Le mot françaiscanif est cité en 1441-42 sous la formequenif[N 1] et sous sa graphie actuelle en 1611[1]. Il est probablement dérivé dufrancique*knif, tout comme le mot anglaisknife[1]. Au Moyen Âge, le canif se nomme « canivet » « canivel » ou « quenivet »[2]. L'inventaire de 1418, recensant les biens duchâteau de Vincennes mentionne« un coustel et un canivel en une gayne dont les manches sont en or »[V1 1].
Bélière : anneau de suspension permettant l’attache d’un cordon ;
côte : plaquette de garniture en bois, en corne, ennacre ou en os fixée sur les platines pour constituer le manche ;
cran d’arrêt : dispositif empêchant la lame en position ouverte de se rabattre ;
cran forcé : dispositif de blocage partiel de la lame par l’intermédiaire d’une encoche du ressort recevant un tenon du talon de la lame ;
émouture : flanc de la lame dont l’épaisseur diminue jusqu’au tranchant ;
entablement : partie la plus épaisse de la lame. Situé dans le manche, ses surfaces parallèles assurent le centrage de la lame entre les platines ;
lentille : plaquette dans le prolongement de la lame de couteaux à un clou, s’appuyant sur le manche pour maintenir ouverte la lame ;
manche : résultat de l’assemblage des platines, côtes, mitres et ressorts ;
mitre : partie métallique située aux extrémités du couteau pour le consolider ;
onglet (ou onglette[P 2]) : évidement — côté droit en France — permettant l’ouverture de la lame avec l’ongle du pouce ;
platines : pièces métalliques constituant le squelette du manche ;
plein manche : canif dont le manche est dépourvu de mitre ;
pompe : dispositif de déblocage de la lame de certains couteaux à cran d’arrêt, par pression du pouce ;
ressort : pièce métallique, située sur le dos du manche, qui assure le maintien de la lame en position ouverte ou fermée ;
rosette : rondelle plate ou bombée autour de l’axe de pivot de la lame, destinée à éviter l’éclatement du matériau constituant la côte ;
talon : partie de l’entablement qui est percée pour recevoir l’axe de la lame pivotante ;
virole : bague métallique ; fixe, elle protège la tête du manche ; tournante — autour de la virole fixe — elle permet de bloquer la lame en position ouverte.
L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, éditée de 1751 à 1772 sous la direction deDiderot,D’Alembert etVoltaire, indique que le canif est une« espèce de petit couteau destiné à tailler les plumes d’oie »[G 2].De même,Jean-Jacques Perret (1730-1784) distingue en 1771 dans sonArt du coutelier, les canifs droits des canifs fermants. La description qu'il fait du montage des canifs montre bien que dans son esprit, un canif sert à entretenir les plumes utilisées pour l'écriture :« […] former au dos un tranchant fait de court, lequel sert à racler les plumes, quand l'encre y est attachée et sèchée […][P 1] ». Il ajoute d'ailleurs :« le canif qui est le plus en usage dans les bureaux et pour les écrivains, est celui qui ne ferme pas, et qu'on appellecanif droit, parce que la lame est fixe […][P 3] ».Camille Pagé explique en 1896 que le canif est un petit couteau à tranchant très fin[V1 2]. Il mentionne une longue liste de canifs d'écrivain, dont un canif à ressort dont le manche sert decoupe-papier et un deuxième à deux lames dont l'une est utilisée pour couper lescors[V1 2].
Le terme « canif » est souvent remplacé par ceux de « couteau de poche » ou de « couteau pliant ». On trouve également « couteau fermant » et « couteau à virole »[V1 3].
« Les bourgeois ayant conservé l'habitude d'emporter un couteau de poche lorsqu'ils allaient dîner ou souper en ville, les couteliers fabriquèrent de beaux couteaux pliants, tel que le couteau de lacollection Sauvageot, dont le manche d'ivoire à charnière représente une sirène ailée et se termine par une branche de feuillage à jour. Dès lors les couteaux fermants ne tardèrentpas à être consacrés par l'usage. »
— Eugène-Oscar Lami,Dictionnaire encyclopédique et biographique de l'industrie et des arts industriels, 1881-1891[V1 4].
Camille Pagé, pour la rédaction de son ouvrageLa coutellerie depuis l'origine jusqu'à nos jours, publié entre 1896 et 1904, a rassemblé des traductions des vocablescouteau, ciseau,canif et rasoir tant parmi les langues mortes que parmi celles en cours au tournant desXIXe et XXe siècles et les a retranscrites enalphabet latin[V4 1].
