| Type | Palais aristocratique |
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| Partie de | Centre historique de Séville(d) |
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LaCasa de Pilatos (« Maison de Pilate ») est un palais aristocratique situé dans le centre historique de la villeespagnole deSéville, enAndalousie. Bâtie essentiellement auxXVe et XVIe siècles, elle marie autour de plusieurspatios et jardins les stylesmudéjar,gothique etrenaissance. Son organisation spatiale, ses qualités architecturales et la richesse de sa décoration en font, avec l'Alcázar, le meilleur exemple de l'architecture civile andalouse de la fin duMoyen Âge et du début de laRenaissance. Certains voient dans la Casa de Pilatos le prototype même du palais sévillan. Le bâtiment fut classéMonument national en1931[1].

Au début duXVIe siècle, Séville, idéalement située au fond de l'estuaire duGuadalquivir, connaît un développement spectaculaire. Ladécouverte du Nouveau monde a ouvert à l'Espagne des perspectives d'expansion et d'enrichissement considérables. LesRois catholiques désignent Séville comme port exclusif du commerce ultramarin dans la péninsule, et y installent dès1503 laCasa de Contratación, organisme chargé de gérer les flux de marchandises échangées avec les colonies américaines. Dans ce contexte, la cité connaît un rayonnement important, et voit gonfler sa population. La noblesse et la bourgeoisie locales profitent pleinement de la vitalité de Séville[2].
Parmi l'aristocratie andalouse se distinguent les grands nobles détenteurs d'unoffice, consenti par la monarchie. Le titre d'Adelantado mayor d'Andalousie était donné par le roi à un noble, qui devenait alors le principal représentant de la couronne dans la région. L'Adelantado assumait au nom du roi les plus hautes fonctions exécutives et judiciaires sur le territoire relevant de sa juridiction. L'Adelantado mayor d'Andalousie exerçait ses attributions sur les deux tiers de l'Andalousie actuelle, seul leRoyaume de Grenade lui échappant[3]. À la fin duXVe siècle, cet office est détenu par don Pedro Enríquez. Celui-ci appartient à la prestigieuse maison nobiliaire des Enríquez, fondée auXIVe siècle par l'infantFadrique de Castille, fils illégitime du roiAlphonse XI de Castille[4]. Marié à Béatrice de Mendoza en1457, il obtient par le biais du contrat de mariage le titre d'Adelantado, détenu jusqu'alors par son beau-père, décédé peu avant. À la suite de la mort de sa première femme en1469, il épouse en secondes noces la sœur de cette dernière, Catalina de Ribera, en1474[5]. Catalina descend d'une des grandes lignées aristocratiques de la Castille médiévale, fondée enGalice, établie en Andalousie depuis leXIVe siècle, et liée par le sang à la puissante famille des Mendoza, originaires d'Alava[6].
Le couple Enriquez-Ribera, riche et puissant, s'établit sur une propriété de la famille de Catalina, à Séville. Le terrain est situé à l'intérieur de l'enceinte fortifiée, non loin de la Porte de Carmona, et dans le voisinage immédiat de l'église San Esteban. Les époux commencent à faire bâtir une demeure noble sur ce terrain, dont ils accroissent la surface par l'acquisition successive de parcelles environnantes, attestée par des documents datés de1481,1483,1484,1487 ou encore de1490[7]. La demeure initiale est conçue selon les canons de l'art mudéjar, et les travaux se poursuivent après la mort de Pedro Enríquez en1492. Catalina de Ribera, devenue un des personnages les plus influents de la ville et très impliquée dans la gestion du patrimoine familial, fonde en1500 une institution de charité, qui débouchera en1546 sur la construction, par son fils Fadrique, d'unhospice, connu sous le nom d'Hospital de las Cinco Llagas. Catalina poursuit parallèlement l'édification du palais initié en compagnie de son défunt époux. Elle rachète de nouvelles parcelles en1493, puis en1501, afin d’accroître la superficie de la propriété, qui étend son emprise sur une partie non négligeable de la paroisse de San Esteban. À sa mort en1505[8] s'achève la première phase de construction du palais, qui témoigne alors d'une forte empreinte gothico-mudéjare.
