Charbon de bois en cours de combustion, ditincandescent.Le charbon de bois est utilisé depuis la préhistoire pour dessiner. Le charbon defusain est particulièrement apprécié des artistes.
Le charbon de bois a été historiquement utilisé comme combustible pour le chauffage et la cuisson des aliments. Il a été largement utilisé enmétallurgie avant d'être remplacé par lecharbon. Il entre également dans la composition de lapoudre à canon[1].
Le charbon de bois a unpouvoir calorifique plus élevé que le bois et il se consume plus lentement[2]. La densité calorifique massique du charbon de bois est de l'ordre de 28 à 33MJ/kg (7,77 à 9,16 kWh) contre 18 MJ/kg (5 kWh) pour le bois sec[1]. Le charbon de bois se consume par « incandescence » en émettant peu de flammes[1].
Ce gain de densité se fait néanmoins au prix d'une perte de 80 % de la capacité calorifique initiale du bois[3]. L'utilisation du charbon de bois pour le chauffage ou la cuisson représente donc un gaspillage énorme de bois[3].
« Durant des siècles, toute une civilisation s'est développée sur une économie du bois. Les villes, gourmandes en bois d'eau comme en bois de construction, se sont jointes aux fours, forges etfourneaux dévoreurs de bois-bûches et de charbon de bois, ainsi qu'aux chantiers navals, avec leurs bois de marine, aux vignerons avec leurs échalas et leur merrain à tonneaux, pour solliciter intensément le monde de la forêt. Durant des siècles, lapénurie en bois s'est faite sans cesse plus pressante. C'est qu'il fallait fournir à la fois des quantités gigantesques et des produits de mieux en mieux calibrés, de plus en plus normalisés[4] ».
Si les forêts de beaucoup de pays européens passent d'une phase de reconquête à une pénurie en bois très relative à la veille de larévolution industrielle, l'impact des pressions industrielles doit être nuancé. Les espaces forestiers demeurent inégalement exploités et dégradés. Les forges[6], fours à chaux, verreries, briqueteries et tuileries qui se fixent au cœur des massifs forestiers pour s'approvisionner en charbon de boissurexploitent leur espace forestier mais de nombreux massifs conservent de vastes forêts. S'il existe des pénuries de bois localisées ou dans les provinces moins boisées, le passage de la futaie au taillis permet de consommer progressivement une partie de la réserve existante d'arbres sur pied. De plus, les agents de l'administration des Eaux et Forêts veillent à ce que les prélèvements en bois n'excèdent pas les capacités de renouvellement des massifs forestiers[7]. Ces éléments n'empêchent pas la dégradation du couvert forestier. La surface boisée en France s'effondre pour atteindre un minimum dans les années 1830 avec une couverture forestière estimée entre 8,9 et 9,5 millions d'hectares en 1830 (entre 16 et 17 % du territoire métropolitain), ce qui incite l'État à reprendre le contrôle de l'exploitation des forêts, avec un effort de reboisement important qui s'appuie sur lecode forestier promulgué en 1827[8]. L'abandon progressif du charbon de bois au profit du charbon minier au cours duXIXe siècle et l'exode rural massif du début duXXe siècle contribuent au reboisement des massif forestiers[9].
Illustration accompagnant l'article sur le charbon de bois dans lePrécis illustré de mécanique de 1894, représentant une meule en coupe.Fabricants de charbon de bois àYamoussoukro (au Centre de la Côte d'Ivoire).Mise en sac de charbon de bois en Côte d'Ivoire.
Dès l'Antiquité, lescharbonniers obtenaient le charbon en empilant du bois en un tas recouvert d'une couche de terre (d'argile), que l'on enflammait. Une partie du bois était consumée en consommant tout l'oxygène, et la chaleur produite transformait le reste du bois en charbon. Parfois, à la place d'une meule, on effectuait la combustion dans une fosse.
