Russell nait le, à Allegheny (aujourd'hui située dans la ville dePittsburgh). Il est le second fils de Joseph L. Russell et de Anne Eliza Birney, les deux de souche irlando-écossaise. Le père tient un magasin d’articles de confection à Allegheny (faubourg de Pittsburgh), et ses affaires prospèrent durant la jeunesse de Russell, d’où des créations desuccursales.
La mère du jeune Charles,presbytérienne, semble avoir transmis à son fils une éducation profondément religieuse ; elle a assuré sa première formationchrétienne jusqu’à ce qu’elle meure, Charles n’ayant que neuf ans. Le jeune homme est instruit à la fois à l’école et par desprécepteurs et commence à travailler au magasin de son père à onze ans.
Jeune, affecté par la mort de deux de ses frères, d'une sœur et de sa mère, il manifeste un esprit fortement religieux et étudie la Bible jusqu'à tard dans la nuit.
En1868, membre de l'églisecongrégationalisme et de laYMCA, Russell s'interroge sur la question de ladamnation et commence à sentir chanceler sa foi.
Débuts des Étudiants de la Bible et rencontre avec Barbour
Vers1870, Russell rencontre le prêcheuradventisteJonas Wendell, qui ravive sa foi perdue[1]. Ensuite, il entre en contact avec les idées deGeorges Storrs, qui devient l'un de ses principaux maîtres[2]. Storrs etGeorge Stetson ont convaincu Russell que lors du millenium, tous, vivants ou ressuscités, auraient une possibilité de mériter la vie éternelle.
À partir de 1870, Russell forme, avec sa famille et quelques amis de Pittsburgh et d'Allegheny, un groupe qui serait comme une classe où on n'étudierait rien d'autre que laBible mais à la lecture des publications des chrétiens adventistes, puis des adventistes de l'âge à venir, auxquels Storrs s'était rallié. Ceux-ci l'ont convaincu que les Juifs seraient restaurés en tant que peuple en Palestine. Jusqu'en1876, ce sont des années de croissance pour le petit groupe d'Étudiants de la Bible qui se réunit à Allegheny.
Herald of the Morning, juillet 1878
En1876, Russell contacteNelson Barbour, un prêcheur adventiste indépendant, propriétaire du journalHerald of the Morning. Il lui offre son soutien financier pour publier un livre de 196 pages,Three Worlds, and the Harvest of This World. (Traduction littérale :Les trois mondes, et la moisson de ce monde). Dans ce dernier, Russell reprend les théories annonçant la fin des temps : le Christ est de retour de façon invisible depuis1874[3], et la destruction de toutes les institutions de ce monde suivie de l'établissement du Royaume de Dieu, est prévue pour1914[4],[5]. En collaboration avec lui, il annonce aussi l'imminence du Retour du peuple juif sur sa terre.
En1877, il publie le livreObjet et manière du Retour de notre Seigneur, puis en1878, le petit livre de 164 pages,Nourriture pour chrétiens réfléchis, qui sera publié comme le numéro de septembre1881 dansLa Tour de Garde de Sion. 1 400 000 exemplaires sont distribués.
Rupture avec Barbour et fondation de la Watch Tower
En juillet1879, à la suite d'un désaccord profond avec Barbour, il fait paraître le premier numéro duZion's Watch Tower & Herald of Christ's Presence (La Tour de garde) en y expliquant cette séparation. Ce journal se présente comme soutenant particulièrement la rançon pour tous : il affirme que Jésus-Christ a donné sa vie en rançon pour tous les humains ayant foi en lui et que le seul moyen de salut est d'exercer la foi dans ce sacrifice.
Se fondant sur les calculs de Barbour,La Tour de garde annonce entre décembre 1880 et mai 1881 que les Étudiants de la Bible pourraient être enlevés au ciel en octobre[6] 1914. Avant la date fatidique, Russell commence toutefois à nuancer ses propos. S'ensuit une rupture avec deux de ses principaux collaborateurs : Jones et Paton, qui fondent des publications concurrentes et entrainent avec eux une partie des Étudiants de la Bible[7].
