Cadillac fut la première automobile américaine à remporter le prestigieuxTrophée Dewar duRoyal Automobile Club de Grande-Bretagne en démontrant l'interchangeabilité de ses pièces détachées durant un essai particulièrement sévère en 1908 qui consacra le slogan de la firme comme étant un « Standard Mondial ». Elle gagne encore le trophée en 1912, grâce à un démarreur et à des phares électriques sur une automobile de production[3].
Sous la conduite de son fondateurHenry M. Leland, Cadillac s'impose comme une référence dans l'industrie, avec l'interchangeabilité des pièces (1907), le démarrage et l'éclairage électrique (1912), les vitres de sécurité (1926), laboîte de vitesses synchronisée (1928) et comme un spécialiste des moteurs en V ; moteurV8 (1915), moteur V16 et V12 (1930), moteur V8 à haut rendement (1949), moteur à cylindrée modulable V8-6-4 (1982). La marque exerce également une forte influence sur le style automobile grâce aux talents des dessinateurs commeHarley J. Earl qui crée le premier centre de style d'une firme automobile (1927),Bill Mitchell, dont la60 Spécial de 1938 influence les autres constructeurs pendant les vingt années qui suivent, etChuck Jordan(en) qui assure la transition vers le style plus international des années 1990.
Grâce à son intégration dans un groupe industriel puissant, Cadillac survit à la crise économique desannées 1930 et parvient à dominer le marché des voitures de luxe de l'après guerre. Cette approche commerciale du marché la déconsidère quelque peu du fait du si grand nombre de voitures de la marque en circulation.
Fortement concurrencée dans son propre marché par les constructeurs premium allemands puis japonais, Cadillac traverse une passe difficile du milieu desannées 1980 jusqu'auxannées 1990. La marque souffre aussi de sa présence confidentielle dans le marché européen, en raison du prix d'importation élevé et de l'absence de motorisations correspondant aux attentes européennes.
Deux d'entre eux, William H. Murphy et Lemuel W. Bowen décident de se lancer dans la construction automobile en1899 et fondent laDetroit Automobile Company. Une douzaine seulement de voitures « Detroit » voient le jour en deux ans. En1901, Murphy et Bowen décident d'améliorer leur voiture et recrutent pour cela le jeuneHenry Ford ; la société est alors réorganisée et devient laHenry Ford Company. Mais au bout de trois semaines, Henry Ford démissionne, ses vues de l'automobile ne correspondant pas avec celles de Murphy.
Murphy et Bowen décident alors de liquider la société et demandent à Henry M. Leland, le patron de la société L&F, de procéder à l'inventaire de l'usine. Mais Leland les persuade de continuer et il leur propose de procéder à un réoutillage complet de leur usine pour construire une nouvelle voiture équipée du moteur de sa société que l'ingénieur Alanson P. Brush est en train d'améliorer.
Le 22 août1902, Leland, Murphy, Bowen et leurs associés Clarence A. Black et A. E. F. White, se réunissent pour définir les statuts de la nouvelle société et pour en choisir le nouveau nom. Dans l'enthousiasme des commémorations du bicentenaire de la fondation de la ville de Détroit, ils choisissent de baptiser leur firme « Cadillac »[5] du nom du fondateur de la ville, le françaisAntoine de Lamothe-Cadillac (1658-1730), auquel ils empruntent également les armoiries pour en faire le symbole de la nouvelle marque[6].
La production de la Cadillac démarre en mars1903; l'usine Cadillac se contente d'assembler les voitures, la firme L&F fournissant les moteurs, les boîtes de vitesses et les directions. La première année de production s'achève avec 1 895 voitures construites. La deuxième année de Cadillac commence pourtant difficilement. Un incendie se déclare dans l'usine le 13 avril1904 et stoppe toute production pendant 45 jours : 1 500 commandes sont refusées. De son côté, la voiture connaît son premier gros problème : le châssis se vrille quand la voiture roule trop vite sur une route accidentée… ce qui est assez courant dans l'Amérique d'alors. Murphy et Bowen demandent alors à Leland d'améliorer la voiture et de réorganiser le processus de fabrication.
Leland, qui n'avait pas« l'intention d'entrer dans l'industrie automobile, de construire et de vendre des voitures », accepte en fin de compte et, après une inspection complète de l'usine, propose de fusionner les deux entreprises. En octobre1905, les firmes L&F et Cadillac fusionnent pour former laCadillac Motor Car Company ; Henry Leland en est le Directeur général, William Murphy le trésorier, Wilfried Leland son assistant et Clarence A. Black le président. La société dispose d'un capital de 1,5 million de dollars et emploie 1 000 personnes. La Cadillac connaît sa première évolution, mais reste commercialisée sous ce simple nom. Pour distinguer les différentes versions de la voiture, l'usine utilise cependant les dénominations de Model A, Model B, puis C, E, F, K, M, S et T.