Historiquement, en Europe, la carbonisation était réalisée par descharbonniers (ou carboniers), directement enforêt au plus près de la ressource en bois. Les lieux où s'établissaient cette activité étaient appeléscharbonnières oucarbonneries et après abandonplaces à charbon ouaires de faulde (dans le nord de la France).
La fabrication est décrite dans lePrécis illustré de mécanique en1894 de la manière suivante :
Fabrication de charbon de bois enForêt-Noire en Allemagne vers 1900.
Constitution de la cheminée centrale.
Empilage des morceaux de bois.
La meule avant d'être recouverte de terre.
La combustion.
Le démontage de la meule.
Le chargement du charbon de bois.
Le procédé en meule permet d'obtenir entre 17 % et 28 % du poids initial de bois. Le rendement en volume est de 60 %[12]. Ce procédé ne permet aucune récupération d'autres produits comme les goudrons.
Par le procédé en meule, on peut également carboniser de latourbe.
Au cours duXIXe siècle apparaissent des enceintes métalliques de diverses formes. Ces fours sont d'un usage plus aisé que les meules. Ils ne fonctionnent pas en vase clos mais sur le même principe que les meules. Certains sont amovibles afin d'être utilisés sur place en forêt. Ils permettent également la récupération des sous-produits comme le goudron ou les gaz.
Les systèmes sont nombreux : appareil Dromart, Moreau, Pierce, etc.
L'appareil Moreau a été mis au point aux environs de 1875 :
« il se compose d'une cage en forme de dôme composé de plaques de fortes tôles montées sur un bâti en fonte. La partie supérieure se termine par une cheminée munie d'un couvercle mobile ; la partie inférieure est ouverte et la cage se pose simplement sur une aire préparée comme pour une meule ordinaire »[13].
C'est le procédé en vase clos qui était utilisé à l'époque où la distillation du bois produisait l'acide pyroligneux, composé d'acide acétique (Quelquefois la définition de l'acide pyroligneux se confond avec celle de l'acide acétique, ici levinaigre de bois), deméthanol, appelé aussi « esprit de bois » et divers autresproduits chimiques. Le charbon de bois n'était pas le but premier de l'opération mais plutôt unsous-produit. Avant d'inventer le mot « pyrolyse », on parlait de « distillation sèche » ou de « carbonisation ». De 1886 jusqu'à sa fermeture en 2002, l'usineLambiotte de Prémery (Nièvre) a été l'un des principaux sites européens producteur de charbon de bois.
Leprocédé Pierce permet de chauffer le four en utilisant les gaz produits lors d'une précédente carbonisation :
« dès que la vapeur a cessé de se dégager, on met en marche l'aspirateur et envoie les gaz dans le condenseur, d'où ils reviennent chauffer un four voisin. »[12].
Les résultats obtenus sont fortement dépendants des espèces de bois utilisées et des conditions de transformation. En1875, l'ingénieur métallurgisteGrüner notait :
« Lorsqu'il a été préparé vers 350 à400°C et par calcination lente, il est d'un beau noir pur, sonore, dur tachant peu les doigts. Préparé à une température inférieure, il est plus ou moins brun, peu sonore et tendre, mais plus tenace que le charbon noir ; c'est une sorte de charbon roux, que les ouvriers désignent sous le nom de « fumerons » ou de « brûlot », parce qu'il brûle avec fumée et flamme plus ou moins éclatante. Un charbon trop cuit, ou plutôt partiellement brûlé par l'action de l'air passe à l'état de braise ; il est alors fendillé, tendre, friable, tachant les doigts, d'un noir ferme dans les cassures fraîches. »[14]
La production industrielle est de plus en plus effectuée dans des fours. Un des enjeux contemporains est de limiter les rejets dans le milieu naturel et d'utiliser d'autres sources de matières organiques que le bois pour limiter la pression sur les forêts, tropicales et primaires notamment.
