Chabaka est un roi deNapata et pharaon de laXXVe dynastie, de 705 à 690 AEC[1]. Il est le frère dePiânkhy et successeur de son neveuChabataka. Son successeur est son neveuTaharqa, et son filsTanoutamon sera le successeur de ce dernier[2].
Pendant longtemps, Chabataka a été considéré comme le successeur de Chabaka. Mais la position a évolué et le consensus scientifique pense maintenant qu'il est son prédécesseur[3]. La possibilité d'une permutation entre les règnes de Chabaka et de Chabataka avait déjà été suggérée par Brunet[4], et Joe Baker a exposé neuf raisons pour ce renversement[5]. Mais c'est Michael Bányai, en 2013[6],[7], qui a publié pour la première fois dans une revue grand public de nombreux arguments en faveur d'une telle inversion. Après lui, Frédéric Payraudeau[8] et Gerard P. F. Broekman[9] ont indépendamment développé l'hypothèse. Le chercheur allemand Karl Jansen Winkeln a également approuvé la succession Chabataka - Chabaka[10].
Les preuves archéologiques découvertes en 2016/2017 par Claus Jurman confirment l'ordre de succession Chabataka - Chabaka. L'article GM 251 (2017) de Gerard Broekman le montre, puisque le bord supérieur de l'inscription NLR#30 de l'an 2 du quai de Karnak de Chabaka a été gravé sur le côté gauche du bord inférieur de l'inscription NLR#33 de l'an 3 de Chabataka[11]. Le réexamen par l'égyptologue Claus Jurman des inscriptions du quai de Karnak de Chabataka et de Chabaka en 2016 et 2017 a démontré de manière concluante que Chabataka a régné avant Chabaka. Il a confirmé les arguments de Broekman selon lesquels l'inscription dutexte du Nil de Chabataka a été gravée avant l'inscription de Chabaka.
Selon Joe Baker[5] et Frédéric Payraudeau[8], ladivine adoratrice d'AmonChepenoupet Ire était encore en vie sous le règne de Chabataka. Elle est en effet représentée en train d'accomplir des rites et décrite comme « vivante » dans les parties de la chapelle Osiris-Héqadjet construite sous son règne (mur et extérieur de la porte)[12],[8]. Dans le reste de la pièce, c'estAmenardis Ire, la sœur dePiânkhy et de Chabaka, qui est représentée avec le titre dedivine adoratrice d'Amon et pourvue d'un nom de couronnement. La successionChepenoupet Ire -Amenardis Ire en tant quedivines adoratrices d'Amon s'est donc faite sous le règne de Chabataka. Ce détail suffit à lui seul à montrer que le règne de Chabaka ne peut pas précéder celui de Chabataka[8].
A El-Kourrou, la tombe de Chabataka (Ku. 18) ressemble à celle dePiânkhy (Ku. 17), tandis que celle de Chabaka (Ku. 15) est similaire à celle deTaharqa (Nu. 1) et deTanoutamon (Ku. 16)[13],[14],[15],[8]. Les caractéristiques architecturales des pyramides royales koushites d'El-Kourrou constituent l'une des preuves les plus solides que Chabaka a régné après Chabataka. Seules les pyramides de Piânkhy (Ku 17) et de Chabataka (Ku 18) présentent des chambres funéraires en coupe ouverte avec un toit en encorbellement, alors que les pyramides de Chabaka (Ku 15), de Taharqa (Nu 1) et de Tanoutamon (Ku 16), de même que toutes les pyramides royales ultérieures d'El-Kourrou et deNouri, présentent des sous-structures de chambres funéraires entièrement creusées dans le sous-sol[13]. La chambre funéraire de la pyramide de Chabaka, entièrement creusée de tunnels et autrefois décorée, constituait clairement une amélioration architecturale, puisqu'elle fut suivie par Taharqa et tous ses successeurs[9].
Sur la statue CG 42204, aujourd'hui conservée auCaire, dugrand prêtre d'AmonHoremakhet (fils de Chabaka), ce dernier se présente comme « fils de roi de Chabaka, justifié, qui l'aime, unique confident du roiTaharqa, justifié, directeur du palais du roi de Haute et Basse-ÉgypteTanoutamon, qu'il vive éternellement »[9]. Cependant, comme l'a noté Baker[5], aucune mention n'est faite du service d'Horemakhet sous Chabataka. Même si Horemakhet n'était qu'un jeune homme sous Chabataka, l'absence de ce roi est étrange puisque l'intention du texte de la statue était de présenter une séquence chronologique des rois qui ont régné pendant la vie d'Horemakhet, chacun de leurs noms étant accompagné d'une référence à la relation qui existait entre le roi mentionné et Horemakhet[9]. L'omission de Chabataka dans la statue d'Horemakhet peut s'expliquer par le fait que Chabataka était déjà mort lorsque Horemakhet naquit sous Chabaka.
