ambivalente. Kennedy propose à de Gaulle de lui donner desmissiles Polaris, comme il l'avait fait avec le Royaume-Uni (accords de Nassau). Mais de Gaulle refuse, déclarant qu'il souhaite que la France se bâtisse elle-même une armée. La question nucléaire empoisonna les relations franco-américaines durant toutes les années 1960[223]. Il faut attendreRichard Nixon pour trouver un premier président américain clairement « gaullien ». Nixon contourne d'abord les contraignantes législations américaines dans le domaine nucléaire avant d'ouvrir officiellement la voie de la collaboration nucléaire franco-américaine. Le programme français était alors déjà largement abouti et ses armes nucléaires très efficaces.
Comme l’explique l'historien Olivier Pottier, l’OTAN pratiquait le système de l’intégration, à savoir le placement sous commandement américain des contingents des différents pays. Ainsi, une part importante de l'armée française était directement sous commandement étranger. À l'inverse de ce système, de Gaulle est pour la formation d’un « état-major combiné allié » ou « directoire tripartite » où les principaux membres de l’Alliance, France, Grande-Bretagne, États-Unis, établiraient la direction stratégique de l’Alliance en coopération. Il propose de réformer l’OTAN dans ce sens par le biais du mémorandum du 12 septembre 1958 qui est unanimement rejeté par les Américains et les Britanniques. Ce refus anglo-américain confirme à de Gaulle le caractère hégémonique de la politique étasunienne de défense[224].
Après avoir retiré du commandement de l'OTAN la flotte française de la Méditerranée (1959), puis celle de l'Atlantique et de la Manche, de Gaulle écrit le 7 mars 1966 au président américainLyndon Johnson pour lui notifier la sortie de la France du commandement intégré de l'OTAN : « la France se propose de recouvrer sur son territoire l'entier exercice de sa souveraineté, actuellement entamé par la présence permanente d'éléments militaires alliés ou par l'utilisation habituelle qui est faite de son ciel, de cesser sa participation aux commandements intégrés et de ne plus mettre de forces à la disposition de l'OTAN ». Tout en restant partenaire de l'Alliance atlantique, la France gaullienne se retire donc de « l'organisation militaire intégrée aux ordres des Américains », comme le confie de Gaulle àPeyrefitte[225]. Les troupes américaines présentes en France doivent évacuer leurs bases, et le quartier général de l'OTAN quitteRocquencourt pour s'installer en Belgique.
Conversion des dollars
Sur la recommandation de l'économisteJacques Rueff qui voyait la conquête de l'espace et le conflit vietnamien déséquilibrer la balance des paiements des États-Unis, de Gaulle réclame à ces derniers la contrepartie en or d'une forte proportion des dollars détenus par la France. L'opération est légale, car le dollar est alors défini officiellement comme correspondant à 1/35 d'once d'or. Règlements internationaux obligent, les États-Unis doivent obtempérer et de Gaulle fait procéder par laMarine nationale au rapatriement de la part de l'or de laBanque de France déposé à New York auprès de laBanque fédérale de réserve[226]. En 1971, les États-Unis mettent fin à laparité avec l'or pour faire « flotter » le dollar. À la suite des chocs pétroliers de 1973 et de 1979, les cours de l'or s’envolent : le conseil de Jacques Rueff était effectivement judicieux à long terme.
Conscient du danger que présente l'hégémonie du dollar pour le système monétaire international et l'économie mondiale d'une manière générale, et estimant qu'elle « entraîne les Américains à s'endetter, et à s'endetter gratuitement vis-à-vis de l'étranger, car ce qu'ils lui doivent, ils le paient […] avec des dollars qu'il ne tient qu'à eux d'émettre », de Gaulle est partisan d'un retour à l'étalon-or[227].
Lors d'une visite d'État auCanada en 1967 afin, officiellement, de prendre part aux festivités entourant l'Expo 67 comme l'y avait invité le Premier ministre québécoisDaniel Johnson, de Gaulle provoque l'indignation des autorités fédérales canadiennes : le, àMontréal, du haut du balcon de l'hôtel de ville, devant une foule de 15 000 Québécois, il ponctue son discours d'un retentissant :« Vive Montréal, vive le Québec…vive le Québec libre ! Vive le Canada français et vive la France ! ». Saluée par une ovation des indépendantistes québécois, cette déclaration déclenche une crise avec le gouvernement canadien. À la suite du discours, qui contenait un certain nombre de clins d'œil, le Premier ministre canadien,Lester B. Pearson, réplique sèchement le lendemain, déclarant que « les Canadiens n'ont pas besoin d'être libérés », et faisant savoir très clairement que de Gaulle n'est plus le bienvenu au Canada. Le président français repart séance tenante pour la France, délaissant lecroiseur qui l'avait amené, leColbert[réf. nécessaire].
Dans la perspective de la Seconde Guerre mondiale, cette déclaration est ressentie comme injuste par les Canadiens anglophones qui avaient soutenu la France libre, alors que les Québécois francophones, soucieux de l'indépendance du Canada vis-à-vis du Royaume-Uni, étaient moins enthousiastes pour participer à l'effort de guerre. Des envoyés de la France libre, Élisabeth de Miribel et le capitaine de vaisseauGeorges Thierry d'Argenlieu — dont le titre de supérieur majeur de la province des Carmes de Paris était censé lui valoir le respect des catholiques — tentèrent en 1941 de rallier les Canadiens à la cause du général de Gaulle[réf. nécessaire].
Les réactions sont non seulement diplomatiques, mais aussi populaires. Par exemple, les habitants duboulevard de Gaulle, à Ottawa, obtiennent de la ville en que leur rue soit rebaptiséeboulevard Confédération, une décision qui ne fait toutefois pas l'unanimité[229],[230].
