Le fleuve et sesaffluents drainent unbassin versant de 1,8 million de kilomètres carrés peuplé par plus de 430 millions d'habitants. Le fleuve traverse lesprovinces duQinghai,Yunnan, Sichuan,Hubei,Hunan,Jiangxi, de l'Anhui et duJiangsu, et ses affluents irriguent également leTibet, leShaanxi, leHenan, leGuizhou, leGuanxi, leGuandong, leFujian et leZhejiang. Depuis plusieurs milliers d'années, il joue un rôle central dans l'économie chinoise et la survie de sa population, par ses bienfaits (voie de transport fluviale et ressources en eau, en particulier pour la culture du riz et les pêcheries) et ses désastres (crues dévastatrices). Les hommes ont tenté depuis plus de quatre mille ans de le maîtriser par des barrages, des réseaux de digues et de canaux, des polders. L'essor fulgurant qu'a connu l'économie chinoise depuis les années 1990 a entraîné la construction d'aménagements gigantesques sur son cours (barrages, canaux d'irrigation, lacs de retenue) dont lebarrage des Trois-Gorges n'est que le plus connu. Mais l'industrialisation croissante du bassin versant, l'artificialisation du fleuve et de ses affluents ainsi que la croissance démographique ont été à l'origine de désastres écologiques en décimant les espèces endémiques. Les responsables chinois tentent désormais de concilier besoins économiques et préservation des écosystèmes.
Le fleuve s'appelait autrefoisJiang Shui ou simplementJiang. Le motShui enchinois classique désignant les fleuves ou rivières en général, etJiang était le nom propre du Yangtsé. Le sens du motJiang s'est élargi depuis, il signifie maintenant « fleuve » en général[note 1]. De nos jours pour les Chinois, c'est leChang Jiang, littéralement le « long fleuve » ou égalementWanli Changjiang, le « Fleuve des dix mille li ». Il est appelé entibétainDri chu (tibétain :འབྲི་ཆུ་, Wylie :bri chu, lit. « rivière de la yack femelle »).
Traditionnellement, chaque partie du fleuve porte un nom propre (en particulier dans lalittérature). Ces différentes appellations sont exposées dans le tableau ci-dessous[2] :
Les différentes sections du fleuve et leur désignation
Carte des sources du Yangtsé sur le plateau tibétain.La rivière Tuotuo.
La localisation précise de la source du Yangtsé est longtemps restée inconnue, initialement à cause de l'absence d'outils de mesure précis, puis du fait de la situation reculée de la région des sources et enfin à cause de la complexité du réseau hydrographique sur leplateau tibétain. Il y a trois à quatre mille ans, le Yangtsé, au débouché desTrois Gorges, pénétrait dans une région occupée par un grand nombre de lacs et marécages qui ont été asséchés par la suite. La population était clairsemée et les habitants n'étaient pas capables de déterminer si le Yangtsé était l'affluent duHan ou l'inverse bien que ledébit moyen du Yangtsé soit dix fois supérieur à celui de son affluent. En effet le cours du Han est à certains endroits très large (1 000 à 2 000 mètres) tandis que le lit du Yangtsé peut s'étrangler à 200 mètres au niveau des Trois Gorges notamment à leur débouché avantYijiang (passe de Nankin). Un chapitre consacré auGrand Yu figurant dans le plus ancien des écrits chinois, leClassique des documents, rédigé sans doute vers 500 avant J.-C., corrige cette erreur mais indique que la source du Yangtsé se situerait dans lesmonts Min et que la rivièreTuotuo (la véritable source) serait un affluent situé plus à l'est. Le fleuveMin va longtemps être considéré comme la source du Yangtsé pour plusieurs raisons : à son confluent àYibin le Yangtsé (Jinsha) a un débit moyen supérieur de seulement un tiers à celui de le Min, sa largeur est généralement inférieure, car le fleuve circule la plupart du temps dans une vallée encaissée (150 à 200 m contre 400 à 1 000 mètres) et son cours n'est pas navigable, contrairement à celui du fleuve Min. C'est le voyageur-géographeXu Xiake (1587-1641) qui établit le premier que le Jinsha constitue le fleuve principal. Une expédition, organisée sous l'empereurKangxi effectue une première reconnaissance de la région des sources sur leplateau tibétain sans toutefois parvenir à identifier précisément l'origine du Yangtsé. Un atlas géographique publié en 1718 consigne ces découvertes. En 1761, Chi Zhaonan décrit de manière détaillée les différents cours d'eau situés dans la région des sources du Yangtsé[5].
La recherche de la véritable source du Yangtsé est relancée à partir des années 1970 lorsque plusieurs expéditions scientifiques chinoises sont organisées. Les trois principaux cours d'eau contribuant à la formation du Yangtsé dans cette partie duplateau tibétain sont leChumar, leTuotuo et leDangqu. La rivière Chumar est rapidement exclue en tant que source, car son débit est le plus faible et elle s'assèche souvent en hiver. Le Dangqu a un débit cinq à six fois plus important que le Tuotuo et sonbassin versant a une superficie plus importante. Mais la commission officielle chinoise retient le Tuotuo comme la source officielle du Yangtsé pour plusieurs raisons : son origine est mieux établie ; la distance à vol d'oiseau de l'estuaire est nettement plus importante ; sa longueur est estimée plus importante d'une vingtaine de kilomètres (mais des mesures effectuées par la suite prouveront que le Dangqu est en fait plus long de 12 km)[6]. D'un point de vue hydrologique, c'est le débit qu'on retient en général, ce qui ferait de la source du Dangqu la véritable source du Yangtsé.
