Lacharia (enarabe :الشَّرِيعَة,šarīʿa?,/ʃaˈriːʕa/[note 1]), également appeléeloi islamique, représente dans l'islam diverses normes et règles doctrinales, sociales,cultuelles et relationnelles édictées par larévélation, mais discernées et interprétées par la science du droit islamique, lefiqh. Le terme de charia utilisé en arabe dans le contexte religieux signifie « chemin pour respecter la loi divine ». Certains juristes considèrent la charia comme l'émanation de la volonté divine, tandis que d'autres la considèrent plutôt comme un don divin servant avant tout les intérêts de l'humanité. La pratique de la charia et la place qui lui est accordée dans les ordres normatifs politiques varient considérablement historiquement et géographiquement, y compris au sein desÉtats avec l'islam comme religion d'État[1].
En arabe, la première racine possible du mot « charia »seraitšaraʿa, qui signifie « ouvrir, devenir clair »[réf. nécessaire], ou ferait en tout cas référence à un chemin droit et clair[2].
La seconde racine possible du mot « charia » seraitšarʿ qui signifie « la voie qui mène à l'eau »[3] ou, dans un contexte pastoral et de nomadisme, « le chemin qui conduit à l'abreuvoir »[4], ou encore un endroit irrigué où les êtres humains et les animaux viennent boire (à condition que la source d'eau soit un ruisseau ou une rivière en mouvement)[2].
Dans un contexte religieux, la racine du mot peut être interprétée par extension comme « la voie qui mène à la source de la vie » ou le « chemin vers une vie meilleure »[3], ou encore comme « le chemin qu'il faut suivre »[4].
Le sens du motcharia reste difficile à circonscrire en langue étrangère du fait « de la diversité des usages et de la pluralité des significations que confèrent les acteurs à ce terme », et renvoie à un cheminement plutôt qu'à un « code figé »[5],[6]. Dans son sens le plus large, la charia se compose :
Manuscrit en caractères arabes sur la discorde selon la charia,Tombouctou (Mali), v. 1797-1864.
dutasawwuf pour lessoufis, en tant que représentation de l'ihsan (littéralement, la bienfaisance), en tant que système éthique et mystique ;
dufiqh, l'interprétation temporelle des règles de la charia. Il est quelquefois traduit parjurisprudence islamique, par référence aux avis juridiques pris par les juristes de l'islam[8].
La charia n'a jamais été codifiée dans un livre de lois, mais elle se comprend plus comme une opinion partagée par les musulmans, fondée sur de nombreuses sources[9].La charia n’a probablement pas été écrite sous l’autorité d’un corps particulier[note 2] mais émane des écoles doctrinales majoritaires, dont l'université al-Azhar pour lessunnites[réf. souhaitée].
Trois significations distinctes et interdépendantes sont parfois retenues pour le motcharia[10][réf. à confirmer] :
une loi sacrée que Dieu a révélée aux hommes par l'intermédiaire de son dernier prophète ;
pour certains musulmans, un idéal collectif qui viendrait démentir une réalité décevante ;
un projet de société alternatif, dans une acception plus contemporaine[11].
Selon Hocine Benkheira, la sharî'a se définit comme le contenu prescriptif qu'on peut dégager en mobilisant les disciplines intellectuelles dufiqh[13].
Des spécialistes soulignent le fait que le mot « charia » est repris en français sans être traduit, comme d'autres mots arabes, par exemple « halal »[14], « fatwa », « jihad », particulièrement quand ils font référence au domaine islamique[15]. PourJulien Loiseau, cette non-traduction est une manière de suggérer que la réalité désignée est « sans équivalent », inassimilable[14]. De même pour Lena Salamyeh, spécialiste en jurisprudences islamique et juive, l'absence de traduction de « charia » produit un effet d'exotisme, obscurcit la réalité dont on parle, voire alimente des attitudes xénophobes[15]. La reprise du mot arabe s'expliquerait, selon cette chercheuse, soit par une connaissance insuffisante des études islamiques, soit par des « habitudes problématiques » des spécialistes francophones de cette discipline[15]. Baudouin Dupret, chargé de recherches au CNRS, admet que la non-traduction peut témoigner d'un souci de fidélité à l'usage arabe, mais il considère que dans un contexte occidental de controverses récurrentes au sujet de l'islam, il est préférable de traduire ce termepolysémique, pour éviter une représentationessentialiste de cette religion[16]. De plus, traduire oblige l'énonciateur à préciser le sens qu'il donne à « charia », car les significations du mot sont variables[16].
Selon Lena Salaymeh, le mot« charia » n'est pas une vraietranscription de شريعة (sharīʿah), car le termefrancisé aurait pris à travers son histoire coloniale un sens séculier différent du concept islamique qu'il est censé refléter[note 3] : selon Salaymeh, l'usage correct pour parler de شريعة dans les langues des ex-empires coloniaux est soit d'employer la graphie et la prononciation arabes, soit de dire« droit islamique »[15]. Pour Baudouin Dupret et Léon Buskens, bien que la notion de« charia » ou d'un droit musulman monolithique soit en grande partie un produit de la colonisation occidentale[note 4], cette notion se serait aujourd'huinaturalisée[17].
