CharlesVII est le fils deCharlesVI et d'Isabeau de Bavière. Roi indissociable de l'épopée deJeanne d'Arc, il réussit, au cours d'un long règne de près de quarante ans, presque aussi long que celui de son père et prédécesseur sur le trône (1380–1422), à renverser une situation compromise et finalement gagner laguerre de Cent Ans.
La faiblesse psychologique de son père, le roi Charles VI, le conduit à être placé sous tutelle depuis 1392, et les luttes pour le contrôle de la régence et du royaume dégénèrent en une véritableguerre civile à partir de 1407.Henri V d'Angleterre en profite pour pousser ses prétentions sur la Normandie, l'Aquitaine, et même le royaume de France tout entier, avec succès : il remporte notamment labataille d'Azincourt (1415) et prend le dessus pour les années suivantes.
En1418, Charles,comte de Ponthieu etdauphin, échappe à la capture (voire à la mort) lors de la prise du pouvoir par lesBourguignons à Paris. Il se réfugie àBourges et se proclame lui-mêmerégent duroyaume de France, au motif de l'indisponibilité de son père atteint de folie et tombé au pouvoir deJean sans Peur,duc de Bourgogne. Charles négocie avec ce dernier mais lors d'une rencontre sur le pont deMontereau le,Jean est assassiné, les Bourguignons accusent le dauphin malgré ses dénégations etPhilippe le Bon, fils de Jean sans Peur et nouveau duc de Bourgogne, fait alliance avec les Anglais[1].
Cette alliance aboutit le autraité de Troyes, qui, à l'instigation du nouveau duc de Bourgogne et avec la complicité de la reine Isabeau de Bavière (mère de Charles), déshérite le dauphin Charles et désigne comme régent du royaume et prochain successeur du roi de France Charles VI le roi d'AngleterreHenri V, qui épouse le 2 juin la sœur de Charles,Catherine de Valois, fille de Charles VI et d'Isabeau. Henri V est donc quasiment assuré de l'emporter dans la guerre qui continue (car Charles et ses partisans ne cèdent pas), mais il meurt peu après avoir prisMeaux d'une maladie contractée pendant le siège, le.
À la mort de Charles VI deux mois plus tard, le, le partiPlantagenêt revendique donc le titre de roi de France pour le fils de Henri V mais il n'a que dix mois et ne peut être sacré. Charles qui ne reconnait pas le traité de Troyes se proclame roi de France sous le nom deCharlesVII, le, en lacathédrale de Bourges.
La capture de Jeanne et sa mort le n'interrompent pas les succès de Charles, qui réussit à mettre fin à la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons en concluant avec le duc de BourgognePhilippe le Bon letraité d'Arras de1435.
L'armée royale est réorganisée par la création descompagnies d'ordonnance le, donnant naissance à l'armée française permanente.CharlesVII peut ainsi se consacrer à la guerre contre les Anglais, achevant à terme de les chasser du royaume par lavictoire finale deCastillon, en1453, qui clôt militairement laguerre de Cent Ans[2].
Souvent critiqué par la postérité pour avoir censément ralenti la reconquête du royaume, relancée notamment par Jeanne d'Arc, et pour avoir abandonné celle-ci à son sort, le roi cautionne néanmoins en1456 le procès en nullité de la condamnation de la Pucelle, qui la lave solennellement de toute accusation d'hérésie.
Charles est né le en la résidence royale de l'Hôtel Saint-Pol àParis. Il est le onzième et avant-dernier enfant deCharlesVI et d'Isabeau de Bavière. Il est le troisième à porter le prénom de Charles (les deux Charles précédents étant morts, l'un au berceau, l'autre à l'âge de neuf ans).
Il reçoit le titre decomte de Ponthieu dans sa première année et, en tant que cadet de famille, précédé de deux frères aînés, les princesLouis de Guyenne, né en 1397 etJean de Touraine, né en 1398, il ne peut prétendre à la succession royale française : son seul avenir plausible serait de recevoir unapanage pour lequel il rendraithommage au roi de France.
Le jeune Charles de Ponthieu, âgé de 10 ans, interfère très tôt, bien malgré lui, avec les querelles entre lesmaisons d’Anjou etde Bourgogne.
Le, leducLouisII d'Anjou, cousin du roiCharlesVI etroi titulaire de Naples, qui avait conclu une future alliance avec la maison de Bourgogne, annule le projet de mariage entre son fils Louis, futurLouisIII d'Anjou, et Catherine de Bourgogne, fille duduc de BourgogneJean sans Peur. Cette rupture intervient en raison de sa fidélité à lamaison de Valois, du fait de son désaccord avec la politique de Jean sans Peur, qui intrigue pour prendre le pouvoir au royaume de France après avoir faitassassiner leLouisIer d'Orléans, frère cadet du roiCharlesVI[4].
Un mois plus tard, le, le duc d'Anjou renforce son alliance avec la dynastie de Valois, en donnant en fiançailles sa filleMarie d'Anjou à Charles de Ponthieu, auLouvre : les enfants n'ont respectivement que neuf et dix ans[5].
La mère de Marie,Yolande d'Aragon,duchesse d'Anjou, ne souhaite pas, depuis la sanglanterévolte des Cabochiens survenue au printemps 1413 à Paris, laisser les jeunes fiancés dans la capitale, les hôtes royaux de l'hôtel Saint-Pol étant notamment menacés par lesBourguignons. Elle réussit à emmener sa fille et son futur gendre enAnjou le, puis Charles rallieTours d'octobre à décembre 1414[6]. Vers la mi-janvier1415, sa future belle-famille emmène Charles enProvence[7], auchâteau de Tarascon. Il revient en Anjou à la fin de l'année. Ainsi le prince peut-il passer, avec sa fiancée, quelques heureuses et paisibles années jusqu'en1416.
Pendant son séjour en Anjou et en Provence, le jeune prince a reçu les leçons des meilleurs éducateurs : il sera aussi cultivé que son ancêtre, le roiCharlesV.
Mort prématurée des deux dauphins précédant Charles de Ponthieu
Son frère aîné, ledauphinLouis, duc de Guyenne (1397-1415), gendre de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, commence à gérer le royaume à l'âge de 16 ans, au début de l'année 1413, sous l'influence de sa mèreIsabeau de Bavière et de son beau-pèreJean sans Peur. Ce dernier demande la réunion desétats généraux, qui se tiennent le à l'Hôtel Saint-Pol de Paris, sous la présidence du roiCharlesVI, où des remontrances sont prononcées sur l'inefficacité et la corruption du gouvernement de la régence[8] : il en ressort que le remède aux problèmes du royaume pourrait être apporté par le duc de Guyenne et son beau-père, le duc de Bourgogne, acharné à s'emparer du pouvoir.
