Lacathédrale Notre-Dame de Strasbourg (enalsacien de Strasbourg :Liebfråiminschter z'Stroosburi ouStroosburjer Minschter ; enallemand:Liebfrauenmünster zu Straßburg ouStraßburger Münster) est unecathédralegothique située àStrasbourg, enAlsace.
Fondée en1015 sur les vestiges d’une précédentecathédrale, elle est élevée à partir de1220 par laville impériale libre de Strasbourg, richerépublique marchande et financière, dans le stylegothique[2], et est pratiquement achevée en1365. Elle a la particularité d’avoir vu l’espace entre ses deux tours comblé en1388 et se reconnaît à sonclocher unique, surmonté d’uneflèche qui lui a été ajoutée en1439. Entre 1647 et 1874, pendant plus de deux siècles, elle futle plus haut édifice du monde avec ses cent quarante-deux mètres de hauteur. Elle demeure la deuxième cathédrale la plus élevée deFrance aprèsRouen et la cinquième du monde[3],[4].
À l’inverse de beaucoup d’autres cathédrales, peu de démolitions ont été effectuées afin de dégager la perspective sur l’édifice. La cathédrale de Strasbourg a ainsi la particularité de rester enchâssée dans le bâti environnant, avec unparvis de faible superficie n’offrant qu’un faible recul par rapport à la monumentalité de la façade[7].
AuMoyen Âge, l’édifice se trouve au cœur d’unquartier cathédral de fait, c’est-à-dire qui n’est pas matérialisé par des fortifications comme àBéziers ou un alignement de bâtiments comme lecloître Notre-Dame de Chartres, mais par le regroupement des bâtiments communautaires dans le périmètre proche de la cathédrale[8]. À l’emplacement dugrand séminaire se trouve ainsi à cette époque leBruderhof, siège du grandchapitre, tandis que du côté sud se situent leBischofshof, le château de l’évêque, et leFronhof, la cour des corvées, toujours matérialisés par la place du Château, le Palais Rohan et la Maison de l’Œuvre Notre-Dame[9]. Enfin du côté nord, dans larue du Dôme, se trouvent leGürtlerhof, siège du grand chœur, une sorte de chapitre parallèle et les résidences d’un grand nombre de prêtres[10]. Bien que sa trace reste visible dans le bâti, le quartier cathédral s’est progressivement désagrégé à partir de la fin du Moyen Âge avec l’éloignement progressif des résidences deschanoines et de l’évêque[11]
Des preuves plus concrètes de l’existence d’une cathédrale apparaissent à partir duVIIIe siècle. En 728, l’évêqueRemi en consacre lemaître autel àMarie, et son testament de 778 mentionne également la construction d’unecrypte, bien qu’il ne soit pas certain que cet édifice soit en lien avec la cathédrale, que l’archéologie n’a pu localiser[16],[17]. Par ailleurs,Ermold le Noir décrit en 826 une vision ayant eu lieu quelques décennies plus tôt, en 755, et ayant pour cadre la cathédrale. Le texte, qui évoque uneprocession passant par plusieurs autels, ainsi qu’unecuve baptismale située dans l’église, a donné lieu à plusieurs interprétations sur la forme de l’édifice : Hans Reinhardt etRoland Recht y voient la description d’une église à deuxchœurs opposés, similaire à l’église abbatiale de Saint-Gall, tandis que pourEdmond Faral, Robert Will etFrançois-Jacques Himly il n’y aurait qu’un seul chœur, auquel seraient accolées deuxabsidioles[13],[18]. Si les textes ne précisent pas les dommages subis par la cathédrale lors du siège de Strasbourg par Charles le Simple en 913, ils sont en revanche plus disserts sur celui de 1002 : cette année-là, pour se venger de l’évêqueWerner qui n’a pas soutenu sa candidature au trône deGermanie, le duc d’AlsaceHermann II s’empare de la ville, ses troupes pillant et incendiant alors la cathédrale[19]. Il est possible que Werner se soit contenté dans un premier temps de réparer l’édifice existant, Jacques Twinger mentionnant un nouvel incendie en 1007. Ce dernier a pour conséquence la destruction totale de la cathédrale, et la construction d’une nouvelle égliseex nihilo[20].
La date du début du chantier de cette nouvelle cathédrale n’est pas connue avec précision, mais un passage desAnnales de Marbach, rédigé vers 1190, indique qu’en 1015 « le monastère de Sainte-Marie s’éleva pour la première fois au-dessus de ses fondations ». De la même manière, aucun texte n’indique la date de la fin de la construction, mais celle-ci était probablement terminée au plus tard en 1140[21],[22]. La cathédraleottonienne est de dimensions exceptionnelles (110 m de long, sa nef atteignant une hauteur de 27 m), ce qui en fait une plus grandes églises de l'empire germanique à une époque où la population strasbourgeoise est évaluée à 2 000 habitants. Elle sert« de modèle à des constructions d'importance majeure, comme les abbatialesde Limburg etde Reichenau-Mittelzell. Surtout, elle est à l'origine d'un important groupe de façades romanes à deux tours, dont les exemples se rencontrent dans toute la région du Rhin supérieur[23] ».
Le jour de Noël 1074, une partie de l’édifice s’effondre pendant une tempête : bien que les textes ne précisent pas quelle partie a été touchée, il pourrait s’agir d’une tour surmontant le chevet, la crypte, et donc probablement l’ensemble de l’abside, étant reconstruite à la fin duXIe siècle[24]. LeXIIe siècle est ensuite marqué par de nombreux incendies, en 1136, 1140, 1150 et 1176 ; une source tardive évoque un autre incendie en 1142, mais cela semble être une erreur[25]. Certains de ces sinistres, dont il est souvent difficile de mesurer l’ampleur, ont pu entraîner des modifications importantes de l’édifice. Ainsi, celui de 1136 semble avoir entraîné la reconstruction complète des parties occidentales et celui de 1150 des transformations de grande ampleur dans la crypte et letransept[26]. C’est toutefois l’incendie de 1176 qui va avoir le plus de conséquences, puisque dès son accession au trône épiscopal en 1180, Henri de Hasenbourg décide de reconstruire totalement l’édifice, en commençant par lechevet[27].
L’emprise au sol de la cathédrale de Werner est bien connue, l’édifice gothique ayant réutilisé ses fondations, et montre qu’il s’agit d’un édifice d’une ampleur considérable, l’un des plus vastes de lachrétienté au moment de sa construction. Son plan est identique à celui de la cathédrale actuelle : un chevet rectangulaire massif auquel était accolé un large transept, suivi d’unenef à troisvaisseaux se terminant à l’ouest par un massif de façade rectangulaire ouvrant sur l’extérieur par unporche[21]. L’aspect en élévation de cette cathédrale est en revanche presque totalement inconnu et ne peut faire l’objet que d’hypothèses de restitution basées sur des édifices similaires. Parmi ceux-ci, l’église abbatiale de Limbourg est probablement une copie à échelle réduite de la cathédrale strasbourgeoise et permet de se faire une idée de son apparence[28].
La vue du mur ouest du bras sud du transept[note 1] montre le passage du roman au gothique : à gauche, le style roman, avec petite fenêtre à arc en plein cintre sous une frise à modillons ; à droite, le style gothique, avec une grande fenêtre ogivale sous une frise à feuillages[29].La tête desarc-boutants gothiques à simple volée est allégée par le percement d'unoculusquadrilobé et est soutenue par une haute colonnette isolée,posée en délit, au niveau du sommet dutriforium, sur un contrefort bâti en porte à faux au-dessus de la voûte du collatéral[30].
Le chantier débute par le chœur et l’abside, que le maître anonyme chargé du chantier construit sur le modèle de lacathédrale de Worms, alors sur le point d'être achevée, en préservant toutefois l’anciennecrypte. Si lanef et les parties occidentales de l’ancienne cathédrale sont encore conservées pour un temps, lemaître d’œuvre prépare déjà la construction de la nefromane en aménageant les fondations et en prévoyant les liaisonnements au niveau despiliers de lacroisée. Ces travaux, qui comprennent également la réfection de la chapelle Saint-André, semblent avoir été en grande partie achevés avant 1188, lechœur étant déjà opérationnel à cette date[27],[31].
S’ensuit à partir de 1196 la construction du bras nord du transept, probablement par une nouvelle équipe de bâtisseurs. Le nouveau maître d’œuvre semble avoir eu connaissance du nouveaustyle gothique, développé depuis un demi-siècle enÎle-de-France, bien qu’il n’en ait eu qu’une maîtrise imparfaite. Ainsi, bien qu’il ait essentiellement pris pour modèle lacathédrale romane de Spire, il tente d’y ajouter unevoûte d’ogive, dont la réalisation présente toutefois des défauts[27]. Le bras nord du transept est achevé vers 1200-1210 et le chantier se poursuit alors sur le bras sud. Le maître du bras nord a le temps d’y ériger la majeure partie du mur ouest de latravée nord, ainsi que leportail, mais semble avoir quitté le chantier entre 1210 et 1220[32].
