Lecamp d'internement de Vittel est un camp allemand de détention dans laville thermale deVittel dans lesVosges créé par les Allemands enmai 1941 et opérationnel jusqu'à sa libération par les Alliés enseptembre 1944. Initialement prévu pour interner des civils britanniques, il servit aussi de camp de transit pour des déportés juifs dont la plupart seront ensuite envoyés encamps d'extermination. Il était constitué d'hôtels réquisitionnés autour du parc, ceinturés par des barbelés. Par ses conditions de détention privilégiées, il servira de vitrine de la propagande nazie.
Le camp de détention de Vittel est établi par lesAllemands enmai 1941 pour héberger des citoyens britanniques[1], ressortissants d'un pays ennemi du Reich, qui devaient initialement servir d'échange avec des Allemands retenus par les Britanniques. Le camp de Vittel ne ressemble à aucun autre camp de détention nazi. Il est constitué d'hôtels, souvent de luxe, autour d'un parc : le Grand-Hôtel, l’hôtel Cérès, l’hôtel Continental, l'Hôtel des Sources et le Vittel-Palace, ce dernier transformé en hôpital. Avec des logements avec ascenseurs et eau chaude, une nourriture suffisante, la possibilité de recevoir du courrier et des colis de laCroix-Rouge, il devient une véritable vitrine de la propagande nazie[1]. Le parc est entouré de trois rangées de barbelés, avec un chemin de ronde où patrouillent des soldats allemands[2].
Plus tard, des centaines deJuifs polonais, munis de passeports achetés enSuisse, ayant pour la plupart déjà perdu leurs familles, arrivèrent au camp, espérant émigrer vers l'Amérique du Sud. La majorité d'entre eux sera déportée et mourra àAuschwitz[1].
Fin 1939, l'armée française créé à Vittel des hôpitaux de campagne dans les différents hôtels.
Juin 1940, les hôpitaux sont regroupés dans le seul hôtel Continental qui devient l'« Hôpital Complémentaire Continental » (HCC)[3].
Débutaoût 1940 : Les Allemands prennent possession de l'hôtel qui devient« hôpital fermé pour prisonniers de guerre »[3]. Les soldats français blancs seront progressivement envoyés en Allemagne et y sont alors internés des soldats indigènes des colonies et des soldats antillais[3] dont les Nazis ne veulent pas sur le territoire du Reich.
1er mai 1941 : ouverture du camp d’internement pour civils britanniques et canadiens, ressortissants d’un pays ennemi du Reich. Deux mille hommes, femmes et enfants britanniques et canadiens arrivent du camp deBesançon où ils étaient internés depuisdécembre 1940 dans des conditions difficiles. Ils sont logés dans le Grand-Hôtel, l’hôtel Cérès et l’hôtel Continental. Le camp est alors créé dans l'idée d'échanges de prisonniers.
Septembre 1942 : extension du camp au-delà des barbelés, vers la ville avec l’hôtel Central, enclave entourée de barbelés et reliée au reste du parc par un petit pont de bois près de la porte d’entrée, à côté du poste de garde (Villa Sainte-Marie).
Octobre 1942 : arrivée de 300 Américaines au Central Hôtel.
23 janvier 1943 : arrivée du premier convoi en provenance deVarsovie, avec environ deux cents femmes et enfants juifs, disposant de papiers (vrais ou faux) américains, du nord et du sud, dont 15 non juifs. Ils sont installés avec les autres Américains à l’hôtel Central.
Mars 1943 : arrivée d’internés nord-américains du camp deGleiwitz pour le regroupement familial. Ouverture d’un autre hôtel, le Nouvel-Hôtel pour les familles polonaises qui attendent l’arrivée des hommes en provenance d'un camp bavarois. L’agrandissement du camp se poursuit avec l'ajout de nouveaux hôtels dont l'hôtel Providence, côté ville, pour les Juifs polonais, hollandais, belges, détenteurs de papiers sud-américains.
Vers mars 1943 : arrivée d’un groupe de femmes juives avec enfants, réexpédiées rapidement au camp deBergen-Belsen puis àAuschwitz.
