Ceuta, d'une superficie de 18,5 km2[3], est constituée en grande partie par le territoire continental, terminé par lapéninsule d'Almina, dominé parMonte Hacho, et au bout de laquelle se trouve laPunta Almina. Le port de Ceuta comme la totalité de la côte nord s'ouvrent sur ledétroit de Gibraltar, pendant que la côte méridionale de la péninsule d'Almina borde lamer d'Alboran. La forme incurvée de la péninsule a permis, grâce à d’importants travaux d’aménagement — longues digues, terre-pleins gagnés sur la mer, quais… — la création d’un appareil portuaire de qualité[4].
Côté terre, la frontière entre l'enclave et le Maroc est matérialisée par un dispositif frontalier renforcé (mur, capteurs de mouvement, caméras, route de patrouille…). Au total, un millier d'hommes, pour les deux tiers issus de la Guardia Civil espagnole, y sont présents en permanence[4].
LaSepta romaine, chrétienne et latine, dure jusqu'à la conquête musulmane, en 709, avec des parenthèses de dominationvandale etbyzantine. Elle appartient à laMaurétanie tingitane et en devient un centre commercial de premier ordre, profitant de sa situation de carrefour méditerranéen.
Les alternances dans la domination sur la ville se reflètent dans la culture prédominante à chaque époque. Sept siècles de domination musulmane effacent presque entièrement les vestigesromains etchrétiens de la ville.
709 : Ceuta est livrée auxOmeyyades par lecomte Julien[7], le gouverneur local de la ville et vassal des Wisigoths de la péninsule Ibérique. Il semblerait qu'il ait trahi Roderic à la mort de Wittiza en 711, au profit du prince d'Agila, en favorisant le passage des troupes musulmanes.
740 : soulèvement berbère dans l'actuel nord du Maroc contre le pouvoir arabe ; les Omeyyades sont massacrés.
789 : la ville est prise par la dynastie desIdrissides (fondateurs de l’État marocain).
931 : la ville, ainsi qu'une partie du nord du Maroc, est prise par lecalifat de Cordoue sousAbd al-Rahman III. À l'instar du reste du califat deCordoue, Ceuta entre dans une période de déclin.
1061 : Suqut al-Bargawati,wali de Tanger et Ceuta, se proclame indépendant.
1084 : la dynastie desAlmoravides s'établit comme le nouveau pouvoir dans la région.Youssef ben Tachfine, premier souverain almoravide et sultan deMarrakech, prend la ville de Ceuta, puis après plusieurs années entreprend la conquête de tous les taïfas d'al-Andalus, repoussant les royaumes chrétiens vers le nord de la péninsule Ibérique.
1147 : Ceuta est prise par le sultanalmohade du Maroc qui conquiert tout le Maghreb et la moitié sud de la Péninsule ibérique.
1212 : défaite de l'empire des Almohades à labataille de Las Navas de Tolosa : les Almohades cèdent leurs territoires ibériques aux Andalous, reconstitution des taïfas. Ceuta reste sous domination du sultan deMarrakech.
1236 : la ville est prise par la dynastie desMérinides, nouvelle dynastie zeneta-musulmane ayantFès comme capitale.
1242 : la ville passe sous le contrôle éphémère de la dynastie desHafsides de Tunis[réf. nécessaire].
1249 : la famille localeazafide expulse les Hafsides, prend le pouvoir à Ceuta et fait allégeance au sultan deFès.
1291 : signature dutraité de Monteagudo entre les royaumes deCastille et d'Aragon. Les deux royaumes se partagent les zones d'influence sur la Méditerranée : dans le traité Ceuta reviendrait à la Castille.
1309 : la ville est reprise par le sultan de Fès avec l'aide duroyaume d'Aragon : les Azafides sont de nouveau nomméswalis de Ceuta par le sultan marocain.
1340 : le sultan marocainAbou el-Hassan ben Othman débarque à Ceuta après la défaite de ses troupes à labataille du Salado qui signe la fin des interventions marocaines dans la Péninsule ibérique.