On relève ainsi les traductions connues en 1896 decanif engaëlique irlandais (sgian pheaun),hébreu (ta'ar hassofer),latin (scalprum)[N 7],syriaque (galaba) ou vieux français (canivet)[V4 2]. Ce dernier terme est à rapprocher dubretonkanived, dubasqueganibeta, duprovençalganivet et duportugaiscanivete, cités parmi d'autres langues et dialectes européens comme l'albanais (tchaki), legrec moderne (soughias) et leserbe (peroreze)[V4 3]. Au chapitre des langues et dialectes asiatiques, Pagé relève, entre autres, lecambodgienkombet-tauch, lebengalichakou, lejaponaiskogatana et lelaotienmit-tok[V4 4]. L'Afrique, l'Amérique et l'Océanie ne sont pas en reste avec, par exemple, lemalinkédadié blitounou, lemakuakijiou, l'iroquoisasare iénasas arionatha, lequechuanahuin[V4 5], lesiouxomahamah-hi-zlain-go et lemalaispisso ketjil[V4 5]. Au total, Pagé recense des termes de coutellerie en186 langues ou dialectes qu'il a collectés par courrier auprès des ambassades ou consulats français de par le monde[V4 1],[4].
La lame de pierre taillée laisse la place, à la fin duNéolithique à celles issues de la métallurgie du cuivre, du bronze et enfin du fer[J 2].Un couteau pliant, ayant été mis au jour dans une sépulture, au sud-ouest de laSlovaquie (Veľký Grob), permet d'affirmer l'existence de canifs dès lePremier âge du fer, c'est-à-dire entre leXIIe siècle av. J.-C. et la fin duVe siècle av. J.-C.[5].Le couteau mesure23 cm et possède un manche en bois richement décoré ; il est probable qu'il soit l'œuvre deScythes, originaires de lamer Noire, présents dans la région à la fin duVIe siècle av. J.-C.[6].
Couteau de l'époque romaine, découvert au sud-est deKrefeld (Allemagne), aux côtés d'une reproduction moderne.
D'après Camille Pagé, des fouilles menées àRome ont permis la découverte de canifs — ouscalprum (au singulier) — utilisés par les Romains pour tailler les roseaux servant pour écrire[V1 1]. Les Romains, à côté de couteaux fixes, possèdent également des couteaux dont la lame est mobile autour d'un axe et se replie dans une rainure ouvragée dans le manche ; quelques exemplaires font partie des collections dumusée d'archéologie nationale et domaine national de Saint-Germain-en-Laye[V1 12].Lemusée du Louvre possède un manche en os de couteau à lame pliante représentant un gladiateurthrace, datant de la seconde moitié duIer siècle[7].
Camille Pagé décrit également la découverte en 1888 à Poitiers d'un couteau pliant de femme ou d'enfant, à manche de bronze de l'époque gallo-romaine[V4 6].Selon Alain Bureau, le couteau pliant fait partie de la dotation de base des soldats romains[8].
La diffusion des couteaux pliants, à friction à l’origine, débute réellement au début de notre ère ; d’abord auprès desCeltes, ils pénètrent ensuite le quotidien desRomains puis desGallo-romains[J 2], bien que jusqu’à laRenaissance le couteau droit demeure omniprésent[J 3].Selon Adrien Durand, lemusée de Cluny et la collection Sauvageot possèdent en 1870 des échantillons de coutellerie datant du Moyen Âge, dont deux couteaux« au manche grossier, se ferment sans ressort ; ce sont sans doute les premierseustaches[9] ».
Si au Moyen Âge, lecanivet est inséparable de l'écritoire et sert à tailler les plumes d'oie[N 8],[N 9], ce n’est qu’à partir de la fin duXVIe siècle que les couteaux pliants s'imposent réellement, devenant des couteaux de poche[J 3].Plusieurs raisons expliquent cet engouement, par exemple la « pacification » des mœurs sous l’influence des cours italiennes, l’augmentation des déplacements durant lesquels les voyageurs préfèrent s’accompagner de leurs ustensiles personnels plutôt que d’utiliser les couverts des tavernes, ou encore l’évolution vestimentaire qui voit l’apparition de poches extérieures plaquées sur les vêtements plus faciles d’accès que celles qui sont portées au-dessous[J 3]. L’élément déterminant est l'invention, vers la fin duXVIe siècle, du blocage de la lame par une virole[J 3].
