Attaché aux conceptions et valeurs de l'Ancien Régime, chef de file desultraroyalistes sousLouisXVIII, il tente d'incarner la continuité de l'État et de la monarchie après lapériode révolutionnaire. À son avènement, sa priorité est de conserver lacharte constitutionnelle octroyée par son frère dix ans plus tôt. Il renoue avec la tradition dusacre en 1825.
Trèspieux et adhérant aux concepts sociaux duchristianisme, il est confronté à plusieurs blocages parlementaires après la démission du président du ConseilVillèle,en 1827. Souffrant de sa réputation d’« ultra » et tentant de se passer de l'accord parlementaire avec desordonnances, il est populaire parmi les paysans et opposants à laPremière République — desinsurrections royalistes éclatent durant son règne — tout en étant moqué et critiqué, en particulier àParis.
Son règne est pour la France une période de stabilité politique et de prospérité économique, qui, en matière de politique extérieure, voit le retour de la France dans le concert des grandes puissances. Il est notamment marqué par laloi d'indemnisation des émigrés, ainsi que par les expéditions françaisesen Grèce (1828) eten Algérie (1830).
À l’issue d’une nouvelle révolution parisienne, qualifiée de « Trois Glorieuses », il abdique en faveur de son petit-filsHenri d'Artois, maisLouis-Philippe d’Orléans n'accède pas à ses demandes et accepte le titre de « roi des Français », proposé par les députés et les pairs. Avec sa famille,CharlesX — qui est le dernier monarque à avoir porté le titre de « roi de France » — part dans la foulée en exil, où il meurt des suites ducholéra.
Charles-Philippe, comte d'Artois, avec son chien par Catherine Read, 1764.
Le petit prince est d'abordtitrécomte d'Artois, en mémoire deRobert de France,comte d'Artois, frère deSaint Louis, mais le choix de ce titre serait également lié aux conséquences de la tentative d'assassinat menée parDamiens contre Louis XV[Note 1]. Damiens était né près d’Arras, dans l’Artois. Il fut donc décidé de lui donner le titre de comte d’Artois pour faire savoir aux habitants qu’on ne leur tiendrait pas rigueur de l’incident[3]. Le comte d'Artois se vit attribuer pour armes de France à la bordure crénelée de gueules[4],[Note 2].
Le petit prince grandit dans une cour en deuil. En effet, l'année 1759 inaugure une décennie de décès pour la maison royale de France. Laduchesse de Parme, fille aînée du roi, meurt à Versailles. En, le duc de Bourgogne, âgé de9 ans, meurt après une chute. En 1763 vient le tour de leur grand-pèrele roi de Pologne, également électeur de Saxe, suivi de peu par l'archiduchesseMarie-Isabelle après avoir donné le jour à une fille qui ne survit pas. En 1765, leduc de Parme et le dauphin meurent, suivis en 1766 par leur arrière-grand-père le roiStanislas, en 1767 par la dauphine et en 1768 par la reine.
L’éducation de Charles-Philippe est assurée par cinq précepteurs, mais reste quelque peu délaissée du fait de ses maigres chances de régner. On ne lui enseigne pas moins l’histoire, lagéographie, l’anglais et l’allemand, langue maternelle de sa mère. Il est confié à lacomtesse de Marsan puis auduc de La Vauguyon à l’âge de trois ans. Le duc étant chargé de l'éducation des quatre fils du Dauphin, il les appelle « mes quatre F » : leduc de Bourgogne est « le fin », leduc de Berry « le faible », lecomte de Provence « le faux », et le comte d'Artois « le franc »[6].
Mademoiselle d'Artois, ondoyée mais n'ayant pas reçu les cérémonies supplétives du baptême, ne fut pas prénommée. Citée parfois par erreur sous le prénom de Sophie ( –)[7] ;
Mademoiselle d'Angoulême, ondoyée mais n'ayant pas reçu les cérémonies supplétives du baptême, ne fut pas prénommée. Citée parfois par erreur sous le prénom de Marie-Thérèse ( au).
Sa préférence va à son plus jeune fils,Charles-Ferdinand, qui lui ressemble beaucoup, au physique comme au moral. L'aîné,Louis-Antoine, au contraire, est timide, souffre demyopie et de tics. Le comte d'Artois aime néanmoins beaucoup ses enfants et se montre très attristé du décès de sa fille aînée.
Son épouse, de nature timide, resta très effacée et ne devint jamais reine ; en effet, Artois et elle se réfugièrent àTurin lors de l'émigration ; ils furent par la suite souvent séparés. La princesse, dont la santé était très fragile, était tombée malade en quittant Turin. Alors que sa correspondance avec son époux s'était intensifiée depuis la mort de lacomtesse de Polastron, elle meurt à son tour àGraz le à49 ans.
En 1785 (ou 1786)[8], il s'attache durablement àLouise d'Esparbès de Lussan, vicomtesse de Polastron, liaison qui ne lui donnera aucune descendance.
Le mari de la vicomtesse, Denis Gabriel Adhémar de Polastron, est le demi-frère de la futureduchesse de Polignac, gouvernante desenfants de France, amie et confidente de la reineMarie-Antoinette. Également proche de la souveraine, le comte d'Artois se rend comme elle impopulaire par ses dépenses inconsidérées, et le public leur attribue une liaison, à tort sans doute.
Quand elle meurt, le prince se tourne intensément vers la religion, un trait de caractère qui ne le quittera plus jusqu'à sa propre mort. Elle lui fait promettre en outre de lui rester fidèle ; à la mort de son fils leduc de Berry en 1820, on lui proposa de se remarier afin d'avoir d'autres héritiers à la Couronne éventuels ; le comte d'Artois déclina cette offre avec comme raison que sa maîtresse lui avait demandé de ne plus être qu'àDieu[9].
En 1779, il a un fils baptisé, en l’absence du mari, comme étant d’Anne-Barbe Pouyer épouse Carpentier, prénommé André Nicolas Thomas[10],[11],[12]. L’histoire de la découverte de cette brancheagnatique subsistante méconnue du grand public comme des historiens pendant plus de240 ans fait l’objet d'une communication lors d'un colloque de l'institut d’études avancées de Paris[13] et d'un article publié dansLa Revue de gériatrie[14].