Un important changement stylistique se produit à cette date sur le chantier, signe d’un remplacement complet de l’équipe de construction. Ce changement est probablement en lien avec l’arrivée d’un nouvel évêque,Henri II de Veringen : consacré àSens en 1207, il a vu les réalisations gothiques d’Île-de-France et s’est probablement attaché peu de temps après les services d’un maître d’œuvre francilien et de ses ouvriers. Le nouveau maître d’œuvre conserve le travail de son prédécesseur, mais modifie totalement le programme des nouvelles parties construites. Il introduit notamment le premier grand ensemble sculpté de la cathédrale, lepilier des Anges. Celui-ci n’est pas seulement une innovation stylistique, mais également technique, avec un usage abondant de fer pour renforcer la structure[33]. Cette même équipe réalise également la chapelle Saint-Jean, puis construit entre 1230 et 1235 le mur extérieur du bas-côté des deux premières travées de la nef[34].
Parallèlement à l’arrivée de cette nouvelle équipe, le mode d’organisation du chantier semble changer, passant d’un fonctionnement saisonnier à une installation permanente fonctionnant été comme hiver, avec un atelier couvert et des locaux dédiés. Ce changement coïncide avec la première mention en 1224 de l’Œuvre Notre-Dame,fabrique de la cathédrale chargée du financement et de la conduite du chantier[34].
Le maître du transept sud est remplacé en 1235 par un nouveau maître d’œuvre, qui conçoit probablement un nouveau plan pour la nef et pourrait également être l’auteur dudessin A, premier projet connu dumassif occidental. Outre lejubé, il érige aussi les deux premièrestravées de la nef, ainsi que la troisième jusqu’à hauteur dutriforium[35]. Cependant, le chantier s’arrête brutalement vers 1255, sans doute en raison de l’animosité grandissante entre l’évêque et les bourgeois de Strasbourg. Le conflit dégénère en guerre ouverte en 1260 et s’achève en 1262 par une victoire totale des Strasbourgeois àHausbergen[36]. Cet évènement aura d’importantes conséquences sur le chantier cathédral, car non seulement la Ville gagne son indépendance, mais elle en profite également pour mettre la main dans la décennie suivante sur l’Œuvre Notre-Dame, et donc sur le financement et l’organisation du chantier, ce qui permettra aux bourgeois d’orienter ce dernier selon leur propre agenda[37].
Le massif occidental et la dynastie des Steinbach (1250-1319)
Lorsque le chantier reprend quelques années plus tard, un nouveau maître d’œuvre est en fonction. Celui-ci modifie le projet de son prédécesseur en raccourcissant la nef, afin de pouvoir réutiliser les fondations romanes pour le massif occidental. Le projet pour ce dernier est également modifié par l’architecte, comme le montre ledessin B, dont il est très probablement l’auteur. Après l’achèvement de la nef en 1275, la façade romane est démolie et l’érection du massif occidental commence, la première pierre en étant posée le[38]. Le chantier commence par leportail nord, puis se poursuit avec le portail central. Lorsque le maître du dessin B cesse son activité vers 1280, les premiers niveaux des travées nord et centrale sont presque achevés, tandis que celui de la travée sud est à moitié construit[39].
En 1284, arrive sur le chantier le premier architecte de la cathédrale dont le nom soit connu :maître Erwin, dit « de Steinbach ». Celui-ci effectue d’importants changements dans le projet de la façade par rapport au dessin B, ce qui implique de modifier les éléments déjà construits. Une fois le premier niveau complètement achevé, il pose le grandgâble et érige le premier étage de la tour sud, qui est terminé au plus tard en 1316, en même temps que la chapelle de la Vierge à l’intérieur de la cathédrale, ainsi que probablement la tour de croisée. Avant de mourir en 1318, il a encore le temps de lancer la construction du premier étage de la tour nord[40].
La maîtrise d’œuvre passe alors au fils d’Erwin, Johannes, qui achève le premier étage de la tour nord, puis assemble vers 1330 la granderose occidentale, ainsi que la galerie la surplombant[41]. Il est probablement aussi celui qui achève la tour sud, bien qu’il puisse également s’agir de son neveu, Gerlach. Ce dernier prend en effet la succession de Johannes à la mort de celui-ci en 1339, même si les deux hommes ont probablement travaillé ensemble depuis longtemps, ce qui rend difficile l’attribution tranchée à l’un ou à l’autre de certaines parties[42]. Entre 1340 et 1347, Gerlach construit la chapelle Sainte-Catherine, puis se consacre à l'achèvement du deuxième étage de la tour nord, donnant à la façade un aspect similaire à celle deNotre-Dame de Paris[43]
La plus haute tour de la chrétienté (vers 1360-1439)
Cependant, entre 1340 et 1360, alors que la construction de la tour nord est presque achevée, un changement de plan majeur se produit : il est décidé de construire entre les deux tours un ouvrage qui viendra remplir l’espace vide. Gerlach réalise alors ledessin nº5, montrant cette structure et l’adaptation du programme iconographique de la partie supérieure de la façade réalisée en conséquence[44]. Le chantier prend toutefois du retard et si Gerlach parvient à terminer la tour nord en 1365, c’est à son successeur,Michel de Fribourg, que reviendra la tâche de combler l’espace entre les deux tours, non sans avoir quelque peu modifié le plan de Gerlach[45]. La raison d’être de cette construction, dont l’exécution est assez peu soignée et qui n’a alors aucune fonction, demeure cependant obscure, bien qu’il ait pu s’agir de préparer visuellement la façade à l’érection deflèches de grande hauteur[46].
C’est en effet dans ce but que la ville embauche en 1399 l’architecte le plus réputé de l’époque :Ulrich d’Ensingen. Celui-ci conçoit une grande tour octogonale entouré de quatretourelles d’escalier indépendantes et coiffée d’une haute flèche à escalier central[47]. À sa mort en 1419, l’octogone est construit aux trois-quarts, mais son successeur,Jean Hültz, modifie le projet : au lieu d’un escalier central, la flèche octogonale aura huit escaliers rampants sur ses arêtes extérieures. L’ouvrage, achevé en 1439, culmine à 142,11 m et devient de ce fait la plus haute tour de la chrétienté[48].
L’achèvement de la flèche ne marque pas la fin de la cathédrale, ne serait-ce que parce que les tours n’ont alors pas encore étévoûtées, une disposition permettant de hisser plus facilement les matériaux[49]. Mais c’est surtout parce qu’il ne fait aucun doute en cette deuxième moitié duXVe siècle qu’une deuxième flèche va être construite. Néanmoins, ce chantier piétine : les architectes qui se succèdent dans les décennies suivantes, commeMathieu Ensinger ouHans Hammer, proposent bien des projets, mais ils ne sont pas mis en œuvre. Finalement, seule une tourelle d’escalier de la tour est construite sur une dizaine de mètres avant d’être abandonnée : même si l’idée de construire une deuxième flèche reviendra périodiquement dans les siècles à venir, la cathédrale restera toujours dissymétrique[50].
Les maîtres d’œuvre ne restent pour autant pas oisifs, outre les nécessaires réparations et les finitions des tours, ils améliorent aussi les circulations, dotent la cathédrale de mobilier monumental ou construisent des structures supplémentaires, comme le bâtiment du petit trésor en 1488, le portail Saint-Laurent en 1505 ou la chapelle Saint-Laurent en 1521[51].
Dans les années 1520, leprotestantisme entre peu à peu dans la cathédrale : à partir de 1521, le curé de la paroisse Saint-Laurent fait la promotion des idéesluthériennes lors de sesprêches, puis, en janvier 1524, la paroisse organise la premièremesse enallemand. Cette même année, leMagistrat commence à faire progressivement enlever les éléments servant auculte des saints, notamment lesretables et autres images. En 1527, la cathédrale est officiellement dévolue au culte protestant, à l’exception du chœur qui reste attribué auxchanoines catholiques. Après l’interdiction de la messe en 1529, lesautels et les retables subsistants hors du chœur sont détruits, tandis que les murs sont recouverts d’unbadigeon pour masquer les peintures qui s’y trouvent ; en 1531, c’est au tour dudallage de faire les frais de l’iconoclasme, les pierres tombales étant remplacées par un dallage uniforme[52].
En dépit des attaques contre le mobilier lié auculte des saints, le Magistrat continue de prendre soin du bâtiment dans l’ensemble, en faisant réparer les dégâts causés par les intempéries, par exemple la reconstruction de lavoûte de la chapelle Sainte-Catherine endommagée par un orage en 1542, et en finançant l’horloge astronomique, achevée en 1574. Ce soin ne s’étend toutefois pas aux parties encore occupées par les catholiques, comme le chœur ou lecloître, qui tombent peu à peu en ruines. Du fait de son état de dégradation avancé, le cloître doit d’ailleurs être démoli vers 1550[53],[54].
Le, Strasbourg estannexée de fait auroyaume de France parLouis XIV. Parmi les premières décisions prises par le nouveau souverain, figure en bonne place la restitution de la cathédrale au culte catholique. Des travaux sont immédiatement entrepris pour adapter l’édifice à la doctrine de laContre-Réforme : lejubé et la chapelle de la Vierge qui s’y appuie sont détruits pour ouvrir le chœur sur la nef, cette dernière dotée d’un décor et d’un mobilierbaroques, dont un imposantbaldaquin surmonté de lacouronne de France. Afin d’améliorer l’éclairage, une partie desvitraux sont remplacés par des fenêtres blanches et l’intérieur de l’édifice entièrement repeint en blanc[55].