À la fin duXVIIIe siècle et auXIXe siècle, à la suite de la création en 1794 duConservatoire national des arts et métiers par l'abbéHenri Grégoire, le relèvement économique de la France est soutenu par l’organisation d’expositions industrielles[V2 1]. La première d’entre elles a lieu à la fin de l’an VI, en auChamp-de-Mars[V2 2]. Un coutelier de Paris, Lepetit Wale, y participe, ainsi qu'à la suivante, en ; il présente« des rasoirs fins et des nécessaires à barbe parfaitement exécutés »[V2 2]. Il faut attendre l'édition de 1823 pour que le vocable « canif » soit clairement mentionné ; l'exposition a lieu dans lacolonnade du Louvre, sur deux étages, du au. Le rapport du jury àJacques-Joseph Corbière,ministre-secrétaire d'État de l'Intérieur, cite23 couteliers, dont« Pradier, [deParis] qui expose de beaux ouvrages de coutellerie provenant des ateliers de coutellerie qu'il a établis depuis 1819, non seulement à Paris, mais encore à Chaville près de Versailles, et à Poissy dans la prison. […] Il sort par mois 1 200 canifs à coulisse et500 taille-plumes des ateliers de M. Pradier ; ses rasoirs ont une réputation européenne […][V2 3] ».
Lors de l'exposition de 1834, ainsi qu'à celles de 1839, 1844 et 1855,MM. Renodier père et fils présentent desJambettes et desEustaches qui font la réputation de Saint-Étienne[V2 4].Ce dernier couteau est un des articles emblématiques des couteliers deSaint-Étienne ; il s'agit d'un couteau pliant à manche de hêtre ou de corne qui se vend en France comme à l’étranger (Espagne, Italie, Angleterre, Portugal)[V2 5]. Ce petit couteau s’appelleEustache à Paris, du nom du maître coutelier Eustache Dubois,Avril àAmiens et àRouen,Descos à la clé enBretagne,couteau d’Ozon[N 11] dans lePoitou et laSaintonge,Damillon dans leMidi etBizalion en Espagne et en Italie[N 12].Alphonse Peyret-Lallier note« la fabrication des couteaux Eustache est unique pour la modicité du prix de la main d'œuvre et aucune fabrique n'a jamais pu en approcher ; mais leur forme est si grossière, que malgré leur bonne qualité, on aperçoit depuis plusieurs années une diminution sensible dans la consommation. Il y a30 ans qu'il s'en faisait six fois plus qu'aujourd'hui […] Malgré la modicité du prix, un couteau passe par les mains de18 ouvriers avant d'être achevé et tous y trouvent de quoi vivre[11] ». Ce couteau se vend par grosse aux détaillants, c’est-à-dire par douze douzaines[V2 6].
Le rapport du jury de l'exposition de 1839, inaugurée le par leLouis-Philippe et sa famille, relève la présence du coutelier Vauthier, qui« a exposé un couteau qu'une seule main suffit à ouvrir et à fermer avec la plus grande facilité […][V2 7] ». Ce canif se nomme, selon son inventeur, « couteau manchot[V2 8] ».Dix ans plus tard, le rapport de l'exposition de 1849 rapporte, outre la présence de M. Vauthier et de ses couteaux s'ouvrant d'une seule main, la présentation de Louis-Célestin Carton qui a« exposé des couteaux fermants dits solaires, c'est-à-dire portant dans le bout du manche une petite boussole marquant l'heure […][N 13] ».
À l'initiative de l'Angleterre s'ouvre en 1851 la premièreExposition universelle ; celle-ci n'accueille qu'un seul coutelier français (Paris), mais durantcelle de 1862, à Londres encore, la participation de J. Charrière est remarquée pour ses« […] couteaux fermants à ressorts avec manches à claire-voie et pièces de rechange […][V2 10] ». Le rapport de l'Exposition universelle de 1862 indique qu'àThiers,« on […] fabrique principalement des couteaux fermants [qui occupent plus de la moitié des 15 000 à 18 000 ouvriers descantons de Thiers et deSaint-Rémy[V2 11]], des ciseaux, de la coutellerie de table, des rasoirs et quelques articles de grosse coutellerie à l'usage de la cuisine […] C'est ainsi qu'un couteau fermant, par exemple, est le résultat du travail de quinze à vingt ouvriers différents. Dans ces conditions, chaque ouvrier, constamment employé à la même opération, y acquiert une dextérité ce qui est à la fois très favorable à la prompte et à la bonne exécution du travail[N 14] ».
