Issu d'une famille de commerçants aisés, il est autorisé en 1822 à embrasser la carrière de peintre, bénéficiant d'une rente familiale qui lui permet jusqu'à la mort de ses parents de vivre sans contrainte économique et de voyager en France et enItalie, où il séjourne à trois reprises. Il passe longtemps pour un peintre amateur avant d'être reconnu vers 1850.
Les Corot ont deux autres enfants, Annette Octavie (1793-1874) et Victoire Anne (1797-1821). Toute la famille vit à l'étage au-dessus du magasin de mode[7].
Corot fait des études sans éclat à la pension Letellier à Paris (1803-1807), puis aulycée Pierre-Corneille deRouen (1807-1812)[8]. Le dimanche, il est accueilli par des amis de ses parents, les Sennegon, auprès desquels il apprend à aimer la nature. Leur fils, Laurent Denis Sennegon, épousera la sœur du peintre en 1817.
Il passe les années 1813-1815 aupensionnat du lycée de Poissy[pas clair][9].
En 1822, alors que son père veut lui assurer un emploi en lui offrant unfonds de commerce en vue de reprendre la tradition familiale, il finit par convaincre ses parents de l’autoriser à poursuivre une carrière de peintre, obtenant d’eux une rente annuelle de 1 500 francs, dont bénéficiait auparavant sa sœur morte en 1821[3]. L’aisance de ses parents le met à l’abri du besoin, mais en contrepartie il restera dépendant d’eux jusqu'à leur mort.
Il peut désormais louer un studioquai Voltaire, non loin du magasin de ses parents, et en fait son atelier[11].
Il entre dans l’atelier du peintre paysagisteAchille Etna Michallon (1796-1822), Grand Prix de Rome du paysage historique en 1817, qui vient de rentrer à Paris. Michallon inculque à Corot les principes dunéo-classicisme et l’encourage à travailler en plein air[12].
Dès cette époque, Corot réalise de nombreux dessins au crayon où il introduit le relief et les jeux de lumière. Michallon l'emmène avec lui découvrirMarlotte, où ils retrouventThéodore Caruelle d'Aligny, formant ainsi les prémices dugroupe de Marlotte. Non loin, lesadeptes de Barbizon leur rendront visite.
Mais Michallon meurt quelques mois plus tard. Corot poursuit sa formation avecJean-Victor Bertin, qui a eu Michallon comme élève, et qui, comme lui, enseigne à Corot la science des compositions néoclassiques et dupaysage historique[13].
Ses deux maîtres sont des élèves et émules dePierre-Henri de Valenciennes, un des précurseurs du paysage moderne, qui encourageait ses élèves à peindre en plein air des études qui leur servaient ensuite pour composer leurs tableaux. C'est dans cette lignée que Bertin l’incite à aller travailler enforêt de Fontainebleau. Corot est un des premiers peintres à travailler dans le village deBarbizon, mais il peint aussi dans la vallée de la Seine et sur les côtes de la Manche[3].
Le rapport entre les idéaux classiques et l’observation de la nature, lui-même hérité de l’enseignement dePierre-Henri de Valenciennes, devait rester fondamental tout au long de sa carrière.
Corot parcourt aussi les provinces françaises à la recherche de paysages qu’il peint pour le plaisir et pour l’enrichissement visuel qu’ils lui apportent : peignant d'abord àVille-d'Avray, près de Paris, où ses parents possèdent une maison[15], il se rend fréquemment, entre 1830 et 1845, enNormandie, chez ses amis les Sennegon, mais aussi enAuvergne, enProvence, enBourgogne, enBretagne, chez son élève et amiCharles Le Roux, au Pasquiaud (commune deCorsept, Loire-Atlantique), enCharente, dans leMorvan (en particulier àLormes), ainsi qu’enSuisse. Le plus souvent, il séjourne chez des amis peintres ou drapiers.
Il peint surtout des paysages, mais s’intéresse aussi aux architectures (La Cathédrale de Chartres, 1830). Mais ces toiles ne sont pour lui que des études, qu’il ne songe pas à exposer. Elles sont en effet destinées à être réemployées dans des compositions plus ambitieuses, à caractère historique, mythologique ou religieux, seules dignes, selon l’idéalnéo-classique, d’être présentées au public.