L'enseigne du magasin d'antiquités Bastian, 24, place de la Cathédrale, représente l'édifice religieux coiffé du bonnet phrygien et Sultzer regardant la flèche.
Une catastrophe marque cependant le milieu duXVIIIe siècle : le, lafoudre s’abat sur la flèche puis, de là, sur la toiture de la nef où un incendie se déclenche. Embrasant rapidement l’ensemble de la toiture de la nef, il se propage ensuite à la tour de croisée, qui s’écroule en partie dans les heures qui suivent, emportant dans sa chute lesvoûtes de la salle du trésor et de la premièretravée de la nef. L’intérieur de la cathédrale, en particulier le chœur, est également fortement endommagé par leplomb en fusion qui s’écoule des toitures, ainsi que par les grandes quantités d’eau utilisées pour tenter d’éteindre l’incendie. À la suite de longs débats, la tour de croisée n’est pas reconstruite, une simple toiture en forme decône tronqué venant couvrir lacoupole en 1763[58].
Les premiersvandalismes commencent en 1792 avec le retrait desblasons, couronnes etsceptres des statues. C’est toutefois surtout les représentantsSaint-Just etLe Bas qui lancent les destructions de masse en ordonnant le la destruction de l’ensemble de la statuaire[62]. Entre les 7 et,235 statues sont détruites, puis les ornements debronze des portails et autres éléments métalliques sont confisqués pour être fondus, lesboiseries du chœur arrachées et brûlées, lesépitaphes martelées. La cathédrale est transformée en 1793 entemple de la Raison, ce qui n’empêche pas le conseiller municipal Antoine Téterel d’exiger en 1794 la démolition de la haute tour, car, selon lui, celle-ci « blesse le sentiment d’égalité de la république ». Son collègue Jean-Michel Sulzer fait échouer ce projet en proposant d’en faire à la place unsymbole de la république en coiffant la flèche d’unbonnet phrygien géant entôle. Fait de tôle peinte en rouge, ce bonnet de plus de 10 m de haut reste juché sur la flèche du au[63],[64].
Sculpture deLouis XIV à cheval parJean Vallastre (1823) sur la façade principale.Un obus prussien est encastré dans un coin de la façade d'un hôtel situé 12-13 place de la Cathédrale, rappelant le siège et le bombardement du 24 août 1870[note 2].
La cathédrale est rendue au culte catholique en 1801 et la réparation des dégâts commence en 1806. Tout au long duXIXe siècle, les sculpteursJean-Étienne Malade,Jean Vallastre,Philippe Grass etLouis Stienne se succèdent pour remplacer les statues n’ayant pu être sauvées lors de la Révolution[66]. Outre la statuaire, l’architecteGustave Klotz entreprend à partir de 1839 un important travail de réorganisation et de restauration des vitraux ; il fait également retirer en 1848 lebadigeon qui couvrait les murs intérieurs et remettre l’horloge astronomique en état de marche parSchwilgué[67].
Cependant, moins de dix ans après son classement en tant queMonument historique en 1861, la cathédrale est prise pour cible lors dusiège de Strasbourg de 1870. Outre la destruction de nombreusesbalustrades, sculptures etvitraux, les tirs provoquent également un incendie qui détruit la majeure partie des toitures. Ces destructions fournissent néanmoins à Klotz un argument supplémentaire pour mettre en œuvre son projet de reconstruction de la tour de croisée en stylenéoroman, qu’il achève en 1879[68].
Un autre problème émerge quelques décennies plus tard : lesfondations de la tour nord et le pilier nord dunarthex, qui n’ont pas été conçus pour supporter l’énorme poids de la haute tour, montrent des signes d’affaissement, et les investigations complémentaires montrent qu’elles sont proches de la rupture. L’architecteJohann Knauth entame donc à partir de 1911 un important chantier de reprise en sous-œuvre de ces fondations, avec pour objectif de remplacer celles-ci par une plateforme enbéton. Ce chantier colossal n’est achevé qu’en 1926 par les architectes Charles Pierre et Clément Dauchy, Knauth ayant été chassé par les Français en 1921[69].
En, en prévision de laguerre imminente avec l’Allemagne, des murs de sacs de sable sont érigés devant les portails et autour du pilier des anges et de la chaire. Les vitraux sont déposés et mis à l’abri dans un premier temps enDordogne, avant d’être récupérés par les Allemands après lacapitulation française et envoyés dans lesmines de sel de Heilbronn. À la fin du mois de,Adolf Hitler visite la cathédrale et évoque sa transformation enmémorial pour les soldats allemands. Toutefois, afin de ne pas générer de troubles immédiats, le projet est repoussé à la fin de la guerre et, à l’exception d’un officeœcuménique pour laWehrmacht le, la cathédrale reste fermée pendant toute la durée du conflit[70]
Des mesures de protection supplémentaires sont prises à mesure que la situation militaire de l’Allemagne se détériore et que la probabilité d’une attaque aérienne augmente. Le bombardement attendu survient le, lorsque l’aviation américaine vise lecentre-ville de Strasbourg : les bombes qui touchent la cathédrale entraînent notamment la destruction d’une partie de lacoupole et de lavoûte du bas-côté nord. Trois mois plus tard, le lesspahis du généralLeclerc, qui viennent de libérer la ville, hissentle drapeau tricolore au sommet de la flèche, accomplissant ainsi leserment de Koufra[71].
Après la guerre, se pose à plusieurs reprises la question sur la philosophie à adopter en matière derestauration et notamment si celle-ci doit rétablir l’édifice dans un état médiéval supposé, en éliminant les ajouts ultérieurs, ou au contraire traiter de la même manière tous les éléments, quelle que soit leur période de construction. Les galeries de Goetz échappent de peu à la destruction, de même que la tour de croisée de Klotz. Il est en effet décidé en 1968 de remplacer celle-ci par une restitution de l’ancienne tour gothique disparue en 1759, projet qui n’aboutira finalement pas. Parallèlement, un chantier de restauration de grande ampleur débute en 1960 sur le massif occidental et la haute tour, qui ne s’achève qu’en 2004. Au cours de ce chantier, les préceptes de laCharte de Venise, spécifiant que les restaurations doivent être minimales et réversibles, sont souvent loin d’être respectés et de nombreuses parties du monument sont profondément altérées[72].
L’organisation du chantier est modifiée en 1999 par une convention signée entre l’État et laFondation de l’Œuvre Notre-Dame, qui spécifie les rôles et le périmètre d’intervention de chacun et fusionne la fonction d’architecte de la cathédrale avec le poste d’architecte en chef des monuments historiques. Cette réorganisation entraîne la nomination en 2000 deChristiane Schmuckle-Mollard, qui devient ainsi la première femme à occuper la fonction d’architecte de la cathédrale de Strasbourg[73].
Entre 2016 et 2019, une série de restaurations du bras Sud du transept de la cathédrale est entreprise à l'initiative de laDRAC du Grand Est et de l’Œuvre Notre-Dame[74].
Le début des années 2000 voit également la mise en œuvre architecturale des principes duconcile Vatican II, qui s’est tenu quelque quarante ans plus tôt. Le chœur est notamment modifié afin que les célébrations soient mieux visibles des fidèles placés dans la nef. Lesbalustrades le clôturant sont ainsi supprimées, tandis que lemobilier liturgique, en particulier l’autel, est renouvelé et placé directement à l’entrée du chœur[75].
La cathédrale se retrouve dans une polémique en octobre 2024 à la suite de la décision de la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian (EELV) d'éteindre les lumières de la cathédrale dès 23h pour"être exemplaire au moment où des efforts de sobriété énergétique sont demandés à l’ensemble des citoyennes et citoyens"[76]. Finalement, après plusieurs critiques, notamment au sein même su conseil municipal de la ville, Jeanne Barseghian rétropédale en annonçant le 20 octobre 2024 que la mairie allait "remédier au plus vite à cet incident technique pour rétablir l'illumination habituelle de la cathédrale"[77].
La cathédrale est construite essentiellement engrès rose provenant de différentescarrières selon les périodes et le type de grès utilisé. Les parties les plus anciennes sont ainsi construites en grèsvosgien, un grès résistant mais difficile à travailler en raison de son cimentsilicieux et dont le grain assez grossier se prête mal à la sculpture. Dans la deuxième moitié duXIIe siècle, il laisse la place augrès dit bigarré ou à meules, extrait des carrières deWasselonne etDinsheim-sur-Bruche et transporté parcharroi jusqu’à la cathédrale. Ce grès se caractérise par ses variations de couleurs allant du jaune au violet, en passant par le rose et le gris, ainsi que par son grain fin idéal pour représenter en finesse des détails[80],[81]. Lemortier est principalement constitué desable et dechaux vive, avec divers compléments selon les endroits : végétaux, charbon, os, etc. Le sable est extrait des bords duRhin, tandis que lachaux est produite dans desfours à chaux, soit directement sur le chantier jusqu’à la fin duXIIe siècle, soit à l’extérieur de la ville par la suite[82].