Le gouvernement d'Ottawa doit dès cette époque traiter avec une attention particulière les revendications du Québec qui, fort de cet encouragement laissant présager un soutien fort de la France si besoin,commence à parler de faire sécession[réf. nécessaire].
De plus, lors de laconférence de presse du 27 novembre 1967 à l'Élysée, Charles de Gaulle justifie une fois de plus son geste d'éclat par un discours engagé, ponctué par un solennel« allons, allons, pour eux aussi, pour eux surtout, il faut que la France soit la France ! »[231].
Cette déclaration est cohérente avec la pensée du général de Gaulle, qui aurait déclaré àAlain Peyrefitte, en :« L'avenir du Canada français, c'est l'indépendance. Il y aura une République française du Canada ». Selon Alain Peyrefitte,« sans préjuger de la forme que la souveraineté québécoise devait revêtir, de Gaulle, avec ce sens historique qui valut à la France son salut, s'en vint donc à Montréal, en, exhorter les Canadiens français à préserver leur identité française dont, sousLouis XV, l'indifférence des élites françaises avait fait si légèrement bon marché.« Vive le Québec libre » ne fut pas plus improvisé que l'appel du. L'appel à la liberté, lancé le, n'aurait rien eu de fortuit »[232].
De l'avis de ses propres partisans, de Gaulle a été complètement surpris par une crise qu'il ne prévoit pas et ne comprend pas. Indifférent aux revendications étudiantes et à la« crise de civilisation »[233] qu'elles révèlent, il ne voit là au mieux qu'un gigantesque chahut de jeunes qui ne veulent pas passer leurs examens, au pire une contestation de l'autorité de l'État à faire cesser sur-le-champ. Dans les premiers jours de mai, ses seules consignes sont de réprimer brutalement les manifestations étudiantes, contre l'avis de plusieurs de ses ministres qui conseillent l'apaisement.
Après la nuit des barricades du10 mai au, de Gaulle, sceptique, laisse toutefois son Premier ministreGeorges Pompidou, rentré d'un voyage enIran et enAfghanistan[234], mener une nouvellepolitique d'apaisement. Pompidou, qui a dû mettre sa démission dans la balance, veut éviter désormais les heurts, et parie sur l'essoufflement à terme du mouvement.
Du au, de Gaulle est en déplacement enRoumanie. Or, en son absence, la grève générale se développe et des millions de grévistes paralysent la France, tandis que laSorbonne et l'Odéon sont occupés sans réaction de la police. Seul aux commandes de l'État et de la majorité parlementaire, Pompidou paraît entre-temps devenu le vrai chef du pays[réf. nécessaire].
À son retour anticipé de Roumanie le 18 au soir, de Gaulle déçoit jusqu'à des fidèles inconditionnels en apparaissant dépassé et flottant, sans cette vivacité et cette efficacité de réaction qui le caractérisent d'habitude. Il semble écartelé entre la prudence pompidolienne et la fermeté qu'il prêche lui-même. Il attend le 24 au soir pour parler en public, et pour n'annoncer que des mesures déjà éventées depuis plusieurs jours, qui ne répondent à aucune préoccupation de l'heure. « J'ai mis à côté », confesse-t-il aussitôt après avoir visionné son allocution. Le Général expose, dans cette allocution, qu'il entend que l'État doit rétablir l'ordre, maintenir la République. « La rue, c'est le désordre, la menace du totalitarisme, « lachienlit » »[235]. Le soir même, de violents incidents éclatent à Paris, on relèvera des centaines de blessés et plusieurs barricades érigées[réf. nécessaire].
Le 27 mai, lesaccords de Grenelle, passés entre le gouvernement Pompidou, les représentants des syndicats et du patronat, aboutissent à un train de mesures classiques[Quoi ?]. De Gaulle préside le Conseil des ministres qui ratifie aussitôt les accords, mais à la surprise de Pompidou et des chefs syndicaux, la base rejette les avancées de Grenelle, estimant que c'est la société entière qui est en cause. Les grèves continuent. Le 27, une manifestation austade Charléty lance l'idée d'un gouvernement provisoire. Le jour même,François Mitterrand reprend cette solution et annonce sa candidature à la présidence de la République. La crise politique atteint son sommet[réf. nécessaire].
La disparition soudaine et inexpliquée du chef de l'État, parti avec son épouse en hélicoptère le29 mai pour une destination inconnue, provoque la stupeur et ouvre la voie à toutes les supputations. Il passe parBaden-Baden, où il est reçu par legénéral Massu[236][1]. Dès son retour à Paris le lendemain, son allocution radiodiffusée a le ton de la fermeté. Il y annonce la dissolution de l'Assemblée nationale. Elle est suivie d'une immense manifestation organisée par les gaullistes sur lesChamps-Élysées[237].
Script de l'allocution prononcée par le général de Gaulle à la radio le (Archives nationales AG/5(1)/1447).
