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Unecanzone oucanzona (littéralement enitalien « chanson » ;pl.canzone oucanzoni) désigne unecomposition musicalepolyphonique de structurestrophique qui s'est diversifiée selon deux genres (vocal, puisinstrumental à partir duXVIe siècle) et diversesformes suivant l'époque. L'apogée du genre instrumental se situe enItalie entre leXVIe et le milieu du XVIIe siècle. Le terme peut s'appliquer à des contenus très différents, pas nécessairement à une pièce vocale, mais ayant toujours un caractère mélodique, qui rappelle l'art vocal.
Les musiciens qui se sont illustrés dans la canzone instrumentale desXVIe et XVIIe siècles sontVincenzo Capirola etFrancesco da Milano auluth,Claudio Merulo,Giovanni Maria Trabaci etAndrea Gabrieli à l'orgue,Giovanni de Macque,Girolamo Frescobaldi,Johann Jakob Froberger etMatthias Weckmann à l'orgue ou auclavecin etGiovanni Gabrieli pour ensemble d'instruments aux dimensions majestueuses.
Comme lericercare, lafantaisie, latoccata, lecapriccio et leprélude, la canzone participe au développement d'une écriture instrumentale idiomatique et autonome. Elle est partiellement à l'origine d'autres formes instrumentales, comme lasonate baroque (canzon da sonar). En raison des entrées décalées des voix enimitation, elle devientsynonyme defugue auXVIIe siècle.
Lacanzona vocale est pratiquée en Italie duXIIIe siècle jusqu'auXVIIe siècle.
Lacanzone tire son origine, en tant que forme poético-musicale, de lacanso provençale, genre noble et intimiste, le plus utilisé destroubadours. Pratiquées en Italie à partir duXIIIe siècle, toutes les canzones poétiques n'étaient pas destinées au chant, contrairement aux « cansos » provençales. La poésie est seulement accompagnée de musique« comme élément décoratif »[1] ; le terme, à l'époque et jusqu'auXVe siècle, étant générique sur le plan musical.
Lacanzone italienne se compose de 5 à 7strophes (stanza), les vers étant généralement une combinaison de sept etonze syllabes, avec la même disposition des rimes. Le plus souvent, il y a unenvoi (congedo).Dante en explique la structure tout au long du chapitre II de sonDe vulgari eloquentia (1304)[2], prévoyant une mélodie différente pour chaque vers (oda continua), ou bien une mélodie sans répétition, ou bien deux sections dont l'une est répétée ; mais il ne reste aucune trace de ces monodies[3] et l'« on ne sait guère quel était le lien entre poésie et musique »[4].
Ultérieurement lacanzone littéraire connaît d'autres réalisations polyphoniques, dont on retrouve trace chezDufay, avec une version en langue vulgaire deVergine Bella tirée de la première strophe de lacanzona 366 dePétrarque[5] — la dernière duCanzoniere (recueil de chansons) —canzone alla Vergine (décennie 1420) et, du même poète, dans des recueils defrottoles deTrombocino. Au siècle suivant, ce sontCyprien de Rore[6],Claudio Merulo etPalestrina qui s'illustrent dans ce genre[5], avec une large prédilection pour Pétrarque[7].
Le terme canzone (canzon da cantar) en vient à désigner, dans les éditions, n'importe quelle compositionprofane, par rapport aumotet, destiné au répertoire d'église, et également bien distinct des genres populaires comme lafrottole, lesoneto, lestrambotto (poésie campagnarde)[8], mais une sorte de poème lyrique ressemblant aumadrigal naissant, à une époque où ce dernier genre n'est pas encore fixé par rapport à l'ancien style de lafrottola[1]. L'écriture est plutôt verticale, pour faciliter la compréhension du texte[8] et la prédominance de la voix supérieure ainsi que l'abondance de mouvements parallèles, notamment en quintes (proscrits dans l'écriture rigoureuse) suggère la conception pour une voix soliste avec un instrument à cordes[9].
Ce genre populaire naît àNaples, officiellement en1537, avec l'édition des premières transcriptions d'un art à la transmission orale, lescanzone villanesca alla napolitana publiées par Johannes de Colonia. Les œuvres, généralement à trois voix, dans un premier temps, sont composées sur des textes en dialecte empruntant la forme poétique dustrambotto, à une époque où letoscan s'impose comme langue nationale et le madrigal devient la forme prédominante de la musique profane. Puis le genre populaire se propage dans l'Italie du nord à partir des années 1570, en abandonnant le dialecte[3],[10] et se désigne généralement par le terme deVillanelle ouvillota[a] (après 1565), dont on trouve l'exemple dans lesSecond Libro de Villanelle, Moresche ed Altri Canzoni… (1581) deRoland de Lassus[8] — qui a passé une grande partie de sa jeunesse à Naples — et dont le recueil contient la célèbreMatona mia cara à quatre voix[12].