Les membres du RAC choisissent trois Model K parmi les huit en stock chez Bennett. Les voitures d'origine étant de couleurs différentes, leur remontage fait apparaître trois voitures de toutes les couleurs, chacune adoptant le capot, les ailes et les pièces mécaniques des deux autres. Surnommées les « arlequins » par les observateurs présents, elles réussissent parfaitement les épreuves du concours. En outre, l'une de ces voitures remporte dans sa catégorie le concours d’endurance sur 3 200 km organisé par le RAC en juin suivant. À la fin de l'année, le RAC décerne letrophée Dewar à Cadillac en reconnaissance de« la plus grande réussite technique de l'année ». C’est la première fois qu'une voiture non britannique obtient cette récompense. Leland réagit en conséquence en adoptant pour devise le célèbre « Standard of the World » (« une norme pour le monde ») qui s'accorde aussi bien à Cadillac que le fameux « Best car of the World » deRolls-Royce.
Entre 1903 et 1908, 16 126 Cadillac à moteur monocylindre sortent des chaînes.
Le prix de ces voitures varie entre2 000 et 5 000$, elles ne sont fabriquées qu'en quelques centaines d'exemplaires et leurs ventes déclinent même à partir de 1907. Leland décide de revenir à ce qui fait le succès de la Cadillac : un modèle unique, soigneusement fabriqué et vendu à un prix raisonnable.
En 1913, le RAC décerne un deuxième trophée Dewar à Cadillac pour l'introduction l'année précédente du système d'allumage et d'éclairage électriqueDelco. C'est la première fois que le RAC attribue son célèbre trophée deux fois de suite au même constructeur, non-britannique qui plus est.
L'origine de cette innovation remonte au printemps 1910, quand un ami de Leland,Byron Carter (le fondateur de la marque Cartercar) meurt à la suite du retour de manivelle d'une Cadillac qu'il tentait de redémarrer[7]. En apprenant l'accident, Leland réunit ses collaborateurs et leur demande de« trouver un système de substitution à la manivelle » afin que« la Cadillac ne tue plus aucun homme si nous pouvons l'éviter »[8].Les ingénieurs se tournent alors vers le fournisseur du système d'allumage électrique des Cadillac, la firme Delco Ignition System deCharles Franklin Kettering (le nom « Delco » est l‘acronyme de l‘ancienne raison sociale de cette société installée à Dayton (Ohio) : Dayton Engineering Laboratories Company). Kettering dépose les brevets de son démarreur électrique en 1911 et les premiers démarreurs électriques, couplés aux phares électriques, sont montés sur les Cadillac de 1912.
En juillet 1912, le RAC choisit trois Cadillac chez l'importateur de la marque en Angleterre et leur fait subir à chacune mille démarrages successifs afin de vérifier l'efficacité et la longévité du système.
Très rapidement, les autres constructeurs adoptent le système Delco et, en 1916, 98 % des voitures américaines en sont équipées. Bien que Lanchester l'adopte dès 1913, il faudra attendre les années 1920 pour le voir se généraliser en Europe.
Dès 1908, Cadillac attire l'attention deWilliam Crapo Durant, le fondateur de la General Motors. Homme d'affaires brillant, Durant est le premier qui a l'idée de créer une gamme de produits diversifiés en regroupant plusieurs marques fabriquant chacune une voiture sur un créneau précis du marché. Durant commence à constituer son groupe en septembre 1908 à partir deBuick, un constructeur prospère qu'il dirige depuis 1904. Les bénéfices queBuick réalise lui permettent d'acheter simultanément la sociétéOlds Motor Work, qui construit l'Oldsmobile, et la firmeOakland. Il souhaite également acquérir un constructeur pour le marché au-dessus de celui de Buick ; il propose 3 millions de dollars pour racheter Cadillac.
Leland laisse à son fils Wilfred le soin de diriger les négociations avec Durant. Il demande 3,5 millions de dollars et offre dix jours de réflexion à l'homme d'affaires, qui refuse. Il revient six mois plus tard, mais grâce au trophée Dewar et au succès de la Thirty, Wilfred Leland demande 4,250 millions de dollars. Durant hésite encore. Il revient à la charge une troisième fois, mais le prix est monté à 4,5 millions de dollars. La transaction est finalement conclue le pour un montant de 5 669 250 dollars. Durant demande alors aux Leland de continuer de diriger Cadillac« exactement comme si la marque leur appartenait toujours »[9].