De Gaulle était prêt à accepter certaines des revendications des manifestants. Il voulut faire approuver les réformes par référendum, maisGeorges Pompidou, en mettant sa démission dans la balance, le persuada de plutôt dissoudre l'Assemblée nationale. De Gaulle l'annonça le, dans un discours radiodiffusé, comme l'appel du ou l'intervention de 1960 pendant les barricades d'Alger. Les phrases étaient courtes, chacune ou presque annonçait une décision[réf. nécessaire]:
« Étant le détenteur de la légitimité nationale et républicaine, j'ai envisagé, depuis vingt-quatre heures, toutes les éventualités, sans exception, qui me permettraient de la maintenir » ;
« J'ai pris mes résolutions. Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas. » ;
« Je ne changerai pas le Premier ministre, qui mérite l'hommage de tous. » ;
« Je dissous aujourd'hui l'Assemblée nationale » ;
« Je charge les préfets, devenus ou redevenus Commissaires de la République, d'empêcher la subversion à tout moment et en tous lieux » ;
« Quant aux élections législatives, elles auront lieu dans les délais prévus par la Constitution, à moins qu'on entende bâillonner le peuple français tout entier, en l'empêchant de s'exprimer en même temps qu'on l'empêche de vivre, par les mêmes moyens qu'on empêche les étudiants d'étudier, les enseignants d'enseigner, les travailleurs de travailler. Ces moyens, ce sont l'intimidation, l'intoxication et la tyrannie exercées par des groupes organisés de longue date en conséquence et par un parti qui est une entreprise totalitaire, même s'il a déjà des rivaux à cet égard ». De Gaulle opposait ainsi leParti communiste français aux groupes maoïstes, alors que le premier semblait déjà bien dépassé par les événements. En clouant le PCF au pilori et lui prêtant une visée subversive délibérée, de Gaulle rompt avec la stratégie de Pompidou, qui n'a cessé de négocier avec le Parti au long du mois.
La fin du discours mentionne au sujet d'une déclaration antérieure, et sans la citer, « l'ambition et la haine de politiciens au rancart » et affirme qu'après avoir été utilisés « ces personnages ne pèseraient pas plus que leur poids, qui ne serait pas lourd ». Mais le Général néglige les 44,5 % des voix qui se sont portées en 1965 sur Mitterrand au second tour de la présidentielle, ou encore le simple siège de sa majorité auxélections législatives de 1967[réf. nécessaire].
Une manifestation fut organisée et fut créditée d'un million de participants selon les organisateurs, sept cent mille selon la préfecture de police. Lesélections de furent un grand succès pour la droite qui obtient 354 des 487 sièges (du jamais vu dans l'histoire du parlementarisme français). Georges Pompidou fut remplacé parMaurice Couve de Murville au mois de[réf. nécessaire].
La campagne des législatives occupa les forces politiques, tandis que la reprise du travail se faisait progressivement. La reprise en main se fait parfois sans ménagement. Des Comités d'action civique, répondant à l'appel de De Gaulle, se constituent pour dresser des listes noires de grévistes et d'agitateurs notoires, et la police même renoue avec la brutalité des premiers jours de (quatre morts à déplorer en)[réf. nécessaire].
La victoire des gaullistes aux élections législatives, bien que massive, n'a pas assez redynamisé le pouvoir. L'Assemblée nationale, plus à droite, est aussi plus frileuse face aux réformes pourtant voulues par le général de Gaulle (participation, régionalisation, réforme de l'Université[238]…). L'éviction du vrai vainqueur de la crise, Pompidou, a été mal comprise, et ce dernier fait désormais figure de recours et de successeur potentiel. De Gaulle n'est plus irremplaçable.
Il prononce son dernier discours public le ; il cite alors quelques vers enbreton du poèmeDa Varzed Breiz (« Aux bardes de Bretagnes », de son oncleCharles[239]).
Lors de Mai 1968, le général de Gaulle annonce l'organisation d'un référendum sur la rénovation universitaire, sociale et économique. À la demande de Georges Pompidou, il en repousse la tenue au profit d'élections législatives anticipées. Alors qu'il entre dans la dixième année de sa présidence, de Gaulle continue de bénéficier d'une importante cote de popularité et apparaît comme un rempart contre les désordres[240].
Le référendum annoncé est finalement fixé au et porte sur la régionalisation et la réforme duSénat. Il prévoit le transfert de pouvoirs aux régions, l'introduction de représentants des organisations professionnelles et syndicales au sein desconseils régionaux et, point particulièrement fustigé par l'opposition, la fusion du Sénat avec leConseil économique et social[241]. De Gaulle annonce qu'il démissionnera en cas de victoire du « non »[240].
Dans un premier temps, les sondages font état d'une nette avance du « oui », la réforme régionale suscitant en particulier l'adhésion des électeurs, au contraire de celle du Sénat.Valéry Giscard d'Estaing se prononce contre l'adoption du référendum, tandis que Georges Pompidou, qui a évoqué la possibilité de briguer la présidence l'année précédente, apparaît à droite comme le moyen de sauver les institutions si de Gaulle venait à démissionner[240].
Le, alors que le « oui » était encore donné gagnant quelques jours plus tôt, le « non » l'emporte par 52,41 % des suffrages exprimés. Quelques minutes après minuit, le, un communiqué laconique tombe deColombey-les-Deux-Églises :« Je cesse d'exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd'hui à midi »[242]. Le président du Sénat, le centristeAlain Poher, assure dès lors l'intérim présidentiel[243].
Ce communiqué est le dernier acte public de « l'homme du » : pour éviter d'être impliqué dans sa propre succession, il passe le temps de la campagne enIrlande où il arrive le pour un séjour d'un mois. Treize jours àSneem puis àCashel où il vote par procuration ; ensuite il s'enferme àLa Boisserie pour y écrire sesMémoires d'espoir qui prendront la suite desMémoires de guerre ; il y mène une existence retirée voire recluse[réf. nécessaire].
Fidèle à ses principes concernant la séparation entre sa vie d'homme d'État et sa vie personnelle, il refuse sa retraite de général et d’ancien président de la République[244]. Sa veuve se contente jusqu’à la fin de la réversion de sa retraite de général de brigade à titre temporaire[245] obtenue grâce à un décret pris par le président Pompidou[244].