À la fin de l’Empire, de nombreux centres couteliers français ont disparu, victimes desguerres de la Révolution et dessuivantes, et de leurs conséquences économiques, le charbon, l'acier, l'ébène et les meules faisant défaut[V2 13] ; il en va ainsi des coutelleries deCosne,Nevers,Caen,Le Chambon-Feugerolles,Toulouse et partiellement de Moulins. Celles de Châtellerault, Langres,Nogent, Paris, Saint-Étienne et Thiers ont pu résister grâce à une implantation plus solide[V2 14].
Les couteaux à clous se subdivisent eux-mêmes en deux catégories. Un premier groupe rassemble les canifs à un clou, qui traverse la lame et forme une goupille qui permet à celle-ci de se replier dans le manche. Le second groupe concerne les canifs à deux clous.
Auguste-Denis Fougeroux de Bondaroy,L'art du coutelier en ouvrages communs, L.-F. Delatour,[F 4] — Lesfigures 16 à 19 décrivent le principe des couteaux à un et deux clous.
Lorsque la lame de ces canifs est en position ouverte, elle est maintenue dans cette situation droite par un talon — appelé « talon à lentilles » à Paris auXVIIIe siècle[F 2] —, et encore aujourd’hui pour le couteau de type piémontais qui s’appuie sur la tête du manche[F 2]. Il s’agit du modèle le plus ancien, déjà utilisé par les Romains[J 4]. Déjà, aux premiers siècles de notre ère, les artisans ajoutent une bague métallique — ou virole fixe — qui enserre la tête du manche, pour la protéger de l’éclatement de la matière autour du rivet, provoqué par le travail de la lame au métal plus dur que la tête du manche, en bois, en corne ou en os[J 4].
Dès leXVIIe siècle, des couteaux de jardiniers sont équipés d’une bague rotative, ouvirole tournante, maintenue par leguichet de la virole fixe du manche ; celle-ci permet de bloquer la lame en position ouverte, en créant un cran d’arrêt, ou fermée[N 16].Cette technique est reprise en France, par les Opinels à partir de 1955, ainsi que d’autres couteaux savoyards[J 4], et les couteaux deNontron — dont le type, avec manche de buis et virole de cuivre, est créé dès 1815 par Guillaume Petit[V2 15],[13] — et en Italie par certains canifs deBergame[J 5].
Le canif à lentille fait également partie de la famille des couteaux à un clou ; le talon de la lame est prolongé par une excroissance plate ou en forme de boule qui vient se poser ou s’encastrer sur le dos du manche lorsque le couteau est en position ouverte[J 6]. Il est illustré par le couteau dit « piémontais ».
Jean-Jacques Perret,L'art du coutelier : première partie, Saillant et Nyon,[P 5] — Lafigure 26 décrit un couteauEustache Dubois, à un clou, et lafigure 27 un couteau « à la capucine », à deux clous.
L’inconvénient de la lentille ou du bouton réside en ce que cette partie déborde du manche lorsque le canif est fermé ; elle peut alors blesser la main ou déchirer la poche[F 5]. À cet effet, les couteliers ont imaginé de retrancher le bouton et de former au talon de la lame une dent ou une échancrure qui s’appuie, en position ouverte, sur un second clou[F 3].
Comme pour le couteau à un clou, une goupille ou unerosette bombée sert d’axe à la lame. Le second clou sert de butée au talon de la lame lorsqu’elle est ouverte[F 6]. Ces couteaux sont connus sous les dénominations « à la capucine[N 17] », « capucin » ou « couteau de berger des Pyrénées »[N 18].Les couteaux de bergerscorses, dont la production est relancée depuis lesannées 1970, font également partie de cette famille[J 7]. D’originegénoise, ils possèdent une lame large à la pointe relevée, dont le contre-tranchant est usiné entarabiscot, et un manche courbe[N 19].
Le ressort connu auXXIe siècle est une pièce métallique positionnée sur le dos du manche ; elle immobilise la lame en position ouverte ou fermée[J 9]. Dans le cas d’un couteau à cran d’arrêt, le ressort est parfois accompagné d’une pompe d’arrêt, qui est un dispositif de déblocage par pression d’un épaulement situé également sur le dos du manche[G 3].Le couteau à mouche, dont lelaguiole est un exemple, dispose dans le talon de la lame d’untenon qui s’arrête sur une épaisseur du ressort ; ainsi, la lame ne peut se refermer que lorsque le ressort est repoussé vers l'arrière[V1 23]. Le couteau à pompe est également un canif à mouche, le ressort est alors d'une seule pièce et un second ressort intérieur le ramène en position initiale[V1 24].
