LeLeff,affluent derive droite duTrieux, sert de limite orientale à la commune de Châtelaudren tant enamont qu'enaval de la ville, laquelle s'étend toutefois sur ses deux rives. Cete rivière alimente l'étang de Châtelaudren qui a une superficie de 6 hectares et une profondeur de 2 à 3 mètres.
Le Leff à Châtelaudren.
L'étang de Châtelaudren.
L'étang de Châtelaudren vers 1920.
L'importante chute d'eau située à la sortie de l'étang a été utilisée depuis le Moyen-Âge pour activer des moulins.
Le nom de la localité est attesté sous les formesCastro-Audren en 1198,Castro Audren en 1202,Castrum Audreni en 1212,Castro-Audrein en 1215,Castro Audrain en 1222,Castro Audroin en 1224,Castrum Audrini en 1268,Chastel Audrein en 1288,Castro Audreni en 1371,Chateaulaudren etChastelaudren en 1420,Castro Audren etCastel Audren en 1516[1].
Selon laChronique de Saint Brieuc, son nom viendrait du bretonkastell (château) et d'Audren, un chef légendaire des Bretons d'Armorique monté sur le trône en445, probablement fils deSalomon Ier d'Armorique, qui aurait construit unemotte féodale vers447 entre la ville actuelle et l'étang de Châtelaudren. Audren -Aodren enbreton[2] - est néanmoins très probablement le nom d'un petit seigneur local fondateur de la ville auXIe siècle[3],[4].
Enbreton, le nom de la ville est attesté sous des graphies variées depuis leXVIe siècle jusqu’au milieu duXXe siècle :Castel Audren en 1516,Quastell-Audren en 1732,Kastelaudren en 1872,Kastell-Aodren en 1929[2]...Kastelodren en 1940[5],[1]. Dans la seconde moitié duXXe siècle et au début duXXIe siècle, les deux formes principales usitées du nom sontKastell-Aodren etKastellaodren enlangue bretonne[2]. L’Office public de la langue bretonne préconise l’emploi de la formeKastellaodren, en un seul mot[6]. La forme réduite de proximitéAr C'hastell est également attestée[2], parMarsel Klerg par exemple[1].
Engallo, la prononciation du nom a été rapportée sous la forme « le Châtè » en 1954[7].
La fondation de la forteresse remonte à cette époque ; très vite unprieuré (dépendant de l'abbaye Saint-Magloire de Léhon et érigé en paroisse en1151) et une ville vont naître à l’abri du château. Sa situation au croisement de voies importantes de circulation ainsi que sa position privilégiée sur la rivière leLeff vont favoriser son développement. Elle s'enrichit et devient ainsi une cité de commerce et d’artisanat, dotée d’importantesfoires. La chapelle Notre-Dame-du-Tertre est construite vers1300 (sanef est restaurée vers1400, sonchœur et sonporche agrandis et réaménagés à la fin duXVe siècle, époque de la réalisation desfresques deslambris du chœur et de la chapelle Sainte-Marguerite)[9].
Chatelaudren possédait les maisons nobles suivantes : en1300 Bois-Boessel et les Fosses-Rafflé, à Yves de Bois-Boessel (dont un fils portant le même nom devint évêque de Tréguier, puis de Quimper et enfin de Saint-Malo),moyenne etbasse justice ; en1380 la Ville-Hernault, à François de Rosmarch ; en1440 le Quintillic, à Jean Josom[10].
En1420 le château fut démoli sur ordre du ducJean V, ainsi que plusieurs autres châteaux du comté de Penthièvre pour les punir de s'être révoltés et d'avoir cherché à attenter à ses jours. Le Jean V donne à son frèreArthur de Bretagne les terres,seigneurie etchâtellenie de Châtelaudren. Le leduc François II fit son fils naturel François (qui devintFrançois Ier d'Avaugour) seigneur deClisson et baron des seigneuries d'Avaugour, Châtel-Audren et autres lieux[10].
Châtelaudren était divisé en deux paroisses (l'une, à l'est du Leff, appartenait à l'évêché de Saint-Brieuc ; l'autre, à l'ouest du Leff, dépendait de l'évêché de Tréguier) et avait donc deux églises ; l'église Saint-Magloire, construite entre 1711 et 1730 par le sculpteur Corlay, originaire de la ville, et l'église Notre-Dame-du-Tertre, antérieure et qui devient auXVIIe siècle unprieuré de l'abbaye Saint-Melaine de Rennes. La ville abritait uncouvent desRécollets et unemaladrerie[11].
Châtelaudren était unrelais de poste important et actif sur la route de Rennes à Brest ; des commerces florissants se développent autour et sur la "grande place", (actuelle place de la République), bordée de hautes demeures aux lucarnes remarquables.