Au niveau de la ville deDongchuan, il part brusquement vers le nord et serpente dans les montsHengduanshan auYunnan, puis commence une inflexion vers l'est où il est rejoint par d'importants affluents (Yalong,Min etJialing) qui le transforment en un gigantesque cours d'eau boueux, tourbillonnant et chargé des déchets et rejets des 120 millions d'habitants et cultivateurs du bassin duSichuan.
La dernière section du cours supérieur, entreYibin etYichang, est longue de 1 040 kilomètres. La pente moyenne est de 2 ‰ et le bassin versant associé a une superficie de 530 000 km2. La largeur dulit du fleuve est comprise généralement entre 200 et 300 mètres dans les sections les plus étroites et 600 à 800 mètres dans les zones de plaines. Il y a de nombreux bancs de sable et parfois le fleuve se divise en plusieurs chenaux. Le fleuve devient navigable. Cette section du fleuve est baptisée Chuan par les Chinois. La caractéristique la plus marquante de cette section est que les principaux affluents du fleuve et peut-être certains affluents secondaires, en particulier ceux de la rive droite, ont été capturés par le Chuan. Avant qu'il ne parvienne à rejoindre la mer de Chine orientale en perçant ce qui est aujourd'hui le défilé des Trois Gorges, le Chuan coulait dans le sens opposé vers le sud-ouest, ce que montre bien l'orientation des affluents principaux au niveau de leur confluent[9].
Au niveau de son confluent avec le fleuveJialing, un de ses principaux affluents, le Yangtsé traverse l'agglomération deChongqing, une des grandes villes de l'intérieur de laChine avec environ 8 millions d'habitants. Cette ville détient également le record des pluies acides pour toute l'Asie orientale, des nuages sulfureux surplombant en permanence les vallées abritées de ce grand centre industriel.
À partir de la ville de Baidi, le fleuve Yangtsé doit se frayer un chemin entre les monts Daba et les monts Wuling. Sur une longueur de 310 kilomètres, il se faufile à trois reprises dans des gorges étroites et profondes taillées dans des roches dures. Entre cesTrois Gorges, le cours du fleuve, qui peut creuser son lit dans des roches plus tendres, s'élargit. Le premier de ces défilés, le plus impressionnant, est la gorge de Qutang, longue de 8 kilomètres. La largeur du fleuve se rétrécit à 100 mètres et il est dominé par des montagnes qui le surplombent de 1 200 mètres. Les gorges de Wu sont une succession de gorges qui s'échelonnent sur 45 kilomètres entreWushan etGuandukou (Badong). Enfin la gorge de Xiling, longue de 66 kilomètres, est comprise entreZigui et le défilé de Nankin, immédiatement en amont de la ville deYichang qui marque la limite inférieure du cours supérieur et l'arrivée dans un paysage de plaines. Xiling est formé d'une série de sept gorges. Cet ensemble de défilés, à cause de ses rapides, limitait fortement la navigabilité du fleuve avant la construction dubarrage des Trois-Gorges, édifié à une vingtaine de kilomètres en amont du défilé de Nankin. Ce barrage gigantesque, inauguré en 2003, le plus grand des barrages jamais construit, retient à pleine capacité un plan d'eau situé 110 mètres plus haut que le fleuve en aval. Le lac de barrage créé ainsi s'étend sur une longueur de 660 km jusqu'à la ville deChongqing et a permis de supprimer les obstacles à la navigation. Une série d'écluses permet à des navires de 10 000 tonnes de franchir le barrage. Les Trois Gorges sont également un site de navigation touristique très fréquenté.
Carte du cours inférieur du Yangtsé et de son estuaire.