De nombreux décès assombrissent rapidement le bonheur des occupants duchâteau de Versailles : en 1759 meurt à Versailles sa tante la duchesse de Parme, seule fille du couple royal mariée. En 1761, meurt leduc de Bourgogne, héritier du trône après son père. Ce décès affecte particulièrement la famille royale qui considérait cet enfant prometteur comme un futur grand souverain. En 1763, sa cousineMarie-Isabelle de Bourbon-Parme, épouse de l'héritier du Saint-Empire, meurt en couche puis leroi de Pologne son grand-père, égalementélecteur de Saxe, tandis que letraité de Paris consomme le recul de la France sur le plan international. En 1765, c'est la mort de son oncle leduc de Parme, et de son père, ledauphin. Son frère aîné, le duc de Berry âgé de 11 ans devient héritier du trône. En 1766, le décès accidentel duroi déchu de Pologne, son arrière-grand-père, affecte la reine mais donne la Lorraine et le Barrois à la France. En 1767, c'est le tour de sa mère l'intelligentedauphine et en 1768 celui de sa grand-mère, la reineMarie Leszczynska.
Cependant, ces deuils ne doivent pas empêcher les princes d'accomplir leur devoir envers l'état et malgré leur jeune âge doivent convoler en justes noces afin d'assurer la continuité de la dynastie, gage de stabilité politique. En 1770, le dauphin a épousé une soeur de l'empereur, l'archiduchesseMarie-Antoinette d'Autriche, princesse de Bohême et de Hongrie. La jeune princesse se lie très rapidement d'amitié avec son jeune beau-frère. En 1772, âgé de 15 ans, le comte d'Artois estcolonel général des Cent-Suisses et Grisons. L'année suivante, c'est au tour ducomte de Provence, qui épouse la princesseMarie-Joséphine de Savoie, fille du roi de Sardaigne. Cependant, ces princes ne semblent pas avoir hérité de la verdeur de leurs ancêtres et l'héritier du trône se fait attendre.
Quant au comte d'Artois, qui n'est pas destiné à régner, il est question de lui faire épouser une de ses cousines françaises issue d'une branche cadette mais le projet tourne court et à l'automne 1773, tout juste âgé de 16 ans, il épouseMarie-Thérèse de Savoie, soeur de la comtesse de Provence.
Au début de l'année 1775, on annonce la grossesse de la comtesse d'Artois. Des petits enfants français du feu Louis XV, seul le comte d'Artois est bientôt père, peut-être d'un futur roi de France. Le 11 juin, à Reims, il assiste au sacre de son frèreLouisXVI. Il« tient lieu deduc de Normandie »,pair du Royaume et est apanagé par lui ducomté de Poitou et des duchés d'Angoulême et deMercœur. A 17 ans, il est déjà considéré comme le trublion de la famille royale et son attitude lors du sacre est très vivement critiquée ; il perd même sa couronne après la cérémonie et avant le banquet[15]. Du reste, cette réputation sulfureuse fit de lui un coureur de jupons pour les courtisans : il eut ainsi des liaisons avecRosalie Duthé, avecMarie-Madeleine Guimard ainsi queLouise Contat de laComédie-Française. On lui attribue aussi plusieurs enfants issus de courtisanes : un avecMme de Sainte-Amaranthe, un second avecMme Contat et un dernier,Jules de Polignac, avec la comtesseYolande de Polastron,favorite de Marie-Antoinette. Si ce sont toutes des rumeurs, celle concernant une filiation adultérine avec Jules de Polignac, qui lui ressemblait beaucoup physiquement et qui fut son dernierprésident du Conseil, persista longtemps, même sous lesTrois Glorieuses[16].
Son enfance puis son adolescence sont une succession d’aventures éphémères, de parties de chasse, de dettes contractées aux jeux d’argent, de courses de chevaux organisées avec son cousin leduc de Chartres, de pièces de théâtre partagées avecMarie-Antoinette dont il est très proche, surtout dans les années1770 et1780. En1778, à l'occasion du bal masqué deMardi Gras à l'Opéra royal de Versailles, il fut provoqué en duel par son cousin leduc de Bourbon, autrePrince du sang. Le comte d'Artois avait faitun affront à la femme du duc en lui écrasant son masque sur la figure. Cette dernière avait arraché le masque du prince, vexée qu'il se présentât à l'opéra de Paris en compagnie d'une femme que laduchesse de Bourbon haïssait, Madame de Canillac. Le duel s'était terminé en une sympathique embrassade. Bon vivant et léger, il entraîne dans un tourbillon de fêtes mondaines sa belle-sœur, la reine Marie-Antoinette. Il est considéré comme un prince frivole, futile, surnommé « Galaor » par la cour, en référence au personnage d'Amadis de Gaule, archétype du chevalier à la prestance remarquable. En 1777, il acquiert, près de laforêt de Saint-Germain-en-Laye, lechâteau de Maisons où il s'en va chasser en galante compagnie, dont fait partie la jeunevicomtesse de Beauharnais. Dans le même temps, à la suite d'un pari avec sa jeune belle-sœur la reine Marie-Antoinette, il fait construire en deux mois la célèbrefolie de Bagatelle dans lebois de Boulogne, qu'il décore et meuble avec faste avec la somme de100 000 livres qu'elle lui paye[17]. Mandaté par le roi qui souhaite l'assagir, il effectue une visite officielle en Normandie et enBretagne où il est particulièrement bien reçu[18].
A 22 ans, père de trois enfants dont deux fils, il est le continuateur de la dynastie. Cependant, en 1781, après 11 ans de mariage, la reine donne enfin le jour à un héritier.
Le comte d'Artois, enfant.
Le comte d'Artois, jeune homme.
Charles-Philippe de France, par Frédou.
Le comte d'Artois enfant à 8 ans, par Frédou.
Mariage du comte d'Artois et de Marie-Thérèse de Savoie à Versailles en 1773.
Il commence à s'intéresser à la politique à l'âge de 29 ans avec la première grande crise de la monarchie, en 1786, après laquelle il prend la tête de la faction réactionnaire à la cour deLouisXVI. Le comte d'Artois devient le chef de file des réformateurs de ce queJean-Christian Petitfils appelle la « révolution royale », c'est-à-dire le projet radical deCalonne. Le comte d'Artois coûte un certain prix à l'État : ses menus plaisirs (2 400 000 francs), ses achats de domaines et de propriétés (7 231 372livres), ses écuries (1 million de livres), ses vêtements et ses dettes représentent un important coût dans le trésor de l’État.