« Juge alors parmi eux d'après ce qu'Allah (Dieu) a fait descendre. Ne suis pas leurs passions, et prends garde qu'ils ne tentent de t'éloigner d'une partie de ce qu'Allah (Dieu) t'a révélé. Et puis, s'ils refusent (le jugement révélé) sache qu'Allah (Dieu) veut les affliger [ici-bas] pour une partie de leurs péchés. Beaucoup de gens, certes, sont des pervers. »
« Il vous a légiféré en matière de religion, ce qu'Il avait enjoint à Noé, ce que Nous t'avons révélé, ainsi que ce que Nous avons enjoint à Abraham, à Moïse et à Jésus : « établissez la religion ; et n'en faites pas un sujet de division ». Ce à quoi tu appelles les associateurs leur paraît énorme. Allah élit et rapproche de Lui qui Il veut et guide vers Lui celui qui se repent. »
« Puis Nous t'avons mis sur la voie de l'Ordre [une religion claire et parfaite]. Suis-la donc et ne suis pas les passions de ceux qui ne savent pas. »
Tahar Mahdi, docteur en droit musulman comparé, affirme que « dans tout le Coran, qui compte 6 236 versets et 77 439 mots, le mot charia n'est mentionné qu'une seule fois dans un seul verset (l'Agenouillée 45/18) »[18].
Selon la tradition islamique, la charia a été révélée sur une période de 23 ans, correspondant à la durée de la prophétie. Considérée comme étant l'ensemble des normes, la charia est une voie immuable. À l'intérieur de cette voie se trouve lefiqh, qui est une matière en constante évolution car il est « l'intelligence - entendement, explication et interprétation de la Sharî'a »[19] et par ce fait peut varier en fonction desfaqih.
Dans lemonde arabo-musulman, selon Sadik Kirazli, les pratiques desulh dans la charia trouvent leurs racines dans la pratique islamique du qisas[20].La condition d'équivalence sociale signifiait l'exécution d'un membre de la tribu de l'assassin qui équivalait à l'assassiné, en ce que la personne assassinée était homme ou femme, esclave ou libre, élite ou commun. Par exemple, un seul esclave pouvait être tué pour un esclave, et une femme pour une femme. Dans ces cas, un paiement compensatoire (diyya) pourrait être versé à la famille de la personne assassinée. À cette compréhension pré-islamique s'est ajouté un débat sur la question de savoir si un musulman peut être exécuté pour un non-musulman pendant la période islamique. Le verset principal pour la mise en œuvre dans l'Islam estAl Baqara:178 :« Croyants ! Des représailles vous sont ordonnées concernant les personnes qui ont été tuées. Libre contre libre, captif contre captif, femme contre femme. Quiconque est pardonné par le frère du tué moyennant un prix, qu'il respecte la coutume et paie bien le prix ».[réf. nécessaire]
La charia naît d'un processus long de mise en place prenant place sous le gouvernement des omeyyades et des abbassides. Jusqu'au milieu duVIIIe siècle, le termecharia n'a pas encore son sens actuel et n'est employé que très rarement pour désigner certaines injonctions contenues dans le Coran[21]. SelonPierre Lory, directeur à l'EPHE :« Le terme précis de charia n’apparaît d’ailleurs qu’une seule fois dans le texte coranique : « Nous t’avons mis sur une voie (sharî‘a) selon un ordre ; suis-la, et ne suis pas les passions désordonnées de ceux qui ne savent pas » (XLV, 18) ». Pour l'auteur, ce n'est que sous le califat que « se fit jour [la volonté] d’ajuster le droit de l’empire sur des règles voulues par Dieu et son Prophète », particulièrement à partir deshadîths[22]. Les peines appliquées en islam prennent racine dans les lois et usages en cours à l'époque de Mahomet.
Pour les sunnites, les principes de la loi divine contenus dans le Coran ont été expliqués dans leshadîths de lasunna, qui forment ensemble la deuxième source primaire de la loi. Ces sources (Usul al-Fiqh) ont par la suite été acceptées et comprises par consensus (ijmâ') dans la société islamique de l'époque. Enfin, le raisonnement par analogie (qiyâs) a permis de compléter cette loi lorsque cela était nécessaire[24].
Le Coran et les hadiths sont les deux sources les plus importantes, acceptées par l'ensemble de la communauté musulmane (oumma). L'ijma et leqiyas ne sont pas reconnues par les chiites, et les différentes écoles (madhhab) divergent quant à l'utilisation duqiyas[réf. nécessaire].
À ces sources s'ajoutent plusieurs autres secondaires, comme l'opinion personnelle (leray), l'ijtihad (effort de réflexion personnelle basée sur les principes généraux de l'islam) ou la coutume (ma`rouf ou`âdah). C'est ainsi que des coutumes préislamiques ont été intégrées dans la loi musulmane[réf. nécessaire].
L'ijtihad (effort de clarification intérieure) permet aux savants de contextualiser et d'adapter les normes en accord avec les sources révélées. Selon le juristeYadh Ben Achour[25], il est inexact de penser que la charia est inerte et immuable. Ce dernier explique qu'elle évolue en fonction des changements de conjonctures diplomatiques et sociologiques, et n'est pas à envisager comme un système contraint à la stagnation, citant de nombreux exemples d'adaptations de la charia[26].