Le typecouteau à ressort a été décliné en plusieurs modèles. On connait par exemple le couteauà la berge, du nom d’un coutelier de Paris[14] ; il désigne un couteau à deux lames, pivotant en compas sur le même talon et dont l’ouverture se fait indépendamment[14]. Quand les deux lames sont fermées, leurs pointes reposent sur un entre-deux fixé entre les côtes du manche[L 2],[N 20].Si les lames dépendent l’une de l’autre pour leur ouverture ou leur fermeture, de sorte qu’elles ne puissent être simultanément ouvertes ou fermées, il s’agit alors d’un couteauà bascule ouà béquille[P 7] ; bien qu'il s’agisse d’un couteau fermant, ce couteauà bascule doit être enserré dans une gaine pour être transporté aisément[P 7]. Les lames de ces deux couteaux sont de métaux différents, pour l’usage de la table ; l’une est en acier, pour couper les aliments les plus durs tels que le pain et la viande, et la seconde en or ou en argent pour peler ou découper les fruits[L 3],[N 21].
Lecouteau compliqué, ancêtre des couteaux multi-outils, fait également partie de cette catégorie. Il s’agit, à l’origine d’un couteau pliant qui se compose, outre sa lame,« d'une foule d’autres pièces que le besoin ou la fantaisie ont fait imaginer […][14] ».Lors de l’exposition industrielle de 1820, un coutelier de Langres, Charles Guerre, expose uncouteau nécessaire présentant24 pièces dont15 se ferment avec un ressort[14],[N 22].
Un couteau pliant à secret est un canif dont la fermeture ou l’ouverture de la lame ne peut se faire sans un dispositif dissimulé particulier.Jean-Jacques Perret décrit, dans le chapitre consacré aux différents couteaux fermants de son ouvrage intituléL'art du coutelier, publié en 1771, l'ajustement de couteaux à différents secrets[P 10].Selon lui, le plus simple d’entre eux consiste à faire monter ou descendre la lame, dont la pointe, lorsqu’elle est en position basse, vient se positionner dans une échancrure du bout du ressort (voir lafigure 15)[P 11]. Il suffit donc, dans ce cas, que le trou de l’axe de la lame possède une forme allongée dans le sens de celle-ci.
Le couteau à mouche, dit égalementà loquet[L 2], dans son acception ancienne — auXXIe siècle la mouche est un élargissement de la tête du ressort, destiné à renforcer celui-ci[J 10] — est également un couteau à secret, grâce au tenon laissé au talon de la lame (voir le détail « N » de la figure 17[P 12]). Il ne peut se refermer qu’en tirant le ressort avec le pouce[L 2].Le couteauà grimace est similaire au couteau à mouche, mais le ressort est fixé par un tenon qui s'insère dans un trou de l’une des côtes ou de l’une des platines[L 4]. Une rosette large et forte cache un trou en long pratiqué sur le manche pour faciliter son écartement[L 4].
Le couteau à pompe, décrit par lafigure 19 utilise deux ressorts pour bloquer et débloquer la lame en position ouverte (ressort de lafigure 20 basculant en « R ») et fermée (ressort de renvoi de lafigure 21, ajusté enqueue d'aronde sur le ressort principal en « S »[P 13]).
Le couteau à secret ditsous la rosette utilise une bascule, cachée dans le manche, qui s’ajuste sur une platine possédant un tenon qui vient pénétrer deux trous pratiqués au talon de la lame. L’ouverture et la fermeture de la lame s’effectuent en poussant ou en tirant sur la rosette[L 4].
On compte également parmi les couteaux à secret le couteau dità bille. Il s’agit en fait d’un rivet à tête plate qui se déplace dans une coulisse, pratiquée dans le talon de la lame, sous l’action de la pesanteur ; lorsque la pointe de la lame est dirigée vers le haut, le rivet descend et la lame s’ouvre lorsqu’une pression est exercée sur le dos de celle-ci ; de la même façon, il faut que la pointe soit vers le bas pour que l’échancrure de la lame reçoive à nouveau le rivet qui la maintient en position fermée[16].
La coutellerie utilise principalement desaciers au carbone et des aciers dits « inoxydables » à forte proportion dechrome pour la fabrication des lames[G 2]. Chacune des deux variétés d’acier se déclinent en diverses sous-catégories[G 2].