Calonne se heurte aux notables réunis enassemblée : Charles accepte la suppression des privilèges financiers de la noblesse, mais non la réduction des privilèges sociaux dont jouissent l'Église et la noblesse. Il pense qu'on peut réformer les finances de la France sans renverser la monarchie. Selon ses propres mots,« le temps est venu de réparer mais non de démolir ». Il suscite la colère dutiers état en s'opposant à toute initiative d'accroître son droit de vote en 1789.
En liaison avec lebaron de Breteuil, il noue des alliances politiques pour chasserNecker. Ce plan échoue quand Charles essaie de le faire renvoyer le 11 juillet, sans que Breteuil soit au courant, beaucoup plus tôt que prévu à l'origine. C'est le début d'une brouille qui se change en haine réciproque. Artois rencontreTalleyrand à la demande de ce dernier, qui propose de dissoudre l’assemblée et de convoquer de nouvelles élections avec un autre mode de scrutin. Si l’évêque d’Autun n’est pas suivi sur cette mesure, il semble avoir fait effet puisqueLouisXVI rassemble des troupes dans et autour de Paris.
Le comte d'Artois est l'un des premiers àémigrer, le. Il parcourt les diverses cours de l'Europe pour chercher des défenseurs à la cause royale. Il se trouve àTurin — chez son beau-père et son beau-frère — de septembre 1789 à juillet 1791, où il porte alors le titre demarquis deMaisons (et où il crée leComité de Turin qui a pour vocation essentielle d’organiser la contre-révolution depuis l’étranger), ainsi qu'àBruxelles,Coblence, résidence de son oncle maternel l'archevêque-électeur de Trêves etLiège.
Pour l’invasion de laFrance, afin d'opérer une contre-révolution, l’armée est découpée en trois groupes. Celle de Provence et d’Artois prend le nom d’« armée des Princes ». La progression à l’intérieur du pays — qui s’accompagne de ravages et de massacres dont la mort tragique de Madame Sauce est emblématique — est stoppée àValmy et doit ensuite reculer inexorablement. À cela s’ajoute une autre difficulté : l’empereurFrançois, neveu de la reine, cesse de financer l’armée. Cette dernière n'est sauvée que par les donations deMetternich, deCatherineII de Russie etFrédéric-GuillaumeII de Prusse. Ce dernier accepte d’héberger le comte d’Artois àHamm enWestphalie, où le jeune prince français apprend la décapitation de son frère Louis XVI.
En mars et avril 1793, il reste six semaines àSaint-Pétersbourg, enRussie, où il est reçu avec tous les honneurs parCatherine II. L’impératrice propose une alliance avec la Grande-Bretagne à la condition qu’elle forme un corps de 12 000 hommes pour se jeter sur la Vendée et reprendre le pays en main.
Mais Charles-Philippe n’est pas reçu par le roiGeorgeIII et n’a pu mettre les pieds à terre faute de ses dettes contractées àCoblence.[source insuffisante] Il est donc contraint de rentrer à Hamm. Il quitteHamm en sous le titre de comte de Ponthieu.
À la mort de son neveuLouisXVII le, il est appeléMonsieur. Il veut opérer, avec le secours des Britanniques, undébarquement à l'île d'Yeu sur les côtes deVendée (1795) afin d'aider les insurgés vendéens, mais il n'y peut réussir. La Grande-Bretagne se dit prête à envoyer 20 000 hommes en Vendée, demandant en contrepartie les cinq comptoirs desIndes etSaint-Domingue. Artois met les voiles sur les côtes françaises avec une flotte de60 navires. L’expédition espère mettre le pied àNoirmoutier, mais la folle canonnade de la petite garnison républicaine dugénéral Cambray les pousse à descendre plus bas, pour débarquer à l’île d’Yeu. Et là, l’armada reste bloquée. Elle perd ses communications avecCharette — l’ambassadeur, lemarquis de Rivière avait été, disait-on de façon erronée, fusillé —, elle doit aussi affronter les marées et les tempêtes, et dans le même temps les troupes meurent de faim.Le gouvernement britannique finit par demander le retour de la flotte, au grand dam ducomte de Provence qui nourrissait l’espoir de pouvoir régner sur son nouveau royaume depuis la mort deLouisXVII.[source insuffisante]
Le comte d'Artois, en uniforme de colonel général des Carabiniers (1815).
En 1814, il est nommélieutenant-général du Royaume. Il pénètre enFranche-Comté, à la suite des alliés, et fait son entrée àNancy le[24], puis àParis le. Au premier moment, il sait se concilier les esprits par l'aménité de ses manières ; mais il se perd bientôt dans l'opinion en signant, avec un empressement excessif la convention d'armistice du 1814 que condamneLouisXVIII même, un traité qui enlève à la France toutes les places conquises depuis 1792[25]. Il devientcolonel général desGardes nationales ().
LouisXVIII rentre à Paris, de peur que Monsieur ne s’habitue trop à sa nouvelle charge. Dans cette restauration de la monarchie, Artois donne clairement le ton : reconnu par les « ultras », c’est-à-dire les royalistes les plus ardents, il approuve le rétablissement des anciennes mœurs et du précédent système (notamment lesgardes suisses), et s’oppose à la politique de pardon et d’oubli prônée parLouisXVIII, ce qui devient source de conflit entre les deux frères. Dans sesMémoires, laduchesse de Maillé considère que l’emprise d’Artois sur son frère qui se sent le devoir de le ménager a causé beaucoup de mal, thèse qui sera reprise ensuite parTalleyrand. Pour cultiver le sentiment monarchiste, Monsieur, frère du Roi, et ses fils se livrent à une tournée dans la France des provinces, parcourant les grandes villes où ils peuvent mesurer la diversité des courants d'opinion et la division profonde entre pro- et antiroyalistes.
Le comte d'Artois (futurCharlesX) par Jean-François Thuaire.