À la fin duVIIIe siècle et auIXe siècle, les rationalistes qui ont développé lemutazilisme opposent la raison à la tradition (charia). Ils ont donc considéré que la théologie et les principes moraux pouvaient être questionnés par la raison humaine. Cette position permettait donc de faire sortir de la charia les principes du Bien, du Mal et de la métaphysique théologique. Les musulmans orthodoxes de cette époque s'opposèrent à cette position et s'efforcèrent de renforcer le pouvoir et la volonté de Dieu par opposition aux mutazilites. Cette opposition a conduit l'orthodoxie musulmane à rejeter explicitement la raison humaine selon l'interprétation de Rahman[27].
Monnaies islamiques desCalifes bien guidés, (656). Buste imitant le souverain sassanideKhosro II. Derrière, se trouvent un croissant, une étoile, Basmala et le feu zoroastrien. Son utilisation par un musulman est considérée comme uneapostasie dans le fiqh classique. Les pratiques (indiquant une compréhension laïque) sont complètement exclues par les commentaires et les fatwas apportés par les oulémas plus tard.
C'est à cette époque formative de l'islam qu'apparaissent des divisions sur le sens à donner à la loi islamique. Les courants sunnites majoritaires, qui se sont transformés en écoles juridiques (madhhab) qui déclinent chacune leur proprefiqh, sont lemalikisme, lehanafisme, lechaféisme et lehanbalisme. Chez leschiites, ces courants sont lejafarisme et lezaydisme[28]. Il existe aussi d'autres courants religieux minoritaires qui ont chacun leur interprétation de la place et de la nature de la charia au sein de la religion musulmane, sans que les différences soient fondamentales dans le contenu de la loi divine.
C'est Ibn Taymiyyah (1263-1328) qui propose la vision des traditionalistes (il est associé aumadhhab hanbalite, au sein duquel il a un statut demujaddid). Sa position cherche à reformuler le concept de charia et à exhorter les valeurs religieuses. Il soutient donc la position que la charia est un concept complet qui inclut la vérité spirituelle des soufis (haqiqa'L'Intégrité islamique ni intégrisme ni intégration'), la vérité rationnelle (aql) des philosophes et des théologiens, et la loi. La charia devient donc, pour les traditionalistes, ce qui rend la loi possible et juste, et qui intègre les aspects spirituels et légaux dans un seul tout religieux[27]. L'influence de Ibn Taymiya est restée restreinte à ses seuls disciples et n'a pas fait émerger de mouvement massif. Sa manifestation la plus visible sera le mouvementwahhabite apparu auXVIIIe siècle enArabie saoudite[27].
Éric Chaumont explique qu'il existe deux principes sous-jacents aux principes de la charia — et pourtantmétasharaïques[note 5] — qui sont depuis toujours en compétition dans un débat théologique qui oppose les savants musulmans :[style à revoir]
la première théorie est fondée sur l'approche rationaliste adoptée parGhazali, qui soutient que la charia a été instituée par Dieu dans l'intérêt de la création, porteuse d'avantages pour l'homme, avantages que la raison de ce dernier peut - pour certains - appréhender, tandis que d'autres sont inintelligibles et doivent faire l'objet d'une révélation divine. Les intérêts de l'homme (maslaha) sont alors le fondement éthique à la base de la charia.« Il y a ici une adéquation assez étroite entre raison humaine et Loi révélée, et celle-ci s'apparente en dernière analyse à une sorte d'éthique utilitariste (ou le termeéthique doit s'entendre pour la vie présente et la vie de l'au-delà.) » Une forme radicalisée de cette théorie, plus tardive, comptant entre autresAbu Ishaq al-Shatibi comme adhérent et pionnier, soutient le principe de finalité de la charia (al maqâsid al-charia), qui veut que chaque prescription de la charia a bien une finalité précise et objective. Selon cette autre théorie, d'un point de vue éthique et rationnel, rien n'est gratuit. Cette théorie ayant une approche rationnelle et intelligible de la charia est fort prisée par les juristes modernes ;
la seconde théorie pose la charia commevolonté (al-irâda) divine, normative sans qu'elle soit soumise à des valeurs préexistantes ; cette théorie dénie ainsi radicalement la rationalité des prescriptions charaïques. Ceci est une influence de l'ash'arisme qui décrètera que la raison est incapable de déterminer le bien et le mal. L'influence de cette école, majoritaire dans l'islam sunnite, n'a pratiquement plus de partisans dans sa radicalité initiale. Cette dernière explique en grande partie la lenteur de l'évolution de la charia en fonction des changements contextuels ; mais les savants musulmans - pressés par les critiques dont la charia fait l'objet - cherchent désormais des fondements éthico-rationnels derrière les prescriptions charaïques[29].
Suivant le juriste Yadh Ben Achour[25], il est inexact de penser que la charia est inerte et immuable. Ce dernier explique qu'elle évolue en fonction des changements de conjonctures diplomatiques et sociologiques, et n'est pas à envisager comme un système contraint à la stagnation, citant de nombreux exemples d'adaptations de la charia[26]. C'est ainsi avec le début de la modernisation de l'islam, auXIXe siècle, que la charia commence à être désinstitutionnalisée et sécularisée, et que commence à être repensé le rôle desoulémas et descadis dans le processus de construction de sociétés modernes[1].
Selon Junaid Quadri, la colonisation a conduit à des transformations majeures dans la manière des intellectuels musulmans de comprendre le droit islamique[30].
Nathan Brown souligne que le manque d'éléments sur l'application de la charia avant les réformes des systèmes judiciaires ne permet pas de savoir à quel point elle était appliquée dans ces pays auparavant[31]. Il note qu'à cette époque charnière, la charia devenait plus importante dans l'Empire ottoman, et que l'influence du mouvement wahhabite dans la péninsule d'Arabie a probablement causé un regain d'importance des pratiques liées à la charia.