La deuxième phase de travaux, la plus déterminante dans la formation de la Casa de Pilatos (connue à l'époque sous le nom dePalacio de la collación de San Esteban) telle qu'elle peut être admirée aujourd'hui, a lieu avec donFadrique Enríquez de Ribera. Ce dernier était le fils aîné issu du mariage de Pedro Enriquez et de Catalina de Ribera. Son demi-frère, Francisco Enríquez de Ribera (né de la première union de Pedro Enríquez avec Béatrice de Mendoza) étant mort sans héritier, Fadrique hérite en1509 des titres (dont celui d'adelantado) et possessions de son père, avant d'être fait premier marquis deTarifa par la reineJeanne la Folle en1514[9]. Le nouveau titulaire des biens de la maison nobiliaire poursuit l'extension de la propriété sévillane, notamment par l'achat de nouvelles parcelles de terrain. Après un bref séjour enTerre sainte entre1518 et1520, il entreprend une vaste modification et extension de la demeure. En1533 sont menés à bien les premiers apports italianisants, témoignant d'une transition des styles gothique et mudéjar vers l'art de la Renaissance. À cette date sont installées la fontaine et les premières colonnes du patio, ainsi que le portail, selon une inscription figurant au-dessus de celui-ci[7]. Quelques années plus tard, entre1535 et1539 sont placés lesazulejos du patio, tandis que la décoration prend peu à peu sa forme. La physionomie générale du palais doit beaucoup à Fadrique Enríquez de Ribera, qui meurt sans héritier en 1539. S'ouvre à cette date une troisième grande période de transformations et d'aménagements de la demeure, sous la direction dePedro Afán de Ribera, neveu de Fadrique, qui se consacre pour l'essentiel à la reprise du grand jardin et à la décoration du patio[7].
Depuis lors, le palais a subi diverses restaurations et réaménagements, lesquels n'ont toutefois pas altéré sa physionomie et son organisation générales. La Casa de Pilatos est, depuis plus de cinq siècles, demeurée dans les mains de la famille Enríquez-Ribera et ses descendants, de la maison d’Alcalá et deMedinaceli. Elle est aujourd'hui la propriété de Victoria Eugenia Fernández de Córdoba y Fernández de Henestrosa, XVIIIe duchesse de Medinaceli. Depuis1980, la Fondation Casa Ducal Medinaceli se charge de la protection du patrimoine historico-culturel de l'ensemble palatin, classé Monument national en1931.
Le voyage àJérusalem de Fadrique Enríquez est à l’origine du nom actuel de la Casa de Pilatos, qui était à l’origine nomméPalacio de la collación de San Esteban. L'appellation du palais fait référence àPonce Pilate,préfetromain deJudée. La légende populaire affirme que Fadrique aurait reproduit à Séville le palais de Pilate à Jérusalem. Une autre légende attribue ce nom au fait que lapremière station du Chemin de Croix, célébré à l'initiative de Fadrique, était placée à côté de la porte du palais de ce dernier. Levía crucis de Séville partait alors des abords de la Casa de Pilatos, et s'achevait au lieu-ditLa Cruz del campo, en suivant plus ou moins fidèlement le déroulement duChemin de croix duChrist. La première étape du Chemin de croix étant la demeure de Pilate, où Jésus fut condamné, la population sévillane aurait baptisé le palais du nom du préfet romain[10].
LaCasa de Pilatos occupe un vaste espace d’environ 10 000 m² en plein cœur de l'ancien quartier juif (lajudería) de Séville, à quelques pas de l'église médiévale de San Esteban. La politique volontariste d'acquisitions de terrains menée par Pedro Enríquez, Catalina de Ribera et leur fils explique la formidable extension du palais et de ses dépendances, dans une zone centrale très fortement urbanisée. La surface de la demeure fait de celle-ci le second ensemble résidentiel de la cité, après l'Alcázar.
AuXVIe siècle, avec l’enrichissement de l'aristocratie locale, Séville voit jaillir de terre un grand nombre de palais et de demeures nobles, dans la tradition des palais andalous duMoyen Âge, dont l'Alcázar constitue le plus parfait modèle.