En juin 1970, il effectue un voyage enEspagne, durant lequel il fait une visite de courtoisie augénéral Franco[n 28], déclarant regretter n’avoir pu le rencontrer plus tôt du fait des circonstances internationales. Même si de Gaulle n'exerçait plus alors de charge publique, qu'un homme de son prestige aille rencontrer le dictateur espagnol suscite des critiques chez ses détracteurs[246]. Au surplus, de retour en France, il adresse à Franco le une lettre aux termes très élogieux, avec notamment cette phrase : « Avant tout, j’ai été heureux de faire personnellement votre connaissance, c’est-à-dire celle de l’homme qui assure, au plan le plus illustre, l’avenir, le progrès, la grandeur de l’Espagne. »[247],[248]
Dans le même esprit, De Gaulle fait savoir à l'ambassadeur de France de Pékin,Étienne Manac'h, qu'il voudrait s'y rendre durant l'été 1971. En effet, Charles de Gaulle estime queMao Zedong fut le seul capable d'extirper laChine de l'anarchie et d'avoir su prendre les décisions nécessaires au salut de sa patrie :« Mais je lui dirai aussi que, quelle que soit mon admiration pour les réalisations de ce régime, j'ai trop de respect de l'individu pour endosser les dogmes ducommunisme. Je lui dirai mes réticences sur ce point »[249].
Grâce à la reconnaissance de la Chine de Mao en 1964 et aux nombreuses expéditions françaises qui s'ensuivirent, dont notamment le célèbre ouvrage deAlain Peyrefitte,Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera, les relations entre la Chine et la France seront parmi les meilleures entre la Chine et les pays occidentaux[réf. nécessaire].
À cet égard, Charles de Gaulle sera le seul président occidental à recevoir un éloge funèbre de la part de Mao Zedong[250].
Mort et funérailles
Le, comme à l'accoutumée, le Général entame une partie depatience dans la bibliothèque de la Boisserie. Il dit avoir mal au dos avant de s'écrouler à19 h 2, victime d'une rupture d'anévrisme de l'aorte abdominale[251],[n 29] et meurt environ vingt minutes plus tard, avant même l'arrivée de son médecin le docteur Lacheny (venu deBar-sur-Aube) et du curé de Colombey, l'abbé Claude Jaugey. La nouvelle n'est communiquée que le lendemain par une allocution télévisée duprésident de la RépubliqueGeorges Pompidou qui déclare que« la France estveuve »[253],[254].
La mort de De Gaulle est l'occasion de prendre la mesure du rôle qu'il a joué dans l'histoire deFrance, ainsi que dans l'histoire de l'Europe et du monde. Ainsi, le lendemain du décès du général, le roi des BelgesBaudouin vient, à titre privé, présenter ses condoléances à madame De Gaulle. Dans sesMémoires de guerre, De Gaulle s'abstint de condamner le roiLéopold III de Belgique lors de la reddition de l'armée belge, en 1940, et le gouvernement belge d'Hubert Pierlot etPaul-Henri Spaak en exil à Londres fut le premier des gouvernements alliés à reconnaître la légitimité du gaullisme, malgré les pressions anglaises[152].
Les obsèques religieuses du Général ont lieu le àColombey-les-Deux-Églises en présence de 50 000 personnes et d'une délégation des armées françaises, seule participation officielle autorisée par le Général dans son testament. L'homélie est alors prononcée par le prêtre et résistantMaurice Cordier[255]. À Paris, de nombreux chefs d'État étrangers sont rassemblés pour honorer sa mémoire àNotre-Dame, 70 000 personnes suivant la cérémonie depuis le parvis[256]. 300 millions de téléspectateurs suivent les cérémonies enmondovision[257].
Charles de Gaulle rédigea sontestament en 1952, juste après les obsèques aux Invalides du maréchalJean de Lattre de Tassigny, souhaitant éviter toute tentative derécupération politique et d'être trop lié à laIVe République. Il réaffirma à ses proches à plusieurs reprises les dispositions à prendre[258]. Ses dernières volontés[259], qu'il avait rédigées en trois exemplaires numérotés et actualisées, sont les suivantes :
« Je veux que mes obsèques aient lieu àColombey-les-Deux-Églises. Si je meurs ailleurs, il faudra transporter mon corps chez moi, sans la moindre cérémonie publique.
Ma tombe sera celle où repose déjà ma fille Anne et où, un jour, reposera ma femme. Inscription : Charles de Gaulle (1890-…). Rien d’autre.
La cérémonie sera réglée par mon fils, ma fille, mon gendre, ma belle-fille, aidés par mon cabinet, de telle sorte qu'elle soit extrêmement simple. Je ne veux pas d'obsèques nationales. Ni président, ni ministres, ni bureaux d'assemblées, ni corps constitués[n 30]. Seules, les Armées françaises pourront participer officiellement, en tant que telles ; mais leur participation devra être de dimension très modeste, sansmusiques, ni fanfares, ni sonneries.
Aucun discours ne devra être prononcé, ni à l’église ni ailleurs. Pas d'oraison funèbre auParlement. Aucun emplacement réservé pendant la cérémonie, sinon à ma famille, à mes Compagnons membres de l'ordre de la Libération[n 31], auconseil municipal deColombey. Les hommes et femmes de France et d'autres pays du monde pourront, s'ils le désirent, faire à ma mémoire l'honneur d'accompagner mon corps jusque sa dernière demeure. Mais c'est dans le silence que je souhaite qu'il y soit conduit. Je déclare refuser d'avance toute distinction, promotion, dignité, citation, décoration, qu'elle soit française ou étrangère. Si l'une quelconque m'était décernée, ce serait en violation de mes dernières volontés. »
— Testament de Charles de Gaulle,
Le, la croix de la tombe du Général est vandalisée par un individu, mais le socle est resté intact[260].
Quelques semaines après sa mort, le, est votée une loi exonérant de droits de mutation sa succession pour« services exceptionnels rendus à la Nation[349] ». La loi est présentée au Parlement par le secrétaire d'État à l'Économie et aux Finances,Jacques Chirac[350],[351].