Bien que les institutions et les pratiques liées à la charia aient survécu à l'introduction de systèmes légaux d'origine européenne dans les pays à majorité musulmane, elles y ont tout de même connu un fort déclin. À la suite des modifications des systèmes légaux sont venues celles des institutions et des pratiques associées à la charia, dont le sens s'est restreint pour devenir plus politique[31]. C'est vers la fin duXIXe siècle qu'a commencé à être réformé le système éducatif en vigueur dans les pays musulmans. Les institutions dédiées au savoir islamique ont été transformées en universités avec des cours et des examens. Cette réforme a été beaucoup plus discutée que l'introduction des systèmes légaux « à l'occidentale », et également beaucoup plus lente, puisque les universités et les salles de classe n'ont remplacé les cours demosquées et demédersas qu'au milieu duXXe siècle.
Dans le même temps, une réforme des tribunaux islamiques a été menée dans les États musulmans, qui avaient besoin d'exercer un contrôle plus grand sur le pouvoir judiciaire. Cette réforme a été menée en prenant plusieurs types de mesures : la bureaucratisation, la codification et la fusion[31]. La bureaucratisation a été menée à bien par l'intégration des tribunaux musulmans dans le système fiscal de l'État, la mise en place de bureaux administratifs, de procédures d'appel claires et d'une hiérarchie des tribunaux. La codification a pris la forme de codes des droits de la personne, largement fondés sur la norme existant dans la charia. La fusion des tribunaux islamiques et des tribunaux civils a été assez rare. Tous les gouvernements coloniaux ont préféré bureaucratiser plutôt qu'abolir les tribunaux islamiques, comme l'a fait laFrance enAlgérie[32].
Le résultat de ces réformes a été la réduction du sens du mot charia à la loi. Le degré de prévalence de la charia s'évalue par le degré de conformité de la loi en place à la charia[31]. En effet, les partisans de la charia lui donnent un sens strictement légal alors que les partisans de plus de sécularité au sein du monde musulman préfèrent donner un sens plus large au concept de charia[note 6].
Au cours des années 1930 apparaissent les premières critiques des systèmes légaux et judiciaires sur le modèle européen : certains penseurs égyptiens ont dit que la loi française était culturellement inappropriée à l'Égypte et que des efforts plus grands devaient être faits pour intégrer des normes basées sur la charia. La critique, au départ modérée, est reprise par un idéologue desFrères musulmans, 'Abd al-Qadir 'Awda, qui déclare que les musulmans doivent non seulement ignorer mais combattre les lois contraires à la charia.
Dans les années 1960 et 1970, les appels à l'application de la charia deviennent le centre des revendications de mouvements islamistes de toutes origines. La charia, qui n'est plus considérée comme un ensemble de pratiques et d'institutions mais comme un ensemble de lois codifiées, est même devenue l'indicateur par lequel on peut juger du caractère islamique d'une société ou d'un système politique[31].
Aujourd'hui, une doctrine quasi-constitutionnelle vis-à-vis de la charia a émergé, à la fois parmi les juristes et parmi les islamistes[31]. En effet, les juristes ont commencé à avoir une approche plus positive de la charia à partir des années 1930, en faisant remarquer que les codes de lois des pays musulmans devaient se fonder sur des sources indigènes plutôt que sur des sources de lois européennes[note 7]. De leur côté, lesislamistes, confortés par le changement de sens du termecharia et sa plus grande codification, ont insisté sur le fait que la charia devait avoir une forme codifiée, et ils positionnent celle-ci comme étant supérieure à tous les autres codes de lois (constitution, législation normale et règlements administratifs)[33]. L'exemple d'une constitution basée sur la charia est d'ailleurs celui de l'Iran depuis larévolution de 1979.
La nouvelle signification de la charia en tant que code de lois est donc devenue beaucoup plus difficile à circonscrire, et les gouvernements de nombreux pays musulmans (comme l'Égypte) se sont engagés à vérifier leur codes légaux afin de s'assurer qu'ils sont en conformité avec la charia[31]. La redéfinition de la charia a permis de donner un pouvoir politique plus grand à celle-ci, mais, en revanche, le pouvoir de la loi islamique est en même temps restreint à des sujets plus spécifiques. L'islamologueNathan Brown dit que si la charia était mise en place complètement dans certaines sociétés, cela nécessiterait des changements très importants dans la loi commerciale et les codes pénaux. À l'heure actuelle, la mise en place de la charia n'est pas complète, mais elle est fortement présente dans la vie politique des pays musulmans[31].
Pour les problèmes de proximité, les jugements sont rendus par lescadis (qâdi). Ils ne sont toutefois pas source de droit : pas d'effet dejurisprudence.
La loi est structurée en deux parties :
Al 'Ibadat qui concerne le culte (particulièrement les cinq piliers de l'islam) et contient les règles relatives
La distinction qui est faite entre les cinq catégories se fait sur leur exécution ou leur non exécution, qui est soit récompensée ou non récompensée, punie ou non punie. Le tableau ci-dessous détaille les différentes catégories et leur statut par rapport à la charia[34].