Le genre connaît son âge d'or au milieu duXVIe siècle, mais il est cultivé jusqu'au début duXVIIe siècle, avec des changements des schémas poétiques et l'abandon du caractère populaire, au profit d'une poésie amoureuse édulcorée de poètes de circonstance.
À partir de 1530, lorsque le madrigal se répand dans toute l'Italie, l'évolution linguistique se confirme en partageantmadrigal (sérieux) et canzone. La canzone, plus restrictive, désigne des musiques plus légères, aux tendances rustiques ouburlesques, comme le sont lesCanzoni villanesche (1544) d'Adrien Willaert ou deFrancesco Corteccia. Malgré tout, dans les dernières décennies duXVIe siècle, un genre madrigalesque léger, introduisant la gaieté et l'enjouement apparaît, avec G. Ferretti,Adriano Banchieri etGiovanni Gastoldi et aussi dénommécanzonetta chezOrazio Vecchi (six livres, à 3, 4 et 6 voix, publiés entre 1580 et 1597), puis auXVIIe siècle, avecBartolomeo Barbarino etEnrico Radesca[1],[3].
Lacanzone oucanzona est aussi une composition instrumentale desXVIe et XVIIe siècles et le genre instrumental le plus important de la fin duXVIe siècle[10], qui connaît un succès considérable en Italie[13] avec pas moins de 55 publications deCanzone alla francese entre 1572 et 1628[14]. Elle trouve son origine dans la transcription deschansons polyphoniques françaises (à quatre voix en général), « canzone francese » (canzone da sonare oucanzona alla francese ou simplementcanzona) — qu'on pourrait traduire comme œuvre « à la façon » ou « à la mode » de France. La forme est voisine de la structure formelle duricercare (qui lui, emprunte aumotet latin), mais son caractère est plus libre, enjoué, d'une grande vitalité ou « plus profane » et moinscontrapuntique[15].
La canzone adopte la découpe simple et franche de son modèle vocal, en alternance des styles syllabique et mélismatique, écriture enimitation et en accords[15], avec une structure tripartite : exposition, développement avec modulation, et retour du thème dans la tonalité d'origine. Son rythme est « spirituoso »[16], allant,« les idées jaillissantes » (Guy Sacre) et sa forme suffisamment complexe pour intéresser sans l'appoint les paroles. Le termecanzone francese per sonare apparaît en 1579[17],[16].
Après 1560, la « canzona francese » se développe rapidement, pouvant emprunter une œuvre vocale, mais peut aussi bien ne traiter qu'une phrase de celle-ci (paraphrase libre), ou devenir une composition plus abstraite et autonome en s'inspirant de l'esprit. C'est cette branche qui influence et mène à l'éclosion d'une forme instrumentale à l'importance considérable dans l'histoire de la musique : celle de la sonate baroque[1], genre un peu plus solennel[8], conduisant notamment à lasonata da chiesa deCorelli. C'est la définition qu'en faitMichael Prætorius en 1619[18] :
« Daß die Sonaten gar gravitetisch und prächtig uff Motetten Art gesetzt seynd, Die Canzonen aber mit vielen schwartzen Notten frisch, frölich unnd geschwinde hindurch passiren. » | « Lessonates sont pleines de gravité et de grandeur, analogues en cela aumotet. Lescanzoni, au contraire, faites de beaucoup de notes brèves, vont et viennent, toujours allègres, vives et rapides. » |
Il faut ajouter que la sonate se distingue néanmoins, surtout par un souci d'expression et de virtuosité instrumentale. Nombre de recueils accolent ou substituent àcanzone, le termesonate (Uccelini,Sonate over canzoni da farci a violino solo, 1649)[19]. Exemples très parlants : dans le recueil deStefano Bernardi en 1613, les sixCanzoni per sona du titre, deviennentsonate dans la table des matières et dans son recueil de 1621,Sonate a tre affirmée par la page de titre, se transforme encanzoni dans la table[20]... Vers 1650, le terme sonate, se substitue quasiment à celui de canzone.