LorsqueNapoléon Bonaparte débarque dans le Sud de laFrance, prêt à remonter jusqu’à Paris pour recouvrer son pouvoir, le roi envoie des membres de sa famille pour mener les troupes et bloquer l’avancée. À la demande dubaron de Vitrolles, le comte d’Artois se rend àLyon, seconde ville du royaume, pour y préparer la résistance, mais il n’y trouve aucune munition alors que l’ex-Empereur a pu se procurer des armes àGrenoble. À l’approche de l’Aigle, Artois envoie des troupes à sa rencontre mais elles sympathisent avec l’ennemi, contraignant Artois à fuir comme leduc d’Orléans peu de temps auparavant. Cette trahison de l’armée est considérée par les ultras comme un coup duministre de la Guerre, le maréchalSoult, ancien officier deNapoléon. Celui-ci préfère donner sa démission. Avant l’entrée de Napoléon à Paris, les Bourbons n’ont plus d’autre choix que de fuir lesTuileries.
Après le second retour deLouisXVIII (1815), il affecte de se tenir éloigné des affaires et d'employer tout son temps soit à la chasse — qui est pour lui une passion —, soit à la religion. Il oublie la guerre. Mais, au-delà des apparences, sa résidence dupavillon de Marsan devient le centre de l’oppositionultraroyaliste à la politique conciliante de son frère[26].
Manteau du sacre deCharlesX.Entrée deCharlesX à Paris, par la barrière de la Villette, après son sacre. (détail), parLouis-François Lejeune (1775-1848).
La santé de son frère, le roiLouisXVIII, s'est détériorée depuis le début de l'année 1824. Souffrant de gangrène dans les jambes et la colonne vertébrale, il meurt le de la même année, à l'âge de presque69 ans, après avoir régné pendant environ dix ans (entrecoupés par la période desCent-Jours).
Ainsi que l'avait faitNapoléon lui-même, le roiCharlesX souhaite marquer son avènement par une cérémonie religieuse.Louis XVIII avait annoncé publiquement son intention de se faire sacrer mais on peut présumer qu'il y renonça pour des raisons physiques, sa mauvaise santé ne lui permettant pas d'en supporter les rites[Note 3],[27].
Le sacre est prévu par laCharte de 1814, dans son article 74 :« Le Roi et ses successeurs jureront, dans la solennité de leur sacre, d'observer fidèlement la présente charte constitutionnelle »[28].
Le sacre et le couronnement se tiennent le et, à la demande des autorités rémoises, en lacathédrale de Reims[29], selon la tradition. Le roi fait son entrée dans Reims à bord ducarrosse du sacre fabriqué pour la circonstance et aujourd'hui conservé à lagalerie des Carrosses duchâteau de Versailles. La cathédrale reçoit pour la circonstance un décor spécifique : son portail un décor de couleur bleue et de style troubadour, le chœur un dais fleurdelisé[30].
À l'instar du régime de la Restauration lui-même, le sacre est conçu comme un compromis entre la tradition monarchique et la charte de 1814 : il reprend les phases principales du cérémonial traditionnel comme les sept onctions ou les serments sur lesÉvangiles, tout en y associant le serment de fidélité prêté par le Roi à laCharte de 1814 ou encore la participation des grands princes au cérémonial comme assistants de l'archevêque de Reims.
Une commission fut chargée de simplifier et moderniser la cérémonie et de la rendre compatible avec les principes de la monarchie selon la Charte (suppression des promesses de lutte contre hérétiques et infidèles, des douze pairs, des références à la royauté hébraïque, etc.) et celle-ci dura trois heures et demie[31],[32].
De fait, le choix du sacre fut applaudi par les royalistes partisans d'une monarchie constitutionnelle et parlementaire et pas seulement par les nostalgiques de l'Ancien Régime.
Le fait que la cérémonie fût modernisée et adaptée aux temps nouveaux inciteChateaubriand, royaliste non absolutiste et partisan enthousiaste de la Charte de 1814, à inviter le roi à se faire sacrer. Dans labrochureLe roi est mort ! Vive le roi !, Chateaubriand explique que le sacre sera le« maillon de la chaîne ayant uni le serment de la monarchie nouvelle au serment de l'ancienne monarchie » ; c'est la continuité avec l'Ancien Régime plus que son retour que les royalistes exaltent,CharlesX ayant hérité des qualités de ses ancêtres :« pieux commeSaint Louis, affable, compatissant et justicier commeLouisXII, courtois commeFrançois Ier, franc commeHenriIV »[33].
Lesacre montre que la continuité dynastique va de pair avec la continuité politique ; pour Chateaubriand :« La constitution actuelle n'est que le texte rajeuni du code de nos vieilles franchises ».
Le sacre deCharlesX apparaît donc comme un compromis entre la tradition d'Ancien Régime et les changements politiques intervenus depuis la Révolution. Le sacre a eu néanmoins une influence limitée sur la population, les mentalités n'étant plus celles d'autrefois. Dès lors, le sacre provoqua une incompréhension dans certains secteurs de l'opinion[36].
Le règne deCharlesX débute par quelques mesures libérales comme l'abolition de la censure de la presse, mais le roi reconduitJoseph de Villèle, président du conseil depuis 1822, et laisse marquer son règne par une domination desultraroyalistes.
Il se rapproche de la population par le voyage qu'il effectue dans le nord de la France en septembre 1827[37], puis par celui qu'il effectue dans l'Est de la France en septembre 1828[38],[39]. Dans ces deux voyages, il est accompagné par son héritier dynastique, son fils aîné, leduc d'Angoulême.
Cette législation accentue dans l'opinion l'impression d'une volonté de retour à l'Ancien Régime. Son catholicisme dévot indispose une partie du peuple de Paris, volontiersanticlérical sinon anticatholique. Comme à l'enterrement deLouisXVIII, il est habillé de violet, couleur de deuil des rois de France, le bruit court qu'il est évêque ; des caricatures le montrent en train de célébrer la messe devant les membres de sa famille[40]. L'anticléricalisme se nourrit particulièrement de la haine des jésuites ; dans la seule année 1826, on compte71 brochures hostiles à leur influence supposée, cela alors qu'ils étaient moins de 500 en France et que leurs collèges recevaient seulement 2 200 élèves, six fois moins que les collèges royaux, très loin des 100 000 élèves que recevaient les89 collèges jésuites auXVIIIe siècle[27] ; le « mythe jésuite » donna lieu au développement d'un conspirationnisme virulent dont le roi, accusé d'être à leur service, fut une victime, l'un des cris séditieux les plus significatifs sous la Restauration étant « à bas les jésuites ! ».