Prescrit
Recommandé
Indifférent
Blâmable
Interdit
Exécution
récompensée
récompensée
non récompensée
non punie
punie
Non exécution
punie
non punie
non punie
récompensée
récompensée
Fidèles musulmans en prière dans la cour de lagrande mosquée de Kairouan (Tunisie), la plus ancienne mosquée d'Afrique du Nord. La prière est l'une des obligations (fard) prévues par la charia.
Les actions prescrites se divisent elles-mêmes en obligations personnelles —fard al-'ayn— qui sont requises de la part de chaque musulman (prière etaumône par exemple), et les obligations communautaires —fard al-kifaya — qui, si elles sont faites par certains musulmans, ne sont pas requises des autres (les prières funéraires par exemple).
La charia permet de produire deux formulations : la connaissance de la loi (al hukm) et lafatwa.
LeHukm (arabe :حُكْمُ pl.Ahkam) est une règle ou une ordonnance qui découle de la charia. Le terme désigne aussi un jugement rendu par uncadi (qâdi), qui est l'autorité vers laquelle les musulmans se tournent pour qu'un jugement conforme à la charia soit rendu. Ebrahim Moosa rappelle quehukm vient de la racine arabehkm, qui signifie « retenir », « avertir » et que le termehukm s'applique aussi aux découvertes d'un théoricien légal islamique quand il cherche à définir quelle est la valeur morale d'un acte parmi les cinq valeurs morales (al-akhām al-khamsa) existant dans la charia[35].
LeHukm est caractérisé comme un jugement légal venant en complément des conditions mises en place par unmadhhab et la doctrine associée[36].
Quand un juriste produit une règle pour un acte ou une situation particulière, le termehukm est utilisé, plus particulièrement sous la forme dehukm Allāh (« règle de Dieu »). Le termehukm est en fait employé pour décrire deux dimensions : le jugement métaphysique et le jugement empirique. Lehukm est une norme transcendantale dont lehukm empirique, donné par le juriste, est la manifestation temporelle. Moosa souligne également que le procédé de découverte de la charia et de la loi islamique est la conséquence d'une interaction complexe entre l'homme et le divin[35].
Lafatwa est un avis juridique donné par un spécialiste de loi religieuse sur une question particulière. En règle générale, une fatwa est émise à la demande d'un individu ou d'un juge pour régler un problème où lajurisprudence islamique (fiqh) n'est pas claire. Un spécialiste pouvant donner des fatwas est appelé unmufti. Différents muftis peuvent émettre des fatwas contradictoires. La fatwa est limitée à une période et un espace géographique, ou plutôt, un espace reconnaissant l'une des écoles d'interprétation. Ensuite, la fatwa pourra être confirmée, révisée, annulée, voire totalement ignorée par d'autres écoles d'interprétation[réf. nécessaire].
Les fatwas étant produites par desmuftis, celles-ci sontsubjectives et dépendent de l'identité de la personne qui les émet. Elles sont parfois violentes, comme dans le cas de la fatwa rédigée à l'encontre de l'écrivain indienSalman Rushdie qui, après la publication de son ouvrageLes Versets sataniques en 1988, a été menacé de mort par l'ayatollah Khomeini. Les fatwas peuvent donc, dans certains cas, représenter une atteinte à la liberté d'expression et aux droits de l'homme.
Certains types d'infractions mettant en cause les intérêts des particuliers ne peuvent être poursuivis que sur plainte de la victime ou de ses héritiers (fausse imputation, talion, vol)[réf. nécessaire]. En revanche, pour les infractions à la loi divine (leshoudoud sauf le vol, la fausse imputation, l'apostasie et l'hérésie), la seule présentation spontanée de témoins ou l'aveu de l'auteur peuvent donner lieu à la mainmise du juge. Comme cette action ne donnait pas lieu à une réparation en faveur de la victime, elle a été qualifiée d'« action désintéressée » (ﺩﻋـﻮى ﺍﻟﺤـﺴـبةhisba)[réf. nécessaire].
En droit musulman, le procès se déroule en public, et le juge est assis en face de l'entrée, de manière visible pour les deux parties. Le juge a également la possibilité de revenir sur sa décision et de la réviser, soit spontanément, soit à la demande d'une des deux parties[réf. nécessaire].
La preuve par témoins joue un rôle prépondérant dans la charia[37]. En effet, l'introduction de la loi islamique a eu lieu à une époque et dans une région où l'écriture était peu répandue, et dans une culture s'appuyant sur une forte tradition orale[38]. Dans ce contexte, le texte coranique ou les hadiths fixent souvent le nombre de témoins requis ou les autres moyens de preuve. Les relations hors mariage doivent par exemple être prouvées par le témoignage de quatre hommes, le meurtre, le vol ou les lésions corporelles par l'aveu ou le témoignage de deux hommes. Les infractions relevant de la catégorie desTaʿzīr peuvent être prouvées par tout moyen entraînant la conviction du juge, sous réserve de sa validité[38].
Jacques El Hakim précise que la présomption d'innocence joue en faveur de l'inculpé, et que c'est donc au demandeur qu'incombe la charge de la preuve[réf. nécessaire]. La charia insiste sur la nécessité que la preuve soit irréfutable, ce qui réduisait les possibilités de poursuite. L'inculpé a, par la suite, la possibilité de présenter la preuve contraire ou de prêter serment sur son innocence[réf. nécessaire].