Enfin, comme l'a d'abord souligné Baker[5], puis ensuite Payraudeau[8], le papyrus Louvre E 3328c de l'an 2 ou 6 deTaharqa mentionne la vente d'un esclave par son propriétaire qui l'avait acheté en l'an 7 de Chabaka, soit 27 ans plus tôt selon la chronologie traditionnelle Chabaka - Chabataka. Mais si le règne de Chabaka est placé juste avant celui de Taharqa (sans le règne intermédiaire de Chabataka), il y a un écart d'environ dix ans, ce qui est beaucoup plus crédible[8].
L'inscription de Chabataka en l'an 3,1er mois deChémou, jour 5, dans le relevé du niveau du Nil numéro 33, a été considérée par certains chercheurs comme le signe d'une corégence entre Chabaka et Chabataka. Ce texte mentionne que Chabataka est apparu (ḫꜥj) àThèbes en tant que roi dans letemple d'Amon àKarnak où « Amon lui a donné la couronne avec deux uraei commeHorus sur le trône de Rê », légitimant ainsi sa royauté[16]. Jürgen von Beckerath soutient dans un article en 1993 que l'inscription enregistre à la fois le couronnement officiel de Chabataka et la toute première apparition du roi lui-même en Égypte, en comparant cette inscription avec le texte n° 30 du niveau du Nil[17]. Si cela se confirme, cela prouvera que Chabataka a réellement été le corégent de Chabaka pendant deux ans.
Kenneth Kitchen observe cependant que le verbeḫꜥj (apparaître) s'applique à toute manifestation officielle du roi lors de ses apparitions publiques[18]. Il souligne également que la période entourant le premier mois deChémou (jours 1 à 5) marque la date d'une fête d'Amon-Rê à Karnak qui est bien attestée pendant leNouvel Empire, laXXIIe dynastie et jusqu'à lapériode ptolémaïque[18]. Ainsi, au cours de la troisième année de Chabataka, cette fête d'Amon a manifestement coïncidé avec l'inondation du Nil et à une visite personnelle de Chabataka au temple d'Amon, mais en aucun cas à un couronnement en Égypte après deux ans de règne en Nubie en corégence avec Chabaka[18]. William Murnane approuve également cette interprétation, en notant que le texte du Nil de Chabataka de l'an 3 n'a pas besoin de faire référence à une accession ou à un couronnement du tout. Il semble plutôt enregistrer uneapparition de Chabataka dans le temple d'Amon au cours de sa troisième année et reconnaître l'influence du dieu dans l'obtention de sa première apparition en tant que roi[19]. En d'autres termes, Chabataka était déjà roi d'Égypte et le but de sa visite à Karnak était de recevoir et d'enregistrer pour la postérité la légitimation officielle de son règne par le dieu Amon. Par conséquent, les preuves d'une éventuelle corégence entre Chabaka et Chabataka sont pour l'instant illusoires.
Dans un article important publié en 2006, Dan'el Kahn a également examiné attentivement mais rejeté les arguments contre une division du royaume de laXXVe dynastie sous le règne de Chabaka, celui-ci régnant en Basse et Haute-Égypte et Chabataka agissant en tant que corégent junior ou vice-roi de Chabaka en Nubie[20]. Kahn note qu'il n'y a toujours eu qu'un seul roi nubien régnant sur l'ensemble du territoire de laXXVe dynastie, comprenant à la fois l'Égypte et la Nubie. Les problèmes de communication et de contrôle n'ont pas empêché le roi koushite d'être le chef suprême de ce vaste territoire[20]. Kahn souligne que lastèle des victoires de Piânkhy indique qu'il ne fallait que trente-neuf jours pour se rendre en bateau deNapata àThèbes, tandis que la stèle d'adoption deNitocris Ire montre que le temps de parcours entreMemphis (ou peut-êtreTanis) et Thèbes en bateau (environ 700 km ou plus pour Tanis) est de seulement seize jours[20].
On peut ajouter qu'une telle corégence de deux ans, avec un roi Chabaka senior et un roi Chabataka junior, va à l'encontre de la succession aujourd'hui admise Chabataka - Chabaka.
Dans le domaine religieux, Chabaka continue l’œuvre dePiânkhy et prône le retour aux valeurs traditionnelles. ÀKarnak, il restaure la fonction degrand prêtre d'Amon, tombée en désuétude, et y installe son filsHoremakhet. La fonction de grand prêtre trouve une nouvelle dimension ; son pouvoir est divisé par celui, politique, desdivines adoratrices d'Amon. Il redonne toute liberté aux différents cultes liés aux divinités égyptiennes. Il honore lui-même les dieux àMemphis et àThèbes.
Scellé d'argile avec les empreintes des sceaux de Chabaka et du roi assyrienSennachérib, trouvée àNinive.
Les relations internationales de l'Égypte à cette époque concernent principalement l'Assyrie et la régionlevantine. En effet, alors que Chabataka avait prudemment livré au roi assyrien un certain Inamani, qui était devenu le dirigeant d'Ashdod à la suite d'une révolte et s'était réfugié à la cour koushite après la répression qui s'ensuivit, il semble que les relations entre l'Égypte de Chabaka et l'Assyrie aient été tendues[25].