L’argile est également utilisé en grandes quantités, sous forme debriques dans les fondations, les voûtes et certains murs, ou detuiles, qui ont longtemps été la principale forme decouverture des toitures. À la différence des pierres, la production est locale, issue detuileries situées autour de la ville[83]. Les métaux sont également employés de manière intensive. Lefer tout d’abord qui, utilisé sous la forme dechaînage, est indispensable pour maintenir la cohésion structurelle du bâtiment, mais sert aussi, sous forme degoujons et d’agrafes, à renforcer et ancrer les éléments fragiles comme lesmeneaux ou lespinacles[84]. Des dizaines de tonnes deplomb ont également été nécessaires pour les scellements, les vitraux et la toiture de la nef, rôle dans lequel il a été remplacé par lecuivre auXVIIIe siècle[85].
Un autre matériau peu visible, bien que très utilisé, est le bois, qui sert pour lescharpentes, mais surtout pour leséchafaudages, lescintres, les machines, etc. Au Moyen Âge, ce bois semble provenir essentiellement de la vallée de laKinzig, enForêt-Noire[83]. Enfin, les grandesbaies requièrent de grande quantité de verre pour réaliser les vitraux. Les quantités importantes de bois nécessaires à sa production impliquent que celle-ci ne peut se faire que dans des zones boisées, le matériau devant ensuite être apporté sur le chantier où l’assemblage des vitraux a lieu[86].
Depuis au moins leXIIIe siècle, la construction est précédée d’une phase de conception par l’architecte, qui s’aide de plans, dontplusieurs exemplaires sont encore conservés, et probablement aussi demaquettes, bien qu’il n’existe pas dans ce cas de preuve matérielle de leur existence[87]. Pour être utilisables par les ouvriers, le plan est ensuite retranscrit sous différentes formes : le plan au sol est matérialisé par des piquets et des cordes noués à intervalles réguliers et les éléments architecturaux (baies, portails, etc.) sont tracés sous forme d’épures dans la salle de trait située dans lescombles du bras sud dutransept. À partir des épures, l’appareilleur peut réaliser lesgabarits à partir desquels letailleurs de pierre peut réaliser sa pièce. Une fois toutes les pierres d’un élément taillées, elles sont assemblées au sol afin de vérifier qu’il n’y a pas d’erreur puis marquées par ordre de pose[88].
Dans le sous-sol de la crypte, leradier est constitué de pieux de fondation dans une galerie creusée par Heckler.Les fondations de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, sous la chapelle Saint-Laurent.
Les fondations ne reposent pas sur le gravier rhénan, sept mètres sous le niveau du sol actuel, mais environ deux mètres plus haut, sur une couche composée d’argile et delimon. Cette couche étant par nature instable en raison des variations de lanappe phréatique, elle a été stabilisée au moment de la construction de la cathédrale de Werner en y enfonçant des pieux enchêne et enaulne d’environ deux mètres de haut et douze centimètres de section, avec un espacement de quarante centimètres[21].
Les fondations romanes s’élèvent sur une hauteur d’environ cinq mètres et sont larges d’environ quatre mètres. Elles sont construites en petitmoellons degrès et decalcaire, auxquels sont occasionnellement adjoints des fragments sculptés d’époque romaine en réemploi[21],[92].
La salle orientale est divisée en unvaisseau centralvoûté en berceau, encadré de deux vaisseaux latérauxvoûtés d’arêtes. Lesclaveaux de ces voûtes alternentgrès rouge et grès gris, de manière à former un motif décoratif bicolore, et elles retombent soit sur despiles cruciformes, soit sur descolonnes àfûtmonolithe, dont leschapiteaux sont sculptés de motifs végétaux et de lions[95].
La salle occidentale comporte trois vaisseaux situés dans le prolongement de ceux de la salle occidentale, mais sa largeur totale plus importante, sa longueur de quatre travées et l’usage de colonnes plus fines la font paraître sensiblement plus vaste. L’accès à lacrypte se fait par deux escaliers débouchant à l’extrémité ouest de cette salle, qui encadrent lecaveau des évêques, installé à cet emplacement après 1966[96].
Lachapelle Saint-André occupe l’angle entre le bras sud dutransept et l’abside. Son rez-de-chaussée est occupé par la chapelle à proprement parler, qui est de construction hétérogène : ses trois vaisseaux sont de largeur irrégulière, tandis que lesvoûtes sont d’ogives dans certainestravées et d’arêtes dans d’autres, sans logique particulière. Il semble qu’au moins une partie de la chapelle remonte à la cathédrale de Werner : les murs sud et est pourraient dater de la campagne de 1015, tandis que le portail donnant sur le bras sud du transept a probablement été reconstruit à la suite de l’incendie de 1150. En ce qui concerne les voûtes, la pose devoûtes d’ogives est rendu particulièrement complexe du fait de l’irrégularité des travées : cette particularité a probablement eu pour conséquence l’abandon du projet initial après le début de travaux en faveur devoûtes d’arêtes plus simples[97],[98].
Le chœur et la coupole octogonale érigée de 1180 à 1190 au-dessus du sol actuel de la croisée du transept. Maçonnée en briques, elle est supportée par huit nervures en grès polychrome profilées en boudins et qui convergent vers un anneau sommital formantclé de voûte.
Le bras nord dutransept, tout comme le bras sud, est divisé en quatretravées carrées par un pilier central. Le pilier central du bras nord estcylindrique. Lesvoûtes d’ogives, les plus anciennes de lacathédrale, sont très bombées, faisant ressembler chacune des quatre travées à descoupoles. La hauteur atteint vingt-six mètres.
Cet espace rhénan évoque une « Petite Égypte » : leRhin y coule du sud au nord, comme leNil, et se jette dans la mer en delta tout comme le Nil. De Bâle à Strasbourg, le Rhin est flanqué de deux massifs jumeaux, àligne de crête quasi horizontale et rectiligne, comme de part et d’autre du Nil, d’Assouan àThèbes-Luxor. Ces deux massifs sont composés majoritairement degranit et degrès, les principaux composants des monuments de l’Égypte ancienne.
Du côté nord, leportailSaint-Laurent, destyle gothique tardif, œuvre entre1494 et1505 de l’architecte Jacques deLandshut dont monogramme (trois équerres entrecroisées) est sculpté sur le linteau de la porte à droite de la date d'achèvement des travaux. Le tympan primitif, détruit sous la Révolution, est remplacé vers 1820-1830 par le sculpteur statuaireJean Vallastre qui renouvèle le programme iconographique par une reconstitution libre destyle néo-classique dans un grès jaune[101],[102].
Dans le tympan en arc brisé sous le grand baldaquin qui résulte de la superposition de trois arcs en accolade terminés par des fleurons, est figuré sur le registre supérieur, une statue du Christ, adossée à une colonnette. Le registre inférieur est occupé par lemartyre desaint Laurent. Le supplicié est étendu sur un gril par deux bourreaux tandis qu'un troisième attise les braises. Le sculpteur Johan von Ach (Jean d’Aix la Chapelle) conçoit la statutaire des contreforts en plan pentagonal et à pans obliques : à droite, les figures de saint Laurent, d'un saint pape (sans douteSixte II, dont Laurent était archidiacre), de saint Étienne, d'un apôtre armé d'un épée (Jacques ou Philippe) et d'un saint chevalier revêtu d'une armure (probablementMaurice d'Agaune) ; à droite uneVierge à l'Enfant recevant lesoffrandes des rois mages :Balthazar un jeune homme imberbe flanqué d'un serviteur égalementmaure, un chien à ses pieds, lève se toque et présente la myrrhe dans un ciboire (ce roi présente des traitsafricains nettement marqués avec les cheveux crêpus, le nez légèrement épaté, les lèvres épaisses, et une bouche montrant desdents du bonheur),Melchior, un homme couronné qui offre de l'or dans une cassette etGaspard qui s'agenouille pour offrir pour présenter l'encens dans une coupe[103],[104].
Lepilier des Anges montant jusqu'à la voûte à résille en ogives curvilignes.
Deux éléments particulièrement remarquables sont situés dans le bras sud dutransept. Lepilier des Anges, construit vers1230, est lepilier central de lasalle et porte douzesculptures de toute beauté : la première rangée représente les quatreévangélistes, surmontés d’anges jouant de latrompe. Le groupe supérieur comprend leChrist, assis, entouré d’anges portant les instruments de laPassion.
Dans cette même salle, figure la statue d’un homme, accoudé à unebalustrade. Lalégende raconte qu'un homme aurait prétendu que lepilier des Anges s'effondrerait, ne pouvant supporter lavoûte[105]. En réponse, lemaître d'œuvreErwin de Steinbach aurait sculpté une statue du visiteur contemplatif, attendant l'effondrement du pilier[106]. Néanmoins, lepilier des Anges a été achevé auXIIIe siècle et la balustrade auXVe siècle[107].
