Pendant près de trois siècles, elle fut un bastion duroyaume d'Espagne enAmérique du Sud et eut un rôle clé dans l'administration et l'expansion de l'Empire espagnol, la présence de hautes personnalités espagnoles fortunées, proches de la royauté et de lavice-royauté deNouvelle-Grenade, en faisant un lieu d'activités politiques et économiques. Carthagène des Indes fut aussi un important centre detraite desesclaves et de transit vers l'Espagne de l'or issu despillages des empiresaztèque etinca[3].
Les activités économiques de Carthagène des Indes comprennent l'industrie maritime, l'industrie pétrochimique et letourisme.
Carthagène des Indes possède d'importantesfortifications et l'un des systèmes les plus complets de fortifications militaires d'Amérique du Sud[2]. Le port de Carthagène fut un lien essentiel sur la route desIndes occidentales. Il tient une place prépondérante dans l'histoire de l'exploration du monde ainsi que parmi les grands itinéraires maritimes commerciaux[2].
Carthagène des Indes fut construite sur le site d'un villageamérindien déserté :Calamarí, situé sur une petite île du même nom[3].
Son nom ―Cartagena de Indias pour la différencier de son homonyme ― lui a été donné par les conquistadors en référence à la ville espagnole deCarthagène. Celle-ci avait été fondée par lesCarthaginois sous le nomphénicien deQart Hadasht (« Nouvelle Ville »), qui était aussi celui deCarthage. Les romains la renommèrentCartago Nova (« Nouvelle Carthage »), etCartagena est dérivé de l'accusatifCartaginem, peut-être via l'arabeقرطجانة (Qarṭaǧānatu).
Le nom romain deCartago a été directement utilisé par les Espagnols pour nommer plusieurs villes ou régions américaines.
En 1533,Pedro de Heredia, un des anciens gouverneurs deSanta Marta[5], fonde Carthagène des Indes à l'ouest de l'embouchure durío Magdalena[6]. En peu de temps, dans la région durío Sinú, de nombreuses tombes decaciques sont découvertes. Signalées par destumuli, elles se révèlent être riches en or, ce qui attire nombre de conquérants.
Du fait de la richesse qui découle de sa position, la ville attire donc toutes les convoitises, tant celles des pouvoirs coloniaux que celles des pirates. Elle fut plusieurs fois attaquée par les pirates et corsaires français et anglais : les Français Robert Boal (1543), Jean-Martin Cotes etJean Bontemps (1559), et l'AnglaisFrancis Drake, en 1586[3]. Entre 1653 et 1659 un seul convoi parvient à Carthagène des Indes[M 2].
Après les exemples donnés parCaracas, où le capitaine général est déposé le[10], etBuenos Aires le 25 mai[11], la première junte néo-grenadine est établie à Carthagène des Indes le[12]. Toutefois, il n'est en réalité nullement question d'indépendance à ce stade et la loyauté des différentes juntes à l'égard de Ferdinand est exemplaire, même si l'aspiration à l’auto-gouvernement est ancienne[13]. Mais la question de la représentation reste une question délicate entre l'Amérique et la péninsule tout au long des années1810 et1811. Les Américains demandent toujours le même traitement que les péninsulaires dans la représentation à la Junte Centrale de Séville. Ces demandes, finalement discutées en février 1811, sont rejetées par les Espagnols[14], qui ne comprennent pas l'insistance des Américains à vouloir être traités en égaux et estiment avoir affaire à des rebelles. Cette incompréhension, que les Américains prennent pour du mépris, les pousse peu à peu à se radicaliser et, pour la première fois, à rejeter complètement l'autorité espagnole et à revendiquer l'indépendance.
À Carthagène des Indes l'indépendance de la province est déclarée le[12]. D'autres proclamations se produisent dans tout le pays et aboutissent à l'indépendance de la plupart des provinces de Nouvelle-Grenade. Un Congrès des Provinces-Unies se réunit le àTunja et adopte l'Acta de la Federación de las Provincias Unidas de Nueva Granada[15], constituant lesProvinces-Unies de Nouvelle-Grenade, un nouvel État d'idéologiefédérale dont la province de Carthagène fait partie[16].