Selon Françoise Nabucet[Note 1], témoin oculaire, « Le, lachaussée de l'étang fut emportée par la force des eaux. Il était entre minuit et une heure du matin. (...) L'eau augmenta tellement que le jour même mon père me porta fors la ville, dans la rue Berthou. À cette époque, j'avais douze ans. L'eau paraissait jaillir du sein de la terre, en plus grande quantité que celle qui tombait du ciel. Le lendemain, l'eau atteignit le premier étage des maisons de la place ; toutes les maisons qui séparaient jadis cette place en deux parties furent enlevées par la force du courant. Je me souviens parfaitement qu'une voiture de roulage pesant plus de6 000 kilos, séjournant près de l'actuel hôtel de l'Écu, fut transportée dans les Lingoguets, à plus de 800 mètres de là. (...) Le lendemain et jours suivants, l'eau ne diminuant pas, les morts flottant çà et là ne purent être recueillis que huit ou dix jours après. (...) Quarante furent enterrés dans une seule et même fosse, à Saint-Gilles, hauteur dominant Châtelaudren »[12].
Le même témoin ajoute : « À cette époque il existait une mine d'argent à Rue-Bourgée et au moulin Duval, distant de la ville de deux kilomètres environ ; d'immenses pièces de bois et autres matériaux provenant de cette exploitation, emportés par la force des eaux, heurtant la chaussée, la rompirent. Enfin, l'eau ayant disparu, huit jours après tout état rentré à son état naturel ; seulement la découverte de nombreux cadavres venait à nouveau augmenter la consternation générale. Toute la population alla enactions de grâce àNotre Dame-de-Bon-Secours àGuingamp »[13].
Lors de cette catastrophe la chapelle de l'hôpital fut emportée et l'église paroissiale Saint-Magloire fortement endommagée par les eaux. La ville se retrouva dans une telle pénurie que trente lits et différents objets de première nécessité furent envoyés depuisSaint-Brieuc[14].
L'ancienne mine deplomb argentifère évoquée dans ce témoignage était sur les confins des paroisses dePlélo et dePlouagat, au sud de Châtelaudren, et au lieu nommé larue Bourgeois ou rue Bourgeas. En 1766 un sieur Noiret en était le concessionnaire[15]. Jean-Baptiste Ogée écrit en 1778 que cette mine, découverte en 1762 par le naturalisteValmont de Bomare, alors exploitée depuis une quinzaine d'années, « renferme des cristaux très petits et très durs, desgalennes deplomb grenelées et tissues d'antimoine, et beaucoup d'argent, mais la quantité d'arsenic qu'elle contient a obligé les travailleurs à en abandonner beaucoup d'endroits pour s'attacher à quelques autres où le poison n'est pas si abondant »[16].
Le même auteur précise que les seigneuries de Chatel-Audren, de Perrien (à M. de Perrien) et de Kerdaniel (à M. de Guébriand) disposent du droit dehaute justice, celles de Kermartin (à M. de la Nascol), de Malros (à M. de Sévigné) et de Treguidel (à M. de Tremargat) des droits de moyenne et basse justice[17].
A. Marteville et P. Varin, continuateurs d'Ogée, décrivent ainsi Châtelaudren en 1843 :
« Chatelaudren, ville, ancienne paroisse de ce nom, aujourd'huicure de 2e classe ; chef-lieu de perception, bureau de poste etrelai (...). Superficie totale : 46 hectares 53 ares, dont (...) terres labourables 19 ha, prés et pâturages 5 ha, vergers et jardins 8 ha, étangs 2 ha (...) ; moulins : 2 (ayant entre eux 5 roues). (...) Châtelaudren est à l'extrémité ouest de l'arrondissement de Saint-Brieuc ; ce dernier se termine en effet au pont Notre-Dame. (...). Il y afoires les premiers lundis de février et de juin, le dernier de juillet et le troisième d'octobre ; le lendemain si un de ces jours est férié. Marché le jeudi. Outre un commerce de détail assez actif, consistant en fruits, grains, miel, cire, beurre, etc.., Châtelaudren a deuxtanneries, quelqueschapelleries et uneclouterie. Laroute royalen° 12, dite de Paris à Brest, traverse la ville dans la direction est-ouest. Géologie : constitutiongranitique ;roches amphiboliques dans l'ouest, le nord-est et le sud-est. (...) On parle lebreton et lefrançais[15]. »
Une fabrique de papier est installée par Ravoux au niveau de la chute d'eau de l'étang en 1866, remplaçant les moulins situés là précédemment ; l'usine est modernisée en 1904. C'est là que s'installa par la suite l'imprimerie deséditions de Montsouris en 1922[18].