Mais la lutte du boucherSimon Caboche contre les Armagnacs, fomentée par Jean sans Peur, à partir du, se poursuit par laRévolte des Cabochiens du mois d' ; Jean sans Peur tente de contrôler cette insurrection, cependant que le duc de Guyenne, opposé à son beau-père, participe, de son côté, à la réduction des émeutiers à l'aide desArmagnacs. Jean sans peur, accompagné de Caboche, s'enfuit de la capitale le. L'année suivante, les Armagnacs mènent une campagne contre le duc de Bourgogne, qui se termine par le siège d'Arras (1414), victorieusement remporté par les armées du roiCharlesVI contre les Bourguignons. Lapaix d'Arras est ratifiée le entreCharlesVI et Jean sans Peur, qui se pardonnent mutuellement.
Le, le dauphin Louis de Guyenne est nommé par son père, le roiCharlesVI, lieutenant et capitaine général sur toutes les frontières du royaume. Après la bataille d'Azincourt, où les Français subirent une lourde défaite, face aux Anglais, le jeune Charles de Ponthieu, âgé de 12 ans, est nommé garde et capitaine duchâteau dubois deVincennes le par le roi et par le duc de Guyenne.
Labataille d'Azincourt provoque un changement de rapport de force ; un rapprochement devient possible avec le duc de Bourgogne, au Conseil du où siègent le ducLouisII d'Anjou, président du conseil de régence et le dauphin Louis de Guyenne.
À l'initiative de Yolande d'Aragon, Charles de Ponthieu était rentré à Paris au début de l'année 1416, pour assister au Conseil de Régence présidé par son futur beau-père le ducLouisII d'Anjou[n 1]. À l'hôtel Saint-Pol, il est placé sous la tutelle de son pèreCharlesVI, dont l'état de démence s'est aggravé.
Or le nouveau dauphin,Jean de Touraine, qui succède à feu son frère, le duc de Guyenne, vit à lacour de Hainaut chez son beau-père lecomteGuillaumeIV de Hainaut[8]. Il fait l'objet des assiduités du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, qui tente par tous les moyens de se rapprocher du Conseil de régence à Paris.
Le dauphinJean de Touraine se dirige vers Paris, accompagné par le comte Guillaume de Hainaut. Il séjourne seul à Compiègne, en attendant que son beau-père négocie les modalités de son arrivée à Paris. Ce dernier entre donc à Paris et demande que la ville accueille son gendre, accompagné par le duc de Bourgogne, Jean sans Peur. Faute de quoi, le duc Guillaume de Hainaut déclare qu'il a l'intention de retourner en Hainaut avec son protégé.
En revenant àCompiègne, le comte Guillaume de Hainaut retrouve le dauphin Jean de Touraine gravement malade. Ce dernier succombe prématurément le d'un mal mystérieux, à l'âge de 18 ans[10]. Cette disparition fait de Charles de Ponthieu le nouveau dauphin, et le dernier espoir de la dynastie de Valois. Il hérite le titre de duc de Berry de son frère défunt.
Charles, comte de Ponthieu, dernier héritier vivant de la couronne de France, devientdauphin de France, sous la dénomination traditionnelle dedauphin de Viennois, à l'âge de14 ans, à partir du[n 2]. Dès le décès de son futur beau-père, le duc d'Anjou, survenu le, Charles de Ponthieu le remplace à la présidence du conseil de régence. Or, sa mère, Isabeau de Bavière, prétend assumer seule la direction de la régence, sous l'influence du duc de Bourgogne, Jean sans Peur. Pour s'en débarrasser, son fils Charles l'envoie sous bonne garde àTours, en résidence surveillée par les Armagnacs : elle ne pardonnera jamais au dauphin cette mésaventure.
Le dauphin prend part à la régence du royaume avec ses conseillers Armagnacs. Il est faitduc de Touraine,duc de Berry etcomte de Poitiers (sous le nom deCharlesII de Poitiers). En, il est nommélieutenant-général du royaume, chargé de suppléer son père en cas d'empêchement. Il bénéficie de la garde rapprochée de quelques officiers de la couronne affiliés au parti d'Armagnac.
Cependant, le duc de Bourgogne, Jean sans Peur vient de libérer la reine Isabeau de sa prison tourangelle. Il l'installe àTroyes le, après l'avoir ralliée à sa cause contre le dauphin[n 3]. Il publie un manifeste pour réclamer les pleins pouvoirs, eu égard à la maladie du roi et à la jeunesse du dauphin.
Jean sans Peur décide de prendre le contrôle de la situation à Paris en enlevant le dauphin Charles et en éliminant les Armagnacs, afin d'assumer seul la régence du royaume.
Le dauphin, âgé de quinze ans, se réfugie àBourges, capitale de sonduché de Berry, pour y organiser la résistance contre les Bourguignons et les Anglais.
Le dauphinCharles de Ponthieu trouve refuge dans l'ancien palais de son oncleJeanIer de Berry, mort en 1416. Il est entouré des fidèles officiers de la couronne affiliés au parti d'Armagnac, ce qui lui vaut, de la part des chroniqueurs bourguignons, le sobriquet péjoratif de « roi de Bourges », tandis que ses conseillers sont traités d'« aventuriers sans scrupules », « avides de pouvoir » et accusés de « cupidité » par les dits chroniqueurs bourguignons, aux ordres deJean sans Peur. Les mêmes chroniqueurs répandent le bruit que le jeune dauphin est totalement livré à l'influence de ses conseillers et qu'il manque singulièrement de caractère. Le parcours deCharlesVII prouvera au contraire sa conduite avisée[n 4].
Il apparaît comme l'héritier légitime du royaume de France dont il porte toujours le titre delieutenant-général du royaume, conféré par son père,CharlesVI. Il est allié des Armagnacs et hostile à la politique du duc de Bourgogne,Jean sans Peur, secrètement allié des Anglais. Le dauphin Charles établit leParlement àPoitiers[15],[16] et laCour des comptes à Bourges. Il prend les armes pour reconquérir son royaume. Entouré de grands féodaux et de chefs de guerre, il soumet plusieurs villes telles queTours,Melun,Meaux,Compiègne etMontereau. C'est lors du siège de Tours, que le dauphin se proclamerégent du royaume de France, au grand dam de Jean sans Peur[17].
Bannière du dauphin Charles lors de son entrée (adventus) à Bourges le[18].
Les Bourguignons occupant les environs de Paris sont cernés par les Armagnacs. Jean sans Peur, soucieux de prendre le contrôle sur le dauphin réfugié à Bourges, va tenter une première action diplomatique en ratifiant avec la reineIsabeau de Bavière et leducJeanV de Bretagne le letraité de Saint-Maur[n 5].