Pendant ce temps, uneguerre civile éclate en Nouvelle-Grenade entre lesProvinces-Unies de Nouvelle-Grenade et l'État libre de Cundinamarca, dirigé parAntonio Nariño, qui prône le centralisme et refuse d'intégrer la fédération. La guerre entre fédéralistes et centralistes se termine le, après un dialogue entre Cundinamarca et les Provinces-Unies, chacune représentée par deux délégués. Ceux-ci s'accordent sur la volonté d'indépendance et l'union de leurs forces contre l'ennemi commun, l'Espagne. Uneexpédition, commandée par Nariño, est envoyée vers les provinces royalistes du sud, mais se solde par un désastre : l'armée patriote est anéantie lors de labataille de la Cuchilla del Tambo tandis que Nariño est capturé et rapidement envoyé en prison en Espagne[19],[16].
Le,Simón Bolívar, revenu en Nouvelle-Grenade après l'échec de laDeuxième République du Venezuela, entre dans Santafé de Bogota et force Cundinamarca à intégrer les Provinces-Unies. Le compromis trouvé est que le Cundinamarca s'engage à rejoindre la fédération en échange du déplacement du siège du Congrès des Provinces-Unies deTunja versBogota, qui redevient ainsi la capitale du pays[20].
Après la prise de Santa Fe, Bolívar se dirige vers la côte Atlantique où il doit recevoir des armes et des fournitures de Carthagène des Indes pour prendreSanta Marta puis libérer le Venezuela. Toutefois, le gouvernement carthaginois refuse de le soutenir et Bolívar assiège la ville pendant un mois et demi. Informé de l'arrivée dePablo Morillo au Venezuela et attaqué par les royalistes à Santa Marta, Bolívar renonce et s'embarque le pour laJamaïque, tandis que le reste de son armée se défend dusiège de Morillo, qui commence le et initie laReconquista.
En1819, à la suite de la victoire décisive de labataille de Boyacá qui ouvre la route de Bogota aux patriotes venus du Venezuela et assure la libération du pays[22],Simón Bolívar charge le général vénézuélienMariano Montilla d'attaquer les royalistes qui occupent encore les ports de la mer des Caraïbes. À partir du se déroule unecampagne fluviale et navale qui libère un à un les ports caribéens et se termine par l'entrée des troupes indépendantistes à Carthagène le[23].
Carthagène des Indes possède des défenses imposantes telles que :
la forteresseSan Felipe de Barajas : le premierfort, qui s'appelait alors château de Saint-Lazare, datait de 1536. Il fut reconstruit entre 1639 et 1657[24]. L'ingénieur militaire espagnolAntonio de Arévalo(es), né en 1715 à Martin Muñoz de la Dehesa et mort en 1800 à Carthagène des Indes, dirigea les ouvrages defortification de la ville de 1742 à 1798[25]. Le fort de San Felipe de Barajas et les douze kilomètres de remparts qui protégeaient la ville des pirates rappellent l'époque où l'or et lesémeraudes raflés par les conquistadors transitaient par Carthagène des Indes ;
le bastion de San José fut aussi érigé sur la baie, au sud ;
douze kilomètres de remparts, dont la porte de laTorre del Reloj (littéralement la « tour de l'Horloge ») est la porte principale, entourent la vieille ville elle-même. Elle fait partie dupatrimoine de l'humanité de l'UNESCO. En, laConvention de Carthagène pour la protection et la mise en valeur de la mer des Caraïbes a été signée dans la vieille ville ;
Carthagène est située sur la côte nord de la Colombie, face à la mer des Caraïbes. La ville est baignée par labaie de Carthagène des Indes dotée de deux entrées : la péninsule deBocachica au sud et celle deBocagrande aunord.
Descollines surplombent laplaine environnante d'où les voies d'accès au port sont aisées à contrôler.