Après les Trois Gorges, le fleuve continue sa course vers la côte, mais en s'élargissant et en s'apaisant, car son altitude n'est plus que de 10 mètres et il se trouve encore à 1 600 kilomètres de son embouchure. Il pénètre dans une région de plaines et sa pente devient très faible : 34 mm/km jusqu'à Wuhan et 14 mm/km par la suite. Selon la classification officielle, le cours moyen du Yangtsé débute immédiatement au sortir des gorges en amont deYichang. Le fleuve traverse d'abord la province deHubei baptisée la « province des Mille Lacs » car elle est parsemée de lacs et de méandres abandonnés. De nombreux affluents convergent dans cette plaine. Ce sont d'abord sur sa rive droite leYuan et leXiang, affluents de la rive droite qui se déversent par l'intermédiaire dulac Dongting, puis leHan, son affluent le plus long, qu'il reçoit sur sa rive gauche au niveau de la mégalopole deWuhan. Entre Zhucheng (à une soixantaine de kilomètres en aval de Yichang) et le canal de communication avec le lac Dongting, le cours du fleuve divague fortement. Sur sa rive gauche laplaine Jianghan, une région de production agricole intensive, est sillonnée de milliers de canaux de drainage et les terres sont protégées par un immense réseau de digues. Sur la rive droite, des déversoirs permettent en temps de crue de dériver les eaux excédentaires vers le lac Dongting. Toutefois, celui-ci a vu sa superficie divisée par quatre au cours du siècle passé : les habitants ont progressivement colonisé ses rives en créant des polders, tandis que les dépôts de sédiments arrachés par le fleuve à son cours moyen ont fortement diminué sa capacité d'absorption des crues. Avant l'aménagement dubarrage des Trois-Gorges, le fleuve devenait navigable à partir de Yichang jusqu'à l'estuaire, créant une voie de communication parfaite pour écouler vers l'extérieur les productions locales. Aussi la densité des villes à vocation essentiellement commerciales s'accroît sur le cours du fleuve lui-même (Jinzhou,Shashi,Yueyang etJiujiang) et celui de ses affluents navigables (Changsha etNanchang)[10]. Le fleuve atteint à la hauteur de la mégalopole deWuhan une largeur de deux kilomètres. En aval de Wuhan le Yangtsé reçoit sur sa rive droite les eaux duGan par l'intermédiaire dulac Poyang. La convergence de tous ces affluents depuis Yichang (Yuan,Xiang,Han et Gan) est à l'origine de crues violentes malgré le rôle amortisseur joué par les deux lacs en particulier le lac Dongting dont la superficie peut passer de 6 000 à 20 000 km2, ce qui permet de détourner une partie des eaux excédentaires. Mais malgré la profondeur et la largeur du lit du fleuve, celui-ci ne permet d'écouler qu'environ 46 000 m3/s. Lorsque le débit du fleuve dépasse 75 000 m3/s, comme en 1931, des inondations catastrophiques ont lieu.
L'estuaire du Yangtsé, qui officiellement débute à Xuluijing et s'étire jusqu'à labouée 50 au débouché du fleuve dans lamer de Chine orientale, est long de 182 kilomètres et forme un largedelta. Le cours du fleuve se subdivise une première fois en chenal nord et sud à la hauteur de l'île deChongming. Celle-ci, longue de 32 kilomètres et large de 6,5 kilomètres a été formée par les dépôts alluvionnaires du Yangtsé. La branche sud se subdivise à son tour au niveau des îles deChangxing et deHengsha en chenal nord et sud. À la hauteur de ces îles sur la rive sud, se trouveShanghai, la plus peuplée des villes chinoises et le moteur de son économie. Le fleuve reçoit la rivièreHuangpu qui traverse cette mégapole. Enfin le banc de sable de Jiuduansha entraîne la partition du chenal sud en passage nord et passage sud. Le fleuve se jette dans la mer par quatre chenaux : la branche nord, le chenal nord, le passage nord et le passage sud. Le passage nord constitue la principale voie d'eau pour la navigation au niveau du port de Shanghai. Ces différents chenaux s'étalent sur 90 kilomètres du nord au sud[11].
La partie du delta formé par le fleuve qui n'a pas été occupée par les constructions rassemble des terres agricoles, des lacs, des étangs, d'innombrables îlots et des milliers d'hectares de roselières.
Bassin fluvial du Yangtsé : affluents, principales villes et barrages ayant une puissance installée de plus de 2 000 MW.
Il existe un très grand nombre de lacs sur le bassin du Yangtsé. Leur superficie totale est d'environ 20 000 km2 soit 4 % de celle du bassin versant. Ils sont principalement concentrés sur les cours moyen et inférieur du fleuve (92 % de la superficie totale) notamment avec quatre des cinq plus grands lacs de Chine : lelac Dongting, lelac Poyang, lelac Tai et lelac Chao. Leur superficie a régressé de plus de 30 % depuis 1949 du fait de la conjugaison de plusieurs facteurs : la construction d'ouvrages de contrôle des crues ; un meilleur drainage des terrains ; la lutte contre les parasites vivant dans les eaux stagnantes ; l'envasement ; la progression des terres cultivées par assèchement des rives. La circulation des eaux des principaux lacs, lesquels étaient autrefois directement connectés au fleuve Yangtsé, est désormais bloquée (sauf dans le cas des Dongting et Poyang) par des écluses mises en place à la fin des années 1980. En conséquence les lacs ne peuvent plus jouer avec autant d'efficacité leur rôle d'amortisseur de crues[13]. En 2009, il y avait 46 000 réservoirs construits sur l'ensemble du bassin versant du Yangtsé, représentant une capacité de stockage de250 milliards de m3. Cent soixante-six de ces réservoirs ont à eux seuls une capacité de191 milliards de m3.
Carte des différentes cultures néolithiques ayant existé sur le territoire de la Chine contemporaine.Carte politique de l'époque des royaumes combattants (Ve siècle av. J.-C.).
La civilisation chinoise se développe initialement à partir du cours moyen du fleuve Jaune et s'étend à la Chine du Nord. Mais très rapidement, le fleuve Yangtsé joue un rôle central dans l'histoire de la Chine.