Par ce traité, concocté en dehors du roiCharlesVI et du dauphin de France, Jean sans Peur et Isabeau de Bavière proposent d'accorder leur pardon aux Armagnacs pour tous les maux dont ils seraient coupables. Ils sont accusés, notamment, d'avoir empoisonné les deux premiers dauphins de France,Louis de Guyenne (mort en1415) etJean de Touraine (mort en1417), et de détenir en otage à Bourges le dernier dauphin survivant, en la personne du dauphin Charles, dans l'intention de le livrer ultérieurement aux Anglais. En contrepartie, le dauphin et ses conseillers Armagnacs sont priés de se soumettre aux volontés de Jean sans Peur et d'Isabeau de Bavière en signant le traité de Saint-Maur et en renonçant à toute résistance.
Le ducJeanV de Bretagne, envoyé le en ambassade par Jean sans Peur, rencontre le dauphin àSaumur pour tenter de lui faire entériner ce traité[20]. Mais le dauphin n'est pas dupe des intentions de son cousin bourguignon et il n'entend pas désavouer ses conseillers Armagnacs. Assisté deJean Louvet, président de Provence, et de ses conseillers, il n'accepte aucune capitulation : il refuse de le ratifier et le traité va rester caduc.
Cependant, Jean sans Peur est toujours soucieux de faire rapatrier le dauphin à Paris sous la tutelle de son père, pour mieux le contrôler, comme il l'avait déjà fait avec les deux dauphins précédents. En vain, car Charles est déjà en campagne pour recouvrer son royaume.
L'alliance entre les Bourguignons et les Anglais se délite devant les ambitions du roiHenriV d'Angleterre. Jean sans Peur décide alors de négocier directement avec le dauphin et avec ses conseillers un traité d'alliance contre les Anglais.
Une première rencontre a lieu le àPouilly-le-Fort. Elle se solde par un traité provisoire signé le, connu sous le nom depaix du Ponceau, qui devra être confirmé ultérieurement. Jean sans Peur, conscient de l'hostilité des Armagnacs à son encontre, a pris la précaution de faire co-signer et sceller le traité par les conseillers du dauphin, en leur faisant prêter serment sur lesSaintes Écritures et sur desaintes reliques, en la présence de prélats bourguignons, sous peine d'être taxés decrime de lèse-majesté en cas de parjure.
Jean sans Peur prend l'engagement de rompre toutes ses relations avec les Anglais et de dégager les places qu'il occupe autour de Paris. Il est convenu qu'une deuxième rencontre doit être programmée afin de consolider cette alliance contre les Anglais. Étant précisé que Jean sans Peur a toujours en vue de faire revenir le dauphin à Paris, sous la tutelle royale, lorsque cet engagement sera respecté.
La seconde rencontre entre le dauphin de France et leduc de Bourgogne Jean sans Peur a lieu le, àMontereau, résidence royale où s'est transporté le dauphin, entouré de sa garde[n 6]. On dresse un enclos au milieu du pont sur l'Yonne qui relie le château à la ville de Montereau : le dauphin et Jean sans Peur s'y retrouvent avec chacun10 hommes armés, le gros de chaque troupe attendant sur l'une et l'autre rive. La discussion est orageuse : le dauphin reprocherait à son cousin de maintenir secrètement son alliance avec les Anglais et de ne pas avoir retiré ses garnisons, en dépit du traité provisoire de Pouilly. Ce dernier répliquerait qu'ilavait fait ce qu'il avait à faire ! Les entourages sont nerveux et, alors que le ton monte, les hommes d'armes brandissent leur épée.Tanguy du Châtel, qui avait sauvé le jeune prince lors de l'entrée desBourguignons à Paris en1418, écarte le dauphin de la mêlée. Jean sans Peur est tué.
Les Bourguignons vont accuser le dauphin d'assassinat prémédité. Celui-ci s'en défendra[n 7] et devra affronter longtemps la vengeance du ducPhilippe le Bon, fils de feu Jean sans Peur.
Dès la mort de son père,Philippe le Bon, prévenu par son ancien précepteur,Monseigneur de Thoisy, s'est allié avec les Anglais pour combattre le dauphin. Il cherche à se venger en s'associant avec le roiHenriV d'Angleterre et la reineIsabeau de Bavière pour éliminer le dauphin Charles de la succession du royaume de France[n 8].
Le, en pleine crise de folie, le roi de FranceCharlesVI est représenté par Isabeau de Bavière. Elle confirme la destitution de son propre fils au profit du roi d'Angleterre et de ses héritiers légitimes, en signant avec le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, etHenriV d'Angleterre, letraité de Troyes.
Ce traité tripartite stipule que la couronne de France sera cédée àHenriV d'Angleterre, à la mort du roiCharlesVI, à condition que le roi d'Angleterre épouse une des filles du roi de France. Ledimanche de la Trinité, en l'église Saint-Jean-du-Marché de Troyes, son mariage est donc célébré avecCatherine de Valois (la propre sœur du dauphin Charles), dont il aura un fils : le futurHenriVI sera couronné — encore enfant — roi de France et d'Angleterre après la mort de son père le roiHenriV d'Angleterre, et celle de son grand-père le roi de FranceCharlesVI, en vertu du traité de Troyes[n 9].
Le dauphin Charles, en évoquant l'incapacité mentale de son père, refuse les termes du traité de Troyes qui devait, selon les protagonistes, abréger la guerre.
Soulignant les déprédations des gens de guerre,Alain Chartier, poète et historiographe du futurCharlesVII, écrit dansLe Quadrilogue invectif :« Nous allons comme la nef sans gouvernail et comme le cheval sans frein »[22].
Un messager annonce la mort du roiCharlesVI au dauphin Charles. Enluminure ornant lesAnciennes chroniques d'Angleterre de Jean de Wavrin, Paris,BnF,ms. Français 82fo 98 ro, vers 1470-1490.
Bien que le traité de Troyes organise la future succession du roiCharlesVI au profit du roi d'Angleterre,HenriV[n 10], ce scénario n'a pas lieu carHenriV meurt le auchâteau de Vincennes, avant queCharlesVI ne trépasse à l'hôtel Saint-Pol de Paris moins de deux mois plus tard, le.
Il s'ensuit que le jeuneHenriVI d'Angleterre, bébé de neuf mois, succède à son père comme roi d'Angleterre le et qu'il double la mise le en devenant également roi de France, sous la régence de son oncle paternel leduc de Bedford qui va gouverner à Paris[n 11].
Le, une triple alliance est programmée, dans le cadre duTraité d'Amiens, contre le roiCharlesVII, entreJean de Lancastre, duc de Bedford, régent des royaumes d'Angleterre et de France, représentant son neveuHenriVI d'Angleterre (âgé d'un an),Philippe le Bon,duc de Bourgogne etJean V, duc de Bretagne. Ce dernier parviendra toutefois à un compromis en1425, en acceptant de rompre cette alliance au profit du roiCharlesVII, par l'entremise deYolande d'Aragon, duchesse d'Anjou.
