Lacathédrale Notre-Dame de Tournai est un édifice religieuxcatholique sis au cœur du centre historique de la ville deTournai, enBelgique. Elle est le siège dudiocèse de Tournai et le seul bâtiment de culte belge construit dès l’origine commecathédrale. Chef-d'œuvre dugothique scaldien, ce monument est, par l'alliance harmonieuse des stylesroman etgothique, par sa taille[1] et son architecture caractéristique, un des témoins les plus impressionnants de l'art d'Occident. Elle fait partie dupatrimoine majeur de Wallonieet est classée depuis l'an 2000 aupatrimoine mondial de l'UNESCO.
Située sur une légère élévation en bordure del’Escaut, au cœur du centre historique deTournai, la cathédrale repose sur un sol meuble et humide, ce qui expose ses fondations à des risques de remontées capillaires. Ce contexte géologique particulier, conjugué à un climat régional marqué par une forte humidité et des variations thermiques modérées, accentue les phénomènes de dégradation des matériaux de construction tels que la pierre bleue (érosion, fissuration), les couvertures métalliques (infiltrations), et les parements en pierre (colonisation biologique).
La proximité immédiate d’autres monuments classés (beffroi,hôtel de ville,Pont des Trous), la densité du tissu urbain médiéval et le fort afflux touristique contribuent à une pression urbaine constante (pollution atmosphérique, vibrations mécaniques, contraintes d’accessibilité).
En 532,saint Médard, quatorzièmeévêque de Noyon qui, en 531, avait déplacé son siège épiscopal deSaint-Quentin à Noyon, fut élu évêque de Tournai. Il unit ainsi les deux diocèses qui le resteront jusqu'en 1146, lorsque le papeEugène III les sépara de nouveau.
Au début duXIIe siècle, le développement du culte de Notre-Dame, la prospérité de la ville, et peut-être le désir de hâter la séparation desdiocèses deTournai etNoyon, poussèrent à la construction de l'actuelle cathédrale, la troisième. La construction se fit suivant une progression d’ouest en est, de la nef vers le chœur. Les charpentes furent réalisées de 1142 à 1150.
En 1146, l'évêché de Tournai fut séparé de celui de Noyon par décision du papeEugène III.
En 1243, cependant, l'évêqueGauthier de Marvis entreprit la reconstruction duchœur. On procéda à la démolition de l'ancien chœur roman pour faire place au chœurgothique actuel, construit en style rayonnant. En 1255 eut lieu la dédicace de ce nouveau chœur, directement inspiré de ceux d'Amiens et deSoissons. De taille impressionnante, sa longueur équivaut à celle de lanef et dutranseptromans réunis.
La tornade du révéla la fragilité structurelle de la cathédrale. Après des mesures visant à sa stabilisation, la ville de Tournai, Ideta, la Province de Hainaut et l'Évêché ont établi ensemble un projet de revitalisation de l'édifice et de son quartier afin de redéployer économiquement la Cité des Cinq Clochers grâce à ses atouts culturels et patrimoniaux.
Le transept restauré, en 2024.
Le, une violente tornade cause d'importants dégâts matériels à la cathédrale Notre-Dame, révélant un déséquilibre dont souffrait l'édifice et particulièrement la tour Brunin située au nord-ouest de lacroisée du transept. Dès l'année 2000, on procéda à des travaux d'urgence mais provisoires, afin de soutenir le chœur gothique et de renforcer lescontreforts de la tour afin de la stabiliser. Étant donné l'ampleur des travaux à réaliser, la Province de Hainaut décida de créer la Fondation Cathédrale Notre-Dame, afin de récolter les fonds nécessaires à une grande restauration[2],[3].