Carlo Gesualdo intitule« Canzone francese del Principe di Venosa » l'une de ses rarescompositions non vocales.
Les pièces à l'origine de lacanzon da sonare ouper sonar (littéralement, « chant à jouer » — par opposition à lacanzon da cantar) sont empruntées tout d'abord aux Flamands,Ockeghem,Ghiselin,Brumel etJosquin, dont les premières transcriptions remontent aux années 1520–1530[13] ; puis à la chanson parisienne :Claudin de Sermisy (Las ! Je me plains, Le content est riche, Tu disois que j'en mourrois, Pourtant si je suis brunette…),Guillaume Costeley[21] et particulièrement àClément Janequin (laBattaglia francese et laCanzone degli uccelli…) et d'autres compositeurs français, commeGirolamo Cavazzoni (Intavolatura cioe recercari canzoni himni magnificati, 1543) le fait avec uneCanzon sopra Il est bel et bon empruntée àPierre Passereau (la chanson est si célèbre qu'elle est chantée dans les rues de Venise, selonAndrea Calmo). Traité de manière similaire,Faulte d'argent est, chez Cavazzoni, beaucoup plus qu'une simple transcription, mais un remaniement complet : seule une mesure est identique à l'original[22].
La première étape de la constitution du genre des canzones instrumentales est d'abord sous forme de simples transcriptions du modèle vocal pour un instrument polyphonique. Chaque compositeur tenant compte des caractéristiques spécifiques de chaque instrument.
Le premier témoignage qui nous reste est celui desIntabolatura de lauto. Libro I e II (1507) deFrancesco Spinacino, suivi deVincenzo Capirola[3] et surtout deFrancesco da Milano à partir de 1536, qui s'est particulièrement illustré dans le domaine de la canzone pour le luth[8], où« la transcription se colore de passages typiquement instrumentaux »[3] sur toute la ligne mélodique et non seulement sur lescadences comme ses prédécesseurs.
Viennent ensuite lesinstruments à clavier (orgue,clavecin...), avec des compositeurs tels queClaudio Merulo« le plus grand organiste italien duXVIe siècle »[23], qui consacre trois recueils exclusivement au genre :Canzoni d'intavolatura d'organo... fatte alla francese : 1592, 1606 et 1611, avec l'apparition de quelques titres descriptifs :la Pazza (« la Folle »),la Graziosa[1],la Pargoletta (« la Petite »)… ou des noms aristocratiques.« Il brode avec une étonnante richesse ornementale surSuzanne un jour […] joignant souvent à lacanzone proprement dite unricercar construit sur le même thème »[24]. Seules cinq de ses vingt-trois canzoni sont des transcriptions de chansons françaises.
Florentio Maschera (vers 1540–1584), peut-être élève de Merulo, fixe le genre avec des publications autour de 1582. Elles sont constituées d'un recueil de vingt-et-une pièces à quatre parties, de forme libre pour clavier mais sûrement jouées en consort (Maschera a la réputation d'un jeu inimitable à laviole de gambe) :Libro primo de canzoni da sonar[25]. Mais il existe des transcriptions pour luth effectuées dès 1574, qui en indiquent la composition bien antérieure à l'édition. Ensuite l'œuvre est republiée cinq fois jusqu'en 1621[13] et Maschera publie un autre recueil :10 canzoni francesi per cembalo o organo (1617). Les entrées des voix sont enimitation et ont le modèle rythmique obstiné dudactyle[3],[b] : ; chaque section est clairement définie[27]. C'est aussi Maschera qui baptise pour la première fois les pièces (comme dans les recueils de son maître publiés après) :La Capriola, du nom d'une famille deBrescia ; décrivant le caractère de l'œuvre,La Grave ; ou un procédé de composition,La Cromatica[27].
ChezAndrea Gabrieli, nombre de « Ricercari » pour clavier (Canzoni alla frencese e ricercari ariosi, 1605) ou pour ensemble jusqu'à huit parties (1587 et 1589), sont en fait descanzone[3], chez d'autres compositeurs plus tard, la formecanzone pour ensemble instrumental porte le nom desinfonia ousonata[28]. Dans le livre de 1605, il confronte les deux formes par trois fois : aveccanzone detta Martin menoit (Janequin), etricercare di Andrea Gabrieli sopra Martin Benoit ; ainsi qu'avecOrsus au coup etPour ung plaisir d'aprèsCréquillon.