Alliance franco-bretonne par l'entremise de la maison d'Anjou
Très affaibli sur le plan militaire consécutivement à la défaite des troupes royales àVerneuil le,CharlesVII recherche de nouveaux appuis politiques. Il se tourne donc vers sa belle-mère,Yolande d'Aragon, dirigeante de lamaison d'Anjou et reine de Sicile, qui l'incite depuis 1423 à une alliance avec le ducJeanV de Bretagne. Soucieuse des bons rapports entre les duchés voisins d'Anjou et de Bretagne, lareine de Sicile pousse son beau-fils à privilégier et à entériner ses propres intérêts diplomatiques[25],[26],[27].
La politique prônée par les maisons alliées d'Anjou et de Bretagne revendique le retour à une concorde idéale entre les princes, l'entrée des grandsfeudataires auConseil royal ainsi que la poursuite de la guerre contre les Anglais. En,CharlesVII accepte de remettre l'épée deconnétable de France àArthur de Richemont, frère cadet du ducJeanV de Bretagne[28]. En plaçant ainsi le prince breton à la tête de son armée, le roi consent au rapprochement de la couronne avec les duchés de Bourgogne et de Bretagne. En effet, Arthur de Richemont est non seulement le frère du duc de Bretagne, mais également l'époux deMarguerite, sœur du ducPhilippe de Bourgogne. Partant, les liens familiaux de Richemont sont censés faciliter les démarches diplomatiques du roi de France auprès des ducs Philippe de Bourgogne et Jean de Bretagne, ses ennemis déclarés après lemeurtre de Montereau en 1419 pour l'un et le complot des Penthièvre en 1420, pour l'autre.
Devant l'exigence des ducs de Bourgogne et de Bretagne, en gage de bonne volonté,CharlesVII se résigne à écarter de son Conseil ses fidèles conseillers de la première heure, accusés d'implication dans la mort de Jean sans peur, vis-à-vis des Bourguignons et du soutien de la Maison de Penthièvre, vis-à-vis des Bretons. Parmi les conseillers forcés de quitter la cour royale, on compteTanguy du Chastel,Béraud d'Auvergne, Hardouin de Maillé,Robert Le Maçon, ainsi queJean Louvet, seigneur de Mérindol, ancien président de la chambre des comptes d'Aix-en-Provence[29] etPierre Frotier, commandant de la garde royale et grand maître de l'écurie du roi.
Le médiévisteOlivier Bouzy note que la politique du connétable de Richemont se heurte à des relations difficiles avec le roi de France :« Il va sans dire que cette vision idyllique d'une grande aristocratie luttant réconciliée et sans arrière-pensée pour le salut du royaume était d'une grande naïveté : c'était le rêve du retour au bon temps du roiSaint Louis, que lesBourguignons vantaient depuis le temps de l'ordonnance cabochienne. Le duc de Bourgogne, qui avait d'autres objectifs politiques, fit capoter les rêves de Richemont (...)[29]. »
L'alliance avec leduché de Bretagne renforce les armes de France, nonobstant quelques atermoiements relevés de part et d'autre au fil des années. De1425 à1429, les troupes royales confrontées aux Anglais et aux Bourguignons, subissent des revers entrecoupés de quelques victoires… Le sort du royaume de France semble indécis.
En 1428, les troupes royales conquièrentChinon afin de soustraire ce fief royal au contrôle du connétableArthur de Richemont, alors brouillé avecCharlesVII. L'année suivante, lechâteau de Chinon héberge essentiellement les conseillers et les capitaines du souverain, tandis que la reine de France,Marie d'Anjou et son fils, ledauphin Louis (futur roi Louis XI), s'abritent auchâteau de Loches[30]. L'image d'une cour royale s'adonnant aux festivités, au temps du siège d'Orléans, relève d'une idée reçue, façonnée ultérieurement d'après des chroniques dénonçant les voluptés d'unCharlesVII bien plus mûr[31],[32].
Les Anglais reviennent en force et le envahissent leGâtinais. Ils investissentBeaugency,Notre-Dame de Cléry et d'autres places : leur objectif est de prendreOrléans et ses ponts, ville-clef de la défense française, vrai verrou sur la Loire.
Le, pour faire face au péril,CharlesVII réunit lesétats généraux àChinon, afin d'obtenir les ressources nécessaires pour résister à l'ennemi. Il obtient à la fois des subsides et des renforts qui serviront utilement à la défense de la ville d'Orléans.
Leduc de Bedford, régent des royaumes de France et d'Angleterre, met le siège devantOrléans, et veut poursuivre jusqu'àBourges pour s'emparer du roiCharlesVII. Mais celui-ci s'était d'ores et déjà réfugié à Chinon. C'est dans lechâteau de Chinon que le, une jeune fille vient le trouver et lui demande audience. Elle lui dit :« Gentil dauphin, je te dis de la part de Messire Dieu que tu es vrai héritier du trône de France. »
Cette jeune fille de seize ans lui affirme qu'elle a eu des visions qui lui ont intimé l'ordre de sauver Orléans et de le faire sacrer roi de France.CharlesVII la fait examiner par des ecclésiastiques, qui se montrent convaincus de sa sincérité et de sa catholicité. Cette jeune fille, qui dit venir deLorraine (en fait duBarrois) et s'appelerJeanne d'Arc, pousse Charles à se faire sacrer roi à lacathédrale de Reims, en présence deschevaliers de la Sainte Ampoule, et à lever son armée pour « bouter les Anglais hors de France. »
Commencé en, lesiège d'Orléans se poursuit pendant près de dix mois, entrecoupé de revers et de succès. Les Français, aux ordres deJean de Dunois et leursalliés écossais, conduits parJohn Stuart de Darnley, se font tailler en pièces lors de lajournée des Harengs, du. Mais les forces fidèles àCharlesVII réagissent et le siège d'Orléans s'achève le par une éclatante victoire française. Les historiens considèrent que cette victoire est due à Jeanne d'Arc et à son compagnon d'armesDunois.
Après la levée du siège d'Orléans, Jeanne d'Arc participe sans interruption à des combats victorieux contre les Anglais au cours du mois de juin 1429 :
Après une période de négociations et de trêves entre les Armagnacs et les Bourguignons, ces derniers rouvrent les hostilités. Le,Jean de Luxembourg entame lesiège de Compiègne. Alertée par ses habitants, Jeanne d'Arc vient à leur secours à la tête de400 lances. Mais, tombée dans une embuscade, elle devient prisonnière des Bourguignons. Elle est vendue aux Anglais, jugée àRouen par le tribunal ecclésiastique présidé par l'évêque de Beauvais,Pierre Cauchon. Elle est condamnée à mort comme hérétique et relapse, et meurt brûlée vive à Rouen le, à l'âge de19 ans.