En, une équipe de spécialistes en restauration a remis un schéma directeur de restauration à la Région Wallonne. Ce schéma directeur devrait permettre de prendre des décisions optimales pour le devenir culturel et touristique de ce grand monument, tout en lui assurant une bonne rentabilité économique à long terme. Une longue restauration débute, qui devrait durer des années, voire plusieurs décennies. Ce chantier ne doit cependant pas être considéré comme un grand malheur. Historiquement en effet, presque toutes les cathédrales ont parfaitement fonctionné en même temps que l'on procédait à de grands travaux de construction, de reconstruction, de modernisation et d'adaptations importantes. C'est aussi l'occasion de mener des fouilles archéologiques, qui permettront de mieux comprendre l'histoire du bâtiment depuis la fin de l'Antiquité jusqu'à la construction de l'actuelle cathédrale. Bien sûr, il faudra veiller à assurer le maintien du culte dans des conditions optimales, ainsi que l'accès de l'édifice au public, fidèles ou visiteurs.[1]
Le projet de restauration est coordonné par l’architecte Vincent Brunelle, mandaté à la suite d’un appel d’offres européen. Il mobilise une équipe pluridisciplinaire (architectes, ingénieurs, restaurateurs, archéologues) sous la supervision d’un comité de pilotage rassemblant laRégion wallonne, la Ville de Tournai, laProvince de Hainaut, l’Évêché, ainsi que des experts del’ICOMOS et del’UNESCO.
Les interventions suivent les principes de restauration définis par laCharte de Venise : réversibilité, lisibilité, compatibilité des matériaux et minimalisme d’intervention. Les voûtes, portails romans, vitraux, peintures murales et couvertures ont fait l’objet d’opérations ciblées fondées sur une documentation rigoureuse.
Depuis 2011, un plan de gestion spécifique encadre toutes les interventions sur la cathédrale, conformément aux exigences del’UNESCO. Il implique un comité scientifique, un comité de gestion, le SPW Patrimoine (Service public de Wallonie), la Ville de Tournai et la cellule UNESCO régionale.
Toute intervention, même à proximité, doit faire l’objet d’une étude d’impact patrimonial et être validée par les instances concernées. Ces exigences garantissent la préservation de la valeur universelle exceptionnelle (VUE) du site, notamment sa co-visibilité avec les autres monuments de la ville et l’intégrité de son tissu bâti.
Tout au long des travaux, la cathédrale reste partiellement accessible au public grâce à des dispositifs spécifiques. Un programme de médiation accompagne le chantier : visites guidées, expositions pédagogiques, panneaux explicatifs et projection du documentaire De la pierre au ciel.
En 2023, le projet d'une passerelle contemporaine a été pensé pour relier le Carré Janson à la galerie nord de la nef. Conçue dans le respect du bâti ancien, cette passerelle repose sur des appuis réversibles et se distingue par son plancher en métal perforé et ses garde-corps. Elle réactive symboliquement un ancien passage disparu entre la cathédrale et l’Hôtel des Anciens Prêtres.
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Vue générale de la cathédrale en direction du nord. À droite (à l'est) : le chœur gothique. On remarque l'importance des verrières du clair étage (19 énormes fenêtres). Le faîte du toit atteint près de 50 mètres.
Cinq hautes tours romanes surplombent Notre-Dame de Tournai. Elles sont à peu près d'égale hauteur : 83 mètres. Ces tours, qui couronnent la croisée du transept, annoncent déjà l'art gothique et donnent à la cathédrale une majesté tout à fait exceptionnelle.
La croisée du transept est surmontée d'une imposantetour-lanterne carrée. Pour supporter son poids, quatre énormes piliers la soutiennent, encadrant la croisée. Cette tour est coiffée d'un toit pyramidal octogonal orné de quatrepyramidions disposés aux quatre angles du toit.
Restauration des tours, en 2016.
Cette robuste tour centrale est flanquée de quatre autres tours de même hauteur, disposées aux quatre angles formés par le croisement des deux vaisseaux, c'est-à-dire de part et d'autre de la naissance des deux croisillons ou bras du transept. Ceci donne à la cathédrale la forme très rare de croix potencée. Ces quatre tours majestueuses, de forme très élancée, sont, comme la tour-lanterne, surmontées d'un toit pyramidal, mais à quatre pans cette fois.
À l'est, du côté du chœur, se trouvent la tour Saint-Jean et la tour Marie.Cette dernière est ainsi nommée parce qu'elle héberge le bourdon de la cathédrale, appelé Marie-Pontoise. Ces deux tours sont purement romanes, à l'inverse des tours occidentales, ce qui implique qu'elles furent terminées avantces dernières.
