Charles doit son surnomle Chauve à la circonstance suivante : dès867, il estabbé laïc deSaint-Denis. Le, jour de la consécration par lepapeJean VIII[2] de lacollégiale Sainte-Marie, futureabbaye Saint-Corneille de Compiègne, il se serait fait raser le crâne en signe de soumission à l’Église malgré la coutumefranque exigeant qu’un roi ait les cheveux longs[3]. Il porte de longues moustaches tombantes[4].
Il est aussi possible que son surnom ait une autre explication : dans sa petite enfance, ses demi-frères avaient tous un royaume attitré, en vue de l'héritage de leur père. Charles, né d'une autre mère, était le seul sans royaume, donc sans couronne, donc « chauve »[5]. Le surnom aurait par la suite été gardé par ses détracteurs et ennemis pour lui rappeler que son destin n'était pas d'être roi.
Fils de l'empereurLouis le Pieux et de sa seconde épouseJudith de Bavière, Charles est né le ou[6]. Il est confié, à l'âge de sept ans, à unprécepteur de renom,Walafrid Strabon (v. 808/809 – 849),moine aumonastère de Reichenau, enAlémanie, esprit cultivé attaché au mythe impérial, poète, auteur d'uneglose contenant des commentaires de laBible, sur lesquels se sont fondées durant des siècles les interprétations du livre sacré. Pendant neuf années, Strabon assure l'éducation du jeune prince, convaincu de la grande destinée qui attend son élève.
Honneurs et commandements sous le règne de Louis le Pieux
En, à neuf ans, il le nomme àLimogesroi d'Aquitaine en remplacement de son demi-frèrePépin Ier d'Aquitaine ; ce dernier, ayant aidé son père dans la rébellion contre ses fils, récupère son trône le àQuierzy.
Les faveurs accordées à Charles le Chauve, au détriment de ses demi-frères, constituent la cause des troubles qui agitent la fin du règne de leur père, et de la mésintelligence qui existe entre ses héritiers.
Charles le Chauve reçoit laFrancie occidentale,Francia occidentalis, origine du royaume de France[10].
Cinq ans plus tard, le[11] dans lacathédrale d'Orléans et en présence de l'évêque de ce diocèse,Agius, Charles le Chauve, élu puis acclamé par les grands du royaume, est sacré par l’archevêque de Sens,Wénilon (ou Ganelon) :« Et, dans la ville d’Orléans, presque tous les grands, réunis aux évêques et aux abbés, élisent Charles pour leur roi et le consacrent par l’onction dusaint chrême et par la bénédiction épiscopale »[12].
En841, Charles le Chauve reçoit le serment deNominoë,missus deBretagne durant le règne de Louis le Pieux. Par ailleurs, il confie à un fidèle aquitain, Bego (Bégon) la défense de la rive sud de la Loire ; Bego installe à quelques kilomètres deNantes une place forte (à l'origine de la localité deBouguenais), mais il est rapidement victime de dissensions au sein du camp franc.
Dès843, les hostilités sont déclenchées entre Charles le Chauve et Nominoë. En845, lors de labataille de Ballon,Nominoë remporte une victoire sur Charles le Chauve. Un premier traité est conclu en846 : Nominoë devient souverain deBretagne. Lors de la reprise des hostilités en849, les Bretons mènent de nombreux raids enFrancie occidentale (Maine,Anjou,Poitou), et s'emparent des cités deRennes etNantes.
Le, Charles le Chauve est battu parErispoë, lors de labataille de Jengland. Cette défaite le conduit à signer au mois de septembre suivant letraité d'Angers qui cède àErispoë les comtés de Rennes et Nantes ainsi que lepays de Retz, et lui reconnaît le titre de roi en échange de l'hommage.
Quelques années plus tard, sous le règne deSalomon, nouveau roi de Bretagne, Charles est encore obligé d'accepter une extension du royaume breton. Le[13] ou le[14],[15], par letraité de Compiègne, Charles le Chauve concède à Salomon la péninsule duCotentin et l'Avranchin.
Les raids vikings et la guerre de 858 contre Louis le Germanique
Confirmation par Charles le Chauve du partage des biens de l'abbaye de Saint-Denis entre l'abbé et les religieux. Établi àCompiègne le.Archives Nationales.