Le roiCharlesVII, après avoir libéré Rouen en1449, fera ouvrir une enquête sur les circonstances de son procès et de son supplice. Il obtient pour celle qui l'avait si fidèlement servi une solennelle réhabilitation le.
Longtemps indécis,CharlesVII va exploiter l'extraordinaire élan suscité parJeanne d'Arc pour asseoir son autorité et lancer la reconquête des territoires perdus sur les Anglais. Néanmoins, il sait qu'il ne peut rien tant que la guerre civile avec la Bourgogne ne sera pas terminée. Il entame donc des négociations avec le duc de Bourgogne,Philippe le Bon. N'attendant plus rien des Anglais et désirant se consacrer au développement de ses provinces,Philippe le Bon accepte de traiter avecCharlesVII[33]. Le, sous la présidence des légats du pape et en présence de nombreux princes français et étrangers, le congrès de la paix entre Bourguignons et Armagnacs s'ouvre dans la ville d'Arras. Le roiCharlesVII est représenté par leduc de Bourbon, lecomte de Vendôme et leconnétable de Richemont. De son côté,Philippe le Bon est accompagné de son fils, le futur duc de BourgogneCharles le Téméraire et il est assisté duchancelier Rolin.
Le, dans la liesse populaire, lapaix d'Arras est proclamée en l'église Saint-Waast, mettant fin à laguerre civile déclenchée en1407 entre les Armagnacs et les Bourguignons, à la suite de l'assassinat du ducLouis d'Orléans par les sbires du duc de Bourgogne,Jean sans Peur[n 13].CharlesVII reconnaît officiellementPhilippe le Bon comme souverain de la Bourgogne et le dispense personnellement de lui rendre hommage. Il lui cède également les comtés deMâcon et d'Auxerre et lui vend plusieurs villes de la Somme, dontAmiens,Abbeville,Saint-Quentin. Le tribut à payer est lourd, mais pourCharlesVII, le principal est ailleurs : il a désormais les mains libres et pourra affronter sereinement les Anglais[33].
Proclamation de la paix consécutive autraité d'Arras. Enluminure ornantLa Cronicque du temps de tres chrestien roy Charles, septisme de ce nom, roy de France parJean Chartier, Paris,BnF.
En 1438, le roiCharlesVII, soucieux d'affirmer son autorité sur l'Église de France, décide de convoquer une assemblée composée d'évêques, de religieux et de théologiens, ainsi que des représentants du papeEugèneIV[n 14], en laSainte-Chapelle de Bourges, afin de bien définir et de renforcer les pouvoirs du roi de France face aux prérogatives du souverain pontife. LaPragmatique Sanction de Bourges, promulguée le, lui permet ainsi de s'imposer comme le chef naturel de l'Église de France. Il détient désormais le pouvoir de désigner les principaux représentants du clergé français dans les abbayes et les différents sièges épiscopaux français, avec l'approbation des conciles et celle du souverain pontife. En outre, il a un droit de regard et d'intervention sur les modalités de la redistribution des redevances religieuses vers leSaint-Siège. C'est le premier pas vers une institution bien française connue sous le nom degallicanisme.
En1439, lesétats généraux delangue d'oïl, réunis sous la présidence du roiCharlesVII à Orléans, émettent le vœu qu'une réforme intervienne pour mettre fin aux désordres provoqués par les routiers et les écorcheurs. Ces supplétifs des troupes combattantes de l'armée royale, le plus souvent aux ordres des grands féodaux, se signalaient en effet par leurs nombreuses exactions. Entre deux combats, leurs groupes armés pillaient et rançonnaient la population, en échappant à tout contrôle des autorités constituées.
Par l'ordonnance d'Orléans, donnée le par le roiCharlesVII, deux réformes sont décidées :
Le roi se réserve désormais le droit exclusif de lever les compagnies de gens d'armes, les compagnies libres étant désormais interdites. Seuls les paysans restent autorisés à se rassembler et à s'armer pour détruire les bandes de pillards.
L'armée royale est tenue de respecter un règlement disciplinaire rigoureux.
Le roi décrète l'unité de l'impôt royal de lataille, au détriment des tailles seigneuriales, pour financer la création d'une armée permanente du royaume de France.
L'ordonnance d'Orléans provoque la réaction des féodaux du royaume qui refusent toute atteinte de leurs prérogatives médiévales au profit du pouvoir royal centralisateur.
Les conjurés prennent les armes, mais ils essuient le refus des seigneurs restés fidèles au roiCharlesVII. Après de nombreux combats, les troupes royales, dirigées en personne par le roiCharlesVII, finissent par venir à bout des révoltés le. Ces derniers demandent grâce et l'obtiennent de la part du roi. Son fils Louis est éloigné jusqu'en Dauphiné, dont il va assumer le gouvernement en tant que Dauphin du Viennois.
Elles visent à la fois une plus grande efficacité au combat de l'armée royale, et une diminution des dégâts causés par l'armée en déplacement. Elles joueront un grand rôle dans la victoire de la France à la fin de la guerre de Cent Ans en1453[37].
En mars 1448 Charles VII dirige le siège du Mans, duchâteau de Lavardin possession du comte de Vendôme son vassal et cousin, la ville fut libérée le 16 mars.
Après de nombreux combats auxquels le roi prend part directement, les troupes royales libèrentCaen le puisCherbourg capitule le après un siège meurtrier. Mais la victoire décisive sur les troupes anglaises a été acquise à labataille de Formigny, le.
La Normandie est ainsi conquise et libérée définitivement de la domination anglaise après un an de combat.
La libération de la Guyenne devait se révéler plus longue et plus difficile que celle de Normandie. En effet, lesBordelais considéraient les Anglais comme des amis et surtout des clients privilégiés dans le commerce du vin.
En, une armée forte de 20 000 hommes, aux ordres deJean de Dunois, procède ausiège de Bordeaux. La capitale de la Guyenne est prise le et occupée par les royaux qui administrent la cité. Mais les Bordelais se révoltent et, le,ouvrent les portes aux forces anglaises commandées parJohn Talbot. Les Français sont faits prisonniers et la ville est à nouveau occupée et défendue par les Anglais.
Ce n'est que le que le roi parvient à envoyer des renforts, après avoir défendu les côtes normandes d'une nouvelle et menaçante invasion anglaise. Les armées françaises battent les troupes de Talbot le lors de labataille de Castillon (où John Talbot trouve la mort) et reprennent lesiège de Bordeaux, avec l'appui de l'artillerie desfrères Bureau. Les assiégés résistent vaillamment, tous Bordelais et Anglais confondus, mais ils finissent par capituler le auprès de l'amiral de Bueil,comte de Sancerre.