Des statues ont été érigées en sa mémoire aussi bien àQuébec ouLondres qu'àVarsovie ouMoscou. Larépublique populaire de Chine lui garde une forte reconnaissance publique pour l'avoir reconnue diplomatiquement en 1964.Israël ressentit d'autant plus durement ses déclarations fracassantes de 1967 que le culte populaire qui était voué à l'homme du ne pouvait se comparer jusque-là, comme le rappelleÉric Roussel, qu'à celui du « Père de la nation »David Ben Gourion. Le monde arabe se souvient de ses critiques contre l'occupation de Gaza et de la Cisjordanie.Ben Bella rendit hommage à de Gaulle comme au plus valeureux adversaire duFLN :« Chef militaire, c'est lui qui nous a porté les coups les plus durs », mais qui finit par accepter l'indépendance algérienne. En effet, pour Ben Bella :« De Gaulle voyait plus loin » et« De Gaulle n'était pas un politicien, il avait cette dimension universelle qui fait trop souvent défaut aux dirigeants actuels »[362]. À ceux qui lui reprochaient d'être resté un client de la France gaullienne,Léopold Sédar Senghor répliquait que peu de chefs d'État occidentaux pouvaient se vanter d'avoir risqué personnellement leur vie pour conduire une colonie à l'indépendance. Il n'est pas jusqu'au maître deCuba,Fidel Castro, qui déclara devant les caméras avoir trouvé un modèle en de Gaulle à la lecture de sesMémoires de guerre. L'Amérique latine ou leViêt Nam apprécient encore le pourfendeur de la domination américaine, leQuébec le contempteur de la prédominance anglophone.
Legs historique
Stèle dédiée à Charles de Gaulle àMassy (Essonne).Décor de l'office de tourisme de Colombey-les-Deux-Églises.
LaConstitution de 1958 dure maintenant depuis plus d'un demi-siècle, avec des modifications. « L'homme de Londres » est entré dans un passé mythique où, pour les Français, il incarna à lui seul l'opposition aurégime de Vichy[réf. nécessaire].
Les années que l'économisteJean Fourastié a nommées lesTrente Glorieuses (1945-1975) ont laissé aux Français le souvenir d'une époque, sinon heureuse (deux guerres coloniales), au moins de croissance et de prospérité.« Nous ne sommes pas les plus riches, nous ne sommes pas les plus puissants, mais je vous garantis que nous sommes parmi les plus heureux », affirmaGeorges Pompidou lors de vœux usuels de Nouvel An aux Français. Or, la fin de cette période heureuse se trouve correspondre à peu près à celle de De Gaulle : difficile dans ces conditions de séparer objectivement ce qui est dû à l'homme et à son dauphin désigné de ce qui est dû au contexte économique[réf. nécessaire].
De Gaulle en visite aux installations nucléaires dePierrelatte et deCadarache le 23 septembre 1963.
Bien des traits de sa personnalité avaient entraîné une sympathie des Français envers sa personne : d'abord son vocabulaire non conventionnel pour un homme politique de l'époque et de cet âge (« culbute », « chienlit »), ses boutades[364] (« Pourquoi voulez-vous qu'à 67 ans, je commence une carrière de dictateur ? »[365]), son sens de la répartie (au cours d'une conférence de presse, à un journaliste lui demandant « Comment allez-vous ? » il répondit :« Je ne vais pas mal, mais rassurez-vous : un jour je ne manquerai pas de mourir »[366]) ; àLouis Vallon, qui s'était écrié« Mort aux cons ! » au cours d'une réunion, au temps duRPF, de Gaulle répondit :« Vaste programme ! »[367], son mépris affiché des partis politiques, enfin, sa défiance envers une droite qui ne l'aimait pas et le lui fit voir en 1969, comme envers une gauche qui n'avait jamais vraiment soutenu le projet departicipation des salariés aux bénéfices de leur entreprise qui lui était cher (conformément à sa politique directement inspirée ducatholicisme social[75]). De Gaulle, c'était, dans un esprit très « Astérix », un de ces« petits qui ne se laissent pas avoir par les grands »[368]. On ne s'étonnera pas de sa déclaration selon laquelle son livre préféré étaitCyrano de Bergerac. Et il fit un jour cette remarque ironique :« Au fond, vous savez, mon seul rival international, c'estTintin ! »[369],[370].
La personnalité de Charles de Gaulle a suscité énormément de représentations dans les arts et la culture populaire[371].
Publications
Charles de Gaulle, qui commence à écrire à l'âge de quinze ans, publie des articles et une nouvelle dans différentes revues entre 1908 et 1910 en utilisant lepseudonymeanagrammatique deCharles de Lugale[372]. Il est par la suite considéré comme un écrivain de talent[373]. L'écrivain et journalisteClaude Roy le salue, dansLibération, comme un des« grands écrivains latins de langue française »[374].
Dans lesannées 1920,Pétain, qui souhaite entrer à l'Académie française, fait appel à lui pour la rédaction d'un ouvrage,Histoire du soldat français, qui devait être publié sous le nom du maréchal[375]. Pétain n'en écrit que la partie sur la Première Guerre mondiale (La Guerre mondiale 1914-1918). À la suite de dissensions entre les deux hommes, le livre n'est jamais publié et de Gaulle reprend ses écrits pour la rédaction de l'essaiLa France et son armée, sorti en 1938[375].
En 1963, Charles de Gaulle fait partie des lauréats potentiels duprix Nobel de littérature[376] et sesMémoires de guerre lui valent d'entrer dans la prestigieuseBibliothèque de la Pléiade en 2000. Le troisième tome de sesMémoires de guerre,Le Salut, 1944-1946, est inscrit au programme du baccalauréat littéraire en 2011 et en 2013[373].