Les concepteurs de ces nouvelles réalisations conservent les éléments constitutifs de l'architecture palatine régionale médiévale, identifiés par Teodoro Falcón Márquez. Ces éléments mêlent l'influence mudéjare à l'apport gothique[7]. Labrique et lepisé sont les matériaux dominants, tandis que lesazulejos, lespeintures murales, lesvoûtes à nervures ainsi que lesplafonds à caissons (artesonados) se placent au cœur du programme décoratif. La nouveauté réside dans l’emploi de nouvelles formules architecturales et décoratives empruntées à l'Italie de laRenaissance et à ses théoriciens de l'art, à travers une organisation de l'espace et une décoration innovantes.
Des dizaines de palais et demeures nobles construits au moment de l'apogée de Séville, très peu ont résisté aux mutations d'un panorama urbain en perpétuel mouvement. Les seuls réalisations d'envergure de l'époque qui puissent encore être admirées sont lePalacio de las Dueñas, laCasa de los Pinelo et laCasa de Pilatos[11].
On ne devine pas depuis l'extérieur l'extrême raffinement des lieux. Comme toujours dans l'architecture sévillane, la simplicité, voire l'austérité, de l'ornementation des hauts murs d'enceinte occulte la richesse de l'intérieur. L'accès au palais se fait à travers un grand portail demarbre ouvragé, réalisé àGênes en1529 et placé en1533 comme en témoigne l'inscription figurant au-dessus de l'arc. Ce portail prend place au centre d'un simple mur de brique, couronné d'une crête faite d'une délicate série d'arcatures ajourées de style gothique, vraisemblablement déplacée depuis le palais que possédaient les Ribera à Bornos. Le portail, flanqué de deuxpilastres d'ordre corinthien, est surmonté des armes de l'ordre canonial régulier du Saint-Sépulcre[12].



Le portail ouvre sur unvestibule, appeléapeadero, dont la fonction était de permettre de descendre de sa monture ou de son attelage (carrosse ou autres). Cette cour, que l'on retrouve dans nombre de demeures de ce type en Andalousie, ouvre sur différentes pièces de service (notamment lesécuries), et sur la zone résidentielle[13].
Après avoir franchi un mur percé d'une cancela duXVIIIe siècle (porte enfer forgé qui, dans les maisons andalouses, sépare le vestibule du patio) et orné de grands massifs deglycines, le visiteur accède au patio principal, véritable cœur et porte d'entrée des parties résidentielles, autour duquel sont distribuées les différentes pièces. De par sa composition, le patio est de style renaissance ; il présente toutefois de remarquables éléments mudéjars et gothiques, la synthèse de ces différents courants concourant à l'élégance et à l'originalité de l’ensemble.Autour de la cour centrale carrée courent deux séries d'arcs réparties sur deux niveaux et ouvrant chacune sur une galerie donnant accès aux salles. Le premier niveau d'arcades entoure complètement la cour. La forme, en plein cintre, et la décoration des arcs sont très nettement inspirées de l’art mudéjar : des stucs délicats envahissent tout l'espace décoratif depuis lesécoinçons jusqu'à la base du niveau supérieur. Le deuxième niveau d'arcades, à l'étage supérieur, n'entoure que trois côtés de la cour : le côté donnant sur l’apeadero est aménagé sous forme de terrasse. Les arcs, enanse de panier, sont d'inspiration renaissance.Polychromes, ils sont soutenus par des colonnes aux chapiteaux en feuilles d'acanthe, rappelant ceux de lapériode califale, tels qu'on peut les voir à laMosquée de Cordoue. Unebalustrade ajourée de style gothique court tout le long du deuxième niveau.Au centre de la cour, pavée de dalles de marbre, trône unefontaine en marbre à double vasque, très nettement italianisante, et pétrie de références à l'Antiquité classique. Un groupe dedauphins sculptés est adossé au pied central de la fontaine, qui soutient la vasque supérieure, circulaire, couronnée d'une statue deJanus. Deux statues d'Athéna ornent les angles de la cour. L'une d’entre elles est un original grec duIVe siècle av. J.-C., tandis que l'autre est une copie romaine restaurée auXVIe siècle[12].