Corot affronte pour la première fois leSalon en 1835 avec un grand tableau intituléAgar dans le désert (1835, Metropolitan museum of art[16]), illustration d’un épisode de laGenèse, qui est reçu favorablement.
Dans les années suivantes, Corot participe régulièrement au Salon, alternant thèmes religieux et mythologiques. À partir de cette époque, il attire l’attention de ses contemporains et, souvent, leur admiration. Pourtant, Corot s’avère difficile à classer, et échappe aux écoles : si les « modernes », séduits par son traitement du paysage, regrettent son attachement obstiné aux thèmes néoclassiques, les néoclassiques, pour leur part, regimbent devant le traitement réaliste de ses arbres et de ses rochers.
Au Salon de 1840, la carrière de Corot gagne en notoriété avec le succès puis l'achat duPetit Berger (1840) par l'État sous la monarchie de Juillet[17].
À partir des années 1850, la notoriété de Corot grandit, et le public et les marchands commencent à s’intéresser à lui. Ses parents disparus (sa mère en 1851, son père dès 1847), il se trouve à la fois plus indépendant financièrement et libéré des contraintes familiales.
Il continue à voyager, parcourt leDauphiné en compagnie du peintre et amiDaubigny, avec qui il va peindre àAuvers-sur-Oise. Corot se rend régulièrement àArras etDouai, chezConstant Dutilleux et ses deux gendresCharles Desavary etAlfred Robaut, avec qui il s’est lié d’amitié. Il s’initie auprès de Dutilleux à la technique ducliché-verre, dont il produira une soixantaine d’exemplaires. Il se rend à plusieurs reprises enLimousin, notamment àSaint-Junien, sur les bords de laGlane,site qui porte désormais son nom et au Mas Bilier, près deLimoges, chez un de ses amis. Il s'arrêtait souvent au lieu-dit « rocher de Sainte Hélène », propriété de la famille Pagnoux, pour prendre un rafraîchissement.
Il est, par ailleurs, de plus en plus attiré, à partir de 1850, par une peinture dans laquelle il laisse libre cours à son imagination, délaissant l’exactitude du paysage peint « sur le motif », qu’il remodèle à son gré, et renonçant aux récits historiques, qui ne sont plus qu’un prétexte à des paysages rêvés et baignés de halos argentés ou dorés. Le thème du « souvenir » devient prépondérant dans son œuvre, mêlant les réminiscences d’un site et les émotions qui restent associées dans la mémoire du peintre. Se succèdent alors des toiles telles queMatinée,Danse des Nymphes,Souvenir de Marcoussis ou le célèbreSouvenir de Mortefontaine.
En 1862-1863, il séjourne àSaintes et participe, avecGustave Courbet,Louis-Augustin Auguin etHippolyte Pradelles à un atelier de plein air baptisé « groupe du Port-Berteau » d'après le nom du joli site des bords de laCharente (dans la commune deBussac-sur-Charente) adopté pour leurs séances communes de peinture. Point d'orgue de la convergence féconde entre les quatre artistes, une exposition collective réunissant 170 œuvres est présentée au public le à l’hôtel de ville de Saintes[18].
En 1846, il est fait chevalier de laLégion d'honneur pour son œuvre, et il est promu officier en 1867. Cependant, ses amis, considérant qu’il n’avait pas été officiellement reconnu à sa juste valeur (il n’avait pas reçu la médaille de première classe au Salon), lui offrirent leur propre médaille en 1874, peu avant sa mort.
Pendant les dernières années de sa vie, Corot gagne de fortes sommes d’argent grâce à ses toiles, qui sont très demandées. Sa générosité est proverbiale[réf. souhaitée] : en 1871, il donne20 000 francs aux pauvres de Paris, qui subissent le siège des Prussiens. En 1872, il achète une maison à Valmondois, qu’il offre àHonoré Daumier, devenu aveugle et sans ressource. En 1875, il donne 10 000 francs à la veuve deJean-François Millet pour l’aider à élever ses enfants. Sa générosité n’est donc pas une légende. Il aide également financièrement un centre pour jeunes déshérités,rue Vandrezanne, à Paris.
Corot estparfois appelé[Par qui ?] « le père de l’impressionnisme ». Toutefois, c’est une appréciation qu’il faut nuancer.