Maintes fois, le roi Charles s'engage à leur donner de grosses sommes afin que ceux-ci se retirent et cessent de piller les riches abbayes ; les Normands touchent la rançon et reviennent plus tard. En raison de son incapacité à soumettre l'envahisseur, les grands du royaume, ayant à leur têteRobert le Fort, se rebellent contre Charles et demandent l'aide de son frèreLouis le Germanique.
Au cours de l'automne, tandis que Charles II assiège l'île d'Oscelle (Oissel) occupée par des Vikings, Louis II quitteWorms et envahit le royaume de Charles[16]. Il reçoit l'hommage des Aquitains, de la plupart des vassaux de la couronne et d'une faible minorité de prélats sous l'autorité de l'archevêque Wénilon de Sens qui lui donne même l'onction du sacre[17]. Charles est contraint de se réfugier enBourgogne ; plusieurs évêques réagissent, sous la conduite de l'archevêqueHincmar de Reims. Réunis àReims le, ils demandent le départ des Francs orientaux et le retour de Charles. Louis s'exécute et licencie une partie de son armée. Profitant de la situation, Charles réussit à rassembler des troupes et marche vers le nord. Les deux armées se font face àJouy, près de Soissons ; voyant que l'armée de Charles est plus importante que la sienne, Louis se retire sans combattre.
Après la mort deLothaire II, il est couronné roi deLotharingie le àMetz par l'archevêqueHincmar de Reims[19], l’évêque de MetzAdvence prétendant que tous les évêques et grands laïcs de Lotharingie souhaitent l'avènement de Charles. Avant le couronnement, Charles doit prendre des engagements envers ses nouveaux sujets[20],[21].
Mais Louis le Germanique intervient aussi en Lotharingie : en août870, autraité de Meerssen, Charles doit lui céder une partie du territoire. La frontière entre leurs deux royaumes suit alors laMoselle et de la ville deThionville vers la rivière l’Ourthe[22] en Belgique qui fort probablement servira de repère pour rejoindre laMeuse jusqu’à son embouchure enMer du Nord. Le traité accorde aussi à Charles le Chauve la partie nord duroyaume de Provence, domaine (avec l'Italie) de l'empereurLouis II[23], fils aîné de Lothaire Ier.
Louis le Germanique meurt à Francfort le. Charles en profite pour envahir la Lotharingie orientale. Mais les fils de Louis lui infligent une sévère défaite le àAndernach près deCoblence.
S'étant ensuite rendu en Italie afin de porter secours au papeJean VIII en lutte contre lesSarrasins, il est contraint de revenir en France pour faire face à une attaque deCarloman, autre fils de Louis le Germanique. Sur le chemin, entre le et le, il promulgue lecapitulaire de Quierzy, considéré comme la reconnaissance juridique de l'hérédité de la charge de comte — qui était déjà un état de fait depuis des décennies — et deshonneurs, et donc l'un des fondements juridiques de la futureféodalité[24].
Sur le chemin du retour, il est atteint d'unepleurésie, se réfugie àAussois et meurt des suites de cette maladie[25], le, au village de Brios[26], l'actuelAvrieux, au pied duMont-Cenis. La rumeur publique accuse rapidement Sédécias (Zédéchias), un de ses médecins juifs, de l'avoir empoisonné[27], avec la complicité deRichilde.
On ignore toutefois quel était l’aspect de ce premier tombeau impérial. Trois siècles et demi plus tard, la réalisation d’un nouveau tombeau donne le coup d’envoi à la réorganisation sousLouis IX du nouveau transept et du chœur de la basilique Saint-Denis en lieu mémoriel de la royauté. Lorsque l’abbéEudes Clément (1229-1245) part pourRouen en1245, le tombeau de Charles II le Chauve est achevé.
Il s’agissait d'un gisant sur dalle en bronze porté par des colonnettes. L'empereur était représenté en demi-relief, sa tête couronnée reposant sur un coussin, ses pieds sur un lion. La main droite tenait un sceptre fleurdelisé, la gauche une sphère. Deux angelots, placés dans les écoinçons du trilobe encadrant la tête du souverain, tenaient des encensoirs et des navettes. Une inscription en creux formait la bordure de la tombe rappelait les bienfaits qu’il avait dispensés à l’abbaye. Le fond de la plaque était entièrement émaillé en bleu, avecfleurs de lis et réseau en or.