Les murs des galeries de la cour sont ornés de remarquablesazulejos aux couleurs profondes à dominante bleu, qui furent exécutés auXVIe siècle. Des portes ainsi que des baies géminées ajourées permettent la communication avec les pièces qui l’entourent. Les murs sont également ornés de niches où sont placés vingt-quatrebustes d'empereurs romains et des représentations de personnages de lamythologie grecque[12].


Les pièces entourant le patio sont elles aussi richement décorées. Les plus remarquables d'entre elles sont le Salon du Prétoire et la chapelle. LeSalón del Pretorio (Salon duPrétoire) est orné d'un admirable plafondartesonado à caissons, incrusté de blasons de maisons nobiliaires, exécutés en1536. Les parois sont revêtues de panneaux d’azulejos et de stucs de facture mudéjare[12]. La chapelle de la Flagellation (Capilla de la Flagelación) a, quant à elle, été réalisée dans la plus pure tradition dugothique isabélin espagnol. La voûte repose sur un complexe réseau de nervures formant des motifs géométriques. Comme dans les autres pièces, stucs et azulejos complètent la décoration.
L'escalier constitue sans doute l'un des plus beaux trésors du palais. La cage est pourvue d'un riche décor d’azulejos duXVIe siècle et surmontée d'un plafond demarqueterie ainsi que d'une impressionnantecoupole sur trompes en bois doré, réalisée par Cristóbal Sánchez en1537[12]. Les pièces du premier étage auxquelles il mène conservent une décoration nettement plus marquée par l'influence de la Renaissance. L'ensemble de ces salons est aujourd'hui mis à profit pour la célébration d'évènements culturels et sociaux.
Outre son intérêt architectural et décoratif, laCasa de Pilatos renferme une quantité non négligeable d'œuvres d'art : peintures et sculptures viennent ajouter à la somptuosité de lieux marqués par la profusion et le raffinement des azulejos, stucs, colonnes et autres éléments de décor.
La collection de peintures est abritée dans les divers salons du premier étage. Constituée de toiles desXVIe au XIXe siècle, elle témoigne de l'intérêt des propriétaires pour l'acquisition et la conservation d'œuvres d'art diverses. Les pièces les plus importantes de cette collection furent exécutées parSebastiano del Piombo (Pietà,1539),Goya (arrastre d’un toro aux arènes de Madrid),Giuseppe Recco (Nature morte),Francisco Pacheco (plafonds peints représentant l’Apothéose d’Hercule,1604),Luca Giordano (Herminia parmi les bergers), ou encorePieter Coecke van Aelst[12].
Le goût de la famille pour les antiquités romaines se manifeste à travers une impressionnante collection de statues antiques, dont les plus beaux exemplaires sont exposés dans le patio principal et dans les jardins. La collection trouve son origine avec le séjour enItalie de Pedro Afán de Ribera, premier duc d'Alcalá, et nommévice-roi deNaples parPhilippe II en1559. Avec l'aide de l'antiquaire Adriano Spadafora, l'héritier de Fadrique fait venir des pièces en provenance deRome et dePompéi, la collection étant complétée par des pièces extraites des ruines voisines d'Itálica[14].


À l'instar de la plupart des demeures andalouses de ce type, laCasa de Pilatos est pourvue de jardins. Ceux-ci révèlent une conception plutôt intimiste des espaces de verdure, et servent d'écrin à des espèces végétales variées :arbres fruitiers,palmiers,orangers,buis,bougainvillées,jacarandas,magnolias,jasmin de Madagascar… Le grand jardin (Jardín grande) est le plus vaste et le plus ancien. En dépit de quelques retouches effectuées dans lesannées 1850, il conserve en grande partie son aspect originel. Organisé autour d'une fontaine, il s'étend au milieu d'un beau décor architectural, dominé par une galerie et uneloggia. Le petit jardin (Jardín chico) est beaucoup plus récent. Planté au début duXXe siècle, il traduit une influence mudéjare plus marquée[15].
LaCasa de Pilatos fait l’objet d’un classement en Espagne au titre debien d'intérêt culturel depuis le[16].
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