La canzone pour de petits groupes d'instruments commence avec le vénitienGiovanni Gabrieli (qui publie trois recueils en 1597, 1608 et 1615). Chez lui, le nombre d'instruments augmente jusqu'à 15 voix[27] et sont parmi ses meilleures œuvres[8], surpassant n'importe quelle autre composition de l’époque[29], lui donnant des dimensions majestueuses et l'animant de virtuosité. Elles constituent avec la publication desSacræ symphoniæ (1597) etCanzoni e sonate (1615, deux ans après la mort du musicien), la préhistoire des développements de la musique instrumentale etformellement, l'ébauche, d'une part duconcerto grosso ou par d'autres procédés, duconcerto avecsoliste et finalement, surtout de lasonate baroque — terme qui n'est que l'abréviation decanzone da sonare[30],[16]. Pour la première fois, dans le recueil de 1597, l'instrumentation est indiquée avec précision[31].
L'écriture descanzone est souvent enimitation, avec des sections contrastées (binaires et ternaires, lents et rapides,tutti etsolo). Adaptant le procédé de chœurs multiples, les instruments sont souvent répartis en deux groupes, ou plus —cori spezzati (« chœurs scindés, dispersés »), vocaux et instrumentaux disposés dans des endroits différents — qui se répondent entre eux et occupent l'espace, avec des tendancesconcertantes avec ledialogo (cornet etsacqueboute, ancêtre dutrombone), lein eco[32] et des passages homophones. Chez Gabrielli, les lignes mélodiques (notamment celles descornetti) peuvent être ornées endiminution. L'origine vocale est très difficile à déterminer et certaines, commeLa Spiritata,« sont d'une vivacité remarquable et d'une réelle élégance »[33]. Cette richesse et cette variété encore inouïes, ces coloris, suscitent l'admiration de son élèveHeinrich Schütz et se retrouve dans ses propresCantiones Sacræ[16] (d'ailleurs dédiées à son maître :« Mais Gabrieli, ô dieux immortels, quel homme exceptionnel »). Les voyageurs étrangers aussi rapportent leur admiration, dont un Anglais,Thomas Coryate, qui assiste à un concert vocal et instrumental à laScuola di San Rocco en août 1608, où Gabrieli est organiste[34] :
« […] so good, so delectable, so rare, so admirable, so superexcellent, that it did even ravish and stupifie all those strangers that never heard the like. But how others were affected with it I know not ; for mine owne part I can say this, that I was for the time even rapt up with Saint Paul into the third heaven. —Thomas Coryate,Coryats Crudities, 1611. » | « [Cette musique était] si belle, si délectable, si rare, si admirable, si excellente qu’elle ravissait et stupéfiait même tous les étrangers qui n’en avaient jamais entendue de pareille. Comment les autres en furent affectés, je n’en sais rien ; mais pour ma part, je puis dire cela : pendant l’exécution j’étais transporté avec Saint Paul au troisième ciel. » |
Mais hors des cérémonies solennelles et les fastes, la canzone instrumentale convie également les ensembles devioles[21] à jouer les transcriptionsalla francese.
La canzone perd peu à peu son modèle absolu de la chanson française, avecAntonio Cavazzoni (Canzon sopa Falte d'argent, etc. 1543) qui dépasse le simple arrangement et avecAndrea Gabrieli à l'orgue (Canzona ariosa, 1596) et devient une composition autonome[1]. Avec le déclin progressif du luth, au début duXVIIe siècle, les instruments à clavier prennent le relais avecGiovanni de Macque,Vincenzo Pellegrini etGiovanni Maria Trabaci (septcanzoni francese pour l'orgue dans le livre I, 1603 — dont laCanzone francesca cromatica). De Macque glisse déjà des sections libres en style detoccata alternant les styles d'écriture, formule reprise ensuite parGirolamo Frescobaldi, qui porte le genre à son apogée, avec les six duSecondo Libro di toccate... (1627) et les cinq desFiori musicali (1635)[1].
Frescobaldi développe également la canzone pour plusieurs instruments, avecIl primo libro delle Canzoni personare ogni due, tre e quattro voci, accomodate per sonare ogni sorte de stromenti (1623), un recueil dévolu au contrepoint et à la structure, plus qu'à la virtuosité[35]. En plus d'un recueil de 1608, comportant troiscanzoni instrumentales (à quatre, cinq et huit instruments), ce recueil livre 27canzoni (avec ajouts lors des éditions ultérieures). Chacune montre une extrême variété de structure, comportant de trois à dix sections[36]. Le dernier couplet est souvent une reprise du premier plus orné.
