Contre toute attente,CharlesXII réussit à prendre l'ascendant sur le Danemark (1700), la Pologne (1704) et la Saxe (1706), mais s'étant ensuite lancé dans une offensive contre la Russie, est vaincu à labataille de Poltava (1709) et contraint à l'exil dans l'Empire ottoman, dont il n'est autorisé à partir qu'en 1714. Rentré en Suède, il se lance dans une nouvelle guerre contre le Danemark et est tué au cours dusiège de Fredriksten.
Au terme de son règne, le royaume reste indépendant, mais face aux puissances montantes que sont alors laRussie et laPrusse, la Suède, qui avait joué un rôle important pendant laguerre de Trente Ans, devient une puissance secondaire en Europe.
Durant son enfance, Charles reçoit une bonne éducation : il apprend lelatin, l'allemand et lefrançais ; il est aussi formé dans le domaine de lathéologie, desmathématiques et de l'enseignement militaire. Il reçoit également un bon entraînement physique en participant auxchasses et aux longues promenades de son père.
Comme il est âgé de 14 ans à la mort deCharlesXI, le 5 avril 1697, son règne commence par une période derégence, assurée, selon la volonté paternelle, par sa grand-mère et cinq conseillers royaux. Mais, dans les mois suivants, Charles est souvent appelé à participer au conseil et en novembre 1697, le Riksdag autorise la fin de la régence : Charles reçoit les hommages des États le 13 décembre et est couronné roi le 14 à la cathédrale de Stockholm. Il est aussi amené à continuer le rôle engagé par son père de médiateur de la paix de Ryswick entre Louis XIV et Guillaume III en 1697.
Les débuts de la Grande guerre du Nord : les succès (1700-1708)
En 1699, une alliance entre leDanemark, laSaxe et laRussie est établie par des traités bilatéraux, dans le but de tirer avantage du fait que la Suède est gouvernée par un roi jeune et inexpérimenté.
En 1700, trois offensives simultanées sont lancées : la première (Danemark) vise le protectorat suédois deHolstein-Gottorp, la seconde (Pologne) la province deLivonie suédoise et la troisième (Russie) l'Ingrie, marquant ainsi le début de laGrande Guerre du Nord. Dirigeant l'exceptionnelle armée suédoise, Charles attaque d'abord les Danois, fait le siège deCopenhague et force Frédéric à signer la paix àTravendal (août1700). Cette paix avec le Danemark durera jusqu'en 1709.
Puis, alors que les Polonais échouent devantRiga, il se tourne contre laRussie qui, avec une armée de plus de 50 000 hommes, assiégeNarva enEstonie. Il remporte une écrasante victoire à labataille de Narva avec 8 000 Suédois (), à moins de 1 contre 4. Il y eut plus de 15 000 morts russes contre seulement 667 morts suédois.
Mais il reste la Russie ; or, dès 1702, le tsarPierre le Grand s'est emparé de l'Ingrie et y a fait construire à partir de 1703 une nouvelle capitale,Saint-Pétersbourg[1]. Parti de Saxe,CharlesXII, à la tête d'une armée de 43 000 hommes, prend la direction deMoscou. Il vainc de nouveau le tsar à labataille d'Holowczyn en juillet1708. À ce moment,CharlesXII est sans aucun doute l’un des rois les plus puissants d’Europe.
Mais l'armée du roi de Suède n'a plus la même puissance qu'àNarva ou à Holowczyn : privé d'un important convoi de ravitaillement sur lequel il comptait, Charles détourne son offensive vers le sud, à travers l'Ukraine. Malgré l'aide de certainscosaques révoltés contre le tsar (Ivan Mazepa), les Suédois, épuisés, subissent les rigueurs de l'hiver de1709, particulièrement rude, outre les embuscades russes, combinées à lapolitique de la terre brûlée. L'artillerie suédoise, pourtant bien supérieure à celle des Russes, est en quasi-totalité abandonnée à cause du froid intense. Le moral des troupes suédoises est affaibli par les conditions climatiques horribles.
Les troupes suédoises, épuisées, mettent le siège devantPoltava. Lorsque le Pierre le Grand fond sur les flancs de l'armée suédoise avec une armée fraîche, bien équipée et plus nombreuse, labataille tourne à la déroute pourCharlesXII qui, blessé peu auparavant par la balle d'un tirailleur russe, est obligé de déléguer son commandement. Pour certains, Charles XII a été blessé au pied lors d'un exercice et a suivi la bataille porté sur un brancard[2]. Les Suédois sont écrasés etCharlesXII contraint à la fuite vers l'Empire ottoman, où il restera cinq ans.
Charles est d'abord bien accueilli par les Turcs. Il réside d'abord près deBender, enMoldavie, avec un nombre important de gens qui l'ont accompagné dans sa fuite. Il va même réussir à faire entrer l'Empire ottoman dans une guerre contre le tsar : laquatrième guerre russo-turque commence le 20 novembre 1710. Elle est principalement marquée par la défaite de l'armée russe en Moldavie le 18 juillet 1711 et s'achève par letraité de Fălciu, du 23 juillet 1711, dont la Suède ne tire aucun avantage.
Il en résulte une certaine irritation deCharlesXII, qui finit par excéder ses hôtes. De plus, son train de vie est si coûteux qu'il reçoit le surnom deDemirbaş Şarl (« Charles poids mort »)[3]. En février 1713, lesjanissaires interviennent à Bender pour arrêter Charles, qui est mis en résidence surveillée àDemotika, près d'Andrinople, puis àConstantinople.