1384 : le royaume nasride de Grenade prend Ceuta.
1387 : Ceuta est reprise par les Mérinides de Fez.
Ceuta, vue depuis le belvédère d'Isabelle II, près de la frontière marocaine.
1415 : lePortugal prend Ceuta à la dynastie mérinide et entame ainsi une vaste campagne d'expéditions coloniales en Afrique :Bataille de Ceuta (1415)[8].
1437 : échec d'une expédition portugaise menée parHenri le Navigateur contreTanger. Une partie du corps expéditionnaire est fait prisonnier et l'infantFerdinand est gardé en otage. Un traité est signé par lequel les Portugais obtiennent de pouvoir partir à condition de rendre Ceuta et de laisser l'infant en otage, pour garantir l'exécution de ce pacte ; mais l'infant meurt en captivité et le pacte n'est pas respecté.
1469 : naissance de l'Espagne moderne à partir de l'union dynastique des Couronnes de Castille et d'Aragon.
1479 : le Portugal et la Castille signent letraité d’Alcáçovas par lequel les deux royaumes se partagent les zones d'influence sur leMaroc, alors sous dominationwattasside ; la Castille y reconnaît Ceuta comme possession portugaise et confirme n'avoir aucun droit historique sur la ville.
1494 :traité de Tordesillas entre le Portugal et l'Espagne ; cette dernière reconnaît de nouveau Ceuta comme possession portugaise.
1509 : l'Espagne et le Portugal signent lacapitulation de Cintra dans laquelle l'Espagne reconnaît n'avoir aucun droit sur les colonies portugaises dans la côte marocaine allant de Ceuta àBoujdour.
1640 : le Portugal recouvre son indépendance mais Ceuta, peuplée par une majorité d'origine espagnole, reste sous la souveraineté espagnole.
1668 : letraité de Lisbonne entre le Portugal et l'Espagne garantit la séparation entre les deux pays, mais au prix de la reconnaissance officielle de l'appartenance de Ceuta à l'Espagne.
1694-1724 : le sultanIsmaïl ben Chérif, de ladynastie alaouite, prend plusieurs villes portugaises et espagnoles sur la côte atlantique de l'actuel Maroc, puis mène un long siège devant Ceuta qui se solde par un échec dû au ravitaillement de la ville par voie de mer depuis la péninsule Ibérique.
1702 : la ville est attaquée par l'Angleterre ; Ceuta résiste maisGibraltar est conquise en 1704. L'Espagne reconnaît la souveraineté britannique sur ce dernier territoire par le secondtraité d'Utrecht (1713) avec le Royaume-Uni.
1808 : les Anglais évacuent l'îlot Persil en 1813 à la demande du roi d'Espagne Ferdinand VII.
1811 : lesCortes de Cadix déclarent que les « presidios menores » ne font pas partie du territoire espagnol et un vote favorable à leur cession obtient la majorité des voix.
1859-1860 : profitant d'un incident aux frontières de la ville et de sa supériorité militaire vis-à-vis de son voisin, l'Espagne déclare la guerre au Maroc (guerre hispano-marocaine), la remporte et élargit les frontières de Ceuta et deMelilla.
1902 : négociations entamées entre leForeign-Office et leMakhzen pour la cession de l'îlot Persil.
1925 : la ville devient indépendante de la province de Cadix.
1936-1939 : guerre d'Espagne dont le soulèvement militaire commence dans le protectorat du Maroc.
1995 : promulgation du statut d'autonomie de la ville, suivant l'aménagement du reste des territoires d'Espagne.
2007 : à la suite de l'annonce officielle de la visite du roiJuan CarlosIer et de la reineSophie à Ceuta etMelilla, le roiMohammed VI du Marocrappelle son ambassadeur en Espagne pour consultations (jusqu'au). Des manifestations de protestation ont lieu au Maroc pendant la visite[9].
La gouvernance décentralisée de la ville repose sur deux organes :
l'Assemblée, constituée de vingt-cinq membres élus pour quatre ans et qui exerce le« pouvoir normatif » ;
leprésident, qui préside le conseil de gouvernement, l'Assemblée et exerce le rôle demaire.