En1881, il publie les « Figures du Tabernacle » et fonde avec quelques amis laWatch Tower Society pour diffuser sa doctrine[8]. En plus deLa Tour de garde, celle-ci édite aussi entre1886 et1904 une série de six livres intitulésL'Aurore du Millénium, qui seront rebaptisésÉtudes des Écritures en 1904[9].
Plusieurs schismes suivent les ruptures avec Barbour, Jones et Paton.
En1894, des opposants s'attaquent à la réputation de Russell en l'accusant d'être impudique et d'accaparer les biens de ses fidèles[10]. Ils l'accusent de leur interdire de se marier afin que la société Watchtower puisse bénéficier de leur patrimoine sans avoir à partager avec d'éventuels héritiers[11]. Russell se sépare rapidement d'eux et l'affaire n'aura pas de suite[12].
Dès1880, Russell impose l'idée que la rançon n'est pas seulement payée par leChrist (la tête), mais aussi par les144 000 oints (le corps). Cela implique que la nouvelle alliance n'est pas encore entrée en vigueur, puisque tous les membres des 144 000 ne sont pas encore montés au ciel. Bien que cette doctrine soit controversée, Russell en rappelle les fondements en janvier 1907, ce qui provoque des réactions négatives[13]. De plus, au début de l'année1908, Russell tente d'imposer à tous les étudiants de la Bible un vœu de bonne conduite envers l'autre sexe. Malgré les protestations, le Pasteur est bien décidé à ne pas remettre en cause ces deux décisions, ce qui est pris comme une attitudeautocratique de sa part[14]. En1909, plusieurs centaines d'étudiants de la Bible (sur un total d'environ 10 000) quittent le mouvement pour former un groupe connu sous le nom de « New Covenant Believers » (croyants de la nouvelle alliance)[15].
En1879, Russell épouse Maria Frances Ackley. Cette union restera stérile.
En1894, Maria se plaint ouvertement des relations que son mari entretient avec Rose Ball, une jeune employée du siège central, et avec une servante du nom d'Emily. Ces affaires, entre autres choses, conduisent le couple à la séparation. Celle-ci est prononcée en1906 et confirmée en appel en1908[16].
Dès 1892, la manière de diriger de Russell est fortement critiquée par certains de ses proches collaborateurs. En 1893, un papier écrit par Otto van Zech, Elmer Bryan, J.B. Adamson, S.G. Rogers, Paul Koetitz, et d’autres, circule parmi les Étudiants de la Bible de Pittsburg. Celui-ci présente Russell comme un dictateur et un homme d’affaires avisé soucieux de collecter un maximum de fonds en vendant les livres l’Aurore du Millénium. Il est aussi accusé d’avoir trompé l’un des auteurs du papier pour faire du profit.
Pour se défendre et éviter que ces plaintes se répandent aux autres Étudiants de la Bible, Russell publie une brochure intituléeA Conspiracy Exposed and Harvest Siftings et la diffuse avec l’édition d’avril 1894 de laTour de Garde de Sion. Dans cette brochure, il les accuse d’être « guidés par Satan dans une tentative de l’empêcher de faire son travail de ministre de la bonne nouvelle »[17],[18].
En1908, Russell fait publier par lasociété Watchtower l'annonce de la découverte d'un nouveau « blé-miracle » au rendement extraordinaire puisqu'il est multiplié par neuf par rapport au blé courant. Cela intéresse certains Étudiants de la Bible, qui achètent ce blé à prix d'or à Russell (60 fois le prix normal). En peu de temps, la société Watchtower encaisse 1 800$ grâce à ce commerce, mais un journal, leBrooklyn Daily Eagle, accuse Russell d'escroquerie, dans son édition du 22 mars1911. Les années suivantes, le journal continue de rapporter régulièrement la fraude, si bien que Russell entame une procédure endiffamation. L'affaire est jugée au tribunal en1913 ; Russell perd le procès[19],[20].
En 1914, Russell fait diffuser un film sonorisé, laPhoto-drame de la Création, dans lequel il présente l'histoire biblique de la création du monde jusqu'à l'instauration du millénium.
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Il pense, toutefois, qu'il est possible d'être engendré de l'Esprit Saint de la véritable Église, et d'obtenir ainsi le salut, tout en adhérant à l'une des institutions de la chrétienté (particulièrement auprotestantisme[21]).