Les premières traces d'activité humaine le long du fleuve remontent à 27 000 ans et ont été découvertes dans la région desTrois Gorges[14]. Laculture de Hemudu etcelle de Majiabang, qui sont les premières à cultiver le riz, occupent les terres autour du Yangtsé inférieur à compter duVe millénaire av. J.-C.[15]. Laculture de Liangzhu qui les remplace à compter duIIIe millénaire av. J.-C. est manifestement influencée parcelle de Longshan qui occupe le cours moyen dufleuve Jaune et crée les premiers éléments de la civilisation chinoise. On sait que les habitants du bassin versant du Yangtsé, les Yue, avaient des coutumes très différentes de leurs voisins du Nord, se noircissant les dents, se tatouant le corps et vivant dans des petits villages entourés de roseaux[16] et qu’ils étaient considérés comme des barbares par leurs voisins du Nord. La vallée du Yangtsé moyen est occupée à l'époque par des cultures néolithiques beaucoup plus sophistiquées[17],[18]. Par la suite ce seront les premières à passer sous l'influence culturelle de la Chine du Nord. La plaineJianghan, que traverse le cours moyen du Yangtsé et qui subit les crues périodiques du fleuve recevant plusieurs de ses grands affluents, est à l'époque occupée par des marécages. Les premiers occupants commencent néanmoins à coloniser cette région dès leNéolithique[19],[18].
Sur le cours inférieur du Yangtsé, deux tribus de Yue, les Gouwu et les Yuyue, entrent dans la sphère d'influence culturelle des Zhou (Chinois du Nord) à compter duIXe siècle av. J.-C. et forment les royaumes deWu et deYue. Leurs habitants sont réputés pour leurs épées, leurs navires et comme pêcheurs. Ils adoptent les institutions politiques, l'écriture en caractères chinois et les technologies militaires de leurs puissants voisins du Nord. L'État de Jing implanté initialement dans le nord de la Chine étend son emprise sur le cours moyen du Yangtsé en progressant le long du fleuveHan, affluent du Yangtsé. Au cours de cette expansion, il prend le nom d'État de Chu[20],[21]. Ayant établi sa capitale au milieu du cours moyen du Han, les dirigeants de l'État de Chu (500 ans avant J.-C.) contribuent à accélérer la colonisation du cours moyen du Yangtsé.
Les États du bassin du Yangtsé jouent un rôle politique croissant dans l'histoire de la Chine durant lapériode des Printemps et Automnes (771-481) etcelle des Royaumes combattants (481-221 av J.C.). Les conflits, qui embrasent la Chine du Nord, s'étendent au bassin du Yangtsé lorsque l'État de Wu pour contrer la puissance croissante de son voisin, l'État de Chu, s'allie à l'État de Jin. Wu parvient en 506 av. J.-C. à saccagerYing, la capitale de son adversaire. Mais Chu s'allie à l'État de Yue et en 473 av. J.-C.,Goujian, le roi de cet État, vainc et annexe l'État de Wu. Il déplace sa capitale dans la ville de Wu dans ce qui est aujourd'hui la ville deSuzhou. En 333 av J.-C., Chu prend le dessus sur son rival et annexe l'État de Yue.
En Chine du Nord, l'État de Qin fondé dans le bassin de larivière Wei, affluent dufleuve Jaune, monte rapidement en puissance en mettant en place une organisation étatique qui s'appuie sur une armée imposante financée par les excédents agricoles. L'État de Qin commence à étendre son territoire au bassin versant du Yangtsé en annexant les États deBa et deShu en 316 av. J.-C. Tous deux sont situés dans leSichuan sur le cours supérieur du Yangtsé. En 278 av. J.-C., Qin, qui achevait la conquête de la Chine du Nord, attaquel'État de Chu qui domine le cours inférieur du Yangtsé et constitue son dernier grand rival. Après sa victoire,Qin Shi Huang fonde le premier Empire chinois[13]. C'est l'État de Qin qui réalise les premiers travaux d'irrigation d'envergure dans le bassin du Yangtsé : lesystème d'irrigation de Dujiangyan créé en 256 avant J.-C. près deChengdu (Sichuan) dérive les eaux de laMin, un affluent du Yangtsé. Il permet d'accroître fortement la production agricole de la plaine environnante. Les ressources excédentaires produites permettent à l'État de Qin de réaliser la campagne d'unification de la Chine. Cet ouvrage, toujours opérationnel 2 260 ans après sa réalisation, est classé aupatrimoine mondial de l'UNESCO en tant que plus ancien ouvrage hydraulique du monde[22]. Après sa victoire, l'empereurQin Shi Huang étend son territoire vers le sud en annexant une grande partie des régions duGuangzhou, duGuangxi et sans doute aussi duFujian, en effectuant une poussée jusqu'àHanoï. Cette conquête est permise par la facilitation du ravitaillement des armées : pour cela, il a fait construire lecanal Lingqu qui met en communication la rivièreXiang, affluent du fleuve Yangtsé, avec la rivièreLi qui fait partie dubassin versant de larivière des Perles et irrigue les territoires ennemis. Ce canal long de 32 km, qui épouse les courbes de niveau du relief, est le premier ouvrage de ce type construit par l'homme[23].
Le territoire de l'Empire est divisé en trente-sixcommanderies[13]. La chute de la dynastie Qin intervient très rapidement (206 av. J.-C.) et l'Empire éclate alors en plusieurs États. Les commanderies du Sud forment le royaume deNanyue dont le territoire comprend leGuandong, leGuangxi et leYunnan tandis que le reste de l'Empire se retrouve divisé en dix-huit royaumes. Très vite, deux puissances en émergent : le royaume duChu occidental, dirigé parXiang Yu et leroyaume de Han dirigé parLiu Bang. La guerre entre le Chu et le Han (206-202 av. J.-C.) les oppose et s'achève par la victoire du Han. Lui Bang se proclame empereur et fonde ladynastie Han. Sous le règne de ces empereurs (206 av. J.-C. - 220 après J.-C.), la région du Yangtsé joue un rôle croissant. Les systèmes d'irrigation, qui avaient commencé à être mis en place sous les Qin sont étendus. Certaines zones inondables sont transformées en terres agricoles et des digues sont construites le long du fleuve, en particulier sur le cours moyen[24], ainsi que le long de ses affluents pour les protéger des crues saisonnières.