Des plaques d'émail incrusté décoraient aussi les bordures des robes et du manteau. Quatre lions de bronze, reposant sur des colonnettes jumelles très courtes, de pierre, supportaient cette table. Sur les quatre angles les ecclésiastiques mitrés devaient servir à porter des cierges que l’on faisait régulièrement brûler en l’honneur de l’empereur, comme àSaint-Germain-des-Prés pour le roi mérovingienChildebert Ier.
À la suite de Charlemagne, créateur d'un corps d'officiers chargé de décimer les loups dans l'empire (lalouveterie), Charles II crée un corps d'officiers spécialisés (les « bévari » ou « bevarii », officier desbièvres) spécialement chargé de la chasse auxcastors, très recherchés pour leur fourrure et depuis l'Antiquité pour lecastoréum qu'ils produisent (il est également probable que les moines se soient plaints des castors qui font volontiers des barrages sur les fossés de drainage que l'on creusait alors dans toute l'Europe pour gagner de nouvelles terres sur les marais et forêts inondées) ; on l'accusait aussi de dégrader les cultures faites en bord d'eau[32].
Entre le 14 et le 16 juin 877, quelques semaines avant de mourir, Charles le Chauve promulgue le Capitulaire de Quierzy. Celui-ci reconnaît l'hérédité de la charge de comte (qui était déjà un état de fait) et l'hérédité deshonneurs, ce qui rend illégal la révocation d'un comte ou le refus d'accorder le titre de comte au fils d'un comte qui venait de mourir comme c'était possible jusque-là (car Charlemagne avait créé le poste de comte comme un fonctionnaire révocable à l'origine). Il s'agit de l'un des fondements juridiques importants de la féodalité[24].
Charles le Chauve est utilisé en argot pour désigner le sexe ou sans doute plus précisément le gland. Il est difficile de reconstituer toutes les origines des locutions argotiques, mais dans leMilieu (crime organisé français) il était d'usage d'affubler les prénoms de surnoms (par exemplePierre Loutrel dit Pierrot le Fou), reprenant un mode de désignation très ancien. "Charles le Chauve" évoquait par sa structure une désignation argotique, transférée dans l'argot lui-même vers une partie de l'anatomie, pour son caractère évocateur.
Faire sauter la cervelle à Charles le Chauve : se masturber[36]
↑a etbBÜHRER-THIERRY, Geneviève ; Charles MÉRIAUX,La France avant la France, 481-888, Paris,Belin,, 687 p.(ISBN978-2-7011-3358-4),ChapitreVIII. De la fondation à la fin de l'Empire, ps 329-371.
↑a etbAnselme de Sainte Marie (Père Anselme),Histoire généalogique et chronologique de la Maison Royale de France, 9 volumes, Paris, 1725 et années suivantes, tome 1, page 34,lire en ligne.
↑languefrancaise.net, « faire sauter la cervelle à Charles le Chauve – Définition avec Bob, dictionnaire d'argot » dans Bob, dictionnaire de français argotique, populaire et familier (révision n° du 2025-02-07 19:15) <https://www.languefrancaise.net/Bob/25082>, consulté le 20/04/2025.
[Jusselin 1921] MauriceJusselin, « La chancellerie de Charles le Chauve d'après les notes tironiennes »,Le Moyen Âge,t. 33,,p. 1-90(lire en ligne surGallica).
Reproduction enfac-similé :FerdinandLot etLouisHalphen,Annales de l'histoire de France à l'époque carolingienne : le règne de Charles le Chauve (840-877),Première partie (840-851), Genève, Slatkine,,VI-232 p.
[Peze 2012] WarrenPeze, « Autorité royale et controverses théologiques sous Charles le Chauve (840-877) »,Hypothèses 2011 : Travaux de l'école doctorale d'histoire, Paris, Éditions de la Sorbonne,,p. 209-224(lire en ligne).
Otton Ier (951-973) Désormais le titre de roi d’Italie se confond avec celui de roi des Romains que prend le souverain du Saint-Empire avant son couronnement comme empereur.