Ceuta ne constitue donc pas une communauté autonome, à l'image de l'Andalousie, mais bénéficie d'institutions spécifiques, hybrides entre celles d'une ville et celles d'une autonomie.
Avant l'entrée de l'Espagne dans ce qui était alors la Communauté européenne, en1986, la ville avait eu le statut deport franc. L'enclave est incluse dans l'Union européenne.
La population, d'origine espagnole et marocaine, comporte près de 45 % demusulmans[10].
Lecastillan,langue officielle de l’État espagnol, est la seule langue officielle de Ceuta (la Cité Autonome de Ceuta ne reconnaît aucune langue co-officielle). Cependant, la population espagnole d'origine européenne et ayant le castillan pourlangue maternelle ne compte que pour 55 % de la population totale. La population d'origine marocaine, qui compte environ 45 % de la population, a pour langue maternelle l'arabe ceutien, appelédariya par le gouvernement espagnol.
Les habitants d'origine européenne sont pour la plupart unilingues, tandis que les musulmans sont la plupart du temps bilingues. Les autres groupes ethno-linguistiques sont peu représentés : lesJuifs parlant lejudéo-espagnol (plus particulièrement lajaquitía), la langue desBerbères, la languesindhi parlée par lesRoms, leportugais et lefrançais[3].
Le secteur tertiaire joue un rôle important dans l’économie de Ceuta. L’agriculture et l’élevage étant rares, la pêche est la seule activité importante dans le secteur primaire. Le relief accidenté et la pénurie d’eau, d’énergie et de matières premières ont empêché le développement de la ville. De même, tant le secteur secondaire comme celui de la construction sont très restreints en raison du prix du foncier de plus en plus cher, bien que ce dernier secteur ait connu un développement remarquable au cours des dernières années. Ceuta, comme Melilla, a un statut de port franc. Elle bénéficie également d’un certain nombre d’avantages fiscaux, tels que des allégements fiscaux.
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Chaque jour, entre 12 000 et 15 000 personnes — majoritairement des femmes marocaines — transportaient des paquets de dizaines de kilos contenant des marchandises de contrebande, qu'elles faisaient passer entre Ceuta et le Maroc. Elles essayaient de traverser la frontière autant de fois que possible dans une même matinée pour gagner en fin de journée l’équivalent de quelques dizaines d’euros[11]. Le métier est considéré comme des plus pénibles. En 2018, deux d’entre elles sont mortes en traversant la frontière et 84 ont été blessées d’après le rapport parlementaire marocain, un chiffre qui sous-estime la réalité selon des ONG espagnoles[11].
Ceuta exportaient chaque année pour sept cents millions d’euros de marchandises au Maroc[11].
Le mercredi 9 octobre 2019 les autorités douanières marocaines de Bab Sebta ont officiellement annoncé leur décision de la fermeture du passage frontalier Tarajal II servant jusque-là au transport des marchandises[12].
La fermeture des postes frontières de Bab Sebta ainsi que celui de Bab Mélilia a contribué à une augmentation des recettes douanières de 4 MMDH (milliards de dirhams) », ce qui a causé de grosses pertes économiques du côté espagnol[13].
À la suite d'une rencontre entre les deux ministres des affaires étrangères marocain et espagnol,Nasser Bourita etJosé Manuel Albares, le mercredi 21 septembre 2022 à New York, en marge de l’assemblée générale annuelle de l’ONU, les deux ministres ont annoncé œuvrer pour la réouverture des douanes courant janvier 2023[14].