À la chute de ladynastie Han, débute la période desTrois Royaumes (220-280 après J.-C,), la Chine éclate en trois États : leroyaume de Wei qui domine le bassin dufleuve Jaune au nord, celui deWu qui s'étend aux cours moyen et inférieur du Yangtsé et leroyaume de Shu centré sur le bassin duSichuan. Les Wu généralisent la pratique dutuntian qui permet de mobiliser de vastes ressources humaines, notamment les réfugiés chassés par les conflits en cours et les soldats désœuvrés, pour transformer des terrains en friche en terres agricoles. Ce système permet de créer les premierspolders dans les zones inondables des cours inférieur et moyen du Yangtsé. Cette organisation sera reprise de manière systématique par les successeurs des Wu. Le royaume initie la mise en valeur dudelta du Yangtsé, une région de marais jusque là impropre à une exploitation agricole, avec les premiers travaux hydrauliques autour dulac Tai. Ce début de mise en valeur est également lié à l'implantation de la capitale àNankin et à l'afflux de réfugiés fuyant les combats dans le nord de la Chine[25].
Sous les dynastiesSui (581-618) etTang (618-907), les ouvrages hydrauliques se multiplient dans la région du lac Tai et à sa périphérie au sud : construction de digues pour protéger des crues du fleuve, mais également de l'envahissement des terres du delta par la mer, construction de réservoirs (bei-tang) pour irriguer les terres durant la saison sèche, construction de canaux destinés selon le cas à drainer ou à irriguer, multiplication des polders (weitian), gagnés sur les hauts fonds lacustres et les terres marécageuses. Le delta du Yangtsé et sa périphérie deviennent une région agricole exportatrice.
Le Yangtsé devient l'artère principale du système de voies fluviales de la Chine de l'intérieur et va le rester jusqu'à la construction du réseau de chemins de fer auXXe siècle. LeGrand Canal qui relie le Yangtsé aufleuve Jaune (1 776 km) est achevé sous ladynastie Sui (581-618) et va être en partie refondu et complété entre 1271 et 1633 pour lui permettre de desservir Pékin. Dans sa partie sud, il traverse le delta du Yangtsé. Il est utilisé principalement pour transporter vers la Chine du Nord les excédents agricoles produits dans le delta. Au plus fort de son utilisation, il est sillonné par 8 000 jonques etsampans[26] qui transportent chaque année environ 300 000 tonnes de marchandises.
La mise en valeur agricole du cours moyen du Yangtsé est beaucoup plus tardive. Elle se fait principalement auXIIe siècle sous ladynastie des Song du Sud et est parachevée sous les dynastiesMing etQing qui en font à leur tour une région agricole clé de l'Empire chinois. Deux régions agricoles importantes sont ainsi créées. Le bassin du Nanyang au nord duHubei où dominent les digues (di) et enceintes (yan). Les principaux ouvrages sont les systèmes d’irrigation de Liumenyan et Hongquebei et la canalisation de la rivière Bai (affluent duHan) qui permet de créer une liaison fluviale entre Pékin et le moyen Yangtsé. La deuxième région est la plaine des deux lacs (Dongting etPoyang) une zone dépressionnaire qui était jusqu'à cette époque un immense marécage sillonné par de multiples cours d'eau. Les aménagements effectués se traduisent par la création d'un ensemble de lacs et la création de polders protégés par des digues circulaires (weiyuan)[27].
Sur le plan politique, le Yangtsé, trop large pour être franchi par un pont devient une frontière naturelle qui sépare la Chine du nord de celle du sud. Le fleuve joue ce rôle de frontière en particulier durant lesdynasties du Nord et du Sud (420-589) et à l'époque desSong du Sud (1127-1279). De nombreuses batailles ont lieu le long du fleuve, la plus connue étant labataille de la Falaise rouge (208) à l'époque desTrois Royaumes. Durant les guerres entre les dynastiesJin etSong, plusieurs batailles navales ont lieu sur le fleuve. Les plus connues sont labataille de Caishi (1161) qui permet aux Song de repousser l'invasion des Jin et labataille de Tangdao qui a lieu la même année.
Sous ladynastie Song (960-1279 960-1279), le bassin versant du Yangtsé inférieur (leJiangnan) devient la région la plus prospère du territoire chinois et fournit entre un tiers et la moitié des revenus du pays. La région du cours moyen autour deWuhan, le Janghan, devient à son tour un important grenier à céréales à compter de ladynastie de Ming (1368-1644)[28].