Le roiCharlesVII fait grâce aux rebelles bordelais pendant que les Anglais rembarquent définitivement le. Cette année1453 marque la fin de laguerre de Cent Ans et le triomphe deCharlesVII, le Victorieux. Le roiHenriVI d'Angleterre sombre quant à lui dans la démence comme son grand-père maternel, le roi de FranceCharlesVI.
Ainsi s'achève la reconquête de la France, à l'exception deCalais qui ne sera prise qu'en1558. La prédiction de Jeanne d'Arc est réalisée : les Anglais sont définitivement « boutés hors de France ».
En 1451,Jacques Cœur, grand argentier du roi, est arrêté, sans doute à cause de ses créanciers et débiteurs jaloux de sa réussite personnelle. Il est banni en 1453. En 1458, un de ses protégés,Nicolas Jenson, maître graveur à l’atelier royal de Monnaies à Tours, est mandaté par Charles VII pour aller à Mayence, apprendre l'art typographique inventé récemment par Gutenberg, prélude à l'introduction de l'imprimerie en France.
Les dernières années deCharlesVII sont troublées par l'ambition de son fils, le futurLouisXI, qui s'était déjà manifesté dans le passé en participant activement à laPraguerie en1440.
Ayant conspiré contreAgnès Sorel etPierre de Brézé, le dauphin Louis est chassé de la cour en 1446 et se réfugie dans le Dauphiné. Là-bas, il mène une politique personnelle, nourrissant l'ambition de constituer un vaste fief sur les deux versants des Alpes. Dans ce but, il signa un traité d'assistance avec le ducLouisIer de Savoie et épouse sa filleCharlotte[40].
Furieux de ses agissements,CharlesVII envoie alors une armée marcher sur le Dauphiné. Louis doit alors s'enfuir et se réfugie chez le duc de BourgognePhilippe le Bon. En apprenant la nouvelle,CharlesVII déclare :
« Mon cousin de Bourgogne a reçu chez lui un renard qui, un jour, lui mangera ses poules[41]. »
Ce commentaire cinglant faisait probablement allusion à la personnalité rusée et perfide de son fils[41].
LouisXI ne quittera la Bourgogne qu'à la mort de son père en 1461.
Après un long règne de près de 40 ans, le roiCharlesVII meurt dans sonchâteau de Mehun-sur-Yèvre le, à l'âge de 58 ans. Son fils aîné, le Dauphin Louis, lui succède et devient le roi Louis XI. Le, Charles VII est inhumé en labasilique de Saint-Denis, au nord deParis, où il repose aux côtés de tous sesprédécesseurs parmi lesquels sonpère.
Selon les historiographes de l'époque, Agnès Sorel rayonnait par sa grâce et sa beauté. Le peintreJean Fouquet en a fait un célèbre portrait éloquent. Elle avait reçu en présent du roi lechâteau de Beauté et elle était surnommée la « dame de Beauté. »
Agnès Sorel est morte prématurément avant d'avoir atteint l'âge de trente ans, le, peu de temps après avoir mis au monde une quatrième fille qui n'a pas survécu, au grand désespoir du roi. Letombeau d'Agnès Sorel est érigé dans l'église abbatiale jouxtant lechâteau de Loches. Un deuxième tombeau contenant une partie de ses cendres est érigé à l'abbaye de Jumièges.
Il entre au conseil du roi et devient son confident. Il s'oppose au connétable de Richemont et trempe dans de nombreuses intrigues pour finalement subir une tentative d'attentat le dont il ressort blessé et captif du connétable. En 1440, il complote avec les grands féodaux dans la conspiration de laPraguerie, mais défait, il se retire dans sonchâteau de Sully-sur-Loire où il meurt le.
Toujours chargé de son commerce international, Jacques Cœur est anobli en 1441. Il est nommé conseiller du roi en 1442. Il devient son confident et reçoit de nombreuses missions diplomatiques. Il intervient aussi pour assainir les finances du royaume. Devenu richissime, Jacques Cœur est sollicité pour financer la bataille de Normandie contre les Anglais en 1447.
Il avait fait construire en 1443 un somptueux palais à Bourges, aujourd'hui connu sous le nom depalais Jacques-Cœur, qui dépassait en magnificence lepalais royal de Bourges etcelui des archevêques. Il suscita de nombreuses jalousies et fut la victime, notamment de ceux qui lui avaient emprunté de l'argent. Ils témoignèrent contre lui lorsqu'un procès pour concussion lui fut intenté en 1451. Condamné à la confiscation de ses biens et au bannissement en 1453, il s'évade duchâteau de Poitiers et se réfugie àRome. Le papeCalixte III lui confie en 1456 le commandement de l'expédition sur l'îlegénoise deChios contre lesOttomans. Il meurt au cours de l'expédition le.
Il mène les troupes françaises lors de la levée dusiège de Montargis le 5 septembre 1427, aux côtés de ses compagnonsLa Hire etPonton de Xaintrailles, premier grand revers anglais de la guerre de cent ans[42].
Parmi lespremiers conseillers du dauphin de 1418 à 1425 figurent notammentRobert Le Maçon,Jean Louvet,Tanneguy III du Chastel,Arnault Guilhem de Barbazan etPierre Frotier. Ils adhèrent auparti d'Armagnac et protègent le jeune dauphin de France lors de l'invasion de Paris par les Bourguignons en1418. Repliés à Bourges avec l'héritier du trône, ils l'assistent fidèlement lors de ses négociations avec les Bourguignons. Ils constituent sa garde rapprochée dans ses combats contre les Anglais et les Bourguignons. Ils sont partie prenante à l'entrevue de Montereau en1419, accusés du meurtre de Jean sans Peur. Ils sont poursuivis par la vindicte du duc Philippe le Bon de Bourgogne qui entend venger la mort de son père. Ils sont jugés par contumace dans la cour de Justice de Paris en 1420 et passibles de la peine de mort pour crime de lèse-majesté. Le procès traîne en longueur et n'aboutira jamais.
Il fut inhumé en l'église abbatiale de Saint-Denis, où il reposa avec son épouse jusqu'à laRévolution, dans la chapelle caroline de Saint-Jean-Baptiste. Les travaux de construction du tombeau débutèrent avant même le décès de la reine Marie et furent achevés entre1464 et1465. Le socle de marbre noir n'était pas entouré de pleurants ni de statuettes princières, à la différence des tombeaux deCharles V et deCharles VI. Deux colonnes de marbre blanc sculpté bordaient les gisants sur la dalle. On retrouvait dais, coussins et chiens traditionnels. Une inscription funéraire était gravée au dos du dais deMarie d'Anjou. La réalisation des gisants est attribuée àMichel Colombe (1430–1513). Le grand sculpteur, célèbre pour la réalisation du tombeau deFrançois II de Bretagne, n'a guère séjourné enÎle-de-France mais il a suivi les rois dans leur déplacement deBourges àTours.