Pour calmer les mécontents, il forme en janvier 1828 unministère modéré, présidé par levicomte de Martignac. Ce ministère réparateur a déjà réussi à ramener les esprits, lorsque la progression des libéraux aux élections législatives conduit à le congédier et le remplacer, le, par leministère deJules de Polignac, qui fait renaître les défiances.
En effet, peu de mois après, et malgré le respectueux avertissement donné par l'adresse des 221 députés,CharlesX tente de rétablir son autorité face au développement de l'opposition libérale. Il promulgue pour cela les « ordonnances de Saint-Cloud » qui dissolvent les chambres, convoquent les collèges électoraux en changeant de mode d'élection, et suspendent laliberté de la presse (), d'où résulte les jours suivants ( au) lesoulèvement qui met un terme à son règne, connu sous le nom de « Trois Glorieuses » (révolution de 1830)[41].
CharlesX en costume de sacre ; portrait dePaulin Guérin (1827).
CharlesX fut un roi mécène ; une aide importante, aux alentours de 30 % du budget, fut absorbée par l'achèvement des constructions publiques engagées sous lePremier Empire. La part consacrée aux commandes de tableaux et d’œuvres d'art, aux pensions et subventions aux artistes, savants, écrivains est de l'ordre de 1 à 1,5 million[42]. La maison du Roi encourage les arts, de même que le Ministère de l'Intérieur ; cette politique de mécénat n'implique pas le contrôle des œuvres littéraires. Il n'y a pas de système de commande publique, à la différence des beaux-arts, aux seules exceptions du baptême duduc de Bordeaux, pour lequel fut commandé àVictor Hugo[43] une ode, puis du sacre deCharlesX où furent conviésHugo,Nodier etLamartine. Le sacre deCharlesX permet d'employer plusieurs graveurs et sculpteurs, qui reçurent des commandes d’État. L'art religieux fut soutenu, par exemple, par Chabrol, préfet de la Seine, qui encouragea le renouveau de l'art du vitrail et des fresques pour les églises. Le roi s'investit personnellement pour enrichir leJardin des plantes de nombreuses espèces nouvelles, fait pensionner de nombreux artistes[44]. Les artistes œuvrèrent auxTuileries ou dans les autres palais royaux et vécurent un long moment en harmonie avec la Restauration, commeHugo qui s'inscrivit à la Société royale des Bonnes-Lettres ; les travaux des sociétés savantes et d'archéologie prennent leur essor et s'intéressent à un patrimoine jusque-là délaissé.
La Restauration est une période riche de musique et d'opéra ; elle connaît une vie intellectuelle, littéraire et artistique animée de nombreux débats, beaucoup plus libres que sous les régimes précédents.
Paris restant la capitale du luxe, la Restauration voit l'épanouissement d'unstyle de mobilier qui lui est propre, mêlant harmonieusement lignes droites et lignes courbes, avec l'emploi fréquent de bois de placage, tels l'acajou ou lecitronnier..
CharlesX accentua l'importance qu'il entendait donner aux beaux-arts en instaurant un système d'encouragements, de récompenses et d'acquisition[45]. Des médailles furent accordées à des peintres d'Angleterre (Constable, Bonington, Copley, Fielding), desPays-Bas (Navez), duPortugal (le chevalier Sequeira) etc. Les artistes étaient publiquement reconnus et la visite du roi garantissait leur prestige social : le roi, accompagné de l'administration des Musées, venait dans les salles d'exposition consacrées aux peintures et se faisait expliquer par le directeur les œuvres les plus remarquables et complimentait leurs auteurs. En 1827,Sosthènes de La Rochefoucauld décida que le salon des Beaux-Arts, événement majeur où les œuvres étaient présentées au roi après une sélection sévère d'un jury, eût lieu tous les ans[46]. La maison du Roi, sur proposition du directeur des Musées, favorisait deux catégories d'artistes : ceux dont la réputation était établie depuis l'Empire, et ceux qui débutaient avec succès.
CharlesX est intéressé par les antiquités et veut créer un musée royal. En 1826, le roi décide de créer une division égyptienne auLouvre confiée àChampollion, qui parvint à l'installer au rez-de-chaussée de la Cour carrée. Le roi acheta la collection du chevalierEdme-Antoine Durand (1768-1835) en 1825[47]. Elle comportait, à côté d'antiquités romaines et d'œuvres médiévales, 2 500 objets égyptiens qui lui permettent de créer un musée à son nom.CharlesX désigna l'ancien appartement de la reine, au premier étage de l'aile sud, côté cour carrée, pour les recevoir : les neuf nouvelles salles projetées reçurent le nom de muséeCharlesX. Le roi envoya, en 1824,Jean-François Champollion aumusée égyptologique de Turin où il découvrit l'art égyptien. Champollion persuadaCharlesX d'acquérir la deuxième collection assemblée parHenry Salt, en 1826, pour10 000 livres (250 000 francs) et qui comprend plus de 4 000 pièces[Note 4]. Champollion fut soutenu par le roi malgré ses opinions républicaines et fut nommé conservateur de ladivision des monuments égyptiens et orientaux du muséeCharles-X le. Le roi décida également que des expositions des produits industriels devaient avoir lieu au Louvre chaque année.
CharlesX décida de regrouper les collections de marine d'un musée naval installé au Louvre en 1827[48]. Celui-ci prend le nom de « musée Dauphin » en l'honneur dudauphin Louis-Antoine, grand amiral de France. À la suite de la victoire navale de Navarin, il fut installé dans les quatre salles du premier étage de l'aile nord du Louvre. Son premier conservateur,Pierre-Amédée Zédé, rassembla les collections navales se trouvant àParis, auGrand Trianon et dans les salles de sculpture et de modèles des arsenaux[49]. Pierre Zédée fit aussi aménager un atelier de construction et de restauration de modèles au sein du musée[50].
La politique étrangère deCharlesX visait à la restauration du prestige international et de la puissance de la France. Mais avant le règne deCharlesX, laFrance révolutionnaire de 1794 est attaquée par les puissances européennes coalisées, et éprouve des difficultés à nourrir sa population et ses soldats, elle est vaincue et appauvrie sousNapoléon et panse ses plaies sousLouisXVIII. Le dey d’Alger Hussein avait offert à la Convention toutes facilités pour faire ses achats de blé et consenti aussi par la suite sous le Directoire un prêt d’argent sans intérêts.