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Larévolte des Taiping, un grand soulèvement populaire, balaie entre 1851 et 1864 le bassin versant des cours inférieur et moyen du Yangtsé. Son origine est multifactorielle : forte croissance démographique, série de catastrophes naturelles (crues des principaux fleuves), pression fiscale et incompétence des gouvernants. Les insurgés occupentNankin en 1853 dont ils font leur capitale et prennent rapidement le contrôle de l'ensemble du bassin versant du fleuve jusqu'àWuhan mais ils échouent dans leurs tentatives de conquérirShanghai,Pékin et le cours supérieur du Yangtsé. C'est seulement en 1864 que les Qin parviennent à reprendre Nankin et à vaincre les principales armées de la rébellion. Le bilan de la révolte sur le plan humain est terrible : 20 à 30 millions de morts et 30 millions de fugitifs[29]. Les villes et les régions de l'intérieur sont désertées au profit des villes côtières comme Shanghai, dont la population connaît une croissance exponentielle.
Les premiersbateaux à vapeur à circuler sur le Yangtsé sont des navires anglais armés qui viennent appuyer les troupes britanniques au cours de lapremière guerre de l'opium qui oppose leRoyaume-Uni à la Chine. Letraité de Tien-Tsin (1858) impose à la Chine notamment la libre circulation de bateaux de commerce et militaires européens sur le Yangtsé et l'ouverture au commerce international de plusieurs ports situés sur ce fleuve :Hankou etNankin dans un premier temps puisWuhan etJiujiang une fois que les Qing ont reconquis les territoires occupés par larévolte des Taiping[30]. Un premier armateur britannique, la « China Navigation Company », est créé en 1876 pour transporter marchandises et passagers le long du cours du fleuve. Des armateurs chinois créent leurs propres flottes de navires à vapeur qui remontent le fleuve jusqu'à Yichang à 1 600 kilomètres de l'embouchure. Les navires océaniques parviennent à remonter jusqu'àHankou à 1 000 kilomètres de l'embouchure tandis que les300 premiers kilomètres du fleuve sont accessibles par n'importe quel navire de haute mer de l'époque.
Avec l’arrivée au pouvoir deDeng Xiaoping en 1979, les dirigeants chinois adoptent une politique d’ouverture (kaifang) qui est d'abord testée dans le Sud de la Chine (« zone économique spéciale de Shenzhen »). Elle est ensuite progressivement étendue au bassin du Yangtsé à compter de 1990, d'abord dans le delta (nouvelle zone dePudong àShanghai) puis à l'intérieur des terres[27].
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Le Yangtsé est la voie navigable la plus vitale pour l'économie chinoise. Il est également crucial pour la chaîne d'approvisionnement mondiale[31].
En août 2022, la baisse du niveau du Yangtsé révèle d’anciennes statues bouddhistes. L’ensemble du bassin du fleuve est concerné par cette sécheresse exceptionnelle : Le cours du Yangtsé serait descendu à son plus bas niveau depuis 150 ans selon certains spécialistes, dans le sud mais aussi dans le centre du pays[32]. Cette sécheresse record a contraint de grandes entreprises à suspendre leurs activités. Milieu août, la province duSichuan a suspendu ou limité l'alimentation électrique de milliers d'usines et rationné l'utilisation publique de l'électricité en raison de la pénurie.Toyota,Foxconn etTesla font partie des entreprises qui auraient temporairement suspendu leurs activités dans certaines usines[31]. Le débit d'eau sur le cours principal du fleuve est inférieur de plus de 50 % à la moyenne des cinq dernières années. Les routes maritimes dans les sections médiane et inférieure ont également été fermées[31].
Le Yangtsé est un fleuve typique des régions soumises au régime de lamousson avec des précipitations concentrées durant l'été et un minimum durant l'hiver. 70 % du bassin fluvial du Yangtsé étant situé dans des régions de hautes montagnes ou de collines, les phénomènes d'érosion et de ravinement généré par les crues éclairs sont omniprésents. En conséquence le fleuve transporte une proportion importante de sédiments[33].
Les précipitations sont réparties de manière inégale au cours de l'année[35] :
la saison humide débute en mars sur les cours supérieurs des fleuvesXiang etGan ;
la saison des pluies s'étend sur tout le bassin fluvial du fleuve en avril à l'exception du cours supérieur (Jinsha), des cours supérieurs des affluents occidentaux au nord du Yangtsé et du cours supérieur et moyen du Han ;
en mai, la saison des pluies est limitée aux bassins fluviaux des fleuves Xiang et Gan ;
de mi-juin à début juillet, les cours moyens et inférieur du Yangtsé sont en pleine saison des pluies ;
de mi-juillet à août, les pluies affectent le cours supérieur du Yangtsé et au nord du fleuve ainsi que les cours et supérieur du Han. À cette époque de l'année, les régions des cours moyen et inférieur du Yangtsé ainsi que le Sichuan oriental subissent un régime anticyclonique qui engendre des températures élevées et peut entraîner des périodes de sécheresse intense ;
en septembre les pluies se déplacent vers le sud au niveau du cours moyen et inférieur du Yangtsé. La zone pluvieuse quitte le Sichuan occidental pour le Sichuan oriental et le bassin du Han. Les pluies automnales affectent le Yalong, des portions du fleuve Dadu, le cours supérieur du Yangtsé, la Jialing, la plus grande partie du Wu et du Qing et les cours moyen et supérieur du Han ainsi que le delta du Yangtsé ;
la saison des pluies s'achève sur l'ensemble du bassin vers octobre-novembre.
Précipitations annuelles moyennes sur le bassin versant du Yangtsé.
Températures annuelles moyennes sur le bassin versant du Yangtsé.
Carte dulac Dongting : celui-ci joue un rôle central dans la dérivation des crues du Yangtsé, mais sa superficie a été fortement réduite par lespolders créés au fil des siècles.