À l'ouest, du côté de la nef, se dressent les tours Brunin (au nord) et de la Treille (au sud). Ces deux tours, romanes elles aussi, ont néanmoins des baies supérieures gothiques. La tour Brunin donne accès à l'ancienne prison du Chapitre. Elle aurait hérité du nom du premier occupant decette dernière. La tour de la Treille évoquerait la fabrication du vin qui se faisait à sa base.
La nef romane en direction de l'est, avec ses colonnes massives. Au fond, le jubé, puis le chœur, dont on aperçoit les voûtes gothiques. Photographie de 1909.
La nefromane, avec l'amorce de deux tours en façade, sesbas-côtés et sestribunes, est la partie la plus ancienne de l'édifice ; on la date aujourd'hui de la fin duXIe siècle ou de la première partie duXIIe siècle. À l'exemple des grandes églises anglo-normandes, elle se caractérise par son élévation à quatre étages : rez-de-chaussée, tribunes,triforium aveugle, clair étage. Seules les voûtes des bas-côtés sont d'époque ; celles des tribunes datent duXVIIe siècle, celle de la nef a remplacé un grand plafond plat auXVIIIe siècle. Il est impossible de ne pas être frappé par l'ampleur de cette partie du monument comme par ses proportions harmonieuses et son ordonnance originale ; son décor sculpté, un des plus riches deBelgique, retient aussi l'attention de tous les amateurs d'art qui admirent la beauté des portes « Mantile » et « du Capitole » ainsi que les centaines dechapiteaux différents qui ornent les colonnes de l'édifice. Ceux-ci sont dotés de motifs végétaux, ou d'une décoration animale voire humaine. Ils étaient, au départ, tous polychromes. L'ensemble de la nef était à l'époque peint de couleurs vives. Des traces de couleurs sont d'ailleurs encore visibles en de nombreux endroits.
On remarque l'importante épaisseur des murs qui entourent le narthex. À cet endroit en effet, le projet primitif prévoyait deux tours. Plus tardivement on leur préféra l'ensemble de quatre tours qui forment couronne autour de latour-lanterne centrale qui surplombe lacroisée du transept.
Croisée du transept, depuis le sud, en 2017. À gauche, la nef. À droite, le jubé et le chœur. Au fond, le bras nord du transept.
Letransept, sans avoir l'unité et l'harmonie de la nef, impressionne par ses proportions ; il est long de 67 mètres, large de 14 mètres (autant que le transept gothique deNotre-Dame de Paris), et laclef de voûte de satour-lanterne s'élève à près de 50 mètres du sol.
Cette partie de la cathédrale, probablement commencée en même temps que la nef, a été remaniée dans la seconde partie duXIIe siècle : on a voulu construire plus haut et l'on a terminé les bras du transept par uneabside circulaire qui atteste l'influence française.
À lui seul, ce transept est une église dans l'ensemble de la cathédrale.
Lechœur de la cathédrale peut être qualifié de gigantesque.Il faut savoir qu'à l'époque de sa construction, le diocèse de Tournai était très étendu et très peuplé, et englobait une bonne partie ducomté de Flandre dont les villes deBruges,Gand et deLille[5], ce qui justifiait une cathédrale gothique vaste et majestueuse. Tournai fut ainsi pendant des siècles la capitale religieuse de la Flandre.
Le jubé, devant le choeur, en 2019, durant les travaux de restauration.
À l'entrée du chœur gothique, lejubé crée non seulement une séparation entre les parties romanes et gothiques de la cathédrale, mais il sépare aussi la partie du sanctuaire réservée au clergé de celle réservée aux fidèles dans l'église.
Les jubés, appelés aussiambons ouchancels, remontent aux premiers siècles chrétiens. Au début, ils n'étaient qu'une sorte de barrière. À partir duVIIe siècle, ils se doublent dechaires pour la lectures des textes sacrés et de tribunes pour les chantres. Le mot jubé provient de la formule latineJube Domine benedicere (« Veuillez, Seigneur, me bénir ») prononcée le clerc qui demande la bénédiction de l'évêque avant de monter à la tribune.
