Il est également prétendant au trône d'Espagne (1703-1714) sous le nom deCharles III ;roi de Sardaigne (1708-1720) sous le nom deCharles III ;roi de Naples (1713-1734) sous le nom deCharles VI ;roi de Sicile (1720-1735) sous le nom deCharles IV ;duc de Parme et Plaisance (1735-1740) sous le nom deCharles II.
À l'instar de son père, Charles VI est un grandmélomane. Musicien passionné au point d'accompagner lui-même auclavecin le castratFarinelli et d'entretenir de longues conversations avecAntonio Vivaldi lors d'un voyage enVénétie. Il est, comme ses pairs, passionné par lachasse, activité à laquelle s'adonne son gendre,François-Étienne de Lorraine,grand-duc de Toscane. Au cours d'une chasse de 1732, l'empereur tue accidentellement le prince deSchwarzenberg.
Son règne étant marqué par des querelles de successions en Europe, le souverain se soucie particulièrement des procédures juridiques concernant l'héritage.
Second dans l'ordre de succession pour l'ensemble desterritoires héréditaires des Habsbourg et la dignité impériale (1685-1700), puis troisième (1700-1701), de nouveau second (1701-1705) et enfinhéritier présomptif de son frère aîné 1705 et 1711, la vie du prince est bousculée par les évènements venus d'Espagne et qui inquiètent les Cours européennes depuis des années.
Le1er novembre 1700,Charles II (1661-1700),roi d'Espagne, meurt sans descendance. Avec lui s'éteint la branche aînée des Habsbourgs,celle d'Espagne, qui y régnait depuis 1516. La logique dynastique voudrait que la branche cadette,celle d'Autriche, hérite de tous ses biens. Or, il n'est plus question en Europe de voir rétablir l'Empire immense deCharles Quint (1500-1558), qui aurait eu un monarque unique sur un domaine « où le soleil ne se couche jamais ».
Louis XIV (1643-1715),roi de France et de Navarre, a épousé la sœur aînée du défunt roi tandis queLéopoldIer (1640-1705), Empereur élu du Saint-Empire, a épousé une sœur cadette. Plusieurs solutions ont été envisagées pour se répartir l'héritage espagnol, du vivant même du roi. Mais aucune n'aboutit. Dans son testament, Charles II, convaincu par le parti pro-français à sa cour, désigne pour lui succéder intégralementPhilippe de France (1683-1746),duc d'Anjou, petit-fils de Louis XIV.
Laguerre de Succession d'Espagne éclate quelques mois plus tard entreVersailles et Vienne du fait que la France, profitant d'une Espagne désormais alliée dynastiquement et politiquement, commence à occuper des places-fortes dans lesPays-Bas espagnols, menaçant les frontières du Saint-Empire.
En septembre 1702, l'empereur entre en guerre pour revendiquer l'héritage de son beau-frère et cousin, d'abord à titre personnel, puis, à partir du 12 septembre 1703, au nom de son second fils, Charles, qui est dès lors proclamé roi d'Espagne sous le nom de « Charles III ».
Il est couronné à Vienne, puis se rend en Espagne. Confronté à un royaume déchiré et hostile aux Habsbourgs, le prétendant trouve néanmoins un appui solide dans les territoires péninsulaires de laCouronne d'Aragon (Catalogne etValence, notamment). De plus, il est soutenu dans ses démarches par laGrande-Bretagne, lesProvinces-Unies et laPrusse, bientôt rejoints par lePortugal et laSavoie.
En septembre 1705, Charles fait deBarcelone la capitale de son gouvernement, ce qui offre à ses alliés un point d'appui en territoire espagnol, et menace gravement l'autorité de Philippe V. Le 25 juin 1706, la prise deMadrid par l'armée portugaise menée par lemarquis des Minas, et renforcée par des bataillons anglais et néerlandais commandés parHenri de Massué, lui permet d'être proclamé roi dans la capitale historique espagnole. Mais l'intervention énergique de la France et la défaite de ses alliés à labataille d'Almansa, qui rétablitPhilippe V sur le trône, ne lui permet pas d'exploiter sa position. La situation particulièrement intense atteint son paroxysme en 1708 quand la France engage des pourparlers de paix mais refuse d'abandonner le royaume d'Espagne aux Habsbourgs.