Enjuin 2020, la crue a atteint un record datant de 1940. Au, les eaux sont montées cinq mètres au-dessus du niveau habituel dans lexian de Qijiang de la municipalité deChongqing. Selon la direction nationale des situations d’urgence, plus de onze millions de personnes dans vingt-quatre provinces du Sud de la Chine ont été affectées par ces inondations dues à de fortes pluies, un demi-million ont été évacuées, 9 300 bâtiments ont été détruits, le tout causant une perte économique de24 milliards deyuans (3 milliards d’euros). Au moins39 personnes sont mortes ou ont été portées disparues[38].
Le bassin versant du Yangtsé avec son système de lacs forme un ensemble d’habitats aquatiques très variés qui a permis à de nombreux types d'espèces d'y vivre. On trouve 370 espèces de poissons ce qui place le fleuve au premier rang parmi les fleuves asiatiques. Sur ces 370 espèces, 294 sont des poissons d'eau douce, 22 vivent dans des eaux saumâtres, 9 sont des espèces circulant entre la mer et le fleuve et 45 sont des espèces marines. 142 de ces espèces sont endémiques (vivent uniquement dans le bassin fluvial du Yangtsé) dont 112 vivent sur le cours supérieur du fleuve, 21 sur le cours moyen et inférieur et 9 sur l'ensemble du bassin versant. 188 espèces vivent uniquement dans la Réserve naturelle des espèces de poisson endémiques du cours supérieur du Yangtsé. Neuf d'entre elles figurent sur la liste des espèces à protéger, dont trois au niveau maximal (niveau I) : l'esturgeon chinois, l'esturgeon du Yang Tsé et l'espadon de Chine, espèce emblématique du fleuve déclarée éteinte[40],[41] en 2020. Six espèces bénéficient d'une protection de niveau inférieur (niveau II) : letaimin du Sichuan (de la famille dusaumon), laloche de Chine,sinocyclocheilus grahami, leDali schizothoracin, lagrande anguille marbrée et letrachidermus fasciatus[42].
Les caractéristiques de certaines des espèces spécifiques au bassin versant du Yangtsé sont détaillées ci-dessous :
leCoreius heterodon vit sur le cours moyen et inférieur du Yangtsé et ses affluents
leCoreius Zeniest un poisson typique du cours supérieur du Yangtsé et de ses affluents dont la présence est un bon indicateur de la qualité des eaux. Il aime les eaux agitées et se nourrit de mollusques et coquillages ainsi que de débris de plantes.
L'esturgeon chinois était présent sur l'ensemble du cours du Yangtsé et sur les cours inférieurs de ses affluents. Victime des activités humaines, il n'en reste plus qu'un très petit nombre.
ledauphin du Yangtsé : sa disparition a été constatée officiellement à la fin du dernier trimestre 2007.
Bien que son aire de répartition se soit considérablement réduite, on trouve par endroits l'alligator de Chine dans certaines zones du delta du fleuve.
Le bassin fluvial du Yangtsé abrite également 145 espèces d'amphibiens dont 49 ne vivent que dans cette région. La plupart de ces dernières se trouvent sur le cours supérieur du fleuve ainsi que ses affluents. Cinq de ces espèces sont inscrites sur une liste dont la conservation est suivie par l'état chinois : lasalamandre géante de Chine, le triton bosselé de Guizhou, le triton bosselé noir et lecrapaud buffle asiatique. 62 espèces d'amphibiens sont considérées comme menacées. Les cours moyen et inférieur du Yangtsé offrent des environnements particulièrement favorables aux amphibiens, mais le milieu naturel y a été en grande partie détruit ou fragmenté entraînant le déclin des espèces qui y vivaient[43].
Profil en long du cours supérieur du Yangtsé et principaux barrages construits ou en cours de construction.Lebarrage des Trois-Gorges plus grand barrage du monde.
L'équipement de la Chine en barrages hydroélectriques débute en 1912. Jusqu'en 1949, la guerre civile ainsi que le conflit avec le Japon freinent la réalisation de ces ouvrages et les seuls barrages d'une taille significative sont construits par l'occupant japonais dans le nord de la Chine. Après la victoire du parti communiste chinois en 1949, la priorité est donnée à l'irrigation par rapport à la production d'électricité pour faire face à la forte croissance de la population qui atteint583 millions d'habitants en 1953. Dans un contexte politique très agité (notammentrévolution culturelle), plusieurs grands barrages sont construits entre 1960 et 1979 sur les affluents du Yangtsé : barrage de Zhexi sur le fleuveZi en 1962 (947 MW), barrage de Danjiangkou sur le fleuveHan en 1973 (900 MW) et barrage de Wujiangdu sur le fleuveWu en 1979. À compter desannées 1980, les dirigeants chinois optent pour une politique d'ouverture et de privatisation partielle. LaBanque mondiale et la banque pour le développement en Asie ainsi que des gouvernements étrangers consentent des prêts qui permettent de lancer des projets de centrales hydroélectriques ambitieux[44].
Les principaux barrages hormis ceux desTrois-Gorges deGezhouba et leGoupitan (construit sur l'affluentWu) sont installés sur le cours supérieur du fleuve Yangtsé (Jinsha) et sur ses premiers grands affluents qui descendent comme lui du plateau tibétain : leYalong et leDadu affluent duMin. Les plus importants sont :
Le pont de Wuhan (1957), premier pont ayant franchi le fleuve Yangtsé.