Cette dette, non honorée au fil des régimes successifs, sera à l'origine d'un refroidissement des relations entre le Dey Hussein et le consul de FrancePierre Deval (affaire du « coup d'éventail ») ; refroidissement qui, loin de ralentir la volonté de redorer la politique étrangère du roi, servira de prétexte pour intervenir militairement. Il s’agit pourCharlesX de redorer son blason en s’illustrant par une conquête aux forts accents patriotiques. À la suite de l'expédition d'Alger puis de laprise d’Alger, en 1830,Louis-Philippe poursuivra cette conquête qui aboutit à l’annexion de l’Algérie auroyaume de France en 1834[51].
Sous le ministère Polignac, d'autres projets allant en ce sens furent élaborés ; ainsi, quand en 1829, l'armée russe marcha surAndrinople, il fut envisagé d'étendre la France dans le cadre d'une réorganisation européenne consécutive à l'effondrement de l'Empire ottoman. La direction des affaires politiques du ministère des Affaires étrangères dirigée par Charles-Edmond, baron de Boislecomte, rédigea un mémoire approuvé par le Conseil des ministres le : la France aurait aidé laRussie à s'emparer de territoires ottomans en Asie et Europe, et en échange, aurait récupéré les territoires perdus enAllemagne en 1814 commeSarrelouis,Sarrebruck et Landau, ainsi que la Belgique et le Luxembourg. Lamaison d'Orange aurait régné en Constantinople, laPrusse aurait annexé laHollande et laSaxe, le roi de Saxe aurait régné sur la rive gauche du Rhin[52],[53]. Le recul russe rendit impossible toute mise en œuvre de ce projet.
La politique étrangère du roi suscite notamment l'admiration deMetternich et son incompréhension face aux événements de 1830 :« C'est au milieu d'une prospérité inouïe, d'une conquête qui a excité l'envie du Royaume-Uni et l'admiration reconnaissante des nations européennes, que le peuple s'est laissé pousser à la rébellion contre son roi. Je comprends les calculs égoïstes des séducteurs, mais non l'insigne niaiserie des innombrables dupes. »
En 1826, le vice-roi enÉgypte ottomaneMéhémet Ali, offre à Charles X ainsi qu'à l'empereur d'Autriche,FrançoisIer, et au roi du Royaume-Uni,George IV, une girafe. Celle offerte à la France est nomméeZarafa et vivra jusqu'en 1845.
En échange de la reconnaissance de l'indépendance deHaïti, Charles X exige de celle-ci le paiement d'une indemnité de 90 millions de francs or destinés à« dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité ». Haïti se ruine à payer cette indemnité, compromettant sensiblement son développement[54]. Ce n'est qu'en1952 que cette dette à la France sera totalement soldée. L'économie haïtienne ne s'en est jamais réellement remise[55].
Lesordonnances de Saint-Cloud, signées le, sont remises, le soir même, par le garde des sceaux, Chantelauze, au rédacteur en chef duMoniteur afin qu’elles soient publiées au matin du lundi. La première ordonnance suspend laliberté de la presse et rétablit lacensure et l'autorisation préalable de publication. La deuxième dissout la Chambre qui vient d'être élue. La troisième réduit le corps électoral, déjà très limité, en excluant les commerçants du corps électoral et en limitant celui-ci à une poignée de gros propriétaires fonciers. La quatrième convoque les électeurs pour le mois de septembre. La cinquième enfin nomme des fidèles aux plus hautes fonctions. Les ordonnances sont jugées inconstitutionnelles par leurs opposants,Adolphe Thiers en tête, dans le journalLe National, et excitent immédiatement leur réprobation.
En l'absence du ministre de la guerre,Bourmont, alors à Alger, en l'absence aussi de tout préparatif pour contrer une éventuelle insurrection, Paris se soulève les, et : ce sont lesTrois Glorieuses de 1830, ou « révolution de Juillet », qui renversent finalementCharlesX.
Le,Louis-Philippe, duc d'Orléans, est nommé lieutenant général du Royaume par les députés insurgés, poste qu'il accepte le. Il s'enveloppe alors d'un drapeau tricolore avecLa Fayette et paraît ainsi devant la foule, au balcon de l'hôtel de ville de Paris, le 31 juillet dans l'après-midi[56].
Il confie à son cousin le duc d'Orléans la tâche d'annoncer que son abdication se fait au profit de son petit-filsHenri, duc de Bordeaux, âgé de neuf ans, faisant du duc d'Orléans le régent.
Leur résolution est annoncée dans une lettre[57] du roi déchu au duc d'Orléans :
« Rambouillet, ce.
Mon cousin, je suis trop profondément peiné des maux qui affligent ou qui pourraient menacer mes peuples pour n’avoir pas cherché un moyen de les prévenir. J’ai donc pris la résolution d’abdiquer la couronne en faveur de mon petit-fils le Duc de Bordeaux. Le Dauphin, qui partage mes sentimens, renonce aussi à ses droits en faveur de son neveu.
Vous aurez donc, en votre qualité de lieutenant général du Royaume, à faire proclamer l’avénement deHenriV à la couronne. Vous prendrez d’ailleurs toutes les mesures qui vous concernent pour régler les formes du gouvernement pendant la minorité du nouveau Roi. Ici je me borne à faire connaître ces dispositions ; c’est un moyen d’éviter encore bien des maux.
Vous communiquerez mes intentions au corps diplomatique, et vous me ferez connaître le plus tôt possible la proclamation par laquelle mon petit-fils sera reconnu Roi sous le nom d'HenriV.
Je charge le lieutenant général vicomte de Foissac-Latour de vous remettre cette lettre. Il a ordre de s’entendre avec vous pour les arrangemens à prendre en faveur des personnes qui m’ont accompagné, ainsi que pour les arrangemens convenables pour ce qui me concerne et le reste de ma famille.
Nous réglerons ensuite les autres mesures qui seront la conséquence du changement de règne.
Je vous renouvelle, mon cousin, l’assurance des sentimens avec lesquels je suis votre affectionné cousin,
Charles
Louis Antoine »
CharlesX et la famille royale caricaturés en volaille chassée par les révolutionnaires jusqu'auport de Cherbourg. Lithographie satirique, 1830.