Ouvrages et articles
Une mauvaise rencontre, Imp. de Montligeon, 1906 (saynète écrite à 15 ans).
« La Congrégation, Hors de France »,Revue du collège d'Antoingno 6, 1908.
Discours de guerre, Paris ;Fribourg :LUF (Librairie universelle de France) Egloff, 1944-1945, 3 vol. (CollectionLe Cri de la France. Série 2 ; 1 ; 2 ; 3), imprimés à Genève.
Trois études, Berger-Levrault 1945 (Rôle historique des places fortes ; Mobilisation économique à l'étranger ; Comment faire une armée de métier) suivi par leMémorandum du.
Actes du colloque organisé par le Centre de recherche universitaire lorrain d'histoire, Université Paul Verlaine et État-major de la région Terre-Nord-Est, Metz, 20-21 septembre 2007.
Fondation Charles de Gaulle et Centre aquitain de recherches en histoire contemporaine,De Gaulle et le Rassemblement du peuple français, 1947-1955 : actes du colloque, Bordeaux, 12-, Paris, Armand Colin,, 864 p.(ISBN978-2-200-21799-0,présentation en ligne).
BernardKrouck,De Gaulle et la Chine : la politique française à l'égard de la République populaire de Chine, 1958-1969, Paris, Les Indes savantes,, 637 p.(ISBN978-2-84654-240-1).
Philippe Bedouret,L'Influence du monde germanique sur Charles de Gaulle : Une clé décisive pour comprendre la pensée, l'action et la production littéraire de Charles de Gaulle, Sarrebruck, Éditions universitaires européennes,, 688 p.(ISBN978-613-1-59983-5).
2009 : (Auteur ?),Mystères d'archives dans l'épisode 2 de la saison 1,Le Général de Gaulle dans Paris libéré, et l'épisode 7 de la saison 2,De Gaulle à Québec.
2010 :
Hugues Nancy,De Gaulle et l'Algérie, le prix du pouvoir.
↑Jean-Baptiste de Gaulle (1720-1807), procureur au parlement de Paris[8]. Cette charge n'était pasanoblissante et, contrairement à ce qu'on peut lire[9], la famille de Gaulle n'appartenait pas à lanoblesse de robe[10].
↑Enfant en vacances l'été sur les plages du Nord, premier amour mort à Lille sous les bombes lors de la Première Guerre mondiale, épouse d'origine calaisienne, vacances familiales àWissant, dix-huit voyages et visites officielles et privées dans la région entre 1944 (discours à Lille le) et 1958, voyage annuel à Calais entre 1947 et 1952, recueil sur les tombes familiales àCoulogne où à partir de 1951, les De Gaulle possèdent une petite ferme, amitié avec le sénateurJules Houcke, collection de lampes offertes par les mineurs de la région conservées à Colombey, discours au temps du RPF à Marcq-en-Barœul en 1947, Hénin Beaumont, Hazebrouck en 1950, etc.[17].
↑De Gaulle affirma ainsi :« J'ai toujours pensé que je serai un jour à la tête de l'État. Oui, il m'a toujours semblé que ça allait de soi. À quarante ans, ma certitude était la même qu'à quinze ans. ».
↑Considéré parPhilippe de Gaulle comme l'un des rares amis de son père, Nachin présentera de Gaulle àÉmile Mayer et éditera, dans la collection « Classiques de l'art militaire » qu'il fonde auxéditions Berger-Levrault en 1932, les premiers ouvrages du général, dont il soutient les théories sur l'armée motorisée et les divisions blindées autonomes.
↑Guderian déclare ainsi àJacques Benoist-Méchin en 1941 :« Lorsque a paru le livre du général de Gaulle en 1934, nous étions déjà engagés dans cette voie depuis 1932. Sa lecture nous a vivement intéressés, mais elle ne nous a rien appris. Tout au plus nous a-t-elle encouragés à persévérer dans nos efforts. D'ailleurs, l'idée était dans l'air. Après Fuller et Estienne, tout chef militaire lucide devait y venir. L'étonnant n'est pas que de Gaulle y ait songé, mais qu'il ait été, semble-t-il, le seul en France à le faire, et que ses idées y aient été si mal accueillies »[63].
↑En 1924, Charles de Gaulle dédicaçaLa Discorde chez l'ennemi à Maurras en lui témoignant ses « respectueux hommages »[72]. En, la nomination de Charles de Gaulle au grade de général provoqua la jubilation de Charles Maurras dansL'Action française.
↑Claude Mauriac, chef de son secrétariat particulier à la Libération a révélé l'attention portée par de Gaulle au sort du théoricien du nationalisme intégral ; il intervient ainsi pour que Maurras ne passe pas devant la cour de justice de Lyon en, mais devant la Haute Cour, réputée plus indulgente. Mais Charles Maurras en voudra toujours à de Gaulle d'avoir rompu avec Pétain.
↑De Gaulle écrit :« L'impérieuse subordination des intérêts particuliers à ceux de l'État, la discipline exigée et obtenue de tous, la coordination imposée aux divers départements par l'action personnelle du Duce, enfin cette sorte d'exaltation latente entretenue dans le peuple par le fascisme pour tout ce qui concerne la grandeur de la partie, favorisent à l'extrême les mesures de défense nationale. »
↑Dans son ouvrageLe Fil de l'épée, Charles de Gaulle décrit ainsi l'homme d'action :« L'homme d'action ne se conçoit guère sans une forte dose d'égoïsme, d'orgueil, de dureté, de ruse. »
↑De Gaulle n'hésite pas à flatter celui qui jouera un rôle décisif dans son entrée en politique ; il lui écrira ainsi le :« Je suis parfaitement convaincu que le jour n'est pas loin où il faudra bien que le pays se tourne vers vous et vous prie de le diriger dans les voies qui sont les vôtres. »
↑« Alors, au spectacle de ce peuple éperdu et de cette déroute militaire, au récit de cette insolence militaire de l'adversaire, je me sens soulevé d'une fureur sans bornes. Ah ! C'est trop bête ! La guerre commence infiniment mal. Il faut donc qu'elle continue. Il y a, pour cela, de l'espace dans le monde. Si je vis, je me battrai, où qu'il faudra, tant qu'il faudra, jusqu'à ce que l'ennemi soit défait et lavée la tache nationale. Ce que j'ai pu faire, par la suite, c'est ce jour-là [16 mai] que je l'ai résolu. »[97].
