Quercus désigne le « chêne » en latin (cf. italienquercia « chêne ») etilex, « le chêne vert ou yeuse » en latin[2].
Le termeyeuse ([jœz]) est issu de l'occitaneuse qui désigne le « chêne vert », lui-même issu d’elex, variante d’ilex[3],[4] ; du suffixe indo-européen -ilu,« couleur de boue, foncé, noirâtre »[5].
La racinelatinequercus remonte à l'indo-européen*perkʷus, mot lié sur un plan mythologique au nom de l'orage (cf. lituanienPerkunias « dieu de l'orage »). Le même étymon indo-européen est aussi à l'origine des termes germaniques : vieux haut allemandforha > allemandFöhre, sorte de sapin, anglo-saxonfurh « sapin » (l'anglais modernefir « sapin » est un emprunt au vieux scandinavefyra) et gothiquefairɧus « monde » (c'est-à-dire « arbre du monde » dans la mythologie germanique cf.Yggdrasil).
L'indo-européen*perkʷus - devenu*kwerkʷus dans les langues italiques, d'où latinquercus - explique aussi le nom de laforêt hercynienne (Hercynia silva) par dérivation lexicale*perkʷu-nia >*perkunia >hercunia. La chute de [p] initial de*perkunia >[h]ercunia est propre au celtique : le radicalerc- « chêne » étant d'ailleurs attesté en gaulois, en toponymie et en anthroponymie, ex. :Erco-lana « plaine des chênes » etArgonne de*Arcuna, variante de*Ercuna[6].
Le motchêne est issu dugaulois *cassanos, par l'intermédiaire d'une formegallo-romane*CASSANU. Ce mot, attesté par lebas latincassinus et lelatin médiévalcasnus, est à l'origine de l'ancien françaischasne, dont les formeschaisne,chesne ainsi que les variantes dialectalescaisne,quesne, etc.
C'est un arbre de 20 à 30 m de haut. Selon laclassification de Raunkier, il fait partie desPhanérophytes (mésophanérophytes). Son feuillage est persistant. L'arbre a une longévité de 200 à 2 000 ans. Il fait partie des plantesmonoïques. La floraison s'étend d'avril à mai. Il estpollinisé spécifiquement par lesinsectes (entomophilie) mais les fruits sont dispersés par de nombreux autresanimaux (zoochorie).
Espècexérophile. Le Chêne vert présente plusieursécotypes en fonction de la sécheresse ambiante. Ainsi la forme de la feuille est adaptée à l'humidité ambiante : en milieu favorable, où l'humidité de l'air n'est pas limitante, il aura des feuilles à limbe presque ovale, tandis qu'en milieu sec, les feuilles seront pour la plupart dentées.
Quercus ilex donne lieu à unpolymorphisme important.
Quercus rotundifolia est considéré par certains auteurs comme une sous-espèce deQuercus ilex, parfois comme une espèce distincte[9].
Les anciennes appellationsQuercus rotundifolia Lam. etQuercus ballota Desf. sont désormais considérées comme une sous-espèce nomméeQuercus ilex subsp. ballota et composée de plusieurs variétés :
var. planifolia : feuilles de 4 cm, planes, rondes, entières ou presque, vert sombre dessus et dessous, glabres sauf quelques poils stellaires dessous ; écorce lisse.
var. ballota : feuilles ovales-elliptiques, 1,5 fois plus longues que larges.
var. parviflora : feuilles lancéolées, entières, de 2-3 × 0,7 cm, à pubescence blanc-jaune.
var. grandifolia : feuilles de 6 × 4 cm ;
var. macrocarpa : très gros glands allongés, comestibles ; Espagne du Sud.
Cette sous-espèce est communément appelée « Chêne vert à glands doux » et est cultivée dans le bassin méditerranéen, en particulier enAlgérie. Elle a les mêmes exigences climatiques que le Chêne vert « standard » et ses fruits, au goût comparable auxchâtaignes, sont d'autant plus doux que le climat est chaud.
Compte tenu de sa bonne résistance aux incendies, le Chêne vert est avec leChêne pubescent une des principales espèces de Chêne utilisées pour lesreboisements artificiels.
Pour lesemis de reboisement, mieux vaut cueillir lesglands plutôt que les récolter au sol. Commencer la cueillette des glands de teinte brune quinze jours après que les premiers glands (généralement tarés) sont tombés au sol. Ne pas conserver les glands en sacs ou autre contenant en plastique. Préférer des sacs de jute ou des contenants en bois ajourés (cagettes). Les glands se conservent au frais et à l'humidité dans du sable pendant deux mois. Pour une conservation plus longue, on peut placer un sac perforé (pas de sac fermé hermétiquement) de glands mélangés à du sable au réfrigérateur entre 1 et 4 °C.