La même année, Charles devient roi de Sardaigne. Cependant, la position du prétendant reste précaire et n'aboutit pas au renvoi des Bourbons de la péninsule. Au contraire, ceux-ci se redressent dès l'année suivante et repoussent les armées coalisées sur presque tous les fronts.
L'année 1711 marque un tournant crucial. Le 11 avril,JosephIer meurt et « Charles III » lui succède à la tête des États héréditaires des Habsbourgs, ainsi que sur le trône du Saint-Empire sous le nom de Charles VI. La Grande-Bretagne, alliée principale jusqu'alors pour affaiblir l'hégémonie française, fait savoir qu'elle ne soutiendra pas un nouveau Charles Quint.
Dès lors, les pourparlers de paix sont engagés, d'autant plus que l'Europe est exsangue. À partir de janvier 1712, les belligérants se rencontrent lors ducongrès d'Utrecht afin de régler le conflit par la diplomatie. Les faits d'armes prennent fin seulement l'année suivante.
Le 6 mars 1714, letraité de Rastatt reconnaît à Philippe V la possession de la couronne d'Espagne et ses colonies, mais l'oblige à renoncer à ses droits autrône de France. Charles VI conserve le royaume de Sardaigne et reçoit leroyaume de Naples,Milan,Mantoue et diverses villes en Allemagne. Mais il se considère encore comme seul roi légitime d'Espagne.
Lamaison d'Autriche, devenue branche aînée de ladynastie des Habsbourgs, demeure une puissance européenne de premier ordre, bien qu'elle entame déjà son déclin.
Le, Charles épouseÉlisabeth-Christine de Brunswick-Wolfenbüttel (1691-1750). De religionprotestante la princesse est d'une grande beauté et possède un caractère affirmé: elle s'oppose d'abord à ce mariage pour ne pas avoir à se convertir aucatholicisme (menaçant même de se suicider), avant de se raviser, sous l'influence dupère Tönnemann, confesseur de Charles VI.
Tous deux sont en fait profondément religieux et le couple est très uni, et bien qu'elle n'ait pas même vingt ans, Charles lui cède la régence de ses possessions espagnoles tandis qu'il mène ses troupes au combat. Pendant huit ans, leur union demeure stérile, puis naissent quatre enfants :
Le 19 avril 1713, l'Empereur édicte laPragmatique Sanction qui modifie les dispositions successorales prises par son père, dix ans plus tôt. En premier lieu, le domaine des Habsbourgs devient indivisible. De plus, non seulement les femmes sont déclarées aptes à succéder dans les différents royaumes qu'il possède alors, mais ce sont ses filles à naître, et non celles de son frère aîné, qui auront la primauté dans l'ordre de succession, le cas échéant.
Les nièces de l'empereur,Marie-Josèphe d'Autriche (1699-1757) etMarie-Amélie d'Autriche (1701-1756), qui se retrouvent exclues de tout héritage dès la naissance du premier enfant impérial, doivent prêter serment de respecter l'édit. À leur mariage, leur époux sont soumis à la même exigence[1].
Les États héréditaires adhèrent à ces dispositions, mais certains, dont laHongrie, négocient des concessions qui y affaiblissent l'autorité royale.
L'empereur ne s'arrête pas là. Il passe près de vingt ans à obtenir, tant bien que mal, la reconnaissance de son édit auprès des Cours européennes.
Pour ce faire, Charles VI soutient les actions de ses voisins européens. Ainsi, en avril 1716, il rejoint larépublique de Venise, enguerre contre l'Empire ottoman depuis 1714. L'armée impériale, menée par le princeEugène de Savoie-Carignan (1663-1736), est victorieuse aux batailles dePetrovaradin (), deTimișoara (en) (1er octobre1716) et deBelgrade (), et repousse les Turcs au Sud des Balkans. Le traitéde Passarowitz, signé le 21 juillet 1718, marque la victoire vénéto-autrichienne. LeSultan cède à l'Empereur leBanat, laSerbie septentrionale (y comprisBelgrade), une bande de territoires bosniaques au sud de laSave et l'Olténie valaque. Les Habsbourgs n'ont jamais possédé autant de territoires dans les Balkans.