Leschaféites, leshanbalites et lesmalékites (soit la majorité des courants musulmans) déclarent ainsi que la consommation de vin (ou plus généralement de boissons alcoolisées) ne peut être poursuivie si elle n'est pas dénoncée par l'odeur[38].
Le Coran élabore un système de contre-témoignage[39],[40]. De même, lorsque deux personnes fiables témoignent contre un témoin devant le juge lors d'un jugement, la condamnation ne peut avoir lieu[41] Ceux-ci peuvent témoigner contre un ou plusieurs autres témoins affirmant une chose erronée ou mensongère devant le juge lors d'un jugement. Ce contre-témoignage peut donc concerner la fiabilité des témoins eux-mêmes autant que la crédibilité du crime. Étant donné qu'il faut le nombre minimal qui est de deux ou quatre témoins en fonction du crime commis pour l'application de la peine, si le nombre après contre-témoignage n'est plus atteint la condamnation n'a plus lieu[42].
Le repentir de l'auteur ne permet d'éviter l'application d'aucune des peines prévues pour les différentes catégories d'infraction. Les particuliers visés par une atteinte à leurs droits (notamment en matière de talion) peuvent se désister. L'amnistie n'est pas prévue par la charia. La grâce est en principe exclue pour leshoudoud, sauf pour le vol et la fausse imputation qui mettent en cause les droits des particuliers (seuls les particuliers peuvent déclencher une poursuite). Pour les autres catégories d'infraction, la grâce est à la discrétion du juge[réf. nécessaire].
Les chaféites, les hanbalites et les malékites (soit la majorité des courants musulmans) déclarent imprescriptibles les infractions et peines relevant deshoudoud ou duqissas (talion)[réf. nécessaire].
L'enseignement de la charia est généralement fait à travers les enseignements religieux donnés dans lesmédersas. Toutefois, la plupart des pays islamiques incluent l'enseignement de la charia dans les enseignements religieux dispensés dans les écoles publiques[réf. nécessaire].
Pour le politologueTimothy Mitchell, la charia est plus une série de commentaires sur des pratiques, et de commentaires sur ces commentaires ; l'enseignement de la charia était intégré dans un enseignement plus large, mettant en œuvre des techniques et des moyens spécifiques au savoir islamique. Il décrit le processus d'apprentissage comme suit : l'étudiant commence par étudier le Coran, puis lesHadîths, puis les commentaires majeurs du Coran et des hadith. Il entame ensuite l'étude des sujets liés aux hadiths, comme les biographies des rapporteurs. Ensuite seulement étaient étudiés les principes de la théologie (usūl al-din), puis les principes de l'interprétation légale (usūl al-fiqh), et ensuite les différences d'interprétation entre les différentes écoles (madhhab)[43]. Le contenu et l'organisation de l'enseignement de la charia sont inséparables de la relation entre les textes et les commentaires constituant la charia. Mitchell et d'autres universitaires considèrent que le contenu même de la charia et son enseignement ne peuvent pas être dissociés[31].
Pays où la charia s'applique aux questions de statut personnel (mariage, divorce, héritage et autorité parentale).
Pays où la charia s'applique intégralement, aussi bien aux questions de statut personnel qu'aux procédures pénales.
Pays avec des variations régionales dans l'application de la charia.
Pour la majorité des juristes, la charia ne peut être appliquée que dans les pays d'islam (Dar al-Islam)[note 8].
Le droit pénal qui en découle est applicable à tous les auteurs d'infraction quelle que soit leur religion. Seule l'écolehanafite restreint son application aux musulmans et auxgens du Livre ou auxdhimmis, mais pas aux étrangers de passage. Ces derniers ne peuvent être condamnés pour certaines infractions contre les particuliers ou contre le droit divin[38].
Tribunal de Syariah dans l'État deMalacca enMalaisie.LaSyariah (terme malais pour « charia ») est le droit islamique appliqué auxmusulmansmalaisiens dans certains domaines juridiques.
la charia ne joue aucun rôle dans le système judiciaire
la charia s'applique au statut personnel seulement
la charia s'applique à plein, y compris au pénal
Lacharia ou charî'a (arabe :الـشَّـرِيعَـة) (ou loi islamique), en vigueur dans les États du nord duNigeria jusqu'en 1960, a été abandonnée à l'indépendance, puis ré-instaurée en tant qu'ensemble de lois civiles et pénales dans 9 États à majorité musulmane ; et s'applique partiellement dans 3 autres États partiellement musulmans[44]. Cette réintroduction commence en 1999, quand le gouverneur de l'État de Zamfara de l’époque,Ahmed Sani Yerima[45], entame une campagne politique pour instituer la Charia au niveau gouvernemental, et s'étend aux 11 autres États en 2000[44].
En Grèce, l'instauration en 1914 de la charia enThrace (loi du portant sur « la législation applicable dans les territoires cédés et leur organisation judiciaire »), initialement pour ses principes religieux et en direction des seuls musulmans de la région, s'est commuée en une application du droit islamique pour tous les Grecs musulmans y compris dans leurs rapports avec des étrangers et des non-musulmans : initialement limitées auxmariages etdivorces, les compétences juridictionnelles dumufti ont été élargies par la loi 1920/1991 (art. 5, § 2) aux objets suivants : « les pensions alimentaires, les tutelles, les curatelles, les émancipations des mineurs, les testaments islamiques, les successions ab intestat » ; elles ont également débordé le cadre géographique de la Thrace occidentale[48],[49],[50]. LeConseil de l'Europe reproche régulièrement au gouvernement un traitement de la communauté musulmane peu compatible avec les normes des droits de l'homme européennes et internationales, et l'invite à contrôler les décisions élaborées par lesmuftis[50],[51],[52],[53].