Le groupe central du portail sud, appelé aussi portail duJugement dernier ou du Jour du jugement met en scène différents passagesbibliques et comporte quatre figures principales :Salomonroi d’Israël surmonté duChrist en gloire entourés de deux statues plus anciennes (1225-1235). Celle de gauche représente l’Église, droite,couronnée et qui tient unétendard en forme de lacroix et lecalice. Elle est complémentaire de la statue de droite qui représente laSynagogue (lejudaïsme), avec lesyeux bandés. Elle baisse le visage et sa lance est brisée, en signes de défaite, et son bras pendant laisse tomber lesTables de la Loi. Le sculpteur semble s’être inspiré du texte biblique : « Les lances seront brisées et l’épée tombera de la main. On en forgera des socs » (Isaïe 2,4). Ses yeux sont bandés parce qu’elle serait aveugle aux vérités de laNouvelle Loi[108].
La présence de ces trois figures Salomon (Christ), Ecclesia (Église) et Synagoga (Synagogue), ainsi rapprochées s'expliquerait dans les interprétations faites auXIIe siècle duCantique des Cantiques, les présentant comme les trois personnages principaux des événements de lafin des temps[109]. Le dialogue entre les trois personnages est mis en scène dans le manuscrit de Berne du XIe siècle "Cod. 114 Homliae de sanctis" pour la Nativité de la Vierge le 8 décembre[110]. Selon Meyer,« le texte du manuscrit explique aussi la beauté conférée par le sculpteur à la jeune femme qui représente l'Église (Cant. 1,15: " que tu es belle, mon amie... "), tout comme à la Synagogue (selon le Cant. 1,8 " la plus belle des femmes "). On comprend mieux le regard confiant de l'élue, placée à la droite du Christ, et l'émouvante tristesse de la fiancée délaissée. »
Au centre, lastatue sculptée parJean Vallastre en1828 représente leroi Salomon, surmontant deux petites statues rappelant son fameux jugement préfigurant leJour du jugement. Cette sculpture du roi Salomon remplace la figure gothique détruite pendant laRévolution française. Au-dessus du roi Salomon, règne la figure duChrist en gloire de l’Apocalypse ou du Jugement dernier, tenant dans sa main gauche le globe terrestre et surmonté d’undais figurant la futureJérusalem céleste, le seul « Juste » étant le Seigneur (Ecclésiastique : 18,2) qui apparaît au somment du portail en tant que juge. Le portail représente laParousie deYahweh par l’Apocalypse et la gloire de Dieu est sculptée sous la forme symbolique d’un dais (la Jérusalem céleste) qui sera le refuge du Juste (Isaïe : 4,5-6). « Le Juste est le fondement du monde » (Proverbes : 10,25). Les deuxtympansromans, représentent les deux phases finales de la vie de lavierge Marie : laDormition et leCouronnement de laSainte Vierge.
On nomme ce portail leportail du Jugement, non seulement en souvenir de Salomon, mais aussi parce que c’est à cet endroit que l’évêque de Strasbourg tenait sontribunal. Enhiver, avait également lieu à cet endroit et durant tout leMoyen Âge unefoire, prémisse de l’actuelmarché de Noël.
Le fronton de la façade méridionale du croisillon sud porte un groupe de troiscadrans solaires peints en 1572. Imaginés par les mathématiciensDasypodius et David Wolkenstein pour servir au réglage de l'horloge astronomique de la cathédrale, ils ont été par la suite gravés dans la pierre, probablement lors de leur restauration en 1669. Le cadran de gauche donne la hauteur et l'azimut du soleil, celui du haut donne les heures normales et celui de droite les heures babyloniques et italiques[112],[113].
En avant-corps sous la galerie de circulation qui court à la base du fronton est sculpté « l'Astronome », un homme en buste accoudé à un cadran solaire sous un arc en accolade branchu. Ce cadran qui porte la date de 1493 représenteraitJohann Lichtenberger, astrologue à la cour de l'empereurFrédéric III. Le chiffre de la cinquième heure du jour est traditionnellement interprété comme le monogramme du sculpteur (Konrad Sifer) et pourrait être un S et un K[114].
Contrairement à une idée communément répandue, lanef de la cathédrale compte avec ses63 mètres de longueur parmi les plus longues nefs de France, mais les dimensions très réduites duchœur conduisent à un manque deproportionnalité de l’ensemble[note 3].
La chapelle Sainte-Catherine[115] est située dans le bas-côté sud à proximité immédiate dutransept. Les vitraux extérieurs (1348) sont l’œuvre de Johannes de Kirchheim. Ils représentent lesdouze apôtres, sainteMadeleine et sainteMarthe.
Le mur séparant la chapelle de la nef a été abattu, mais les cinqpiliers de soutènement ont été conservés. Des statues ont été placées contre chaque pilier, certaines d’entre elles étant attribuées àWoelflin de Rouffach. De l’est vers l’ouest (du chœur vers lafaçade) on trouve[116] :
Au mur méridional on peut observer le monument funèbre de Conrad Bock,stettmeistre de Strasbourg en 1444, et de sa femme, Marguerite Beger. Ils sont agenouillés sur deux socles de part et d'autre d'une niche figurant en haut-relief laDormition de la Vierge (œuvre dePeter Bischof(de) datée de 1480)[117].
La chapelle Saint-Laurent (1495-1505) est due à Jacques de Landshut. Elle donne sur le portail nord. Elle est réservée à la prière et à l’adoration du Saint-Sacrement. On y célèbre aussi les mariages et les messes de funérailles des paroissiens de la cathédrale.
Lefrontispice de lacathédrale repose sur la technique innovante de la double paroi : la première paroi est lemur porteur de la façade dont les quatre contreforts forment de puissantes masses de maçonnerie. Mais l'architecte parvient à faire oublier ces contreforts imposants par une seconde paroi ajourée. Placée en avant desmurs porteurs, cette dernière est parée d'une véritable dentelle de pierre[note 5] et d'éléments architecturaux (pinacles des contreforts,gables,dais élancés desniches, longues baies àlancettes simples, doubles ou triples placées derrière desarcatures à fines colonnettes) qui contribuent à accentuer l'effet de légèreté et de verticalité, suscitant la métaphore poétique de « harpe de pierre »[118]
Les portes de bronze, exécutées par l'orfèvre parisienChertier, sont mises en place en 1879. Leurs vantaux présentent quatreregistres : au sommet, des saints représentés dans des niches surmontées de gâbles ; en dessous, trois compartiments couverts de losanges représentant les prophètes et les patriarches et, en alternance, unherbier de plantes.
Le portail est une catéchèse illustrant la foi chrétienne dans le Christ à partir duCredo de Nicée-Constantinople : de sa préparation par les prophètes du judaïsme (statues du bas), sa naissance (Vierge à l'enfant du trumeau) et sa la Passion (tympan) à laglorification comme Juge universel (gâble).
Sous le tympan, sur letrumeau, une statue de laVierge à l’Enfant rappelle la dédicace de lacathédrale àNotre-Dame. Juste derrière la porte se tient la statue du premier apôtre Pierre.
Une autre statue de laVierge est située au-dessus du tympan. Elle est surmontée d’une statue duChrist,Roi etJuge, dont letrône est entouré delionsmusiciens.
Ébrasement gauche : les prophètes et les martyrs.
Scènes de la vie du Christ.
Ébrasement droit : les prophètes et les martyrs.
Portail latéral nord : Le combat de l'âme et l'Enfance du Christ
Leportail latéral nord est décoré destatues représentant les allégories des douzevertus, terrassant de leur pieds les douzevices. Cette scène est inspirée du poèmePsycomachie « combat de l'âme » du poète chrétienPrudence né en 348. Dans l'ordre du récit de Prudence où sont présentes dix vertus, nous voyons la Foi contre le Paganisme et l'Idolâtrie, La Chasteté contre la Luxure, la Patience contre la Colère, l'Humilité et l'Espérance contre l'Orgueil et la Tromperie, la Tempérance contre la Débauche, la Raison et la Charité contre l'Avarice, l'Unité et la Foi contre la Discorde nommée Hérésie.
Leportail latéral sud, de la fin duXIIIe siècle, illustre laparabole des dix vierges à la Noce dans l'évangile selon Matthieu au chapitre 25. À droite, les vierges sages tiennent unelampe à huile et lestables de la Loi ouvertes. Elles sont accueillies par l'Époux, qui est le Christ avec sa main les bénissant. À gauche, les vierges folles sont guidées par leTentateur, habillé à la mode de son temps (unecotardie), leur tend un aimable visage et lapomme de latentation. Son dos s’ouvre et montre les serpents, les lézards et les crapauds qui l’habitent, symbolisant les vices dans l'iconographie médiévale. Deux des vierges folles tiennent leurs lampes retournées et serrent fermées les tables de la Loi, la plus proche du Tentateur se distinguant des autres[note 10]. Ces statues sont placées sur des consoles installées en diagonale. Surs leurs deux faces sont taillés des médaillons en quatre-lobes coupés d'un losange, où sont représentés alternativement lessignes du Zodiaque et travaux deschamps — notamment le passage aufouloir[120].