Ses recherches sur la lumière, sa prédilection pour le travail sur le motif et pour le paysage saisi sur le vif anticipent l’impressionnisme. Mais Corot craint les bouleversements, en art comme en politique, et il reste fidèle toute sa vie à la tradition néoclassique, dans laquelle il a été formé. S’il s’en écarte, vers la fin de sa carrière, c’est pour s’abandonner à l’imagination et à la sensibilité dans des souvenirs, qui annoncent le symbolisme autant ou davantage que l’impressionnisme. Corot, inspiré parNicolas Poussin etPierre-Henri de Valenciennes, peint en plein air ses études qu'il n'expose jamais, réalise ses tableaux en atelier puis à partir des années 1850 peint des tableaux de souvenirs faits de réminiscences.
Faire de Corot le « père de l’impressionnisme » semble ainsi être hasardeux, notamment du fait que le courant impressionniste s’est développé largement en dehors de lui, voire malgré lui, même s’il n’y est pas resté entièrement étranger ; et trop restrictif, parce que Corot a bâti une œuvre assez riche et variée pour toucher à tous les courants de son époque. Corot réalise en fait la transition entre la peinture néoclassique et la peinture de plein air[20].
Corot a lui-même influencé un grand nombre de peintres français.Louis Carbonnel aurait écrit à sa femme en 1921 : « Sans Corot, il n'y aurait point de Gadan ni de Carbonnel. Il n'y aurait point de lumière ».[réf. nécessaire]
Corot est surtout connu comme peintre de paysages, mais il est également l’auteur de nombreux portraits (proches ou figures de fantaisie).
Il travaille vite, par des touches rapides et larges, et joue sur la lumière, grâce à une grande observation.
Dès son vivant sont apparus des faux Corot (faussaires, pasticheurs, sans compter les répliques par Corot lui-même ou ses œuvres qu'il prête à ses élèves, collègues ou amis pour qu'ils les copient) qui accréditent la légende selon laquelle il serait l’artiste qui détiendrait le record du plus grand nombre de faux : alors qu'il a peint de son vivant près de 3 000 tableaux (et autant de dessins et gravures), 10 000 versions signées du peintre existeraient dans les collections américaines[21]. La collection du docteur Edouard Gaillot ou du docteur Jousseaume en sont de bons exemples. Celle de Jousseaume comprenait 2 414 faux Corot amassés tout au long de la vie du collectionneur[22] : exposés comme authentiques en 1928 à Londres, ils sont même publiés dans un catalogue illustré, malgré leCatalogue raisonné et illustré des œuvres de Corot, ouvrage de référence[23] d'Alfred Robaut et d'Étienne Moreau-Nélaton édité en 1905[24].
Sa signature en majuscule,« COROT », estvolontairement[réf. nécessaire] facile à reproduire[25], d'où de nombreuses fausses attributions, involontaires ou intentionnelles, en raison de sa cote sur lemarché de l'art qui, au cours duXXe siècle, voit surgir chaque année des centaines de nouvelles œuvres signées du peintre[26]. Ainsi est-il difficile de trouver en France un musée des beaux-arts qui n'expose pas une de ses toiles. Qui plus est, Corot n'hésite pas à retoucher ou remanier les toiles de ses élèves dans un souci pédagogique (« travail d'atelier » courant dans la peinture ancienne) et, pour aider quelques peintres dans la misère, signe parfois leurs tableaux[27].
Jules Michelin fut son graveur attitré[28].Alfred Robaut a répertorié tous les tableaux de Corot, mais 300 sont réputés perdus.
Parmi les œuvres les plus célèbres, on peut citer, chronologiquement :
Autoportrait, Corot à son chevalet (1825), Paris,musée du Louvre.
Le Havre. La mer vue du haut des falaises (1830), musée du Louvre.
Orléans, vue prise d'une fenêtre en regardant la tour Saint- Paterne (vers 1830), huile sur papier marouflé sur bois, 22 x 39,7 cm,Orléans, musée des Beaux-Arts[31].
Nymphes désarmant Amour (1857), Paris, musée du Louvre.
Prairie et marais de Corsept au mois d’août à l’embouchure de la Loire (1857), (pour les personnages uniquement, le paysage étant de son amiCharles Le Roux), Paris, musée d'Orsay.