Le 20 février 1720 est signée lapaix de La Haye. Philippe V est reconnu roi légitime d'Espagne par l'Empereur, mais perd toutes ses possessions en Italie. Charles VI reçoit leroyaume de Sicile, tenu par leduc de Savoie, avec lequel il échange son royaume de Sardaigne. Les royaumes de Naples et de Sicile retrouvent un souverain commun, mais demeurent desvice-royautés inféodées aux directives d'une Cour étrangère.
En 1725, un rapprochement opportun est opéré depuis l'Espagne. Le roi de France a renoncé à ses fiançailles d'avec une infante d'Espagne, refroidissant les relations entre les deux royaumes. Philippe V, mais surtout sa seconde épouse,Élisabeth Farnèse, aspire à renouer le contact avec l'Autriche, dans un but bien précis : obtenir des territoires en Italie du Nord, notamment ceux dont la reine d'Espagne est l'héritière, pour l'un des infants. En échange de quoi le roi d'Espagne s'engage à respecter les dispositions de la Pragmatique Sanction. L'Empereur signe donc letraité de Vienne, le 30 avril : ses filles Marie-Thérèse d'Autriche (1717-1780) et Marie-Anne d'Autriche (1718-1744) doivent se fiancer aux infantsCharles de Bourbon (1716-1788), héritier d'Espagne, etPhilippe de Bourbon (1720-1765), afin de sceller une alliance défensive et offensive.
En 1727, l'Espagne déclare laguerre à la Grande-Bretagne afin de récupérerGibraltar. Charles VI, qui ne veut pas d'un conflit contre les Britanniques, n'intervient pas. En 1729, la conférence de Soissons met fin au conflit : par les traités deSéville (9 novembre 1729) et deVienne (16 mars 1731), les projets d'alliance et de mariage austro-hispaniques sont abandonnés. Gibraltar demeure britannique, mais Anglais et Espagnols s'allient désormais pour obtenir, par la force si nécessaire, lesduchés de Parme et Plaisance et legrand-duché de Toscane au profit de l'héritier d'Espagne. L'Empereur cède, déterminé à faire reconnaître sa Pragmatique Sanction, et reconnaît le droit aux Bourbons d'Espagne à posséder ces duchés en cas d'extinction de laMaison Farnèse, ce qui se produit le 20 janvier 1731.
Avant même la mort du roi, sa succession a fait l'objet de discussion dans les Cours européennes. La France, par le biais du cardinalAndré Hercule de Fleury (1653-1743), bien que moins belliqueuse que sous le règne de Louis XIV, ne peut abandonner le beau-père duRoi et décide donc de le soutenir. L'Autriche et laRussie, de leur côté, le 17 septembre 1732, décident de ne reconnaître aucun des deux candidats s'ils étaient élus. Elles sont rejointes par la Prusse, le 13 décembre. Mais face au soutien français déclaré, les deux premières se rangent finalement du côté de l'électeur de Saxe.
Rapidement, Stanislas est forcé de se réfugier à Dantzig (Gdańsk), le 22 septembre, pour y attendre des renforts tandis que l'électeur de Saxe est proclamé roi àVarsovie, le 5 octobre, sous le nom d'Auguste III. Le 10 octobre, la France déclare la guerre à l'Autriche et à la Saxe. En réalité, Charles VI est la cible principale des armées françaises, sinon la seule, puisque la Russie est trop loin, et attaquer la Saxe déclencherait une réaction européenne. Et l'Empereur se rend compte rapidement que ses alliés sont peu pressés de lui venir en aide, se bornant surtout aux affaires intérieures de la Pologne.
L'Espagne et la Sardaigne, alliées de la France, contrôlent déjà les duchés deLorraine et deMilan. La Sicile est envahie à son tour et perdue (10 mai 1734). Le Prince Eugène, limité dans ses effectifs et vieillissant, se borne à une tactique purement défensive durant toute l'année 1735.