Le bois sans préparation par la carbonisation est impropre pour le fonctionnement des bas-fourneaux et pour les divers affinages effectués dans les forges. Le charbon de bois chauffe bien plus que le bois, car l'énergie est essentiellement produite dans les pores du charbon au lieu d'être dispersée dans de longues flammes ; on peut augmenter la puissance tant que l'on veut en augmentant le« vent » alors que, avec le bois, un « vent» trop fort éteint le feu. Le charbon de bois a été très utilisé dans lesbas-fourneaux puis dans leshauts-fourneaux, et ce depuis l'Antiquité[15]. Lecarbone contenu dans le charbon de bois permettait la réduction desoxydes defer contenus dans leminerai pour donner de la fonte.
L'usage intensif du charbon de bois dans les forges a provoqué desdéforestations qui ont touché la Chine antique puis l'Europe romaine et médiévale. Ainsi, en France,une ordonnance de1339 obligea la destruction des forges dans un rayon de trois lieues autour deGrenoble afin de stopper la déforestation provoquée par l'usage intensif du charbon de bois pour la fabrication de l'acier[réf. souhaitée]. Dans leBourbonnais, laforêt de Tronçais fut également fortement dégradée à la suite de l'ouverture en1788 de la Forge deTronçais. La découverte parAbraham Darby en1709 de la possibilité d'utiliser ducoke dans les hauts-fourneaux a mis fin à l'usage intensif par l'industriesidérurgique du charbon de bois.
L'usage du coke ne se généralisera toutefois que lentement. Ainsi en France en1860, un tiers de lafonte était encore produite dans des hauts-fourneaux au charbon de bois. Le dernier haut-fourneau français au charbon de bois a fonctionné jusqu'en 1930[15].
Le charbon de bois est un des trois composants de lapoudre à canon avec lesoufre et lesalpêtre. Comme le soufre, c'est uncombustible alors que le salpêtre est unoxydant. La qualité de la poudre était déterminée par l'essence forestière utilisée pour sa fabrication ainsi que sa proportion dans le mélange. Le charbon d'aulne était notamment apprécié des poudreries françaises. En fabrication artisanale la Bourdaine était très appréciée.
Finement broyé et mélangé à volumes égaux avec de l'argile en poudre ainsi qu'à un peu de sable, il donne un produit isolant et réfractaire (appelébrasque) permettant de faire des enduits de grande résistance thermique, en particulier dans la construction de petitesforges individuelles.
L'apport de charbon de bois (vendu notamment sous les noms commerciaux debiochar,agrochar ouagrocharbon) est unamendement qui permet d'accroître lafertilité des sols et les rendements agricoles. Le charbon permettrait notamment de favoriser lesmicrobes etchampignons utiles en conservant l'humidité (surtout efficace dans les sols macroporeux), et en conservant mieux les éléments nutritifs du sol[16]. C'est ainsi que lesAmérindiens d'Amazonie ont créé laterra preta et on a récemment redécouvert cette technique, qui présente aussi un intérêt contre leréchauffement climatique[17].
Sa structuremicroporeuse (renforcée dans lecharbon activé) lui permet de capter et fixer de nombreuses molécules toxiques (métaux lourds notamment) issues de fumées ou dans l'eau.Il peut aussi abriter une vie microbienne capable de contribuer à la dépollution de l'eau. C'est pourquoi de nombreuxfiltres demasques à gaz, filtres à air ou à eau (ex : filtres d'aquariums) contiennent du charbon de bois activé.
Vendeuse de charbon de bois à usage domestique dans un quartier d'Abidjan, en Côte d'Ivoire.
Les Japonais utilisent traditionnellement le charbon de bois, notamment lebinchōtan issu de la combustion d'une variété de chêne[19], pour griller des viandes. Ceci est décrit très précisément par Shigeyasu Takeno dans son manga "Le Conte du charbonnier" qui se déroule en 1957[20].