Tout en déclarant qu'on n'a pas généralement observé la plus grande simplicité du Christ, sauf parmi les membres de l'Association des étudiants de la Bible, Russell estime qu'il incombe à chaquechrétien de quitter la confession chrétienne à laquelle il appartient, en particulier après1881, pour s'associer aux autres véritables chrétiens, membres de la Nouvelle Création, à savoir les Étudiants de la Bible[22]. Vers la fin de sa vie, Russell devient de plus en plus critique envers la plupart des religions, qu'il considère comme Babylone la Grande, la mère des prostituées[23]. Toutefois, au départ, cette dernière ne concerne que lesÉglises de la chrétienté, en particulier l'Église catholique romaine.
Il estime cependant que la conversion n'est pas nécessaire pour les Juifs[réf. nécessaire], et dans ses études des textes bibliques, il considère que des centaines de textes se rapportant auxpromesses faites aux Israélites ne se sont pas encore accomplis. Il s’intéresse alors ardemment àl’histoire des Juifs, passée, présente et future maissurtout à leur avenir. Très tôt, Russell s'intéressa ausionisme, et il publia en1890 le livreLe Rétablissement d'Israël.
Le 16 octobre1916, Russell et son secrétaire Menta Sturgeon entament leur dernière tournée internationale de discours dans l'ouest et le sud-ouest desÉtats-Unis. Après des haltes dans leMichigan, l'Illinois, leKansas, leTexas et laCalifornie, Russell meurt le 31 octobre1916 dans un train àPampa auTexas, à l'âge de 64 ans[24].
Une biographie succincte de Russell ainsi que son testament sont également publiés dansLa Tour de garde du1er décembre1916 (anglais) et mai1917 (français), et dans le premier volume desÉtudes des Écritures.
Après la mort de Russell,Joseph F. Rutherford, seul candidat, est élu à la présidence de la société Watch Tower en janvier1917. Petit à petit, Rutherford abandonne l'usage desÉtudes des Écritures et change plusieurs croyances, enseignements et méthodes de Russell. Le schisme qui en résulte[26] donne naissance auxAmis de l'Homme, à l'Association des étudiants de la Bible .
Le Pasteur Russell n'est donc pas, strictement parlant, le fondateur des « Témoins de Jéhovah ». Il est bien le fondateur de lasociété Watchtower, qui est utilisée encore aujourd'hui par ce mouvement, mais le nom n'est adopté qu'en1931, alors que Russell meurt en1916.
Monument commémoratif pour Charles Taze Russell, près de sa tombe.
Différentes polémiques concernant une éventuelle appartenance de Charles Taze Russell à lafranc-maçonnerie ont eu lieu, relayées par plusieurs écrivains dontLady Queenborough (Edith Star Miller) dans "Occult Theocracy" publiéposthumément dans les années 1930 ou l'AméricainFritz Springmeier en 1990[27], puis se sont prolongées à partir de 1998 sur l'Internet francophone entre des personnes qui considèrent que sa vie et son lieu de sépulture contiennent les preuves de son appartenance maçonnique[réf. nécessaire] et d'autres qui réfutent ces arguments. Cette affiliation est cependant réfutée par des sources franc-maçonnes[28].
Une étude duCESNUR[29] a analysé, au-delà du cadre dethéorie du complot développée par Springmeier, ses arguments sur une éventuelle appartenance de Russell à la franc-maçonnerie. Elle en conclut que cette appartenance n'est pas prouvée, mais qu’une influence maçonnique sur sa doctrine est cependant évidente, Russell ayant côtoyé un milieu où la franc-maçonnerie était répandue. Selon cette étude, des symboles comme la croix et la couronne employés par lesÉtudiants de la Bible sont effectivement présents dans certains courants de la franc-maçonnerie, mais également dans d'autres mouvements de la « nouvelle religiosité » de cette époque, y compris anti-maçons.
Bernard Blandre,Les témoins de Jéhovah : leurs aïeux et leurs cousins spirituels, Beau Bassin (Maurice), Éditions Universitaires Européennes, 2017.(ISBN978-620-2-26316-0)
Régis Dericquebourg : Naissance d'un prophétisme en société industrielle. rationalité de marché et économie du charisme. À propos de Charles Taze Russell. Mélanges de sciences Religieuses. 26/3.1979.pp. 175–190