Durant plusieurs millénaires et jusqu'au milieu duXXe siècle, aucun pont ne franchissait le Yangtsé entreYibin et l'embouchure du fleuve àShanghai, soit sur près de 3 000 kilomètres. Le fleuve, du fait de sa largeur, constituait une barrière physique séparant laChine du Nord de laChine du Sud. Pour traverser, les voyageurs et les marchandises devaient emprunter desferrys. Ainsi les passagers des deux artères ferroviaires principales du pays reliantPékin àCanton d'une part et Pékin à Shanghai d'autre part devaient quitter leur train respectivement àWuhan etNankin pour franchir le fleuve à bord de ferrys avant de poursuivre leur trajet ferroviaire jusqu'à leur destination. À la suite de la prise de pouvoir des communistes en 1949, les dirigeants chinois font appel aux ingénieurs soviétiques pour concevoir et construire lepont de Wuhan à usage mixte ferroviaire/routier. La construction débute en 1955. Celui-ci devient le premier pont à franchir le Yangtsé en 1957 supprimant la rupture de charge sur la ligne de chemin de fer Pékin-Canton. Il est suivi par un pont ferroviaire à voie unique construit àChongqing (1959) puis par lepont de Nankin à usage mixte qui permet à partir de 1968 d'établir la continuité de la ligne ferroviaire Pékin-Shanghai et qui est marqué au cours de sa construction par larupture des relations entre la Chine et l'Union soviétique. Par la suite les ingénieurs chinois devront se passer de l'assistance des Soviétiques. Durant la décennie 1980, le rythme de construction des ouvrages de franchissement du Yangtsé ralentit, mais il reprend vigoureusement dans les années 1990 et se poursuit depuis. Désormais le fleuve est franchi par des dizaines d'ouvrages, dont certains établissent des records comme lepont suspendu de Jiangyin (portée 1 385 mètres) inauguré en 1999, lepont suspendu de Runyang (portée 1 490 mètres) achevé en 2005 et lepont à haubans de Sutong (portée 1 088 mètres) inauguré en 2008.
Ponts sur le Yangtsé
Le pont de Jiujiang est un pont à trois arcs achevé en 1992.
Leprojet de transfert d'eaux sud-nord (en chinois 南水北调工程 ; enpinyin : Nánshuǐ Běidiào Gōngchéng) est évoqué dans les années 1960 par Mao : son objectif est de détourner une partie des eaux du Yangtsé et de ses affluents pour fournir de l'eau au nord de la Chine. Il ne prend corps qu'au début des années 2000. Ce gigantesque projet comprend la construction de trois ensembles de canalisations pour amener l'eau vers le nord :
Le projet, qui devrait être achevé dans son ensemble en 2050, devrait détourner 45 milliards de mètres cubes d’eau à l'horizon 2050 par an soit environ 1 400 m3/s (pratiquement l'équivalent du débit duRhône à son embouchure)[48]. En 2014 sa mise en œuvre avait déjà coûté 79 milliards d'US$[49].
Le projet a un impact humain et écologique. Pour surélever le barrage du barrage du Danjiangkou, il a fallu déplacer 345 000 personnes qui occupaient des terrains désormais sous les eaux. Les prélèvements sur le Han pourraient menacer les ressources en eau de la région traversée par ce fleuve et il est question de prélever une fraction des eaux du barrage des trois gorges pour le transférer dans le barrage du Danjiangkou[47].
En, des experts chinois ont publié des rapports alarmants sur l'état de lapollution du fleuve. L'approvisionnement eneau potable de l'agglomération deShanghai pourrait devenir problématique si aucune solution n'est trouvée. L'autre problème concerne le nombre d'espèces animales peuplant les rives du fleuve : leur nombre est passéde 126 au milieu desannées 1980à 52en 2002.
Le tiers de la pollution proviendrait desengrais chimiques, despesticides et des rejets agricoles, le reste venant desvilles, du secteurindustriel et desbateaux. D'ailleurs ces eaux sont considérées comme les plusturbides de la planète, avec un transport de sédiments qui est estimé à680 millions de tonnes par an[50].
Bien qu'il alimente 40 % du territoire chinois et fournisse l'eau nécessaire à 70 % de la production rizicole,25 milliards de tonnes d'eaux souillées urbaines et industrielles y sont déversées chaque année[39].
Les barrages et retenues d'eau perturbent l'écoulement du fleuve et son écosystème[52].
Les sédiments transportés par le fleuve jouent un rôle central dans le maintien du lit du fleuve, la relation du fleuve avec ses lacs et la formation de son estuaire. Les barrages et les réservoirs modifient le processus de transport des sédiments ce qui affecte directement le cours du Yangtsé et l'habitat des organismes aquatiques[53].
Xiaofan Tao,Le Yangzi, du fleuve à la région ? Les recompositions spatiales de l’urbain et les politiques d’aménagementd’un grand bassin hydrographique (thèse géographie Université Panthéon-Sorbonne - Paris I), Archives ouvertes,, 620 p.(lire en ligne).
Lescours d'eau entre parenthèses ne sont pas des affluents directs du Yangzi mais des affluents d'affluents. Les affluents majeurs (débit) sonten gras.