En effet, le roiÉzéchias deJuda ainsi que les rois de Tyr et d'Édom se sont révoltés. Ils participent à une coalition anti-assyrienne soutenue par le roi koushite.Sennachérib, le roi d'Assyrie, après avoir maté une révolte babylonienne en 703 av. J.-C, intervient au Levant pour y rétablir la souveraineté assyrienne. Les sources (assyriennes et bibliques principalement) diffèrent sur le déroulement des évènements, ce qui rend difficile la compréhension de ces derniers. La campagne (à moins qu'il y en ait eu deux) conduit à unaffrontement(en) entre les Assyriens et les coalisés levantins, vers 701 av. J.-C[25]. Ces derniers sont peut-être soutenus par des troupes koushites commandées parTaharqa.Sennachérib se retire, et l'Égypte connaît une période de répit de plusieurs décennies. Les problèmes ne réapparaissant qu'en 679 av. J.-C, sous le règne deTaharqa[26].
Le roi est également actif àMemphis. Des blocs portant son nom ont été trouvés près de la porte sud dutemple de Ptah. AuSérapéum, son nom est inscrit à l'encre sur une petite stèle trouvée dans un contexte archéologique troublé, près de la chambre funéraire de l'Apis enterré à la fin du règne deBakenranef. Dans cette chambre, le nom de Chabataka a également été retrouvé (cette stèle a contribué à la confusion de l'ordre de succession entre Chabaka et Chabataka)[27]. Chabaka est également le commanditaire de lapierre de Chabaka qui se trouve auBritish Museum : lors d'une visite autemple de Ptah, Chabaka découvre avec horreur que les vers se sont attaqués aupapyrus sacré, où sont relatés l'accession d'Horus au trône d'Égypte et le mythe memphite dudieu créateur. Il donne alors l'ordre de graver sur-le-champ le texte restant, sur un bloc debasalte noir. Les textes gravés dateraient de l'époque ramesside[28].
La fin de son règne est mal connue. Il se peut qu'il y ait eu des troubles ; c'est en tout cas ce que laissent entendre lestextes de Manéthon, qui indiquent queTaharqa, le successeur de Chabaka, a conquis le pouvoir par la force et tué son prédécesseur. Toujours est-il que Chabaka ne semble pas avoir subi dedamnatio memoriae, bien que la pratique koushite soit inconnue en la matière[29]. À la mort de Chabaka, son neveuTaharqa, frère cadet de son prédécesseurChabataka, lui succède. Son filsTanoutamon ne deviendra roi qu'après Taharqa[1].
Chabaka est enterré àEl-Kourrou, sous lapyramide référencée « KU 15 », dans la nécropole royale. Le plan de sa tombe montre une évolution par rapport à celle de Piânkhy et de Chabataka. Le caveau, voûté, est en effet creusé dans le sous-sol de la pyramide. Lesouchebtis du roi montrent une réapparition de formules duLivre des morts. Comme pour ses deux prédécesseurs Piânkhy et Chabataka, sa tombe a été accompagnée d'une inhumation de chevaux, référencée « KU 201 »[28].
La famille du roi est relativement mal connue[28]. Il serait le frère d'Amenardis Ire, et donc par conséquent le fils deKachta et dePabatjma, et le frère dePiânkhy[21].
La reine consort de Chabaka étaitQalhata, selon les documents assyriens, une sœur deTaharqa, ce qu'elle ne revendique pas dans sa tombe[30]. Chabaka et Qalhata sont les parents du roiTanoutamon[21],[31].
Il est possible que la reine Tabekenamun ait été l'épouse de Chabaka[32]. Certains pensent qu'elle est l'épouse de Taharqa[31].
Le fils de Chabaka,Horemakhet, devient grand prêtre d'Amon et est connu par une statue et un fragment de statue trouvés à Karnak[30],[31]. Une femme nomméeMesbet est mentionnée sur le sarcophage d'Horemakhet et pourrait être sa mère[32].
Chabaka est le père d'au moins deux autres enfants, mais l'identité de leur mère n'est pas connue :
Piânkharty devient plus tard l'épouse de son (demi-)frèreTanoutamon ; elle est représentée avec lui sur la stèle du Rêve[31] ;
Isetemkhebyt a probablement aussi épouséTanoutamon ; elle est enterrée à Abydos, en Égypte[30],[31].
Gerard P. F. Broekman,The order of succession between Shabaka and Shabataka; A different view on the chronology of the Twenty-fifth Dynasty, GM,,chap. 245.
Gerard P. F. Broekman,Genealogical considerations regarding the kings of the Twenty-fifth Dynasty in Egypt, GM,,chap. 251.
Karl Jansen-Winkeln, « Beiträge zur Geschichte der Dritten Zwischenzeit »,Journal of Egyptian History,no 10,.
Georges Legrain, « Le temple et les chapelles d’Osiris à Karnak. Le temple d’Osiris-Hiq-Djeto, partie éthiopienne »,RecTrav,no 22,.
László Török, « The Royal Crowns of Kush: A Study in Middle Nile Valley Regalia and Iconography in the 1st Millennia B. C. and A.D. »,Cambridge Monographs in African Archaeology, Oxford,no 18,.