L'idéal est de planter dès la récolte dans un trou de 30 cm ameubli en tous sens. Pour la plantation en masse, on peut utiliser une canne à semer. Le gland est à semer entre 3 et 5 cm de profondeur. Pour protéger le semis des prédateurs (rats, sangliers), on peut placer par-dessus le gland un carré de grillage fin de 20 cm de côté à mailles de 1 cm. Celui-ci pourra être laissé en place et se dégradera avec le temps.
Dans le romanLe Baron perché d'Italo Calvino, le baron Côme Laverse du Rondeau grimpe dans une yeuse et reste toute sa vie dans les arbres sans plus mettre pied à terre, afin de prouver à ses contemporains le vrai sens de la liberté et de l'intelligence.
Dans laPrésentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres,Charles Péguy écrit :
Mais vous apparaissez, reine mystérieuse. Cette pointe là-bas dans le moutonnement Des moissons et des bois et dans le flottement De l’extrême horizon ce n’est point une yeuse.
Dans de très nombreuses cultures, le chêne vert représente la force.
Dans lespays catalans, cela se traduit par différentes traditions. Dans la région deBerga, on faisait passer les enfants sous les branches d'un chêne vert afin qu'il leur transmette sa force vitale. EnRoussillon, on faisait de même, mais pour les protéger du mauvais œil. Enfin, dans lesAlbères, existait une recette pour être heureux en affaires : après avoir cueilli sept glands un dimanche, les avoir fait griller et réduits en poudre, on versait le tout dans une pochette de soie jaune que l'on devait alors garder sur soi[10].
Le Chêne vert (Quercus Ilex L.), arbre de taille moyenne qui dégénère parfois en arbuste, aux feuilles vert terne dont le revers est recouvert d'une laine blanchâtre, est l'arbre forestier prédominant duPéloponnèse ; bien que rarement présent en peuplements non mélangés jusqu'à 1 000 m d'altitude ; ses glands étaient selonCarl Neumann(en) etJoseph Partsch(en), dans leurPhysikalische Geographie von Griechenland de 1885, également consommés par l'homme en Espagne, mais apparemment pas en Grèce ; ils laissent un arrière-goût excessivement amer et astringent ; une seule de ses variétés, le chêne vert à glands doux (Quercus Ballota Desf., ouQuercus rotundifolia), caractérisée par une feuille plus arrondie et légèrement dentée, n'est plus présente que dans quelques endroits du Péloponnèse et des îles ; lapalatabilité légèrement meilleure de ses fruits était louée[11]. Ballota dérive du grec ancienbalanos, gland, et en espagnolBellota est le mot pour gland. Le fruit d'Ilex, mais plus probablement Ballota, a servi grillé de repas dans une scène deDon Quichotte (Première partie, Ch. XI), avec les chevriers[12],[13].
Le nomQuercus Ilex L. (le chêne vert est appeléyeuse, en latinilex) a présenté quelques difficultés étymologiques, dans lesquelles l'éventuelle consommation des glands par les anciens grecs était prise en compte.Isidore dans sesEtymologiae (XVII, 6) tire son nom d'eligere, parce que d'après lui les hommes sauvages avaient choisi le gland pour leur nourriture.Ilex ab electo vocata; huius enim arboris fructum homines primum ad victum sibi elegerunt. Vnde et poeta: (« Ilex tire son nom de electo ; car les hommes choisirent d'abord le fruit de cet arbre pour se nourrir. D'où le poète : ») ;« Mortales primi ructabant gutture glandem. » (« Les premiers mortels recrachèrent le gland de leur gorge ») ;« Priùs enim quàm frumenti ufus effet, antiqui homines glande vixerunt. » (« Avant même que l'usage du blé ne fasse son apparition, les hommes de l'Antiquité vivaient de glands. ») .Gérard Vossius dans sesEtymologicon linguae latinae de 1662 tire le nom d'ilex de l'hébreuelah (enhébreu :אֵלָה), qui, en général, signifie arbre dur, et plus particulièrement le chêne (équivalent du latinrobur)[14] . Cette étymologie, qui tireilex d'electus, est très forcée, fait remarquerCharles de Brosses en 1765 et ne répond pas à l'idée que veut donner Isidore; car, lorsqu'on a nommé une autre espèce de chêne, relativement à la nourriture qu'il fournissait, on l'a tout naturellement appeléesculus (ab esca, manger) comme on a nommé lefoyard,fagus, parce qu'on en mangeait safaine, deφαγεῖν,comedere. manger)[15].
Maria Francesca Cotrufo, Amalia Virzo De Santo, Anna Alfani, Giovanni Bartoli, Annunziata De Cristofaro (1995)Effects of urban heavy metal pollution on organic matter decomposition in Quercus ilex ; L. Woods. Environmental Pollution 89: 81-87 (résumé)