Letraité de Vienne, en date du 18 novembre 1738, conclut trois ans d'intenses négociations diplomatiques et redistribue les Couronnes italiennes.François III Étienne (1708-1765), gendre de Charles VI, reçoit legrand-duché de Toscane en échange des duchés de Bar et de Lorraine, reversés à Stanislas Lezczynski. L'Empereur reçoit les duchés de Parme et Plaisance. Mais il cède les royaumes de Naples et de Sicile àCharles de Bourbon qui s'en était emparés depuis 1734. Enfin, le roi de Sardaigne reçoitNovare et une partie du duché de Milan.
La France accepte enfin de garantir la Pragmatique Sanction. L'Autriche ressort affaiblie et vaincue. Sa victoire est surtout morale.
Alliées depuis 1732 dans le cadre de la guerre de Succession de Pologne, l'Autriche et la Russie partagent un intérêt commun à repousser l'Empire ottoman des Balkans. Le prétexte est trouvé pour lui déclarer la guerre lorsqu'en 1735, leKhan de Crimée lance une série de raids dans leCaucase. La Russie répond à cette agression en établissant un plan militaire pour s'emparer d'Azov, voire l'ensemble dukhanat de Crimée, allié des Ottomans.
Les Russes ouvrent les hostilités le 20 mai 1736 en envahissant le Khanat et s'emparent d'Azov, le 19 juin.
En juillet 1737, Charles VI s'engage à son tour, aux côtés d'AnneIre, et s'empare deNiš, enMacédoine.
L'Empire ottoman reçoit l'aide de la France qui, à défaut d'entrer en guerre directement, envoie des armes et des subsides. Dès lors, les Turcs reprennentNiš et finissent par repousser les Autrichiens comme les Russes. En 1738, la prise deBelgrade par les Ottomans précipitent des négociations de paix qui n'aboutissent pas.
L'Autriche, déjà mise à mal par la guerre contre la France, l'Espagne et la Sardaigne, est battue de nouveau en 1739 et signe, le 18 septembre,le Traité de Belgrade, sans les Russes, par lequel l'Empereur rend laPetite-Valachie, laSerbie etBelgrade à l'Empire ottoman.
Le 10 octobre 1740, Charles VI souffre d'une indigestion après avoir mangé un plat de champignons sautés, qui mue en infection et qui, dix jours plus tard, provoque sa mort. Ces symptômes semblent correspondre à unsyndrome phalloïdien.
Fort conscient de sa dignité, entrant en agonie, il tance un valet parce que le nombre de cierges entourant son lit n'est pas le nombre fixé par l'étiquette.
Il laisse desCommentaires sur sa propre vie, qui ont été publiés àBruxelles en1862.
À la fin de sa vie, l'empereur, qui n'a connu que des conflits, a la satisfaction toute illusoire de savoir que la Pragmatique Sanction, à laquelle il a accordé une importance considérable, est enfin reconnue par l'ensemble des puissances européennes. Comme son frère avant lui, il n'a pas eu de fils survivant. Il est donc le dernier des Habsbourgs mâles à régner en Autriche, après avoir vu mourir le dernier des Habsbourgs en Espagne. Quoi qu'il a connu une Autriche plus forte que jamais, il l'a également vue s'affaiblir progressivement, menacée par les Bourbons de France, d'Espagne et même d'Italie.
Sa fille aînée,Marie-Thérèse, lui succède donc en Autriche, en Bohême, en Hongrie et dans tous les États héréditaires. Seule la dignité impériale, réservée exclusivement aux hommes, échappe à l'héritage. Mais l'empereur espère que l'ancien duc de Lorraine, devenu grand-duc de Toscane, le François III Étienne dont sa fille est amoureuse et avec lequel elle a déjà eu deux enfants, sera le prochain dirigeant du Saint-Empire.
Les générations sont numérotées dans l'ordre de la descendance masculine depuis les premiers archiducs. Au sein de chaque génération, l'ordre suit celui de l'aînesse.