Les jubés se sont transformés progressivement en cloisons, derrière lesquelles se célébrait en latin une liturgie que beaucoup de fidèles ne comprennent plus et à laquelle ils se sentent étrangers. Cette situation érodait les convictions et la piété des fidèles. Il est dès lors fort compréhensible que les nouveaux mouvements réformateurs et contestataires duXVIe siècle (protestantisme), désireux de renouer avec la foi authentique des premiers chrétiens, leur déclarent la guerre. Ainsi le jubé gothique de la cathédrale de Tournai fut-il abattu par lesiconoclastes en 1566.
Quelques années plus tard, les troubles s'étant apaisés, lechapitre deschanoines fit reconstruire ce jubé par le sculpteurCorneille Floris de Vriendt dans un style nouveau. Celui-ci s'inspira de la tradition desarcs de triomphe romains à la mode à cette époque de la Renaissance. L'influence italienne y est évidente par le type de matériaux utilisés, les différentes teintes et les formes des personnages enstuc.
Le nouveau jubé, terminé en 1572, est constitué de trois arcades en plein cintre posées sur des colonnesdoriques en marbre rouge et deschapiteaux noirs. Il comporte trois belles statues d'albâtre : une Vierge à l'Enfant occupe le centreet est entourée desaint Piat, premier évangélisateur de Tournai, et desaint Éleuthère, un des premiers évêques de la ville.
La salle du trésor abrite une collection remarquable d'œuvres« prestigieuses par leur ancienneté, leur beauté, leur qualité, leur rang dans l'histoire de l'art en Belgique et en Europe, par la place qu'elles occupent, depuis des siècles, dans l'histoire de Tournai[6]. »
La châsse de Notre-Dame, commandée par l'évêqueÉtienne (1192-1203), est unreliquaire long de 126 cm, large de 70 cm et haut de 90 cm. Elle a été réalisée entre 1200 et 1205 parNicolas de Verdun, un orfèvre de grande renommée et auteur de plusieurs réalisations exceptionnelles qui se trouvent à Vienne et à Cologne. Le« coffre en chêne est entièrement recouvert de métal rehaussé d'émaux, de vernis brun, de pierreries, de cristal de roche. [Cette châsse] constitue une anthologie presque complète de tous les procédés que les orfèvres ont exploités au Moyen Âge : technique durepoussé, de lacoulée, de l'estampage, de lagravure, de laciselure, dufiligrane, du vernis brun, de l'émaillerie[7]. » Une inscription latine au bas de la châsse indique le nom de l'orfèvre et précise que celui-ci a utilisé 109marcs d'argent (26,677 kg) et 6 marcs d'or (1,468 kg).
La châsse, qui a subi des dommages au cours des siècles, a été restaurée en 1889-1890 : réfection des parties manquantes et remise en place des figurines dans l'ordonnance initiale, qui avait été modifiée auXVIIIe siècle[9].
↑La presque totalité de la province belge de Flandre Orientale dépendait de l'évêque de Tournai. La Flandre occidentale actuelle était alors répartie entre deux évêchés :Thérouanne administrait la partie occidentale de ce territoire et Tournai la partie orientale. Ce n'est que le 12 mai 1559 que le papePaul IV créa les évêchés deBruges et deGand. En outre un évêché fut établi àYpres.Jusqu'à cette date de 1559, la frontière orientale du diocèse de Tournai était grosso modo constituée par l'Escaut. À l'est de ce fleuve s'étendait le diocèse de Cambrai qui remontait jusqu'au nord de la ville d'Anvers et intégrait ainsi Valenciennes, Mons, Bruxelles, Malines et Anvers.
Idesbald Le Maistre d'Anstaing,Recherches sur l'histoire et l'architecture de l'église cathédrale de Notre-Dame de Tournai. Deux tomes, Tournai : Massart et Janssens, 1842-1843 (lire en ligne le tome 1,lire en ligne le tome 2)