

L'apparition d'un nouveautrait chez uneespèce, s'il apporte un avantage adaptatif par rapport aux formes antérieures, peut parfois produire une radiation évolutive en donnant naissance à plusieurs espèces descendantes partageant ce nouveau trait. On parle alors de caractère dérivé par rapport à un caractère ancestral, ou apomorphie. Un caractère dérivé partagé, ousynapomorphie, définit un nouveauclade, qui englobe dans un même groupe l'ancêtre commun et tous ses descendants possédant la mêmeinnovation évolutive[2].
Lorsque les qualificatifsancestral etdérivé sont appliqués à un mêmecaractère phénotypique, ils désignent des états de ce caractère qui se succèdent temporellement au sein d'une lignée d'organismes. Savoir lequel des deux états est ancestral et lequel est dérivé peut aider à reconstruire unephylogénie, mais des méthodes de reconstruction phylogénétique comme lacladistique peuvent se passer de cette information et la déduirea posteriori[3].
Uncaractère ancestral (homologie ancestrale ouplésiomorphie) chez uneespèceau sein d'untaxon est uncaractère qui n'a pas subi de modification au cours de l'évolution.
Ce caractèrehomologue n'a donc pas été conservé depuis le premier ancêtre du groupe le présentant (exemple : « membres pairs » ci-dessous, caractère plésiomorphe), mais a pu évoluer chez des espèces qui en descendent (ce caractère est conservé, mais a pu dériver en apomorphie : les pattes des Tétrapodes sont des « membres pairs » mais ne sont plus des nageoires).
Lapentadactylie des êtres humains est souvent considérée comme un caractère plésiomorphe, tout droit venu de nos ancêtrestétrapodes primitifs pentadactyles.
Inversement, uncaractère dérivé (ouhomologie dérivée) ouapomorphie (racinegrecqueαπο : modification, différenciation, écartement, séparation)au sein d'untaxon est un caractère nouveau résultant de la modification d'un caractère ancestral au cours de l'évolution précédant ce taxon. Ce caractère est commun à tout un groupe d'espèces et à leur espèce ancestrale.
| Le caractère « membres pairs » a deux états : | |
|---|---|
| État ancestral | État dérivé |
| 2 paires de nageoires despoissons (9 et 10) | 2 paires de pattes (lézard) |
Par exemple, certains poissons ont depuis longtemps quatre « nageoires paires » (deuxnageoires pectorales et deuxnageoires pelviennes) qui sont un caractère ancestral (plésiomorphie). Cet état de caractère s'est transformé en un nouvel état : quatre membres marcheurs destétrapodes, qui constituent un caractère dérivé (une apomorphie) par rapport au caractère ancestral.
Dans l'exemple, tous lespoissons à mâchoires actuels ont toujours le caractère ancestral « nageoires paires ». Un caractère ancestral n'est donc pas synonyme de caractère disparu puisqu'il peut s'être maintenu dans de nombreuses lignées.
Note : Le terme « poisson », utilisé dans cet exemple pour illustrer la notion d'apomorphie, est pris au sens de lasuper-classe Pisces, un taxonparaphylétique qui exclut lesagnathes n'ayant ni mâchoires ni nageoires paires[3].
Parmi lesangiospermes, lespollens sont ancestralement caractérisés par la présence d'une seuleaperture, qui constitue ainsi un caractère plésiomorphique partagé par les dicotylédones primitives et lesmonocotylédones.
En revanche l'apparition de trois apertures sur le pollen est un caractère dérivé (apomorphique) qui détermine le clade desdicotylédones vraies.
Dans l'exemple ci-avant, l'hypothèse de départ est l'intuition que la patte a dérivé de la nageoire. Mais il est difficile d'établir avec certitude que ce n'est pas l'inverse (la nageoire ayant dérivé de la patte des premiers tétrapodes) qui s'est produit.
La détermination repose alors en partie sur l'intuition : en général l'état dérivé présente plus decomplexité que l'état ancestral. En cas de difficulté, on applique leprincipe de parcimonie : les innovations évolutives sont rares, donc on admet prioritairement l'hypothèse qui suppose le moins d'innovations.
L'apparition des techniques phylogénétiques d'étude de l'ADN et de ses évolutions laissent toutefois entrevoir une alternative scientifique à cette démarche empirique.
Les archives fossiles constituent finalement, avec lestechniques de datation un moyen commode puisque, les fossiles une foisdatés, l'ordre d'apparition des caractères peut être établi, plus ou moins bien.
Un exemple qui faisait l'objet de discussions en 2004 : labipédiehumaine et la locomotion deschimpanzés et desgorillessur les phalanges des mains (knuckle walking en anglais)[a] sont deux états d'un même caractère. Les scientifiques débattent encore pour savoir lequel est dérivé et lequel est ancestral[4].
La présence du caractère ancestral « nageoires paires » peut être aussi qualifiée de caractère dérivé, par rapport à un caractère encore plus ancestral : l'absence de membre.
Également, un caractère dérivé peut être qualifié d'ancestral, s'il s'est modifié par la suite. Par exemple chez les tétrapodes le caractère « 4 membres locomoteurs » est un caractère ancestral, par rapport au serpent chez qui ces membres ont régressé jusqu'à disparaître.
| État ancestral | État dérivé | |||
| État ancestral | État dérivé | |||
| État ancestral | État dérivé | |||
| État ancestral | État dérivé | |||
| Pas de nageoires paires (agnathe) | Membres pairs (nageoires pectorales et pelviennes despoissons) | Nageoire charnue (Sarcoptérygien) | Pattes (lézard) | Membres régressés (serpent) |
La distinction entre caractères dérivés et ancestraux encladistique permet de dater relativement l'apparition des divergences au sein de lignées évolutives, et donc d'établir desarbres phylogénétiques. Ces arbres permettent ainsi d'estimer les degrés de parenté entre des espèces actuelles.
Inversement certaines méthodes decladistique numérique estiment d'abord des distances phylogénétiques entre les espèces en prenant en compte toutes les différences de caractères et reconstruisent ainsi des arbres non enracinés. Ceux-ci sont ensuite racinés par une comparaison des caractères de l'intra-groupe avec ceux d'un extra-groupe, ce qui permet de déduire quels états sont ancestraux ou dérivés.
Traditionnellement, quand une espèce avait un plus grand nombre de caractères en commun avec une seconde qu'avec une troisième, on considérait que la première espèce était plus proche de la seconde que de la troisième. Les caractères n'étant pas datés, ils avaient une égale valeur. C'est ce qu'on a plus tard appelé la méthodephénétique.
Dans la pratique descladistes, quand on peut distinguer caractères ancestraux et dérivés, on rapproche les espèces ayant le plus de caractères dérivés récents, indépendamment de leur proximité phénotypique. Les caractères ancestraux sont de ce fait ignorés lors de l'étape declassification.
Dans la pratique desévolutionnistes, tous les caractères homologues (ancestraux et dérivés) sont pris en compte afin de produire des groupes phénotypiquement homogènes, mais les caractères non homologues sont bien exclus. Lestaxons forment donc desgrades évolutifs qui ne sont pas nécessairement desclades, mais tous sontmonophylétiques dans le sens où ledernier ancêtre commun d'un groupe est toujours inclus dans celui-ci.
Dans la pratique desphénéticistes, tous les caractères, homologues ou non, sont utilisés avec une égale valeur, ce qui peut produire des groupes polyphylétiques, potentiellement non pertinents d'un point de vue évolutif.