Letympan, quant à lui, représente leJugement dernier. de haut en bas, le Crucifié avec ses plaies, sa Croix, la lance et sa couronne juge. En dessous, le Christ sépare les justes à gauche et les mauvais à droite vers la Gueule de l'Enfer. En dessous encore, la résurrection des morts depuis leur tombeau pour le jugement.
Les voussures sont constitués d'anges et de personnages.
Le beffroi, ajouté en 1388, comble l’espace, jusqu’alors vide, entre les deux tours.
Lebeffroi qui abrite dixcloches sur seize, est situé au-dessus de la galerie des apôtres, entre les deux tours de la façade. Il ne figurait pas sur le plan original. Il a été conçu par les maîtres d’œuvreMichel de Fribourg et Claus de Lohr entre 1365 (date de l’achèvement des deux tours jusqu’à la hauteur de la plate-forme) et 1383. Sa réalisation n’est entreprise qu’entre 1384 et 1388, car le grave incendie survenu le n’a laissé de traces visibles que sur les clochers[121].
Seule la face ouest du beffroi est décorée ; le thème de l’iconographie estleJugement dernier. Entre lesgâbles des ouvertures, leChrist est représenté assis, une épée pointant vers sa bouche. En dessous de lui, deux personnages (peut-être les prophètesÉzéchiel etIsaïe). Encadrant les ouvertures, quatre statues avec une tête d’homme, d’aigle, de taureau et de lion (lesZoomorphes) représentent selon les uns, lesévangélistes, selon d’autres, lesVivants décrits par Ézéchiel et Isaïe dans l’Ancien Testament et parsaint Jean dansL’Apocalypse.
Dans lesgâbles, laVierge Marie et saint Jean intercèdent pour lesressuscités que l’on voit sortir des cercueils le long des gâbles. À la droite du Christ, les élus, à sa gauche, les réprouvés. Deuxanges portent les symboles de la Passion ; la croix, la couronne d’épines, la lance et les trois clous. Quatre anges réveillent les morts en soufflant dans des trompettes. Au sommet du gâble, à la gauche du Christ, undémon emporte enEnfer un réprouvé, à sa droite, un personnage emmène un élu auParadis.
La cathédrale vue depuis le sud. Au second plan, sur la plateforme de la tour sud, la maison des gardiens restaurée en 2019[122].
Le plan original de lafaçade harmonique dessiné parErwin de Steinbach, comportait deux étages seulement et deuxtours. C’est à sa mort, en 1318, que les plans furent changés.
La haute tour octogonale est cantonnés par quatre tourelles renfermant des escaliers à vis et coiffée d'une hauteflèche : terminée en1439, elle culmine à142,11 mètres au-dessus du sol, ce qui en fait la plus haute flèche construite auMoyen Âge qui ait subsisté jusqu’à nos jours.Jacques Wimpfeling qualifie cette tour de style gothique tardif de « huitième merveille du monde »[126]. La cathédrale de Strasbourg est une des seules grandes cathédrales deFrance dont latour est dotée d’une flèche, typique de l’architecture en Allemagne(de).
Pour préserver la flèche de lafoudre,Théodose Le Barbier de Tinan étudie et préconise en1780 l’établissement d’unparatonnerre à son sommet[127] ;Benjamin Franklin appuie cette étude dans son rapport à l’Académie des sciences sur le sujet, mais ce paratonnerre ne sera installé qu’en 1835 par Félix Fries, architecte de l'Œuvre Notre-Dame, qui met en place à cet effet un corset métallique maintenant la croix en pierre[128].
La touroctogonale est conçue par le maître d’œuvreUlrich d’Ensingen, qui conçut également celle de lacathédrale d’Ulm, si bien que ces deux édifices se ressemblent énormément.Jean Hültz deCologne prend la direction duchantier en1419. Il change complètement le projet de la flèche. Il rehausse l’octogone d’un petit étage supplémentaire au-dessus des premiers ponts reliant les quatre escaliers séparés et l’octogone. Cet étage supplémentaire de l’octogone est légèrement réduit pour laisser passer la lumière entre l’octogone et les quatre escaliers. Et, au lieu de construire la flèche assez simple munie d’un escalier central prévue par d'Ensingen, Jean Hültz construit uneflèche très complexe, où chacun des huitarêtiers porte une succession de six petitsescaliers à vishexagonaux imbriqués les uns dans les autres. Ils sont suivis, là où les arêtiers se rejoignent, par quatre autresescaliers, et enfin par lacorbeille et lacroix. Cette flèche est subdivisée en plusieurs étages qui font chacun communiquer tous les escaliers. Les derniers étages, notamment celui de lacorbeille, ne sont plus desservis par aucun escalier et ne peuvent être atteints qu’au prix d’acrobaties avec l’aide d’échelles[130].
Rappelons qu’en1262, laville deStrasbourg se révolte contre sonprince-évêque et s’érige enrépublique. La direction des travaux passe donc de l’évêque à lamunicipalité. C’est elle qui ordonne la construction du massif occidental. Et ainsi, contrairement à d’autres flèches ou tours d’églises qui manifestent la puissance de l’Église locale, la flèche deStrasbourg a toujours manifesté la puissance de larépublique de Strasbourg.
Entre 1794 et 1802 la flèche de la cathédrale, alorstemple de la Raison, fut ornée d’unbonnet phrygien qui symbolisait la liberté[131]. Ce bonnet phrygien de tôle fut ensuite démonté et conservé à la bibliothèque de la ville où un incendie le détruisit en1870.
Rosace vue de l'intérieur. Sa particularité, unique en son genre[réf. souhaitée], est d’être composée d’épis deblé[réf. souhaitée], et non desaints, comme c’est la coutume. Ils sont le symbole de la puissancecommerciale de la ville.
L’intérieur de lacathédrale, typiquementgothique, possède un décor riche et varié mais est sombre comparé à la majorité descathédralesfrançaises, telles queReims ouChartres. Une seulerose, en effet, l’éclaire depuis lemur intérieur de lafaçade duparvis. Celle-ci a été dessinée parErwin de Steinbach en seize pétales. La lisibilité de son dessin en fait un chef-d’œuvre du genre.
Lesfonts baptismaux, exécutés en1453 par le maître d’œuvre de la cathédrale de l’époque, Jodoque Dotzinger, sont acculés dans une niche romane dans la muraille orientale du bras nord du transept. Ils sont sculptés d’une manière très fouillée et constituent un chef-d’œuvre de l’art flamboyant. Ces fonts ne sont pasoctogonaux (forme la plus symbolique et la plus fréquente dans l'histoire chrétienne), maisheptagonaux :« Le choix semble lié à la symbolique des nombres : 4 fait référence à la vie terrestre, 3 à la Trinité ; la somme, 7, correspond dans ce cas aux dimensions physiques et spirituelles de l'homme[132]. »
Lachaire de la cathédrale est un exemple degothique flamboyant poussé à l’extrême. Placée contre la troisième pile orientale de la nef, elle est de plan hexagonal et s'élève sur deux étages.
56statuettes la décorent, abordant de nombreux thèmes tels que lesévangélistes, un cortège de huit figures d’apôtres, lacrucifixion de Jésus-Christ entouré de sa mèreMarie et de l’apôtreJean ou encoresainte Barbe,saint Laurent et les anges portant les instruments de la Passion.
Sur l'escalier qui monte à la chaire, au niveau du palier, la petitesculpture d’unchien assoupi est à remarquer. Cebichon rappellerait selon une légende, l’habitude duprêcheur moraliste Geiler de Kaysersber (institué prédicateur de la cathédrale en 1478, il se distinguait par une truculence quasi-rabelaisienne) de venir accompagné de sonchien qui se couchait au pied de la chaire pendant les sermons de son maître. Il le protégeait contre la vindicte des fidèles se plaignant d'entendre des sermons trop accusateurs ou les réveillait par ses aboiements ceux qui n'écoutaient pas les prêches trop longs. La réalité est que la sculpture du « petit chien de Geiler » est un clin d’œil au prédicateur dominicain (domini canis = le chien du Seigneur). Il pourrait être aussi l'attribut de Saint Alexis représenté sous l'escalier de la chaire, sur le pilier sud, avec une servante qui déverse un seau d'eau sale sur lui. Devenu ermite, il aurait été reconnu uniquement par son chien[134].
Sur la rampe de l'escalier, des angelots tiennent les instruments de la Passion, le monogramme de maître Hammer et une banderole portant la date de construction de la chaire.
Le petit chien de Geiler, porte-bonheur que les touristes caressent.
Jusqu'en 2022, lors des jours d'équinoxe, unrayon vert[note 11] illuminait le Christ crucifié de la chaire[135].
Le premier orgue est installé à la cathédrale en 1260. De cet instrument n’est connu que son auteur, un moine dominicain nommé Ulrich Engelbrecht. Détruit par l’incendie de 1298, il est remplacé dans les années 1320 par un autre instrument réalisé par Claus Carlé, un manufacteur d’orgue deLahr. Si les détails sur la tonalité de cet orgue manquent, il est en revanche établi qu’il est installé en nid d’hirondelle sur le mur nord de la sixième travée de la nef, qu’il est prolongé sur la septième travée par une tribune pour les musiciens et qu’il possède des figures articulées[136].