En effet, en 2010, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) condamne l'application officielle de la charia pour la population musulmane dans cette région grecque[53] et en 2019, elle récidive avec des débats suivis d'un vote sur un projet de résolution rappelant l'incompatibilité de la charia avec laConvention européenne des droits de l'homme et à la condamnation des dérives des bureaux de tribunaux islamiques en Europe[52].
Documents en arabe et enshimaore de l'école coranique au musée de Mayotte.Dans une rue de Mayotte, en 2008.
ÀMayotte, où la population est à 95 % de confession musulmane, lalaïcité était fondée sur un principe similaire à celui duconcordat en Alsace-Moselle, avec des éléments dedroit musulman intégrés audroit romano-civiliste. Néanmoins, avec ladépartementalisation de Mayotte, le droit commun est devenu la seule référence légale, et leCadi ne dispose plus d'un pouvoir judiciaire mais seulement demédiation, notamment enmatière familiale[54]. Jusqu'à la mise en œuvre de la loi 2001-616 du,« les Mahorais musulmans (c’est-à-dire les Français considérés comme originaires de Mayotte) étaient automatiquement soumis à un statut personnel dérogatoire dont la composante essentielle était le droit coranique. Ce droit permettait de régler les questions d’état-civil, de mariage, garde d’enfant, entretien de la famille, filiation, répudiation et succession. Pour des raisons de trouble à l’ordre public, les dispositions d’ordre pénal n’étaient pas appliquées (comme la lapidation de la femme adultère). Les autres résidents de Mayotte (les métropolitains ou les étrangers, même musulmans) relevaient du droit commun »[50].
D'après un rapport sénatorial de 2008,« le statut personnel en vigueur à Mayotte est un droit coutumier qui se réfère auMinhadj Al Talibin (Livre des croyants zélés), recueil d'aphorismes et de préceptes fondés sur la charia, écrit auXIIIe siècle parAl-Nawawi juriste damascène de rite chaféite, et emprunte des éléments aux coutumes africaines etmalgache »[55].
Des réformes ont tenté de supprimer la juridiction des cadis mahorais[56].
Selon Moshen Ismaïl, parler d'« application de la charia » reviendrait parfois à réduire la charia à sa seule dimension pénale[57].
Un principe de la charia reconnaît l’adaptation des lois selon les époques (celle-ci est reconnue en outre dans l'art. 39 de laMedjellé, le Code civil ottoman, construit à partir d'une codification des règles hanafites à la fin duXIXe siècle). Ce principe a été largement suivi, comme le montre l’exemple du deuxième calife« bien guidé »Omar qui a écarté l’amputation de la main des voleurs en période de disette et en matière de talion (la victime ou les héritiers n’exécutent plus la peine de leur main). Jacques el-Hakim pense également que la majorité des peines corporelles n’était plus compatible avec les mœurs ou justifiée par la répression à partir des réformes duXIXe siècle. Les peines corporelles ne sont plus pratiquées que dans de rares pays[note 9] ; et dans d’autres pays où elles sont réintroduites, elles rencontrent une forte opposition[note 10].
Pour certains penseurs, comme Asaf Fyzee, la charia, qui est la doctrine spirituelle du Coran, « doit être révisée et interprétée à la lumière de la philosophie et de la logique modernes ». La charia, qui est la loi sacrée de l'islam, doit être séparée de ses préceptes juridiques et politiques, afin de ne pas confondre les valeurs morales et les valeurs juridiques de la religion[58].
Des personnes considèrent que certaines dispositions de la charia sont caduques du fait de l'évolution de lasociété ; il deviendrait donc inutile de les préserver. Tel est le cas des questions concernant l'esclavage[59]. Dans larépublique islamique de Mauritanie, il y a un consensus de la part des oulémas sur l'abolition de l'esclavage conformément aux principes de la charia[60].
SelonLeïla Babès, des pratiques culturelles, c'est-à-dire contingentes, ont été incorporées plus ou moins consciemment dans ledroit musulman aboutissant à une dégradation du messageéthique de larévélation enreligion dudroit positif. Celui-ci tend à sedogmatiser et à revendiquer abusivement unstatut d'orthodoxie alors que l'essentiel de la charia vise à uneorthopraxie[réf. nécessaire]. Dans son livre,Loi d'Allah, Loi des hommes, elle considère que le point d'arrivée est un systèmecoercitif omettant le principe juridique fondamental enislam que« tout ce qui n’est pas expressément défendu est permis »[note 11],[note 12].
Selon la plupart des autres penseurs contemporains du monde musulman, ce n'est pas de la charia que provient ce décalage avec la modernité, mais plutôt du fait que la jurisprudence islamique n'a plus évolué depuis plusieurs siècles. Plusieurs passages du Coran commandent de tenir compte des mœurs[note 13].
Images enregistrées secrètement par l'Association révolutionnaire des femmes en Afghanistan : une femme est punie en public avec un bâton par la police religieuse, chargée d'enjoindre le bien et d'interdire le mal, pour avoir révélé son visage, le 26 août 2001.