Strasbourg,musée des Beaux-Arts,L’étang de Ville d’Avray[44],Orléans, vue prise d'une fenêtre en regardant la tour,Paysage du Morvan,Fraîcheur du matin.
« Corot est un peintre de race, très personnel, très savant, et on doit le reconnaître comme le doyen des naturalistes […] la fermeté et le gras de sa touche, le sentiment vrai qu’il a de la nature, la compréhension large des ensembles, surtout la justesse et l’harmonie des valeurs en font un des maîtres du naturalisme moderne. » —Émile Zola,Les Paysagistes, 1868.
En 1874, une médaille à son effigie, « témoignage d'admiration pour son œuvre », a été commandée par ses amis et admirateurs au sculpteurAdolphe-Victor Geoffroy-Dechaume. Un exemplaire en est conservé àParis aumusée Carnavalet (ND 205).
↑« C'est rue du Bac que naquit notre grand Corot, le (28 messidor an IV). On l'appela Jean-Baptiste-Camille. Il porta habituellement le dernier de ces prénoms »,citation extraite de, Etienne Moreau Nelaton,Corot raconté par lui-même, 1905.
↑abcd eteJean Leymarie,Corot - Étude biographique et critique, Genève,Skira, 1966.
↑Archives départementales des Yvelines, 1112505 : Registres des baptêmes de la paroisse Notre-Dame de Versailles (année 1768), vue 87, 15 décembre 1768, acte de baptême de Marie Françoise Oberson.
↑AN, MC LVIII, 583 : Contrat de mariage de Jacques Louis Corot et Marie Françoise Oberson (5 mai 1793).
↑Vincent Pomarède, « Les relations de Michallon et de Corot : l'enseignement du paysage historique et le partage du plein-air », dansAchille-Etna Michallon (Les dossiers du Musée du Louvre), 1994,p. 156-160.
↑Jean Penent, Luigi Gallo, Geneviève Lacambre et Chiara Stefani,Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819). La nature l'avait créé peintre, Somogy,,p. 8.
↑Peter Galassi,Corot en Italie. La peinture de plein air et la tradition classique ; traduit de l'anglais par Jeanne Bouniort,Gallimard,, 257 p..
↑AN, MC I, 1082 : Inventaire après-décès de Marie Françoise Oberson, veuve de Jacques Louis Corot ((3-12 avril 1851).
↑Une rétrospective a été consacrée à l'activité du quatuor par l'exposition « Autour de Courbet en Saintonge - Courbet, Corot, Auguin, Pradelles » présentée du au aumusée de l'Échevinage de Saintes.
↑Acte de décès, archives de la Ville de Paris, V4E 3697.
↑Hélène Braeuener,Les peintres de la baie de la Somme : autour de l'impressionnisme, Renaissance Du Livre,,p. 6.
↑Voir une description de la robe dans : Sabine de la Rochefoucauld, "Le portrait d'une robe", inGrande Galerie - Le Journal du Louvre, mars/avril/mai 2018,no 43,p. 106.
Une réflexion sur la géographie et l'histoire de l'art, illustrée par l’œuvre paysagiste de six peintres : Jean-Baptiste Camille Corot, Henri Harpignies, André Lhote, Johan-Barthold Jongkind, Balthus et Rosa Bonheur.
Jean Leymarie,Corot - Étude biographique et critique, Genève,Skira 1966.
Jean Leymarie,La Campagne de Corot, Assouline, 1996.
Étienne Moreau-Nélaton,Histoire de Corot et de ses œuvres, d'après les documents recueillis par Alfred Robaud, Paris, H. Floury, 1905 (lire en ligne).
Vincent Pomarède et Gérard de Wallens,Corot, la mémoire du paysage, Gallimard, 1996.
Vincent Pomarède et Olivier Bonfait,L'ABCdaire de Corot et le paysage français, Flammarion, 1996.
Vincent Pomarède,Promenades avec Corot, Réunion des musées nationaux, 1996.
Sous la direction deVincent Pomarède, Chiara Stefani, Gérard Wallens (de),Corot, un artiste et son temps, Louvre/Klincksieck/Académie de France à Rome, Paris, 1998,(ISBN2-252-03228-6) ; 620p.