Unclimat tropicalsemi-aride règne à Carthagène. La moyenne d'humidité est environ de 90 % avec des saisons de pluies se situant généralement enmai-juin etoctobre-novembre. Le climat a tendance à être chaud et venteux. De forts vents froids surviennent de novembre àfévrier.
Carthagène est rarement touchée par lesouragans bien que se trouvant dans les Caraïbes, car le continent l'isole[26].
La moyenne des températures ne varie que de25°C à30°C[27].
Carthagène des Indes a vu sa population augmenter progressivement ; le phénomène a commencé au début desannées 1980. Les taux moyens de naissance et de mortalité ont contribué à l'expansion économique de la ville.
Année
Total Ville
1939
87,504
1952
123,439
1967
299,493
1976
312,520
1985
554,093
1993
725,072
1999
837,552
2005
893,033
2011
955,709 (estimation)
2013
978,600 (estimation)
Année
Total Ville
1811
29,320
1821
5,392
1832
8,001
1842
4,221
1853
6,403
1867
8,320
1870
7,680
1882
13,994
1890
17,392
1900
21,220
1912
29,922
1918
34,203
1926
64,322
Année
Total Ville
1533
200
1564
2,400
1593
3,543
1612
5,302
1634
8,390
1643
12,302
1698
14,223
1701
10,230
1732
12,932
1762
14,203
1778
16,940
1792
19,380
1803
23,402
Portrait deZenón de Somodevilla, marquis de la Ensenada, responsable des patrouilles. Il a effectué le premier recensement« moderne » en 1778.
José Fernández de Madrid,dramaturge né à Carthagène des Indes. L'université de Carthagène donna son nom à sa bibliothèque.
La ville abrite de nombreusesbibliothèques publiques et privées[28] :
bibliothèque de l'université José Fernández Madrid de Carthagène, ouverte en1821 ;
bibliothèque Bartolomé Calvo, fondée en1843 : c'est l'une des principales bibliothèques de la côté caribéenne colombienne ;
bibliothèque de l'académie d'histoire de Carthagène des Indes : ouverte en1903, elle contient de nombreux livres datant duXIXe siècle et provenant de dons ;
bibliothèque de l'université de technologie Bolívar : ouverte en1985, elle possède des sections importantes sur l'ingénierie et l'électronique ;
bibliothèque Juan de Dios Amador : créée en1994, elle offre des activités artistiques à cent cinquante enfants et adolescents ;
bibliothèque de la culture hispano-américaine : elle existait depuis lesannées 1940, en une petite structure, dans laCasa de España. En 1999, elle fut installée dans l'ancien couvent de Santo Domingo, plus vaste, afin d'élargir les sections de l'Amérique latine et des Caraïbes. La restauration du couvent est un projet personnel deJuan CarlosIer d'Espagne[28] ;
bibliothèque Balbino Carreazo : elle offre aussi des cours de théâtre, peinture, musique et danse ;
bibliothèque publique Caimán et le centre culturel Estafanía Caicedo : ils abritent deux mille livres ;
bibliothèque publique de Bayunca : trente enfants et adolescents y suivent des formations enart moderne,arts plastiques, littérature et musique ;
bibliothèque publique du quartierFredonia, l'une des dernières à être entrée dans le réseau de district des bibliothèques publiques.
Les bibliothèques de district permettent la circulation des livres dans les quartiers, chaque bibliothèque de quartier comptant environ cinq cents livres[28].
Le centre culturelLas Palmeras, créé en1998 et situéCalle Las Carretas dans le quartierLas Palmeras, dessert67 quartiers de la ville. On peut y participer à des cours de danses modernes et traditionnelles, de chant, de musique, à des visites guidées, à un atelier de lecture. Il possède unciné-club[28].
Coucher de soleil sur le port de Carthagène des IndesPlage de Bocagrandestatue de la Vierge Marie
Carthagène est l'un des pôles touristiques majeurs du tourisme en Colombie[3]. En2010, la ville a accueilli deux millions de visiteurs, soit quatre cent mille de plus qu'en2009. La fréquentation despaquebots de croisière explose : 17 en2003, 208 en 2010. À chaqueaccostage, 2 000 touristes débarquent.