Jacques el-Hakim[Qui ?] souligne que lespeines corporelles en vigueur dans la loi islamique ne correspondent plus depuis longtemps aux critères d'amendement dudélinquant qui fondent les politiques pénales en vigueur aujourd'hui. Cela explique que certaines peines soient tombées en désuétude dans certains pays depuis plusieurs siècles déjà[38].
Les modalités du droit en islam ne sont pas inaliénables. Ainsi, le mode d'établissement des preuves des crimes est par principe ouvert à toute nouvelle méthode, qui peut être utilisée lors de jugements devant lecadi. De même, les condamnations parTaʿzīr peuvent devenir des peines autres que des châtiments corporels, car le cadi est en droit d'élaborer une peine selon ce qu'il juge sage[61]. Il n'existe tout bonnement pas de canon au sujet duTaʿzīr. Ainsi,Tariq Ramadan propose unmoratoire concernant les châtiments corporels depuis 2003 en se fondant sur cette approche théorique[62].
SelonAmnesty, la décapitation a été employée par les autorités de l'État enIran pour la dernière fois en 2001[66],[70],[71], mais depuis 2014, elle n'est plus utilisée[70]. C'est également une forme légale d'exécution au Qatar et au Yémen, mais la peine de mort a été suspendue dans ces pays[72],[66].
Les abondants travaux sur les rapports entre charia (prise comme application de sa composante juridique,fiqh inclus) etdroits de l'homme concluent en général à l'incompatibilité entre les deux[74]. LaCour européenne des droits de l'homme (CEDH), dans un arrêt du (Refah Partisi c. Turquie), fait observer l'incompatibilité du régime démocratique avec les règles de la charia et notamment la place qu'elle réserve auxfemmes[75],[76].
« À l’instar de la Cour constitutionnelle, la Cour reconnaît que la charia, reflétant fidèlement les dogmes et les règles divines édictées par la religion, présente un caractère stable et invariable. Lui sont étrangers des principes tels que le pluralisme dans la participation politique ou l’évolution incessante des libertés publiques. La Cour relève que, lues conjointement, les déclarations en question qui contiennent des références explicites à l’instauration de la charia sont difficilement compatibles avec les principes fondamentaux de la démocratie, tels qu’ils résultent de la Convention, comprise comme un tout. Il est difficile à la fois de se déclarer respectueux de la démocratie et des droits de l’homme, et de soutenir un régime fondé sur la charia, qui se démarque nettement des valeurs de la Convention, notamment eu égard à ses règles de droit pénal et de procédure pénale, à la place qu’il réserve aux femmes dans l’ordre juridique, et à son intervention dans tous les domaines de la vie privée et publique conformément aux normes religieuses. »
Il est à remarquer que trois États membres duConseil de l'Europe (l'Albanie, l'Azerbaïdjan et la Turquie) sont signataires de laDéclaration du Caire des droits de l'homme en islam de 1990, rédigée par l'Organisation de la coopération islamique (OCI). Ce texte, qui est une formulation juridique de la charia, déclare que l'« islam est la religion naturelle de l’homme » (art. 10) et énonce des droits et libertés« subordonnés aux dispositions de la Loi islamique » (art. 24), laquelle est« la seule source de référence pour interpréter ou clarifier tout article de cette Déclaration » (art. 25). Un rapport complet de la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme a d'ailleurs été rédigé sous le titreCompatibilité de la charia avec la Convention européenne des droits de l'homme : des États Parties à la Convention peuvent-ils être signataires de la "Déclaration du Caire" ?[52].
Certains pays islamiques, comme l'Afghanistan ou lePakistan,pénalisent les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles ou transgenres par de la prison, de latorture, lapeine de mort ou destravaux forcés. Cependant, laTurquie est l’un des très rares pays à majorité musulmane où l’homosexualité n’est pas illégale[82].
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↑Salaymeh fait valoir la même déformation coloniale dans l'expression« droit musulman ».
↑Selon eux, on peut parler d'une« invention » du droit musulman à l'époque de la colonisation.
↑en cela qu'ils dépendent de l'image que l'on se fait de Dieu pris comme leLégislateur, de sa nature et de ses attributs
↑voir par exemple la critique des positions de Muhammad Sa'id al-'Ashmawi par Muhammad 'Imara, « What is the meaning of islamic charia ? »,al-Manhal, octobre-novembre 1995,p. 10-17
↑Cette position est notamment illustrée par 'Abd al-Razzaq al-Sanhuri, un juriste égyptien qui a participé à l’écriture de plusieurs codes de lois dans les pays arabes. Au cours de ses travaux de codification, il s’est appuyé sur la structure duCode Napoléon mais a repris de larges parties du corpus de la loi islamique
↑Jacques El Hakim précise qu’il ne s’agit que des pays gouvernés par des musulmans, même minoritaires
↑Cela est explicité dans le passage suivant ;(ar)Jâmi'ul Ahkâm'il Qur'ân, Qurtubî ; (Cor. VII, al-Araf : 199) :« Suis la voie du pardon, commande selon les mœurs et éloigne-toi des ignorants ». Voir également : (Cor. II, La vache : 178), (Cor. II, La vache : 233), (Cor. II, La vache : 236), (Cor. IV, Les femmes : 6), (Cor. IV : Les femmes : 25)العرف
↑a etbArmando Salvatore, « La Sharī'a moderne en quête de droit : raison transcendante, méta norme publique et système juridique »,Droit et société,no 39,,p. 293-316(lire en ligne[PDF]).
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