La décision d'implanter en1922 la filiale duPetit Écho de la mode à Châtelaudren fut motivée par de multiples raisons. L'une d'elles fut, dans la crainte d’une nouvelle guerre avec l'Allemagne, de s’éloigner d’une éventuelle ligne de front et de partir naturellement vers l'Ouest de la France ; une autre raison fut que c'estCharles Huon de Penanster,sénateur des Côtes-du-Nord, qui racheta à Paris en 1880 "Le petit journal de la mode", qui devint " Le petit écho de la mode", édité par lesÉditions de Montsouris ; ce fut son fils Charles Huon de Penanster[Note 2],conseiller général des Côtes-du-Nord, qui décida de transférer l'imprimerie à Châtelaudren laquelle fut développée ensuite par Charles-Marie Huon de Penanster[Note 3], le fils de ce dernier[21].Grâce à cette implantation, à laquelle s'ajoute sa manufacture de patrons-modèles, Châtelaudren devient alors, et jusque dans la décennie 1970, une sorte de seconde capitale de la mode française après Paris[22].
Châtelaudren : la Place de la République vers 1920.
Le, la commune fusionne avecPlouagat pour former la commune nouvelle deChâtelaudren-Plouagat dont la création est actée par un arrêté préfectoral du[23].
L'évolution du nombre d'habitants est connue à travers lesrecensements de la population effectués dans la commune depuis 1793. Pour les communes de moins de 10 000 habitants, une enquête de recensement portant sur toute la population est réalisée tous les cinq ans, les populations de référence des années intermédiaires étant quant à elles estimées par interpolation ou extrapolation[27]. Pour la commune, le premier recensement exhaustif entrant dans le cadre du nouveau dispositif a été réalisé en 2006[28].
En 2016, la commune comptait 1 000 habitants[Note 4], en évolution de −1,96 % par rapport à 2010 (Côtes-d'Armor : +1,78 %,France horsMayotte : +2,11 %).
Église Saint-Magloire : l'église actuelle, qui a remplacé l'église précédente citée dès 1180, a été construite entre 1711 et 1732 ; elle est destyle néo-roman et possède une nef flanquée debas-côtés à trois travées, ainsi qu'un doubletransept, un clocher encastré et un chœur au sein duquel lemaître-autel et sonretable (untriptyque avec des statues de la Vierge et de l'Ange Gabriel), réalisé par Yves Corlay (1700 - 1778), sont inscrits monument historique depuis 1987. L'église abrite aussi deux retables sur les autels latéraux (retables du Saint-Sacrement et de Sainte-Anne) et plusieurs statues intéressantes dont celle de saintGuillaume Pinchon,évêque de Saint-Brieuc[34].
Église Saint-Magloire : façade occidentale.
Église Saint-Magloire : le clocher.
Église Saint-Magloire : statue d'un saint évêque :Guillaume Pinchon.
Olivier Rupérou (25 juin 1763 Châtelaudren - 28 avril 1843 Paris), docteur en droit et sénéchal de Guingamp. Chevalier d'Empire en 1808, il est député des Côtes-du-Nord à l'Assemblée nationale ou Chambre des députés du 25 mai 1815 au 13 juillet 1815, puis du 22 août 1815 au 5 septembre 1816.
Alain Guel (30 janvier 1913 Châtelaudren - 1993 Saint-Brieuc), écrivain, poète, peintre et nationaliste breton. Il fut avecXavier Grall etGlenmor le fondateur du journalLa Nation bretonne. Une plaque commémorative a été apposée sur la façade de sa maison natale, place de la République.
↑Charles-Marie Huon de Penanster, né le au château de Kergrist en Ploubezre, décédé le à Paris (VIe arrondissement).
↑Population municipale de référence en vigueur au 1er janvier 2019, millésimée 2016, définie dans les limites territoriales en vigueur au 1er janvier 2018, date de référence statistique : 1er janvier 2016.
↑Stéphane Morin, « Aux origines de Châtelaudren : réflexion sur l'enracinement de la noblesse en Trégor, Goëlo et Penthièvre (XIe-XIIe siècles) »,Mémoires de la Société d'Histoire et d'archéologie de Bretagne,vol. XCI,, pp.39-50(lire en ligne[PDF], consulté le)
↑William B. S. Smith,De la toponymie bretonne: dictionnaire étymologique, Baltimore (Maryland), Linguistic Society of America at the Waverly Press, Incorporated,, 138 p.,p. 27.,
↑Henri-François Buffet,En Haute-Bretagne. Coutumes et traditions d'Ille-et-Vilaine, des Côtes-du-Nord Gallèses et du Morbihan Gallo, au XIXe siècle, Paris, Librairie Celtique,, 378 p.,p. 359, p. 368, cité par Erwan Vallerie,op. cit., p. 44 (tome 2).
↑a etbA. Marteville et P. Varin,Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne,t. 1, Rennes, Molliex,(lire en ligne), pages 176-177.