Bocagrande, située entre la baie de Carthagène, à l'est, et la mer des Caraïbes, à l'ouest, dispose deplages étendues couvertes d'unsable légèrement grisâtre. L'aire deBocagrande, qui comprendEl Laguito (en français : le petit lac) etCastillogrande (grand château), comporte la majeure partie desinfrastructures touristiques de la ville telles que les hôtels, boutiques, restaurants et discothèques.
En novembre, leconcours deMiss Colombie se déroule à Carthagène des Indes, sur la péninsule deBocagrande. Les concurrentes défilent devant une statue de laVierge Marie érigée au bord dulittoral, au centre de la baie.
Protégé par les murs de Carthagène des Indes, le centre historique abrite trois quartiers distincts : San Pedro, ou quartier du centre, avec la cathédrale et de nombreux palais, San Diego, au nord-est, où vivaient les marchands et artisans, et Gethsemani, le quartier populaire[2].
Du fait de l'importante activité touristique dans le pays, Carthagène des Indes possède divers moyens de transports, ainsi qu'un port, un aéroport et des voies fluviales. En 2003 commence la construction duTranscaribe en ville[30]. Il est finalement inauguré en novembre 2015.
Le drapeau de Carthagène a été adopté lorsque la cité est devenue indépendante de l'Espagne, en 1811. Il comporte trois rectangles superposés dont les couleurs sont (de l'extérieur vers l'intérieur) : rouge, jaune et vert. Au centre du rectangle vert se trouve une étoile blanche à 8 branches.Il s'agit d'un drapeaucuadrilonga (rectangulaire).
Ce blason a été créé en1574, lorsque le RoiPhilippe II d'Espagne a décidé de concéder à la ville un blason représentant "deux lions rouges debout tenant entre eux et dans leurs mains une croix aussi haute qu'eux, sur fond or, surmontée d'une couronne"[31]. Cette décision fut prise après que Carthagène eut acquis une place prépondérante en tant que port du nouveau territoire colonial, le blason devant être utilisé dans tous les actes officiels de la ville.
Le blason républicain a été adopté lorsque Carthagène des Indes a déclaré son indépendance de l'Espagne et est devenue unÉtat souverain en 1811. Sur ce blason, on peut voir une Indienne assise à l'ombre d'un palmier, son porte-étendard dans le dos, sa main droite tenant unegrenade ouverte de laquelle se nourrit un troupiale (espèce depassereau d'Amérique), sa main gauche serrant un arc et son pied gauche foulant une chaîne brisée. Au fond apparaît la colline de la Popa, le plus haut relief de la ville. Le blason représente l'indépendance et la liberté que la ville fut la première de lavice-royauté de Nouvelle-Grenade à obtenir. Après avoir connu plusieurs changements, dont l'ajout du château San Felipe de Barajas,icône architecturale construite durant la conquête, ce blason est désormais celui de la ville.
Carthagène des Indes, l'une des destinations touristiques les plus populaires dans les Caraïbes.
Panorama urbain de Carthagène depuis le fort de San Felipe de Barajas. La concentration de gratte-ciel, à gauche, est le quartier deBocagrande. Le secteur historique est au centre, après le plan d'eau.
↑Voltaire,Le siècle de Louis XIV, T II page 47 : "Pointis, chef d’escadre, à la tête de quelquesvaisseaux du roi et de quelquescorsaires de l’Amérique, alla surprendre (mai 1697) auprès de la ligne la ville de Carthagène, magasin et entrepôt des trésors que l’Espagne tire duMexique. Le dommage qu’il y causa fut estimé vingt millions de nos livres, et le gain, dix millions."
↑Moreau de Saint-Méry,Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l'isle Saint-Domingue, Philadelphie, Paris, Hambourg, 1797-1798, (réédition, 3 volumes, Paris, Société française d'histoire d'outre-mer, 1984),p. 1170.