↑Charles Maurras, qui qualifie de Gaulle de« pénétrant philosophe militaire », affirme :« Sa thèse nous paraissait suffisamment contraire à la bêtise démocratique pour ne pas ajouter à ces tares intrinsèques, la tare intrinsèque de notre appui. Mieux valait ne pas compromettre quelqu'un que, déjà, ses idées compromettaient toutes seules. »
↑Ce conseil de guerre est réuni à Toulouse ; il comprend les générauxBoris, Philippe, de Charry, Sivot, Lafontaine et Loubard[134].
↑Ces deux condamnations seront annulées, respectivement par la cour d'appel de Toulouse et celle de Riom, après la Libération[134].
↑Le général de Gaulle ne retiendra que le nom deThierry d'Argenlieu dans ses Mémoires. Le texte exact deL'Appel de De Gaulle est :« Le, j'obtins que plusieurs de nos aviateurs prissent part à un bombardement de la Ruhr et fis publier que lesFrançais libres avaient repris le combat. Entre-temps, tous nos éléments, suivant l'idée émise par d'Argenlieu, adoptèrent comme insigne la Croix de Lorraine. »[138].
↑À l'époque, la Communauté économique européenne ne comprend que six pays au sein de laquelle la France, malgré la décolonisation et la guerre d'Algérie, est la plus puissante.
↑« Dante, Goethe, Chateaubriand, appartiennent à toute l'Europe dans la mesure même où ils étaient respectivement et éminemment Italien, Allemand et Français. Ils n'auraient pas beaucoup servi l'Europe s'ils avaient été des apatrides et s'ils avaient pensé, écrit en quelque « esperanto » ouvolapük intégrés. »[214].
↑Winston Churchill etDwight Eisenhower l'avaient précédé plusieurs années auparavant, l'un officieusement lors de ses nombreuses escapades en Espagne, l'autre officiellement.
↑La rupture d'anévrisme est une complication fréquente dusyndrome de Marfan, maladie dont aurait pu être affecté de Gaulle et qui expliquerait sa grande taille[252].
↑Le ministre des Finances,Valéry Giscard d'Estaing, s’y rend tout de même en argumentant que ce n'est pas en ministre qu’il vient, mais en simple Français. Tous les autres officiels, le présidentNixon compris, assistent au même moment à une simple messe en l'honneur du Général àNotre-Dame de Paris.
↑D'après leregistre paroissial de l'église Saint-André de Lille, cité par Michel Marcq,Charles de Gaulle, volume 2, La liberté du monde, La Voix du Nord, 1991, page 187.
↑Éric Chiaradia,L'Entourage du général de Gaulle : juin 58-avril 69, éditions Publibook, 2011. Sur les charges anoblissantes, lire Philippe du Puy de Clinchamps,La Noblesse, PUF, 1959, réédité en 1996.
↑Michel Marcq, « De Gaulle dans le Nord rêve de changer les rapports sociaux », dansCent ans de vie dans la région, tome 3 : 1939-1958,La Voix du Nord éditions, hors série du, p. 26-27.
↑Philippe Foro, « Charles de Gaulle et François Mitterrand : regards croisés sur l'Allemagne à partir de leur expérience de la captivité », dans Sylvie Caucanas, Rémy Cazals, Pascal Payen (dir.),Les Prisonniers de guerre dans l'Histoire. Contacts entre peuples et cultures, Privat, Toulouse, 2003,p. 280.
↑Charles de Gaulle,Lettres, Notes et Carnets, 1905-1918, éd. Plon, 1980,p. 7 et 8.
↑Charles de Gaulle fait partie de la promotionFès 1909-1912, de l'École militaire des officiers de Saint-Cyr. À cette époque, les jeunes Saint-Cyriens effectuaient une première année probatoire de service militaire dans la troupe, avant d'être intégrés définitivement à l'École de Saint-Cyr. Il est affecté en 1909, pendant un an au33° régiment d'infanterie d'Arras, avant d'être intégré définitivement à Saint-Cyr.
↑Mis à la retraite d'office par mesure de discipline avec le grade de colonel.
↑Philippe Foro, « Charles de Gaulle et François Mitterrand : regards croisés sur l'Allemagne à partir de leur expérience de la captivité », dans : Sylvie Caucanas/Rémy Cazals/Pascal Payen (dir.),Les prisonniers de guerre dans l'Histoire. Contacts entre peuples et cultures, Privat, Toulouse, 2003,p. 279.
↑« En histoire, le capitaine de Gaulle, jeune, élégant, avec de hautes bottes jaunes, des culottes collantes et une tenue bleu pastel, plein de dignité déjà, nous expliquait en langage noble Richelieu, Mazarin et le traité de Westphalie… », dans Général Beaufre,Le drame de 1940, éd. Plon, 1965,p. 31.
↑Charles de Gaulle et André Pironneau,"Quarante articles" sur la France, l'Allemagne, la guerre, la politique et la scène internationale 1933-1937, éd. S. Catros, J.-P. Thomas, J. Vavasseur-Desperriers, 2024, p. 11.