L'autre modèle d'écriture, contrapuntique mais à la virtuosité du clavier, sert de modèle àBuxtehude et au jeuneBach — ainsi que le plus tardifFroberger, également maître dans l’art de lacanzone, auquel le cantor vouait une grande admiration, selon le témoignage deJakob Adlung).
Frescobaldi et ses contemporains valorisent les contrastes propres à la canzone et en font des pièces bigarrées comportant jusqu'à une dizaine de sections, voire davantage, chacune différant par son caractère. Par exemple, la troisième canzone duSecondo Libro di toccate... (1627), est unecanzone-variations où chacune des cinq sections livre une mélodie au rythme souplement plastique,« sans jamais bouleverser la ligne mélodique »[37].
Cette évolution s'oppose totalement à la fluide canzone pratiquée à la Renaissance et devient une œuvre purement instrumentale. De plus le style de Frescobaldi se rapproche de latoccata, les figures de virtuosité passant d'une main à l'autre, ou plutôt d'une voix à l'autre. Les œuvres,« joyeuses, sont pleines de contrastes et de surprises », où le compositeur précise parfois sur la partition des indications de tempo et les effets d'écho[38].
Dans le recueil posthume de 1645 (dont la paternité est mise en doute[39]) intituléCanzoni alla francese, les onze pièces portent des noms :detta La Rovetta, La Bellorofonte, La Pesanti, Tarditi, La Querina, etc. qui contribue à les individualiser[40] — peut-être en raison de l'éditeur Alessandro Vincenti, un disciple du compositeur. Dans cette écriture de pleine maturité, où l'écriture est plus ramassée que les recueils précédents, mais aussi plus équilibrée[41], il n'y a guère que lethème de la canzone qui soit relié à l'art vocal, le traitement étant proche de la virtuosité d'unetoccata. Cette collection, comparée aux canzone du livre deRicercari de 1615 (plus traditionnelles), faisait l'admiration deNorbert Dufourcq[42] :
« Il apparaît que leur auteur a réalisé d’immenses recherches dans le sens de lafugue moderne. Ces dernières canzone qui vivent de plusieursépisodescontrapuntiques comme les premières et qui connaissait de continuels changements de rythme, offrent à notre admiration autant d'exposition de fugues ou d'épisodes qu'il y a de paragraphes dans l'œuvre : l'épisode central apparaît comme undivertissement sur lethème principal, acheminement vers la fugue classique, telle qu'en fixera les lois l'immortelJ.-S. Bach. »
D'autres compositeurs en réalisent pour les groupes instruments auxquels peuvent se joindre les voix. Ces traitements dans la canzone instrumentale, évoquent qu'elle favorise la constitution de lafugue, avec les termes interchangeables de fantasia, sinfonia ou capriccio et surtout par son emprunt par les compositeurs Allemands qui ont séjourné en Italie (Kerll,Hassler et Forberger)[27].Banchieri (1596, 1603, 1607, 1612),Merula (La Lusignuola à l'imitation du chant du rosignol),Marini (La Hacintina, La Marina, La Bemba),Cazzati,Neri,Giovanni Picchi (Canzoni da sonar con ogni sorte d'istromenti, 1625),Salvatore etFalconieri sont d'autres compositeurs qui exploitent la forme instrumentale[32].
Un type particulier de canzone promis à un grand succès a été labattaglia qui devient presque un genre à part entière, cultivé par les voix de Janequin etAndrea Gabrieli, inauguré au luth par da Milano (1536), puis au clavier (ou ensemble d'instruments) parWilliam Byrd (1591),Sweelinck,Padovano (Aria di battaglia per sonare d'instrumenti a fiato),Banchieri,Guami (Canzon sopra la Battaglia a 4, 1601),Frescobaldi,Froberger,Kerll etPoglietti notamment[19], jusqu'à laBattalia deBiber en1673.
La forme de la canzone décline en Italie aprèsFrescobaldi. Son élèveJohann Jakob Froberger excelle dans lescanzonni. Chez lui, la canzone est proche du vieuxricercare et dans une organisation formelle très claire[43] ; en outre, il ne fait pas de distinction formelle entrecapriccio etcanzone[44]. Il réussit la synthèse entre la canzone-variations de son maître et la grande forme issue deSweelinck[43].
Les autres compositeurs à noter sontAntonio de Cabezón et sporadiquementBernardo Pasquini[45],Francesco Cavalli, mais égalementDomenico Zipoli etDella Ciaja.