Mai 1943 : arrivée du deuxième convoi en provenance de Varsovie : 60 Juifs dont le poèteYtshak Katzenelson, tous munis de différents papiers latino-américains, sont internés à l’hôtel Providence alors isolé par des barbelés du reste du camp.
28 février 1944 : les 170 Juifs de Pologne sont transférés de l’hôtel Providence à l’hôtel Beau-Site, éloigné et isolé du camp.
22 mars 1944 : transfert de Juifs palestiniens de Drancy à Vittel.
18 avril 1944 : déportation d’environ 170 Juifs de Pologne, ayant des papiers latino-américains à Drancy,. Ils sont déportés à Auschwitz le 29 avril 1944 par leConvoin° 72 et sont tous exterminés à leur arrivée.
Débutmai 1944 : arrivée de Juifs transférés de Drancy qui témoignent de la déportation vers l’Est des Juifs arrivés de Vittel.
16 mai 1944 : seconde déportation de 60 Juifs de Pologne vers Drancy, déportés à Auschwitz par leconvoi 75 du 30 mai 1944, arrivés à Auschwitz le 2 juin. Tous les internés de Vittel sont exterminés à l’arrivée.
29 juin 1944 : échange de 60« Palestiniens » de Vittel (femmes et enfants) qui rejoignent en train à Vienne 222 femmes et enfants palestiniens de Bergen-Belsen, échangés à Istanbul, et poursuite en train par la Syrie jusqu’àHaïfa où ils arrivent le 10 juillet.
10 juillet 1944 : échange de 600 Britanniques contre des Allemands en passant par l’Espagne et le Portugal.
24 juillet 1944 : suite de l’échange important, avec 400 Britanniques, via l’Espagne et le Portugal, contre des Allemands.
2 septembre 1944 : fuite du commandant allemand du camp, Otto Landhaüser et de ses hommes.
L’entrée du camp est située avenue Bouloumié, par une porte gardée par un détachement de soldats allemands, à hauteur de la villa Sainte-Marie. Les détenus nationaux, Britanniques, Canadiens et Américains sont logés dans 6 hôtels :
Carte postale du Grand Hôtel de Vittel entre 1880 et 1945
L’hôtel des Thermes,
Le Central Hôtel,
L’hôtel des Sources,
L’hôtel Continental,
L’hôtel Cérès,
Le Grand Hôtel[7],[8]Carte postale de l'Hôtel Cérès de Vittel entre 1880 et 1945
Par la suite, les détenusjuifs occupent les quatre hôtels situés en marge du camp :
L’hôtel de la Providence,
Le Nouvel Hôtel,
Le Splendid Hôtel (actuellement centre hospitalier de Vittel),
L’hôtel Beau Site.
L’hôpital qui tient également lieu de maternité est transféré au Palace Hôtel qui va alors concentrer tous les moyens médicaux[3].
Le camp d'internement de Vittel fait partie d'un ensemble desstalags placés sous l'autorité du commandement allemand de laZone interdite, vaste zone située au nord et à l'est de la France, dont les autres camps se trouvent àChâlons-sur-Marne,Le Donon,Nancy,Vesoul et auLuxembourg.
Le commandant du camp est le capitaine Otto Landhauser, un officier d'artillerie[9],[10],[6], d'origine autrichienne. Il est secondé par le capitaine Steffahn (surnommé« peau de vache » par les Vittellois) et un sous-officier, Erwin Serve.
Les gardes sont des soldats retirés du combat par manque d’expérience ou pour cause de blessures[6].
Le camp bénéficie de l'aide apportée par laCroix-Rouge française et par son comité local, dirigé parGermaine Bouloumié[11], qui est aussi l'une des deux déléguées départementales de la Croix-Rouge à partir de juillet 1941. Elle assure les relations entre les internés, les Allemands et les autorités françaises.