↑Robert Frank, « Le Front populaire a-t-il perdu la guerre ? », dans Michel Winock (dir.),Les Années trente. De la crise à la guerre, éd. du Seuil, « Points »-histoire,p. 107-109.
↑Charles de Gaulle, Lettres, Notes et Carnets, 1919-, Paris, éd. Plon, 1980,p. 442.
↑Plus tard, lorsque de Gaulle est nommé au gouvernement, Blum consacre un éditorial entier duPopulaire, intitulé « La guerre des chars », à saluer chaleureusement cette nomination (numéro du 8 juin 1940, p. 1).
↑Thomas Wieder, « Georges Boris. Trente ans d'influence. Blum, de Gaulle, Mendès France, de Jean-Louis Crémieux-Brilhac : une certaine idée de la gauche »,Le Monde,(lire en ligne).
↑Bruno Bourliaguet,« De Gaulle et l'AMGOT : la politique internationale « au pays des merveilles » », dans Renéo Lukic (dir.),Conflit et coopération dans les relations franco-américaines. Du Général De Gaulle à Nicolas Sarkozy, Québec,Presses de l'Université Laval,, 394 p.(ISBN978-2-7637-8635-3),p. 9.
↑Éric Branca,L’ami américain. Washington contre de Gaulle 1940-1969, Paris, Perrin,, 380 p.(ISBN978-2-262-08729-6),p. 13.
↑Jean-Baptiste Duroselle,La France et les États-Unis. Des origines à nos jours, Paris, Éditions du Seuil,, 284 p.(ISBN2020044110),p. 167
↑Serge Berstein,« Gaullisme et relations franco-américaines », dans Renéo Lukic, dir.,Conflit et coopération dans les relations franco-américaines. Du Général de Gaulle à Nicolas Sarkozy, Québec, Les Presses de l’Université Laval,, 398 p.(ISBN978-2-7637-8635-3),p. 44
↑Jean-Baptiste Duroselle,La France et les États-Unis. Des origines à nos jours, Paris, Éditions du Seuil,, 284 p.(ISBN2-02-004411-0),p. 166-168
↑Bruno Bourliaguet,« De Gaulle et l’AMGOT: La politique internationale “au pays des merveilles” », dans Renéo Lukic, dir.,Conflit et coopération dans les relations franco-américaines. Du Général de Gaulle à Nicolas Sarkozy, Québec, Les Presses de l'Université Laval,, 366 p.(ISBN978-27637-86353),p. 10
↑Régine Torrent,La France à l’heure américaine. Controverses de la libération, Paris, Nouveau Monde éditions,, 441 p.(ISBN978-2369428190),p. 107 et 121
↑Sur de Gaulle à Alger, on lira avec profit le témoignage de Paul Saurin ; « La vie de la France sous l’Occupation », Hoover Institute, Librairie Plon, 1957, tome II,p. 728-746.
↑« Ah ! C'est la mer ! Une foule immense est massée de part et d'autre de la chaussée. Peut-être deux millions d'âmes. Les toits aussi sont noirs de monde. À toutes les fenêtres s'entassent des groupes compacts, pêle-mêle avec des drapeaux. Des grappes humaines sont accrochées à des échelles, des mâts, des réverbères. Si loin que porte ma vue, ce n'est qu'une houle vivante, dans le soleil, sous le tricolore. » De Gaulle dans lesMémoires de guerre, tome II : « L'Unité », 1956.
Durant l'année 1955, seuls 1 % des Français souhaitent De Gaulle président du conseil ; 7 jeunes sur 10 le croient mort. Elgey cite comme sources la revueSondages (no 3) etUn chemin tranquille d'Olivier Guichard.
↑« Léon Delbecque », surFondation Charles de Gaulle(consulté le)
↑Paris-Match, numéro spécial « De Gaulle et nous ».
↑« Discours de Mostaganem, », reproduit sur le site de la fondation Charles de Gaulle. La phrase « Vive l'Algérie française » est notée comme « suggérée » par la foule, alors que laversion audio du discours du siteEnfant du Soleil tend à prouver que cette phrase est présente de façon intentionnelle dans le discours.
↑René Rémond,1958, le retour de De Gaulle, Éditions Complexe, 1998, 190 pages,p. 99-100.
↑Benjamin Stora,Le mystère De Gaulle, son choix pour l'Algérie, Robert Laffont (2009),p. 67.
↑Offense au Chef de l'État, Nouvelles éditions latines, 1964,p. 162.
↑Alain Peyrefitte,C’était de Gaulle, Fayard, 1994,p. 196.
↑Compte tenu du contexte, il ne peut y avoir de certitudes sur les chiffres exacts, et les estimations des historiens varient entre 60 000 et 150 000 morts.
↑Matthieu Trouvé, « Entre spectacle et mission. Le voyage du général de Gaulle en Amérique du Sud du 21 septembre au 16 octobre 1964 »,Espoir,no 130,(lire en ligne)
↑Propos du 19 mai, lors d’une entrevue entre le Général et quelques-uns de ses ministres, dont Georges Pompidou qui le rapporta aux journalistes à sa sortie de l’Élysée.
↑Philippe Oulmont, « L’hommage municipal : continuités et fluctuations, 1940-2007 », dans Philippe Oulmont (dir.),Les Voies « de Gaulle » en France. Le Général dans l’espace et la mémoire des communes, Plon, 2009(ISSN1266-2437), mentionné par Sudhir Hazareesingh,Le mythe gaullien, Gallimard, 2010(ISBN978-2-07-012851-8)p. 179.
↑"Quarante articles" sur la France, l'Allemagne, la guerre, la politique et la scène internationale 1933-1937, éd. S. Catros, J.-P. Thomas, J. Vavasseur-Desperriers, Presses universitaires de Rennes, 2024.