Les aciers au carbone, composés uniquement de fer et de carbone, sont les plus faciles à travailler et à tremper[B 2]. Le taux de carbone peut varier de 0,3 % à 1 %, les nuances comprises entre 0,5 % et 0,8 % de carbone étant les plus faciles à travailler[B 2].En France, la norme de l’Association française de normalisation (AFNOR) établit une convention de nommage des aciers. Un acier au carbone est désigné par les lettres XC suivies du taux de carbone multiplié par 100 : ainsi l’acierXC 65 est un acier dur comportant 0,65 % de carbone[B 2],[N 23].La norme américaine définie par l’American Iron and Steel Institute (AISI) est également très simple d’utilisation : pour les aciers au carbone, le sigle se compose d’un « 1 » suivi du taux de carbone contenu dans l’acier. Ainsi l’XC 35 dans la norme AFNOR se transpose en 1035 dans la norme US AISI[B 3].
Les aciers ayant les plus faibles taux de carbone, comme lesXC 35 etXC 45 ne sont utilisés pratiquement que pour réaliser leslames en Damas ou pour les aciers destinés à lacémentation, leurs propriétés detrempe étant trop faible[B 3]. Les lames courtes ou moyennes des couteaux pliants demandant un tranchant dur justifient l'emploi de l'XC 75 ou de l'XC 100 ; la forge de ces deux nuances fortement carburées est délicate compte tenu de la dureté des aciers — liée au taux de carbone dépassant 0,5 %[B 4] — et des réactions capricieuses à la chaleur[B 3].
L’utilisation des aciers alliés date du début duXXe siècle[B 4] et s'accroit fortement après laSeconde Guerre mondiale, l'ajout de différents éléments d’alliage améliorant selon les cas la résistance à la casse, l’inoxydabilité ou les procédés de trempe[B 5]. Le seuil de 5 % d’ajouts dans la composition du métal départage les aciers faiblement alliés des aciers fortement alliés[B 5]. La norme AFNOR nomme ces nuances d’acier par le taux de carbone multiplié par cent, suivi des éléments d’alliage par ordre décroissant de teneur. Chaque élément est désigné par son symbole chimique accompagné d'un coefficient multiplicateur spécifique[B 5]. Pour la norme AFNOR la dénomination des aciers fortement alliés commence par un Z[B 6].La norme américaine désigne d’abord la première caractéristique de l’acier par une lettre — « O » pouroil, trempe à l’huile ; « W » pourwater, trempe à l’eau ; « L » pourlow alloy, aciers faiblement alliés ;etc. —, suivie du code de l’élément additionnel principal[B 7]. Ainsi l’acier440C désigne un acier fortement chromé ; son équivalent AFNOR estZ100CD17[B 8].
Pour des raisons d’hygiène, les coutelleries industrielles emploient presque exclusivement des aciers inoxydables pour la fabrication des lames[B 6].
Pour décrire la lame d'un couteau pliant, on distingue la pointe, le tranchant, le dos et le talon qui relie la lame au manche par l'intermédiaire d'un axe[V1 25].
Les points d'interrogation font référence à des différences d’interprétation entre législation et jurisprudence[R 1].
Suivant les pays, la définition d'un couteau comme arme et le droit de port qui lui est lié sont très divergents[R 2].Ainsi pour la Grande-Bretagne est considéré comme arme« tout objet avec une lame ou une pointe aiguisée. […] Cette section s'applique aux couteaux de poche pliants si la partie coupante de la lame excède3pouces[N 24] ».La législation irlandaise est également très restrictive[23].
De manière générale, les couteaux pliants classiques sont autorisés, sous réserve parfois de critères relatifs au blocage de la lame ou à la taille de celle-ci[R 3].Par exemple, la loi fédérale suisse sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions du précise dans sonarticle 6 que« les couteaux de poche tels que lescouteaux de l'armée suisse et autres produits comparables ne sont pas considérés comme des objets dangereux »[24].Les couteaux de type papillon font, en revanche, l'objet d'une interdiction de port et parfois d'importation — en Suisse par exemple — quasi générale. C'est le cas de l'Allemagne, de la Belgique et de la Suisse, et implicitement de la Grande-Bretagne, de l'Irlande, du Danemark et de l'Italie[R 2]. L'Espagne fait exception[R 2].
Enfin, le type d'ouverture est également un critère considéré par les législations locales. Ainsi, au Canada, les couteaux« dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche » sont interdits[25]. Selon Gildas Roussel en 2009, il est probable que cette mesure, concernant les couteaux à ouverture assistée, soit suivie par les juridictions européennes dans un proche avenir[R 2].De plus, la loi danoise prohibe explicitement les couteaux dont l'ouverture peut se faire d'une seule main[26],[27] ; elle est rejointe implicitement sur ce point par la loi suisse[28],[R 2].