Il existe une controverse sur l'abdication :CharlesX ne peut forcer son fils à renoncer à ses droits, selon les principes de la monarchie héréditaire[58]. Ce dernier s'il avait refusé de contresigner l'abdication de son père, aurait pu conserver la Couronne pour lui-même, se faire reconnaître roi par les députés sous le nom de « LouisXIX » ou « Louis-AntoineIer », et reprendre en main l'armée et le pays. Mais finalement, il renonce par obéissance ou par faiblesse. D'ailleurs, Charles X sera le roi de France en exil, suivi par son fils Louis XIX jusqu'à sa mort en 1844, puis son neveu Henri V.
Malgré les termes de l'abdication, le duc d'Orléans, au terme de l'hésitation de 1830, prend le pouvoir sous le nom deLouis-Philippe Ier. Le3 août, en effet, devant les Chambres réunies, il annonce[59] bien l'abdication deCharlesX, contresignée par le dauphin… mais ne mentionne pas qu'elle est effectuée en faveur duduc de Bordeaux. Le texte intégral de l'abdication est néanmoins transcrit le sur le registre de l'état civil de la maison royale, aux archives de laChambre des pairs, et inséré auBulletin des lois du.
Par ailleurs,CharlesX interdit à laduchesse de Berry, la mère du duc de Bordeaux, d'emmener son fils à Paris. Pour d'autres sources,Louis-Philippe propose dans la nuit du 6 août 1830 par l'entremise du colonel Craddock, secrétaire de l'ambassade du Royaume-Uni en France que le jeuneHenri d'Artois lui soit confié et ramené àParis pour faire ultérieurement valoir ses droits à la couronne, Charles X hésite et laduchesse de Berry refuse de se séparer de son fils[60].Jean Jaurès, dans son tome VIII de l'Histoire socialiste de la France contemporaine consacrée au règne deLouis-Philippe parle lui à propos de l'émissaire anglais d'un « colonel Caradec » devenu Lord Howden.
Réticent, Charles X ne parvient pas à dissuader sa belle-fille, laduchesse de Berry, d'essayer de faire monter son fils sur le trône en engageant à partir de la fin avril 1832, avec l'aide deBourmont et d'autres fidèles, unsoulèvement dans le midi, puis l'ouest de la France. Ce soulèvement se conclut par un échec, l'arrestation de la princesse, son incarcération aufort de Blaye, puis son expulsion de France en juin 1833.
Après s'être confessé et avoir pardonné « de grand cœur » à ses ennemis[69], l'ancien roiCharlesX meurt, des suites ducholéra, le[70] à l'âge de79 ans, àGörtz, au palais Coronini Cronberg[71]. Il est le seulroi de Francecapétien à reposer en exil[72],[73].
« […]Mme Adélaïde [sœur de Louis-Philippe] mande àM. deTalleyrand que la Cour ne prendra pas le deuil à l'occasion de la mort deCharlesX, faute de notification […] (la mort) divise, à Paris, sur tous les points. Chacun y porte le deuil à sa façon, depuis la couleur jusqu'à la laine noire, avec des gradations infinies, et des aigreurs nouvelles à chaque aune de crêpe en moins. Puis, les uns disent le comte de Marnes etHenriV, les autresLouisXIX. Enfin, c'est la tour de Babel ; on n'est même pas d'accord sur la maladie dontCharlesX est mort ! […] Il y a eu division sur la question du deuil jusque dans la famille royale actuelle : la Reine, qui l'avait pris spontanément le premier jour, a été très peinée que le Ministère le lui ait fait quitter. Le Cabinet a craint la controverse des journaux […]. »
— duchesse de Dino, de Rochecotte, les et dansChronique de 1831 à 1862, Plon, 1909,p. 107 et 108.
À la mort deCharlesX, une partie des légitimistes reconnaît pour roi son fils lecomte de Marnes, sous le nom deLouisXIX, mais les henriquinquistes, en contradiction avec leslois fondamentales, continuent de soutenir lecomte de Chambord, sous le nom d'HenriV, se basant sur l'abdication du, queCharlesX avait signée en faveur de son petit-filsHenri d'Artois.
Pourtant, le fils aîné deCharlesX, ledauphinLouis-Antoine,signe une proclamation[réf. souhaitée] dans laquelle, tout en confirmant sa renonciation de 1830, il déclare que « dans les circonstances actuelles », l'intérêt de son neveu exige qu'il soit « chef de lamaison de France » et investi de l'autorité royale, sous le nom deLouisXIX et avec le titre de courtoisie de comte de Marnes, jusqu'au jour où « la monarchie légitime sera rétablie » : il transmettrait alors la Couronne à son neveu.
Cette subtilité s'explique par le fait que la mort deCharlesX investissantipso facto le dauphin de la royauté, il suffit de notifier le décès aux cours européennes pour notifier également « l'élévation » au trône du dauphin sous le nom deLouisXIX ; en revanche, la reconnaissance de l'accession au trône d'HenriV implique la notification de l'abdication de 1830, dont on peut redouter que les cours refusent de la recevoir dès lors qu'elles ont toutes (excepté leduché de Modène) reconnu lamonarchie de Juillet.
La plus grande bête qu'on ait jamais vue :CharlesX caricaturé engirafe, 1830.
Marquant le début de l'âge d'or de la caricature duXIXe siècle,CharlesX est, selon les termes d'Annie Duprat, l'objet d'une satire riche et diversifiée dans les premières semaines qui suivent sa chute en 1830. À travers la presse et l'estampe, l'imagerie, d'une grande variété de thèmes et de formes, joue fréquemment sur sa physionomie dégingandée à travers de multiples représentations animales (girafe en référence àZarafa, âne, dindon, cheval, tigre, chat, canard, paon, lapin, etc.). La bigoterie du roi est rappelée par des éléments du costume. Ses opinions traditionalistes lui valent d'être souvent caricaturé enécrevisse, crustacé qui se déplace en reculant. Sa fuite est également plaisantée, comparée à celle du bey lors de laprise d'Alger par les troupes dumaréchal de Bourmont en[76]. Parmi les caricaturistes prolixes, on trouveLévilly[77].