De nos jours en Occident, le charbon de bois est surtout utilisé pour les cuissons aubarbecue, mais son usage est très répandu dans les pays pauvres pour les cuissons quotidiennes : un contenant de cuisson (poêle, casserole, faitout) sert alors d'interface entre lesbraises et les aliments. C'est principalement dans les villes des pays du sud que cet usage est très développé. En effet il est possible de cuisiner ainsi sans cheminée sur un simple creuset. En ville, le charbon de bois, léger, est facilement transportable et sa combustion, facile à maîtriser, ne produit pas de fumées salissantes ni trop incommodantes.
Les habitants des campagnes ne l'utilisent pas, car ils disposent de la place nécessaire pour produire les braises. celles-ci sont extraites du foyer pour les cuissons (en faisant un feu de bois, soit directement dehors au sol, soit dans un poêle, soit dans un âtre muni d'unecheminée). La plupart des Occidentaux ont dans la tête les techniques de cuisson au-dessus du feu (chaudron, crémaillère, trépied), mais leurs ancêtres, avant l'ère industrielle, cuisinaient surtout sur la braise (pas dans la cheminée). La technique s'appelait la cuisine aupotager. Cette technique employant des braises pour les mijotages, les confitures, etc., ne salit pas l'extérieur des casseroles.
↑a etbG. Rossier et W. Micuta,Le charbon de bois est-il un combustible satisfaisant ?, Institut pour le Développement des Énergies Renouvelables(lire en ligne).
↑André Corvol,Les forêts d’Occident. Du Moyen Âge à nos jours, Presses universitaires du Midi,,p. 164.
↑Denis Woronoff (dir.),Forges et forêts : recherches sur la consommation proto-industrielle de bois, éditions de l'EHESS,,p. 260-261.
↑Une forge absorbe la coupe réglée d'un domaine de2 000 à3 000 hectares, chiffres qui rendent compte d'une consommation équivalente au produit de50 hectares d'espace forestier par an (en régime régulier de coupe, qui s'accorde à celui de la reproduction des arbres, le rendement moyen est de quelques stères par hectare)[5].
↑Denis Woronoff (dir.),Forges et forêts : recherches sur la consommation proto-industrielle de bois, éditions de l'EHESS,,p. 9–12.
↑Bruno Cinotti, « Évolution des surfaces boisées en France : proposition de reconstitution depuis le début du XIXe siècle »,Revue forestière française,vol. 48,no 6,,p. 547-562(lire en ligne).
↑Benoît Carlier,La forêt pour métier, Ediucagri,,p. 17.
↑Eugène Dejonc et Clément Codron (éditeur scientifique),La mécanique pratique : Guide du mécanicien, procédés de travail, explication méthodique de tout ce qui se voit et se fait en mécanique, Paris, Lucien Laveur,,4eéd., 631 p.(lire en ligne),p. 94–95.
↑M. L. Grüner : Traité de métallurgie, tome premier, agent et appareils métallurgiques, principe de la combustion. 1875, Dunod Éditeur, pages 131, §62 Charbon de bois
↑H. De Heu (ingénieur),Recettes et Procédés pour la Conservation des Aliments contenant les procédés de conservation reconnus les meilleurs et plus de 150 Recettes-types, Jacobs, Bruxelles, 1917,p. 46-47.
Eugène Dejonc et Clément Codron (éditeur scientifique),La mécanique pratique : Guide du mécanicien, procédés de travail, explication méthodique de tout ce qui se voit et se fait en mécanique, Paris, Lucien Laveur,,4eéd., 631 p.(lire en ligne).
M.L. Grüner : Traité de métallurgie, tome premier, agent et appareils métallurgiques, principe de la combustion. 1875, Dunod Editeur
Norme européenne (CEN) : NF EN 1860-2 : Appareils, combustibles solides et allume-barbecue pour la cuisson au barbecue - Partie 2 : charbon de bois et briquettes de charbon de bois pour barbecue - Exigences et méthodes d'essai