Ce paragraphe indiquela fratrie de Charles VII et la destinée de chacun de ses frères et sœurs[45], souvent liés avecl'Angleterre desLancastre et lafamille de Bourgogne, ces deux Maisons cernant en quelque sorte la succession au trône de France.
no 8/Louis ( –). Duc de Guyenne,deuxième dauphin de Viennois de cette génération en1401, à la mort de son frère Charles(2). Marié le à Marguerite de Bourgogne, fille de Jean sans Peur, veuve de son frère Charles (2) (Mariage consommé en juillet 1409). Mort en 1415 à l'âge de19 ans.
no 9/Jean ( –). Duc de Touraine et de Berry, comte de Poitou,troisième dauphin de Viennois en1415, à la mort de son frère Louis. Marié le àJacqueline de Bavière. Mort en 1417 à l'âge de19 ans.
no 10/Catherine ( –1438)). Mariée le au roi d'AngleterreHenri V. Conformément autraité de Troyes, elle lui apporte en dot l'héritage du royaume de France, ainsi que l'Aquitaine et la Normandie. Elle lui donne un fils unique,Henri VI qui deviendra à la fois, roi d'Angleterre, à la mort de son père Henry V, et roi de France, à la mort de son grand-père Charles VI, en1422, avant l'âge de un an, cependant que le dauphin Charles, depuis son refuge de Bourges, se proclame de son côté roi de France, sous le nom de Charles VII.
↑« L'ordre a pu être remis au sein de la famille royale et dans le gouvernement. Celui-ci est formé d'hommes sûrs que Louis d'Anjou a choisis. D'abord, Jean Louvet, président de Provence, qui devient commissaire des Finances. Robert Le Maçon devient conseiller et Tanguy du Chatel, qui avait appartenu à la Maison du feu duc d'Orléans, prévôt de Paris. Charles de Ponthieu avait ses propres conseillers-précepteurs : Hardouin de Maillé, Pierre de Beauveau, Hugues de Noyers et son confesseur, Gérard Machet, qui eut une profonde influence sur le jeune roi. »[9].
↑La reine Isabeau fait une déclaration publique et solennelle pour sceller son alliance avec Jean sans Peur : « Très cher cousin, par-dessus tous les autres hommes de ce royaume, je dois vous aimer, parce qu'à ma demande, vous avez tout laissé et êtes venu me délivrer hors de prison. Pour quoi, mon très cher cousin, je ne vous faillirai jamais, car je vois bien que vous avez toujours aimé mon seigneur le roi, sa génération, son royaume et la chose publique. »[11].
↑Les quelques témoignages qui le concernent à cette époque concordent : le jeune prince a l'esprit vif, clairvoyant, il est courageux et déterminé, capable d'inspirer confiance à ses fidèles, comme si les épreuves récentes avaient forgé son caractère. « Combien qu'il fût jeune d'âge, toutefois il avait bien bon sens et entendement », ditJouvenel des Ursins[14].
↑Ce traité de paix passé àSaint-Maur-des-Fossés prévoyait que* Tout fut pardonné aux Armagnacs les maux qu'ils avoient fait. * Et s'il était prouvé contre eux qu'ils étaient consentants de la venue du roi d'Angleterre, et qu'ils en avaient eu grands deniers de la part dudit roi. * item d'empoisonner les deux aînés fils du roi de France, et savait-on bien que ce qui avait été et fait faire ; et de l'empoisonnement du ducde Hollande et débouter hors lareine de France de son royaume ; et il convient de tout mettre à néant, ou sinon ils (les Armagnacs) eussent détruit le royaume de France et livré aux Anglais le dauphin qu'ils avaient devers eux. Ainsi fut faite cette paix, qui qu'en fut courroucé ou joyeux et fut crié à Paris à quatre trompes et à six ménestrels le lundi19e jour de septembre de l'an 1418[19].
↑La garde du dauphin est composée de deux cents hommes d'armes. Elle est dirigée parPierre Frotier. En 1418, cet officier du roiCharlesVI, avait participé au sauvetage du jeune dauphin, âgé de quinze ans, lors de l'invasion nocturne à Paris des tueurs bourguignons envoyés parJean sans Peur, aux ordres deCapeluche.
↑Dans une lettre adressée à la cour du roi son père, le dauphin de France écrit : « Nous lui remontrâmes amiablement comment, nonobstant la paix et ses promesses, il n'avait rien fait ni ne faisait aucune guerre aux Anglais, et aussi comment il n'avait pas retiré ses garnisons, comme il l'avait juré, et nous le requîmes de le faire. Alors ledit duc de Bourgogne nous répondit plusieurs fortes paroles et chercha son épée pour nous attaquer et nous faire violence sur notre personne : laquelle, comme après nous l'avons su, il prétendait mettre en sujétion, de quoi, par la divine pitié et bonne aide de nos loyaux serviteurs, nous avons été préservés. Et lui, dans sa folie, mourût sur place. Les quelles choses nous signifions, comme à ceux qui auront, nous en sommes certains, une très grande joie que nous ayons été de telle manière préservé de tel péril. »[21].
↑Pour parvenir à ce subterfuge historique, le traité de Troyes abroge en tant que de besoin laloi salique qui interdit, dans le royaume de France, la succession monarchique en ligne féminine : le « petit roi de Bourges », descendant deSaint Louis, dernier représentant de la dynastie directe de Valois, est virtuellement écarté du trône de son royaume de France.
↑Le roiHenriV d'Angleterre (1387-1422) et le ducJean sans Peur de Bourgogne (1371-1419), revendiquent chacun la succession du roiCharlesVI de France, en alléguant la légitimité de leurs droits héréditaires par leur qualité de descendants en ligne féminine du roiPhilippeIV le Bel (1268-1314).CharlesVII n'est que le descendant de la branche cadette de Valois. Il est, en effet, l'arrière-petit-fils du roiPhilippeVI le Bel (1293-1350), fils deCharles, comte de Valois (1270-1325), qui était le frère cadet du roiPhilippe le Bel. C'est par référence à laloi salique que la succession a eu lieu en 1328. Or, ni les Anglais, ni les Bourguignons n'admettent la validité de la loi salique appliquée au royaume de France et ils contestent la légitimité de la dynastie de Valois. C'est ce qui explique historiquement l'offensive des Anglais et de leurs alliés bourguignons, sur le plan militaire et diplomatique.