Au mois d’, elle établit ainsi le rapport suivant :
« Le ravitaillement reste toujours très largement assuré par les colis reçus régulièrement des Croix-Rouges canadienne et anglaise. Nous sommes encore chargés de faire parvenir au camp de Troyes 5 à 600 kilos de conserves que les internés de Vittel envoient à leurs compatriotes moins favorisés. A ce jour nous avons déjà livré aux internés britanniques 5 000 mètres de tissu, 1 200 paires de bas, du coton à tricoter et à repriser, des gants et serviettes de toilettes, des chaussures, etc. et nous attendons encore de nouveaux arrivages de tissus, bas, lingerie ces jours-ci. Les internés ont d’ailleurs reçu d’Amérique et d’Angleterre d’importantes quantités de vêtements et de tissus et paraissent donc être pourvus pour cet hiver d’un vestiaire suffisant…. En ce qui concerne les indigènes, j’ai organisé, grâce à la bonne volonté de l’ouvroir vittellois, le raccommodage et l’entretien des vêtements et linge des prisonniers noirs actuellement cantonnés à Vittel. Je crois que c’est une mesure indispensable à prendre partout où il y a des prisonniers indigènes, pour leur permettre de passer l’hiver avec des vêtements en bon état[12]. »
Mary Berg, de son vrai nom Miriam Wattenberg . Enjanvier 1943, la famille Wattenberg est envoyée dans le camp d'internement de Vittel. Là Miriam a vent de l'insurrection du ghetto de Varsovie qu'elle rapporte dans son journal. Le1er mars 1944, la famille Wattenberg quitte le camp.
Sylvia Beach[14] En 1943, elle est internée en tant que citoyenne américaine avec d'autres compatriotes à Vittel. Elle est libérée sur l'intervention deJacques Benoist-Méchin, membre du gouvernement de Vichy et ultra-collaborateur,
Ralph Erwin, compositeur autrichien (ou allemand selon certaines sources1), né Ralmund Erwin Vogl le à Bielitz (Silésie autrichienne ; aujourd'huiBielsko-Biała en Pologne), assassiné le, aucamp de Beaune-la-Rolande dans leLoiret.
Ytshak Katzenelson, poète et dramaturge juif russe. Il rédige à Vittel, sonDos lid funem oysgehargetn yidishn folk (enyiddish,Chant pour le peuple juif assassiné).
Gertrude O'Brady, En 1941, elle est internée en tant qu'Américaine au « camp d'accueil » de Vittel où elle réalise une centaine de portraits de ses codétenus au crayon à papier. Libérée en 1944, elle est hébergée par une concitoyenne près deVersailles, où elle continue de réaliser des portraits toujours à la mine de plomb ou à la sanguine.
Hillel Seidman, survivant dughetto de Varsovie. Il est envoyé à Vittel au camp d'internement en vue d'un échange théorique contre des nationaux allemands vivant enAmérique du Sud. De nombreux Juifs varsoviens, arrivés à Vittel à partir demai 1943 et qui se retrouvent dans cette situation, seront déportés vers lecamp de Drancy puis vers les chambres à gaz d'Auschwitz en 1944 ; Seidman échappe à ce sort.
Sofka Skipwith, princesse russe ayant acquis la nationalité anglaise est internée avec d'autres ressortissants anglais au camp de Vittel en mai 1941. Elle mène des actions pour aider les Juifs du camp et reçoit à ce titre, de manière posthume, le prix deJuste parmi les Nations en 1985 et l'honneur deHéros britannique de l'Holocauste en 2010.
Édouard Herriot est aussi interné quelques mois à Vittel, mais à la villa Suzanne et non dans le camp d'internement, du début avril 1943 jusqu'en juin 1943[15].
Ytshak Katzenelson.Le Chant du peuple juif assassiné (Dos lid funem oysgehargetn yidishn folk), traduit du yiddish par Batia Baum. Présenté parRachel Ertel ; édition française Zulma2007,(ISBN2-84304-408-1).Le Chant du peuple juif assassiné est publié une première fois de façon confidentielle dans la revue Caravane, en2001. En2005, c'est la Bibliothèque Medem qui en sort une version bilingue. Enfin, en 2007, les éditionsZulma publient ce texte, lui permettant d'atteindre un public beaucoup plus large.
↑Vittel 1854-1954, Paris, Éditions du Service de documentation économique, préfacé par Germaine Bouloumié. Le loyer de réquisition est déclaré « faible ».
Site du Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah, Conférence à propos dePasseports pour Vittel, film documentaire sur le camp de Vittel, de Joëlle Novic, 9 juin 2012 :Lire en ligne