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Canzon a 4 voici de Hans Leo Hassler | |
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Abandonné par les Italiens, le genre de la canzone est encore pratiqué en Allemagne avecMuffat etBuxtehude (Canzone enut majeur, BuxWV 166) à la fin duXVIIe siècle[5] et dans sa forme instrumentale parSchein (Canzona Corollarium, 1615),Hammerschmidt,Rosenmüller etWeckmann, ce dernier conçoit sescanzone le plus souvent en forme de variations et de très nombreusescanzoni sont créés pour instruments à vent[46], perdurant jusqu'auXVIIIe siècle et l'abandon de l'écriturecontrapuntique[5].
Elle est encore brillamment illustrée parBach dans lacanzona enré mineur BWV 588 (vers 1709), dont le matériel thématique est emprunté à Frescobaldi[47]. Dans le premier mouvement dutroisième concerto brandebourgeois, Bach garde les traces de la canzone et de son fameuxdactyle[5]. La canzone a influencé aussi nombre de fugues réunies dansLe Clavier bien tempéré[48] (par exemple celle enré majeur du second livre).
Le motcanzona survit jusqu'à notre époque en perdant totalement le sens du genre polyphonique cultivé auxXVIe et XVIIe siècles par Gabrieli et Frescobaldi, mais revient au sens de « chanson », en indiquant le chant d'une pièce instrumentale — et plus rarement vocale — dans une composition simple et ressemblant à unechanson, notamment s'il s'agit d'un compositeur non italien : un exemple célèbre est l'ariaVoi che sapete deChérubin, dans lesNoces de Figaro deMozart.
L'expressionIn modo d'una canzone se trouve reprise dans des partitions modernes, comme la3e desQuatre étudesop. 4 pour piano, composées en1900-1902[49], et le2e mouvement duQuatuor à cordesno 1,op. 37 deKarol Szymanowski, composé en1917 :« La phrase mélodique de cetteCanzona est l'une des plus inspirées du musicien, et magnifie quelques motifs constitutifs duLento initial[50] ». Dans sonQuatuor à cordesno 1,op. 35 composé en1891,Vincent d'Indy présentait leScherzo « dans le sentiment d'un chant populaire »[51]. Le3e mouvement duQuatuor à cordesno 2,op. 35 deHans Gál, composé en1929, est une Canzone (Andante)[52].
La première pièce inscrite au catalogue des œuvres deFerruccio Busoni est uneCanzone pour piano, composée en 1873, alors que le musicien n'avait que sept ans[53]. La partie centrale de sonIndianische Fantasie (« Fantaisie indienne »),op. 44 pour piano et orchestre (1913-1914) est uneCanzone[54]. L'italienSandro Fuga (it) écrit deux recueils pour piano (1950–1951) intitulésCanzoni per la gioventù (« Chansons pour la jeunesse »)[55].
Dans« l'une des œuvres les plus puissantes de Tchaïkovski »[56],Francesca da Rimini (1877), le compositeur indique le mouvement lent commeAndantino in modo di canzona. D'autres compositeurs romantiques ou contemporains utilisent également le termeCanzone comme titre pour une œuvre ou parfois un mouvement :Sergueï Taneïev (Canzona pour clarinette et orchestre, 1883)[57],Max Bruch (Canzone pour violoncelle et orchestre en fa mineurop. 55, 1891),Joseph Callaerts (vers 1890),Alexandre Guilmant (Canzone op. 40, vers 1900),Nikolaï Medtner (Deux canzonas et dansesop. 43 pour violon et piano, 1924[58]),Peter Mennin (1958),Dieter Nowka (Concerto pour pianono 1 « pour la main gauche », 1963 — le mouvement lent est nomméCanzona. Adagio),Samuel Barber (Canzone, second mouvement duConcerto pour piano,op. 38, 1962),Gottfrid Berg (1966),François-Bernard Mâche (Canzone I à V, opus 2, 9, 15, 16 et 19, composées de 1957 à 1969),Carl Vine (1986),Salvatore Sciarrino (Canzona di ringraziamento pour flûte, 1985),Wolfgang Rihm (Canzona pour 4 violons, 1982 ;Canzona per sonare, « Über die Linie » V, 2002 ;Canzona nuova, 2007…),Herbert Callhoff (1972 et 2009).
Difficile de trouver un récital monographique consacré à la canzone pour le clavier.
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