En mai 1714, il reçoit la visite de Stanislas Leszczynski venu lui demander l'autorisation d'abdiquer du trône de Pologne ; mais Charles refuse, et pour le faire patienter, lui propose de devenir son lieutenant dans leduché de Deux-Ponts, offre acceptée par Stanislas qui y passera les quatre années suivantes.
Charles est finalement autorisé à rentrer en Suède en octobre 1714.
Autopsie du corps du roi en 1916. On voit ici le point de sortie du projectile fatal
La dépouille deCharlesXII sur le chemin du retour (huile sur toile deGustaf Cederström, 1884).
CharlesXII est libéré en 1714, et, prenant le costume d'un officier allemand, il traverse à cheval les États de l'empereur, arrivant après seize jours et seize nuits de voyage àStralsund[4], enPoméranie suédoise.
Assiégé dans cette ville par une armée composée de Danois, de Saxons, de Prussiens et de Russes, il y fait des prodiges de valeur ; mais, la place ne pouvant plus tenir, il se retire àLund enScanie.
Aidé des conseils dubaron de Goertz, il parvient à rétablir ses affaires. Pendant son absence, sa sœur régenteUlrique-Éléonore a dû convoquer laDiète, maisCharlesXII obtient rapidement sa dissolution[5]. À partir de 1715, à cause de la guerre, Charles XII, met en oeuvre toute une série de mesures fiscales et monétaires qui bouleversent les privilèges traditionnels et impliquent de profondes transformations sociales. La fiscalité est rendue progressive et le crédit augmente pour financer la guerre. Les liquidités croissent au moyen de la mise en circulation d’une grande quantité de pièces de monnaie fiduciaire[6].
Pour contrecarrer la coalition, il décide d'attaquer laNorvège. Mais, le, au cours du siège du premier fort norvégien,Fredriksten dans la ville deHalden, qui pourrait le rendre maître du reste du pays,CharlesXII est tué par un projectile qui lui traverse le crâne de part en part.Le tir reste assez mystérieux, aucun témoin direct n'y ayant assisté et de nombreuses hypothèses ont été faites, certaines évoquant un assassinat. Des autopsies conduites en 1916 et en 2022 montrent un point de sortie nettement plus petit que le point d'entrée, ce qui semble impliquer un projectile massif lent et concluent à un projectile d'acier (excluant les balles de mousquet en plomb) de plus de 20 mm de diamètre et d'une vitesse entre 200 et 250 m/s, soit un tir de grenaille chanceux opéré à une distance de 200 mètres[7].
Au300e anniversaire de la mort deCharlesXII de Suède, Cecilia Nordenkull, auteur deKarlXII: Kungamord (« Régicide »)[8], fournit une explication nouvelle aux événements : Charles a été abattu par une batterie de canon commandée par un officier allemand et pointée directement vers l'endroit où il devait se trouver à l’occasion d’une triple attaque contre la forteresse de Fredriksten. Son cadavre a été traîné dans une tranchée où il a été déclaré abattu. L'instigateur était le chef d’État-Major des armées suédoises, le prince allemandFrédéric de Hesse, époux de la sœur de Charles.
CharlesXII n'ayant pas eu d'enfant, le trône de Suède revint à cette sœur,Ulrique-Éléonore de Suède, qui fut forcée d'abandonner sonpouvoir absolu par leRiksdag. Elleabdiqua ensuite en faveur de son mari, qui devint roi sous le nom deFrédéricIer. La Suède devenait unemonarchie constitutionnelle, sur le modèle hollandais et britannique, qui dura plus d'un demi-siècle, avant la restauration de l'autorité royale absolue par le roiGustaveIII en 1772.
Charles était un chef militaire talentueux, doté d'un sens tactique aiguisé, mêlé à un sens politique fin, crédité pour avoir introduit d'importantes réformes fiscales et législatives. Une citation de lui-même rapportée parVoltaire justifie son refus catégorique de signer toute paix :« J'ai résolu de ne jamais faire une guerre injuste, mais de n'en finir une légitime que par la perte de mes ennemis »[9].
D’un naturel chevaleresque et fougueux, il se signala par son épopée outre-mer, où il écrasa ses ennemis en les battant par des tactiques inhabituelles. Il réintroduisit lacharge decavalerie au galop, alors inusitée au profit de lacaracole[10], déstabilisant ainsi les rangs ennemis et remportant d’éclatantes victoires.
LeDrGöran Anders Nordberg a écrit en suédois uneHistoire deCharlesXII (1742), qui a été traduite en français par le bibliophile suédois Carl Gustaf Warmholtz.
Gustaf Cederström a peint ses funérailles en 1878, l'œuvre montre le drame de la mort deCharlesXII ; on y voit plusieurs soldats portant le corps sur un brancard dans la neige.
Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence, de Roy Andersson (2014). Une séquence parodie la campagne de Charles XII en Russie et son retour de Poltava.
↑Yusuf Selman Inanc, « Charles XII de Suède, un boulet pour les Turcs »,Courrier International,no 1674,,p. 58, traduction d'un article paru dans leMiddle East Eye.
↑Pour rejoindre Stralsund depuis Constantinople (soit environ 2300 kilomètres), il aurait donc parcouru environ 150 kilomètres par jour.
↑Edmond Dziembowski, Le Siècle des Révolutions, Perrin 2018p. 225
Ragnhild Hatton, CharlesXII, Londres, Weindenfeld and Nicolson, 1968.
Claude Nordmann,Grandeur et liberté de la Suède (1660-1772), Paris-Louvain, publications de la Faculté des lettres et sciences humaines de Paris-Sorbonne, 1971.
Éric Schnakenbourg,La France, le Nord et l’Europe au début duXVIIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2008.