↑Après la mort du roiCharlesVI, le présidentJean Le Clerc, réunit le Conseil de France à Paris le, et lit à haute voix l'Ordonnance de 1407, édictée par feu le roiCharlesVI, prescrivant qu'à sa mort, le dauphin de France,« en quelque âge qu'il soit, serait roi et couronné le plus tôt que faire se pourrait... ». Au terme de cet édit, le dauphin Charles de Ponthieu devait légitimement être proclamé roi de France sous le nom deCharlesVII. Cependant, le duc de Bedford, frère de feu le roi d'AngleterreHenriV, informe le Conseil, que c'est le fils du défunt roiCharlesV d'Angleterre qui doit être nommé roi de France et d'Angleterre, en vertu du Traité de Troyes, sous le nom deCharlesVI. Le Conseil, après en avoir délibéré statua, avec l'aval des ducs de Bedford, de Bourgogne et de Bretagne, que ce jeune prince de neuf mois recevrait donc à la fois la couronne de France et d'Angleterre, sous la tutelle de son oncle, le duc de Bedford, au détriment du dauphin de France, successeur légitime de la dynastie de Valois[23].
↑HenriVI d'Angleterre ne bénéficiera pas de l'onction sacrée de laSainte Ampoule. Parvenu à l'âge adulte, il va sombrer dans la folie, être détrôné du royaume d'Angleterre et ne régnera jamais sur la France. Le Traité de Troyes concocté en 1420 par le duc de Bourgogne Philippe le Bon, le roiHenriV d'Angleterre et Isabeau de Bavière, qui avait pour objet de déposséder l'héritier légitime du royaume de France au profit de la dynastie anglaise de Plantagenet, se révélera ainsi caduc.
↑Paix d'Arras : les historiens observent que les Bourguignons ont exigé que le roiCharlesVII fasse œuvre de repentance à propos du meurtre de Jean sans Peur sur le pont de Montereau en 1419, bien que le souverain français se soit toujours défendu d'avoir fomenté un complot. En revanche, les négociateurs français n'ont rien réclamé quant à l'assassinat du duc Louis d'Orléans, frère du roiCharlesVI, bien que Jean sans Peur ait revendiqué haut et fort le meurtre de son cousin. Ils avaient reçu pour instruction d'obtenir la paix à tout prix.
↑Devant les abus de pouvoir de l'ancienne papauté, et après la résolution de la crise pontificale résultant duGrand Schisme d'Occident (1378–1417), les pères conciliaires duconcile de Bâle (1331–1337) avaient déjà ouvert la voie de réformes en instituant la primauté duconciliarisme sur les positions papales. Les conseillers deCharlesVII ont incité leur souverain à profiter de cette période propice pour adapter ces réformes au royaume de France.
↑Le défilé de la Libération de Rouen :Jean Chartier, historiographe du roi, relate que « Premièrement allaient tout devant et les premiers tous les archers du roy, revêtus de jacquettes de couleur vermeil, blanche et verte, parsemées de fleurs, entre lesquels étaient six cents archers bien montés ayant brigandins et jacquettes par-dessus, pour la conduite desquels fut commis et ordonné par le royPierre Frotier, baron de Preuilly. Et après venait le roy, armé de toutes pièces, monté sur un coursier couvert jusqu'aux pieds de drap de velours azur, semé de fleurs de lys d'or de broderie, ayant en sa tête un chapeau de castor doublé de velours vermeil, sur lequel avait au bout une houpe de fil d'or... »
↑Le buste de marbre provient du gisant du tombeau deCharlesVII, probablement sculpté d'après le masque funéraire du roi[39].
↑Article 2 du traité d'Arras du :Item, que tous ceux qui perpétrèrent ledit mauvais cas (l'assassinat deJean sans Peur), ou qui en furent consentants, le roi abandonnera et fera toute diligence possible de les faire prendre et appréhender quelque part que trouvés pourront être, pour être punis en corps et en biens ; et si appréhendés ne peuvent être, les bannira et fera bannir à toujours, sans grâce de rappel, hors du royaume et du Dauphiné, avec confiscation de tous leurs biens, et seront hors de tout traité.
↑Ce que son père avait toujours semblé éviter, bien qu'il ait observé une neutralité bienveillante à leur égard et ponctuellement bénéficié de leur aide.
↑La guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons est provoquée par l'assassinat du ducLouisIer d'Orléans, frère du roi, survenu à Paris le, à l'instigation de son cousinJeanIer de Bourgogne, dit Jean sans Peur, qui tente, de son côté, de succéder au roiCharlesVI atteint de démence, au détriment des jeunes dauphins de France
↑a etbGillesLecuppre,« Rapts royaux à la fin du Moyen Âge : le cas français », dans Anne-Hélène Allirot, Murielle Gaude-Ferragu, Gilles Lecuppre, Élodie Lequain, Lydwine Scordia, Julien Véronèse, Priscille Aladjidi, Alexandre Bande, Alexis Charansonnet, Nicolas Civel, Laurent Hablot, Damien Jeanne, Sandrine Lerou, Xavier Masson et Marie-Laure Surget,Une histoire pour un royaume,XIIe – XVe siècle : actes du Colloque Corpus regni, organisé en hommage à Colette Beaune, Paris, Perrin,, 588 p.(ISBN978-2-262-02946-3),p. 277-278.
↑Mais, la fiancée du dauphin,Marie d'Anjou, est retenue en otage à Paris par Jean sans Peur. Elle sera ultérieurement rendue au dauphin en signe de réconciliation.
↑Jacques Poumarède et Jack Thomas (sous la direction de) et Serge Dauchy,« Le parlement de Poitiers (1418-1436), premier parlement de province ou cour souveraine en exil ? », dansLes parlements de province : Pouvoirs, justice et société duXVe au XVIIe siècle, Toulouse, Presses universitaires du Midi,coll. « Méridiennes »,, 810 p.(ISBN978-2-91202500-5,lire en ligne),p. 75-87
↑PhilippeContamine, « Chapitre II. Rebelle et déshérité : le dauphin dans la tourmente civile et étrangère (1417-1422) »,Biographies,,p. 41–88(lire en ligne, consulté le)
↑« L'étrange bannière du Gentil Dauphin »,Bulletin de la Société Française de Vexillologie,Drapeaux et Pavillons, n° 146,4e trimestre 2020, p. 20.
↑Journal d'un Bourgeois de Paris, réédition Henri Jonquières, Paris, 1929,p. 109).
↑Bertrand Schnerb,Jean sans peur, le prince meurtrier, Biographie Payot, Paris, 2005,p. 673 : Le ducJeanV de Bretagne est accompagné deMarie d'Anjou que Jean sans Peur détenait en otage à Paris depuis l'invasion bourguignonne du, et qu'il rendait à son fiancé en gage de réconciliation.
↑Auguste Vallet de Viriville, Histoire deCharlesVII,TomeIer,LivreIII,ChapitreI.
↑Françoise Gatouillat, « Les vitraux du bras nord du transept de la cathédrale du Mans et les relations franco-anglaises à la fin de la guerre de Cent Ans »,Bulletin Monumental, 2003,no 161-4,p. 307-324,[lire en ligne].
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