Les organistes actuels de la cathédrale de Strasbourg sont Pascal Reber, Damien Simon, Guillaume Nussbaum, Arthur Skoric et Benoît Clavier[137].
Le grandorgue de la cathédrale[138], bien que très orné, est de taille modeste. Contrairement à la majorité des orgues en tribune, au fond descathédrales[note 12], il se situe dans la nef, en nid d’hirondelle, accroché à un mur intérieur, tout comme dans les cathédrales deChartres et deMetz.
Cet orgue reste jusqu’en1981, date où il est reconstruit parAlfred Kern, à partir de travaux deMichel Chapuis. Il s’agit de son dernier travail et également d’un de ses plus grands chefs-d’œuvre. L’orgue actuel compte trois claviers pour quarante-septjeux et est reconnu comme un très bon instrument. Lependentif dubuffet de1385 est remployé, ainsi que près de 250 tuyaux de l’orgue Silbermann de1716 et le buffet deFrédéric Krebs, datant de1491.
Au bas de l’orgue,Samson est accompagné d’unlion. Non loin, un personnage articulé, curiosité de l’orgue Silbermann, lesRohraff, étaient manipulés par l’organiste, afin de maintenir la foule éveillée lors des longssermons, et notamment en injuriant leprêcheur[réf. nécessaire]. On raconte que le prestigieux prêcheur de lacathédrale,Jean Geiler de Kaysersberg — dont lesos reposèrent un temps sous lachaire — en perdit son sang-froid, jaloux de l’attention que recevaient les grossiers pantins[réf. nécessaire].
La composition actuelle de l’orgue est la suivante :
L’orgue dechœur date quant à lui de1878 et est l’œuvre de Joseph Merklin,facteur d’orgue àParis, alors concurrent deCavaillé-Coll. Il s’agit d’un instrument à troisclaviers[note 13], construit pour suppléer le grand orgue Silbermann, alors mourant. Il est logé dans unbuffet de la maison Klem, à deuxfaçades.
L’horloge fait partie des curiosités de la cathédrale et attire de nombreux touristes.
Construite durant leXVIe siècle, l’horloge astronomique,chef-d’œuvre de laRenaissance, est considérée à l’époque comme faisant partie dessept merveilles de l’Allemagne[139]. Manifeste du savoir-faire des mécaniciens et des mathématiciens protestants qui délivrent un message théologique : le Dieu des chrétiens est le maître du temps et des horloges[140] Lalégende prétend que leMagistrat[note 14], inquiet que le constructeur puisse construire ailleurs un ouvrage semblable, lui aurait crevé lesyeux[141]. Desautomates s’activent tous les jours à12 h 30. Tous les quarts d’heures, il y a quatre âges de vie : le premier quart d’heure, c’est l’enfant qui fait le tour de l’horloge ; le deuxième quart d’heure, c’est l’homme jeune qui fait le tour ; le troisième quart d’heure, c’est l’homme mûr qui fait son tour et, au dernier quart d’heure, c’est le vieillard qui annonce sa mort et l’arrivée de l’enfant.
La plupart descloches anciennes ont disparu à laRévolution et il n’en subsiste que le grandbourdon de 1427, laZehnerglocke (« cloche de dix-heures ») de 1786 et les quatre cloches des heures coulées entre 1595 et 1787. Cette disparition a néanmoins été l’occasion de reconstruire une sonnerie de qualité, les cloches anciennes étant souvent difficiles à accorder ensemble. Après un peu moins de deux siècles avec une sonnerie amoindrie, le projet de reconstruction de celle-ci est lancé en 1970. Il aboutit à la fonte de sept nouvelles cloches et au retrait de deux cloches mal accordées avec le reste, données à l’église du Dompeter. Trois cloches s’y ajoutent encore en 1987, 1993 et 2004, puis quatre en 2015[142],[143].
En 2020, la sonnerie de la cathédrale compte vingt cloches : dix dans le beffroi et six dans la tour de croisée, qui servent pour les sonneries liturgiques, ainsi que quatre cloches des heures dans la haute-tour. En dehors de la sonnerie des heures, la seule sonnerie civile est celle de laZehnerglocke à 22h05, qui n’est conservée que pour des raisons traditionnelles, son sens originel – signaler la fermeture des portes de la ville – n’ayant plus d’objet. Les sonneries liturgiques sont nombreuses et varient en fonction des fêtes et dutemps liturgique : plus le jour et la période liturgiques sont importants et plus la sonnerie est riche en accords. Par exemple l’appel à la messe de 8h45 est joué par deux cloches les jours ordinaires detemps ordinaire, trois les jours ordinaires de l’Avent, cinq les jours ordinaires en période desolennité et six aux solennités de l’Avent. Il existe également de nombreuses sonneries particulières liées à des moments spécifiques ; par exemple lamesse pour la France est annoncé par une sonnerie Westminster, les grandes joies par leplénum et ainsi de suite[143].
LaFondation de l’Œuvre Notre-Dame, Œuvre à sainte Marie en 1224, Loge suprême duSaint-Empire en 1459, continue sa vocation initiale de collecter des fonds pour la cathédrale mais a perdu celle demaître d’ouvrage. Ses collections sont exposées dans lemusée de l’Œuvre Notre-Dame, qui a été aménagé en 1931 dans le bâtiment qui lui sert de siège.
Lesfabriques d’Église, institutions remontant auBas Moyen Âge, sont régies par le décret du, complété et modifié à diverses reprises et, en dernier lieu, par le décret du 18 mars 1992[146].
La fabrique est gérée par unConseil de fabrique dont la composition est publique, celui de la cathédrale de Strasbourg étant le suivant (octobre 2012) :
Les ressources de la fabrique sont le produit des quêtes, celui des lumignons, la location des salles du Munsterhof et la taxe sur l’accès à l’horloge astronomique à midi.
Les dépenses de la fabrique sont notamment les salaires de l’intendant, des gardiens, etc., le chauffage en hiver, l’éclairage, le dispositif de sécurité sous alarme, l’entretien des cloches, des orgues et de l’horloge astronomique.
Cependant, la cathédrale de Strasbourg n’est pas seulement le siège de l’archevêque, il s’agit également de l’église de la paroisse Saint-Laurent, qui recouvre approximativement le centre-ville de Strasbourg. La paroisse est placée sous la responsabilité d’unarchiprêtre, le chanoine Didier Muntzinger (depuis août 2021)[147], assisté d’unconseil pastoral d’environ quinze membres.
L’escalade de la rivalité franco-allemande fait de la cathédrale un enjeu pour les deux pays et elle apparaît largement dans les supports de communication à partir de 1870. La propagande française l’érige en martyr victime de la « barbarie prussienne » après le bombardement de 1870, puis en symbole des provinces perdues à libérer de « l’occupant », à la fois après 1870 et après 1940. C’est ainsi la cathédrale quePhilippe Leclerc fixe à ses soldats comme objectif ultime à labataille de Koufra et sur celle-ci que le drapeau français est hissé dès l’entrée des Français dans la ville le.[155]. De son côté, la propagande allemande en fait un symbole du « génie allemand » et de la « germanité de l’Alsace », qui légitime par son existence la possession de la région par l’Allemagne. C’est dans cet esprit que d’autres statues d’empereurs allemands sont ajoutées à la façade après 1870,puis l’aigle du Reich après 1940, tandis que la représentation de Louis XIV est retirée[réf. souhaitée] ; sur les affiches, elle est à débarrasser du « fatras français »[156].
GeorgesBischoff,« La liberté d’une cathédrale : les enjeux politiques d’un lieu de mémoire », dans Christian Grappe (dir.),La cathédrale de Strasbourg en sa ville : le spirituel et le temporel, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg,(ISBN9782868207609),p. 69-85.
Cécile Dupeux, « Strasbourg. Acquisition d'un dessin d'architecture de la haute-tour de la cathédrale »,Bulletin monumental,t. 181,no 3,,p. 250-252
Benoît Jordan etRoger Lehni,« Un monument en constante évolution », dans Joseph Doré (dir.), Francis Rapp (dir.), Benoît Jordan (dir.),La Grâce d’une cathédrale : Strasbourg, Strasbourg, La Nuée bleue,(ISBN9782716507165),p. 127-130.
Jean-PhilippeMeyer,La cathédrale de Strasbourg : La cathédrale romane 1015-vers 1180, Strasbourg, Société des amis de la cathédrale de Strasbourg,(lire en ligne)
Jean-PhilippeMeyer,« Un chantier de mille ans : de l’ère pré-romane à la reconstruction du transept », dans Joseph Doré (dir.), Francis Rapp (dir.), Benoît Jordan (dir.),La Grâce d’une cathédrale : Strasbourg, Strasbourg, La Nuée bleue,(ISBN9782716507165),p. 29-41.
JosephMusser,« Une année à la cathédrale », dans Joseph Doré (dir.), Francis Rapp (dir.), Benoît Jordan (dir.),La Grâce d’une cathédrale : Strasbourg, Strasbourg, La Nuée bleue,(ISBN9782716507165),p. 345-348.
FrancisRapp,Histoire des diocèses de France : Strasbourg, Paris, Beauchesne,(ISBN978-2701001944).