Depuis son indépendance en1956, le Maroc revendique cette enclave, tout commeMelilla et les autresPlazas de soberanía, ceci bien que dans le traité de cessation du protectorat il ne fût fait mention des deux enclaves (existantes avant ledit protectorat espagnol) ou comme n'étant pas « continental » car insulaires pour les « présides ». Pour le Maroc, il s'agit d'un vestige du colonialisme et les médias marocains évoquent Ceuta comme « le présideoccupé de Sebta ». L'Espagne considère pour sa part Ceuta comme faisant partie intégrante de son territoire, depuis 1995 en tant que ville autonome ou « autonomie » comme les autres régions espagnoles, et comme partie intégrante du royaume d'Espagne depuis 1580 et 1415 par « rétroactivité hispano-portugaise » comme indiqué dans l'historique ci-dessus.
La souveraineté espagnole sur Ceuta et Melilla n'est reconnue ni par la plupart des pays d'Afrique[15], ni par l'Union africaine[16], ni par l'Organisation de la coopération islamique, ni par laLigue arabe, ni par l'Union du Maghreb arabe. Les pays membres de ces quatre organisations considèrent que l'Espagne doit décoloniser ces territoires et les restituer au Maroc. Ces territoires revendiqués, espagnols ou portugais depuis près de six cents ans, ne font cependant pas partie de la liste desterritoires non-autonomes en attente dedécolonisation de l'ONU. L'Union européenne aide à financer la politique de lutte contre l'immigration clandestine dans cette région, et considère commedépendance européenne les dépendances des États de l'Union (départements et territoires d'outre mer français, dépendances et îles éparses néerlandaises, françaises, danoises, et ici même espagnoles).
Étant les seuls points de passage terrestre direct avec le continent européen, Ceuta et Melilla sont sujettes à un afflux migratoire en provenance duMaghreb et de l'Afrique subsaharienne. Chaque année, des centaines de migrants tentent de traverser la frontière pour se rendre en Espagne.
En, une entrée massive de migrants à Ceuta provoque une augmentation de la tension entre l’Espagne et le Maroc[17].
Dans la nuit du 16 au, des milliers de migrants ont traversé à la nage ou à pied la frontière entre le Maroc et l'Espagne. Plus de huit mille, dont beaucoup d'hommes jeunes, des femmes et des mineurs. Cette crise migratoire, sans précédent pour l'Espagne, aurait été orchestrée par le Maroc[18],[19] alors que les relations entre les deux pays se sont envenimées depuis l'accueil, fin avril 2021, en Espagne du chef des indépendantistes sahraouis duFront Polisario,Brahim Ghali, pour y être soigné duCovid-19. Ennemi du Maroc, il est notamment accusé par Fadel Breika, un opposant politique sahraoui, de « détention illégale », « tortures » et « lèse-humanité »[20].
↑L'origine de Julien n'est pas connue avec certitude, divers historiens espagnols soutiennent les possibilités qu'elle soit berbère, wisigothe ou byzantine, tandis que les sources arabes affirment qu'elle était certainement byzantine, et que Ceuta etTanger étaient les derniers bastions de l'Empire byzantin en Afrique du Nord.
↑Georg Braun et Franz Hogenberg ; directeur de publication Stephan Füssel... ; directed and produced by Benedikt Taschen ; [avant-propos de Rem Koolhaas],Villes du monde = Civitates orbis terrarum : des gravures révolutionnent l'image du monde : 230 planches coloriées, 1572-1617, Köln, Taschen,, 741 p.(ISBN9783836556408),p. 220
↑« Crise des migrants à Ceuta : il est temps de sortir d’une certaine naïveté dans le regard porté sur le Maroc »,Le Monde.fr,(lire en ligne, consulté le).
↑« King Muhammad of Morocco weaponises migration »,The Economist,(ISSN0013-0613,lire en ligne, consulté le).
« Mérinides et Watassides : La conquête de Ceuta par le Portugal et le début de l'expansionnisme ibérique au Maroc », dansMichel Abitbol,Histoire du Maroc, Paris,Perrin,[détail de l’édition],p. 133-135
François Papet-Périn,La mer d'Alboran ou Le contentieux territorial hispano-marocain sur les deux bornes européennes de Ceuta et Melilla (1 thèse de doctorat d'histoire contemporaine soutenue en 2012 à Paris 1-Sorbonne sous la direction de Pierre Vermeren).