Il découle de ce qui précède que, pour la plupart des pays, un canif petit ou moyen sans blocage de lame ni ouverture assistée est tout à fait légal de port, qu'il soit à un ou deux clous, ou à cran forcé[R 4].
Certains producteurs de canifs prennent désormais en compte dans leurs cahiers des charges les restrictions réglementaires nationales. C’est le cas, par exemple, du coutelier présentant la marqueSpyderco qui produit des couteaux spécifiquement destinés au marché britannique — le UKPK (United Kingdom penknife) — et au marché danois, leDK penknife[R 4]. D’autres couteliers n’ont pas tardé à lui emboiter le pas, comme l’artisan belge Éric Parmentier ou la firme suédoise Fallkniven pour leur pays respectif[R 4].
Lesattentats du ont durci les législations nationales et imposé des restrictions de port pour les couteaux pliants de tous types, lors de l'accès auxavions de ligne commerciale, supplantant dans ces zones les règlements généraux[29].
La loi du19 pluviôse an XII — ou — distingue les armes, même tranchantes, des« couteaux fermants et servant habituellement aux usages ordinaires de la vie »[R 5]. Jusqu’en 1994, le code pénal français suit la loi de 1804, considérant que« les couteaux et ciseaux de poche, les cannes simples et tous autres objets quelconques ne seront réputés armes qu'autant qu'il en aura été fait usage pour tuer, blesser ou frapper (armes par l'usage) »[30].
Outre le port d'un canif, la loi prévoit la liberté d'acquisition et de détention — la détention est définie comme la possession de l'arme au domicile ou sur un lieu de travail[R 8] — des armes de6e catégorie pour les personnes majeures[36],[37]. Elle ne limite pas le nombre d'armes blanches acquises ce qui fait de lacollection une activitéa priori autorisée[R 8],[N 30].
Gustave Saint-Joanny,Simples notes pour servir à l'histoire de la ville de Thiers aux trois derniers siècles : la coutellerie thiernoise de 1500 à 1800, Clermont-Ferrand, Fernand Thibaud,, 402 p.(BNF34131631,lire en ligne).
↑Archives du Maine-et-Loire, E 43, feuillet 34[1].
↑SelonAuguste-Denis Fougeroux de Bondaroy, « Jambette » est l’appellation portée dans le Limousin d'Ancien Régime par des couteaux communs dont le manche en bois évoque, quoiqu’imparfaitement,« une jambe terminée par un pied »[F 1].
↑Eustache Dubois est mentionné sous la formeHustache Dubois dans un acte d'assemblée desmaistres costeliers de Saint-Étienne du[V1 5].
↑Le comparatif de prix de vente de couteaux thiernois auxXVIIe et XVIIIe siècles cite une transaction notariée de 1663 concernant des mossudes[S 1]. L'inventaire de 1667 d'Annet Pigerol-Bonnemoy, maître coutelier thiernois, mentionne« une douzaine [de] couteaux mossudes pliants de corne […][S 2] ». Celui de Jean Lacroix, datant de 1680, relève« trois douzaines [de] couteaux pliants pour femme, dits mossudes, manche de cuivre garni d'escailles […][S 3] ».
↑« Vidi hodie institorem habentem ante se cultellos ad mensam, scilicet mensaculos et artavos, vaginas magnas et parvas, stilas et stilaria » (« J’ai vu aujourd’hui un coutelier qui vendait des couteaux pour la table, des couteaux de poche, des gaines grandes et petites, des stylets pour écrire et leurs étuis »)[V1 8].
↑Les statuts des couteliers de Langres de mentionnent dans leurarticle IV que« […] un quenivet d'escriptoire quel qu'il soit, ne se fera point se la quehene ne passe plus que demy le manche et que on ne fera point nuls couteaulx à faulce quehene se non manche de pierrerie, ou cas qu'il ne serait percies tout oultre »[V1 10].
↑Il s'agit là du canif utilisé par les copistes pour tailler les roseaux servant à l'écriture[V1 11].
↑Les statuts des couteliers de la seigneurie de l'évêque de Langres mentionnent en 1485 dans leurarticle IV que« […] un quenivet descriptoire [c'est-à-dire, d'après Adrien Durand, un canif d'écritoire] quelqu'il soit, ne se fera point se la quehene ne passe plus que demy le manche et que on ne fera point nuls couteaulx à faulce quehene, se non manche de pierrerie, ou cas qu'il ne serait percies tout oultre […] » ; selon Adrien Durand, il s'agit ici d'un canif à coulisse[2].