FrancisRapp,« Le chantier à l’heure de la Réforme », dans Joseph Doré (dir.), Francis Rapp (dir.), Benoît Jordan (dir.),La Grâce d’une cathédrale : Strasbourg, Strasbourg, La Nuée bleue,(ISBN9782716507165),p. 73-84.
OlivierTarozzi,« Le rythme des jours à travers les cloches de la cathédrale : le patrimoine campanaire de la cathédrale de Strasbourg », dans Christian Grappe (dir.),La cathédrale de Strasbourg en sa ville : le spirituel et le temporel, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg,(ISBN9782868207609),p. 52-66.
BernardXibaut,« A-t-il existé un quartier cathédral à Strasbourg et sous quelle forme ? », dans Christian Grappe (dir.),La cathédrale de Strasbourg en sa ville : le spirituel et le temporel, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg,(ISBN978-2-86820-760-9),p. 31-37.
↑Placé sous un baldaquin contre lemur-boutant gauche du portail méridional de ce bras, « l'adolescent au cadran » est une statue juvénile tenant dans ses mains uncadran canonial. CfAndré Glory et Théodore Ungerer,L'adolescent au cadran solaire de la cathédrale de Strasbourg. Etude sur la gnomonique du Haut Moyen Âge, Istra 1932,, 49 p.
↑« Huit obus datant de la guerre de 1870 sont toujours encastrés dans des immeubles à Strasbourg. Récupérés par des propriétaires après les bombardements, ils ont tous été désamorcés puis inclus dans les façades de leurs bâtiments comme symbole de résistance ». CfJoffray Vasseur, « On vous explique le mystère de ces huit obus encastrés dans des immeubles de Strasbourg depuis 1870 », surfranceinfo.fr,
↑Des coursives courant le long de la façade, on peut observer de près les barres de fer qui relient cette dentelle de pierre au mur porteur, rappelant que le fer et le plomb (pièces métalliques enrobées d'une gangue de plomb isolant et amortisseur) sont des matériaux de construction à part entière des grandes églises de la période gothique. Sous la dentelle de pierre, le plomb et le fer, matériaux de l'ombre, sont des piliers de l'architecture gothique. CfAlain Erlande-Brandenburg,« Pierre et métal dans l'architecture gothique », dans Patrice Beck (dir.),L'innovation technique au Moyen Âge. Actes du VIe Congrès international d'Archéologie Médiévale (1-5 Octobre 1996, Dijon - Mont Beuvray - Chenôve - Le Creusot - Montbard), Errance,,p. 219
↑LeLéviathan ou le lion (comme le suggèrent les canines et le palais de la mâchoire supérieure) sont une figure symbolique de la gueule de l'enfer, appelée aussi bouche de l'enfer. Sa langue de feu retient une marmite dans laquelle une personne condamnée est en train de bouillir. Satan, vautré sur le bord de sa mâchoire inférieure, montre une figure grimaçante aux longues oreilles et à barbichette. Le corps d'un autre personnage qui s'enroule autour du chaudron (à gauche de la langue sa tête est tenue par Satan, à droite ses fesses sont exhibées, avec un anus ouvert en forme d'étoile) et qui porte sur son dos un garçonnet, a fait l'objet de nombreuses interprétations iconographiques plus ou moins fantaisistes : femme en train d'accoucher (notamment la Vierge avec la tête chevelue de Jésus qui pointe), Blosarsch (littéralement « cul nu » en allemand et « cul qui souffle » en alsacien) qui est selon une légende strasbourgeoise que les guides rapportent aux touristes, un évêque pédéraste sur lequel urine le garçonnet, par vengeance. En fait, ses pattes palmées évoquent une figure démoniaque desouffle-cul qui se rencontre souvent dans l'iconographie médiévale. Elle relève d'une gestuelle comique, dans un registre grotesque, de démons quis'expriment non par leur bouche mais leur anus. CfJean-Pierre Lefftz,L'art des accouchements à Strasbourget son rayonnement européen de la renaissance au siècle des lumières, éditions Contades,,p. 54 etPaolo Piva (dir.),Art médiéval. Les voies de l'espace liturgique, Picard,,p. 259-260
↑La croix est plantée sur le squelette d'Adam dans un cercueil ouvert. Son côté droit compte neuf côtes tandis que le gauche en compte huit, rappel de la création d’Ève à partir d'une de ses côtes.
↑Judas pendu à la branche d'un arbre. Dans son dos, un boucithyphallique, représentant le Diable, se dresse pour le tirer vers les Enfers.
↑Cette descente aux enfers du couple de la Tentation évoque lemythe païen d'Orphée et d'Eurydice. Alors que l'iconographie chrétienne représente traditionnellement leurs sexes cachés par une feuille de vigne, de figuier, de guirlande de fruits, d'arbustes ou d'arbres, le sculpteur anonyme du tympan les cache habilement par une poignée de main et la robe du Christ.
↑Souriante et au regard aguichant, elle commence à détacher sa robe, déjà débarrassée de sa ceinture. Se dénudant, elle est prête à se livrer au Tentateur. La lampe qu'elle a laissé tomber à ses pieds, est cassée. CfRobert Walter,Histoire anecdotique de la cathédrale de Strasbourg, ERCE,,p. 70
↑Ce phénomène optique est produit par un rayon de soleil traversant un vitrail du triforium sud figurant le pied deJuda suite à l'effacement de sa peinture, voire de son remplacement par du verre brut transparent après la dépose des vitraux durant la Seconde Guerre mondiale. CfFrancis Klakocer, « Le rayon vert de la cathédrale », suramis-cathedrale-strasbourg.eu,
↑La très grande majorité des orgues se situent en tribune, de l'autre côté de la façade du parvis.
↑Sous l'Ancien Régime, la ville deStrasbourg est gouvernée par trois conseils et unammestre. L'ensemble est appelé leMagistrat, avec une majuscule, pour le différencier d'un magistrat.
↑Roland Recht,La cathédrale de Strasbourg, La Nuée Bleue,,p. 79
↑Le portail Saint-Laurent de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Un chef d’œuvre de l’art gothique tardif, Fondation de l’Œuvre Notre-Dame,(lire en ligne),p. 10
↑Jean-Philippe Meyer, « La synagogue, l'église, Salomon et le Christ : le dialogue strasbourgeois du Cantique des cantiques et les sculptures du portail sud »,Bulletin de la Cathédrale de Strasbourg,vol. 29,,p. 29-50(lire en ligne).
↑« Une statue vandalisée à la cathédrale de Strasbourg »,La Croix,(ISSN0242-6056,lire en ligne, consulté le)
↑Henri Bach, Jean-Pierre Rieb, Robert Wilhelm,Les trois horloges astronomiques de la Cathédrale de Strasbourg, Ronald Hirlé,, 240 p.
↑André E. Bouchard, « Bouchard, Les cadrans solaires de la cathédrale de Strasbourg »,Le Gnomoniste,vol. X,no 1,,p. 6-7
↑Hans Haug,La cathédrale de Strasbourg, Éditions des Dernières Nouvelles,,p. 89
↑Madeleine Klein-Ehrminger,Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg (Brochure touristique vendue dans la cathédrale), Fabriques de la cathédrale,, 80 p., « Chapelle Sainte-Catherine », p. 50.
↑PascalReber,« Les grandes orgues », dans Joseph Doré (dir.), Francis Rapp (dir.), Benoît Jordan (dir.),La Grâce d’une cathédrale : Strasbourg, Strasbourg, La Nuée bleue,(ISBN9782716507165),p. 285-289.
↑Henri Bach, Jean-Pierre Rieb, Robert Wilhelm,Les trois horloges astronomiques de la cathédrale de Strasbourg, Ronald Hirlé,,p. 14-16
↑Henri Bach, Jean-Pierre Rieb et Robert Wilhelm,Les trois horloges astronomiques de la Cathédrale de Strasbourg, Ronald Hirlé,,p. 13.
↑OlivierTarozzi,« Les cloches : la voix de la cathédrale », dans Joseph Doré, Francis Rapp, Benoît Jordan,Strasbourg : La grâce d’une cathédrale, Strasbourg, La Nuée bleue,(ISBN9782716507165),p. 311-322.
↑a etbOlivierTarozzi,« Le rythme des jours à travers les cloches de la cathédrale : le patrimoine campanaire de la cathédrale de Strasbourg », dans Christian Grappe (dir.),La cathédrale de Strasbourg en sa ville : le spirituel et le temporel, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg,(ISBN9782868207609),p. 52-66.
↑DominiqueToursel-Harster,« Les tapisseries », dans Joseph Doré (dir.), Francis Rapp (dir.), Benoît Jordan (dir.),La Grâce d’une cathédrale : Strasbourg, Strasbourg, La Nuée bleue,(ISBN9782716507165),p. 299-310.
↑EmmanuelFritsch et BenoîtJordan,« Le trésor », dans Joseph Doré (dir.), Francis Rapp (dir.), Benoît Jordan (dir.),La Grâce d’une cathédrale : Strasbourg, Strasbourg, La Nuée bleue,(ISBN9782716507165),p. 326.