Le nom deCharlesX est resté associé à un style dans lesarts décoratifs. Ce style reste proche de celui du Premier Empire. Mais ce qui caractérise la courte période de son règne est un regain d'intérêt artistique pour leMoyen Âge et l'essor dustyle troubadour. De plus, il y existe des changements techniques, on délaisse au fur et à mesure l'usage de l'acajou pour préférer les bois clairs comme le citronnier et l'érable.
Plus tard, il fut aussi joué lors d'une représentation auchâteau de Versailles avec pour acteur principal le comte d'Artois dans le rôle de Figaro[78].
↑Ces armes furent aussi celles portées par son petit-fils,Henri d'Artois, duc de Bordeaux.
↑Le manteau du sacre deLouisXVIII fut même réalisé et payé.
↑Avec la deuxième collectionDrovetti comprenant plus de 700 pièces, achetée parCharlesX en 1827 pour 200 000 francs, elles constituent le premier fonds des collections égyptiennes du musée du Louvre.
↑Jan-Cedric Hansen, « De l’intérêt de la congruence génétique et généalogique en consultation mémoire »,La Revue de gériatrie,vol. 47,no 10,,p. 505-513.
↑Frédéric Lacaille, Alexandre Maral et Benpît-Henry Papounaud,Sacres Royaux, de Louis XIII àCharlesX, Versailles, Reims, Éditions du Patrimoine, Centre des Monuments Nationaux,, 63 p.(ISBN978-2-7577-0387-8).
↑« South Audley Street: West Side » dansSurvey of London, Volume 40,The Grosvenor Estate in Mayfair, part 2 (The Buildings), ed. F H W Sheppard, London, 1980,p. 303-315.British History Online.
↑Thierry Lentz,1810, le tournant de l'Empire, actes du colloque des 8 et 9 juin 2010 organisé par la Fondation Napoléon et le Souvenir napoléonien, Nouveau Monde éditions[lire en ligne].
↑François Miel,Histoire du sacre de Charles X, dans ses rapports avec les beaux-arts et les libertés publiques de la France, Paris, Panckoucke,, XVI+364(lire en ligne)
↑François Miel,Histoire du sacre deCharlesX, dans ses rapports avec les beaux-arts et les libertés publiques de la France, Panckoucke,(lire en ligne).
↑Voyage du Roi au camp de Saint-Omer et dans les départements du nord, Paris, Imprimerie Royale,, 237 p.(lire en ligne)
↑Voyage du Roi dans les départements de l'Est et au camp de manœuvres de Lunéville, Paris, Imprimerie Royale,, III+213(lire en ligne surGallica)
↑Farges-Mericourt (P. J.),Relation du voyage de Sa Majesté Charles X en Alsace, Strasbourg, Levrault,, 184 p.
↑Le bruit devait souvent se répéter. Louis Blanc écrit dansHistoire de dix ans, Pagnerre, à Paris 1842, (2eéd.)p. 179 :« Lorsqu’il s’était agi d’inaugurer le monument expiatoire élevé à Louis XVI,CharlesX devait figurer dans cette cérémonie en habit violet, le violet étant la couleur de deuil pour les rois. Eh bien, le bruit courut parmi les soldats que son intention était de paraître en public, revêtu d’un costume d’évêque. »
↑« 27-29 juillet 1830 Les ordonnances de Juillet et la révolution des « Trois Glorieuses » »,lire en ligne,herodote.net
↑AN 0³ 1428 : Archives nationales, archives postérieures à 1789, série LH grande chancellerie de la Légion d'honneur, maison du Roi et de l'empereur, sous-série 03 maison du Roi (restauration).
↑AlainNiderlinder, « Le musée national de la Marine et ses collections : éléments chronologiques »,Neptunia,no 194,,p. 57.
↑Alain Niderlinder, « Le musée national de la Marine et ses collections : éléments chronologiques »,Neptunia,no 194,p. 55.
↑Fabienne Manière, « 27-29 juillet 1830 Les ordonnances de Juillet et la révolution des « Trois Glorieuses » », 3 novembre 2020,lire en ligne surherodote.net
↑Pierre de la Gorse,La Restauration - Tome II: Charles X, Paris, Plon,, 342 p.(ISBN979-10-92188-45-5)
↑Théodore Anne,Journal de Saint-Cloud à Cherbourg ou récit de ce qui s'est passé à la suite du Roi Charles X, du 26 juillet au 16 août 1830, Paris, Urbain Canel & Ladvocat,, 99 p.(lire en ligne),p. 1-84
↑a etbMontoneri, Bernard, « Le Mariage de Figaro et la Colonie, Deux Comédies sur le Drame Humain : Comparaison Entre laScène 13 de La Colonie et laScène 16 de Figaro (ActeIII) »,Fu Jen Studies. Literature & Linguistics,,p. 23-62
1830 :Théodore Anne,Journal de Saint-Cloud à Cherbourg ou récit de ce qui s'est passé à la suite du Roi Charles X, du 26 juillet au 16 août 1830, 1830, Paris, Urbain Canel & Ladvocat, 99 pages,lire en ligne ;
1830 : Scipion Marin,Le mémorial de Lulworth et d'Hollyrood, ou Occupations, projets, correspondances et tentatives deCharlesX dans son exil, Paris, chez l'auteur, 76 p.
1830 : Alexandre Boltz (dir.),Procès des derniers ministres deCharlesX, Paris, Au bureau des éditeurs, 2 Tomes, 400 et 608 p.
1831 : Jules Lacroix,CharlesX, Paris, E. Renduel, 15 p.
1837 : Alissan de Chazet,CharlesX, esquisse historique, Paris, Ledentu, 71 p.
1889 : marquis de Villeneuve,CharlesX etLouisXIX en exil. Mémoires inédits du marquis de Villeneuve, publiés par son arrière-petit-fils, Paris, Plon, Nourrit et Ce,VIII + 322 p.
1893 : Henry Manayre,CharlesX (1757-1836), Paris, chez l'auteur, 16 p.
1927 : Pierre de La Gorce,La Restauration.TomeII :CharlesX, Paris, Plon, 343 p.
1927 : Jean-Paul Garnier,Le Sacre deCharlesX et l'opinion publique en 1825, Jouve 1927, 147 p.
1958 : Jacques Vivent, sous le pseud. de « Villebrumier »,CharlesX, dernier roi de France et de Navarre, Paris, le Livre contemporain, 411 p.