↑Il s'agit d'une différence majeure avec les règlements des corporations du milieu duXIIIe siècle, relevés par leLivre des métiers, dont une des règles communes implique que la fabrication doit être menée de bout en bout par le même ouvrier[V1 15].
↑Ozon est un ancien village, aujourd'hui incorporé à Châtellerault. Camille Pagé note que des ouvriers y fabriquaient des couteaux bon marché[V2 6].
↑Selon Jean-Jacques Perret en 1171, le couteau « à la capucine » comporte une lame, un manche en corne de mouton d'une pièce et deux clous[P 4].
↑Le capucin a été longtemps utilisé au sud de laGaronne et dans lesPyrénées, d’où l’acception « berger des Pyrénées »[J 6].
↑En fonction des caractéristiques données par les couteliers, ces couteaux corses sont connus localement sous les nomsU Temperina,A Cultedda Pittuda,Curniciulu,A Fiametta,A Cursina,U Cursinu ouA Gravona[J 8].
↑Unentre-deux est une petite pièce d’acier, ajustée entre les platines d’un couteau pliantà la berge, pour éviter le frottement des deux lames ; elle se positionne à l’extrémité opposée à celle comportant l’axe de rotation des lames[P 6]. Camille Pagé parle d'unbattement[V1 23].
↑L’acidité des fruits attaque la lame d’acier classique — l’acier inoxydable par présence de chrome au-delà de 10,5 % n’est inventé qu’ua début duXXe siècle[B 1] — qui se couvre de rouille et noircit le fruit[P 8].
↑Charles Guerre reçoit en 1851 une médaille lors de l'exposition de Londres pour des ciseaux fins et des couteaux fermants[15].
↑Les taux de manganèse et de silicium sont également pris en compte. La formule AFNOR ne retient pas les taux de ces deux composants s'ils sont inférieurs à 1 %[B 3].
↑Traduction de« any article which has a blade or is sharply pointed except a folding pocketknife. […] This section applies to a folding pocketknife if the cutting edge of its blade exceeds3 inches »[22].
↑Une arme blanche est« une arme dont l’action perforante, tranchante ou brisante n’est due qu’à la force humaine ou à un mécanisme auquel elle a été transmise, à l’exclusion d’une explosion »[31].
↑Article 132-75 du code pénal relatif à la circonstance aggravante de menace ou d’usage d’une arme[32],[33],[34].
↑L'attention des autorités françaises pour les couteaux-poignards est ancienne. Ainsi, en 1700, conséquence de nombreux crimes, une ordonnance en interdit« la fabrication, le commerce, la vente, le débit, l'achat, le port et l'usage ». Une nouvelle ordonnance de 1728 menace le vendeur d'une amende de100 livres et le porteur d'une peine pouvant aller jusqu'à six mois de prison et500 livres d'amende[V1 26].« Les compagnons couteliers qui en faisaient chez eux, étaient fustigés et flétris pour la première fois et pour la seconde ils étaient envoyés aux galères »[35].
↑Le, le tribunal de Bobigny a ainsi estimé qu'un couteau Laguiole« ne constitue pas un objet dangereux pour la sécurité publique ». Ce jugement est confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du qui indique que« le port et le transport d'un couteau Laguiole est libre dans la mesure où il s'agit d'un couteau pliant non muni d'un dispositif de blocage de la lame permettant de le transformer en poignard, c'est-à-dire permettant de porter un coup violent sans risque de voir la lame se replier sur la main »[R 7].
↑Les collectionneurs de couteaux sont dénomméscultelluphilistes[38].
Gustave Saint-Joanny,Simples notes pour servir à l'histoire de la ville de Thiers aux trois derniers siècles : la coutellerie thiernoise de 1500 à 1800, Fernand Thibaud,
↑Abraham du Pradel,Le Livre commode contenant les adresses de la ville de Paris et le trésor des almanachs pour l'année bissextile 1692. Avec les séances et les vacations des tribunaux, l'ordre et la discipline des exercices publics le prix des matériaux et des ouvrages d'architecture, le tarif des nouvelles monnayes, le départ des courriers, Paris,Vve de D. Nion,, 196 p.(BNF31825445).
↑abc etdHenri Landrin,Manuel du coutelier, ou Traité théorique et pratique de l'art de faire tous les ouvrages de coutellerie, Paris, Roret,, 431 p.(BNF30732909),p. 308.