C'est ce qu'ils font jusqu'en 1917 avant de tomber en désaccord avec Durant au sujet de la production des moteurs d'avionsLiberty commandés par le gouvernement américain. Puisque Durant ne fait rien selon eux pour reconvertir toute la production de Cadillac à ce marché, Henry et Wilfred Leland démissionnent et partent fonder laLincoln Motor Company. En six mois, Lincoln emploie 6 000 personnes et devient un des plus importants fournisseurs de moteurs Liberty. Après laPremière Guerre mondiale, Leland reconvertit son usine à la construction automobile. Racheté par Ford en 1922, Lincoln est devenu depuis le principal concurrent de Cadillac.
Fortement éclipsé par son père, Wilfred Leland joue un rôle primordial dans la direction de Cadillac après son achat par Durant. Quand ce dernier est écarté de la General Motors en 1910 à cause de sa gestion douteuse, c'est Wilfred Leland qui convainc les banquiers qui veulent démanteler le groupe de ne pas le faire. En 1916, grâce àChevrolet qu'il a contribué à fonder, Durant reprend le contrôle de la General Motors. Il réorganise le groupe et chacune de ses sociétés devient une division, Cadillac devient ainsi laCadillac Motor Car Division de la GM.
En 1912, Wilfred Leland lance l’idée de produire un modèle à moteur V8 pour succéder à la « Thirty». À cette époque, les principaux concurrents de Cadillac comme Packard et Pierce-Arrow offrent des modèles à moteurs à 6 cylindres. Leland veut présenter un modèle supérieur, et un huit cylindres s’impose donc logiquement. L’architecture en V du moteur offre par ailleurs trois avantages : il est aussi compact qu’un moteur à 4 cylindres, moins lourd qu’un moteur à 6 cylindres et il offre un couple important dès les bas régimes. Mais Leland souhaite que son projet demeure secret. Il constitue une équipe réduite d’ingénieurs autour de Charles Kettering et de E.A. Deeds, les responsables de DELCO, et l’installe dans un immeuble extérieur à l‘usine lui appartenant. Ni les concurrents, ni les employés de Cadillac ne sont au courant de ce qui se prépare.
Des moteurs V8 existent déjà depuis 1903, mais aucun constructeur n‘en a produit en série. Kettering et Deeds profitent d’ailleurs du salon de New York de 1912 pour acheter le moteur V8 exposé par le constructeur françaisDe Dion-Bouton. De son côté, Leland achète un moteur V8 au constructeur d’avions Hall-Scoot. Après d’innombrables séries de mesures et d’essais, Leland finalise un cahier des charges et le premier prototype du moteur est réalisé à l’été 1913. Leland engage alors David McCall White, un ingénieur écossais formé chez Daimler et chezNapier, et le nomme chef de fabrication du nouveau moteur en 1914. La première Cadillac à moteur V8, le Type 51, est présentée en septembre 1914 pour l‘année modèle 1915. Cadillac adopte une appellation à la française par la désignation de « type », le nombre 51 faisant référence à la cylindrée du moteur et montrant le caractère supérieur de la voiture par rapport à l’ancienne « Thirty » (30).
Le succès est important : 20 404 exemplaires sont produits en 1915, 20 % de plus que le record de production de la Thirty et dix fois plus que la production de Pierce-Arrow. Un commentateur note ainsi que « Leland vient de réaliser pour les riches ce que Ford a fait pour les pauvres », la revueThe Automobile écrit que « La Cadillac V8 inaugure une époque ».
En mai 1916,Erwin G. Baker et Wim F. Sturm battent le record de la traversée d’Est en Ouest des États-Unis en 7 jours 11 heures et 52 minutes à bord d’une Cadillac Roadster V8, améliorant de plus de 3 jours leur précédent record établi à bord d’uneStutz Bearcat.
En 1917, avec l’entrée en guerre des États-Unis, 2 095 Cadillac V8 traversent l’Atlantique. Une partie est destinée aux officiers du corps expéditionnaire américain, une autre aux armées Canadiennes et Britanniques. La revente supposée de ces voitures restées en France après la guerre sera à l'origine de l’affaire Seznec[10]. Après la guerre, les salariés des usines Cadillac offriront au généralPershing une Cadillac Suburban dont chaque pièce sera marquée de la mention « Pour la voiture du Général Pershing » avec un drapeau américain[11].
Avec 191 352 exemplaires produits, la première Cadillac V8 établit définitivement la réputation de qualité de la marque. Pour la concurrencer, Peerless lance également un modèle V8 tandis que Packard préfère la voie du moteur à douze cylindres, avec la Twin Six.
Le modèle évolue en Série 314-A en 1927, la première Cadillac à présenter les signes de ce qui va devenir le « design » automobile.En effet, jusqu’alors, les voitures américaines ne brillent pas par le dessin de leurs carrosseries ; les lignes sont fonctionnelles mais austères. Un jeune dessinateur californien,Harley J. Earl, adopte une approche novatrice qui va déterminer les règles de base du design automobile. Contrairement aux carrossiers traditionnels, Earl ne se contente pas de monter une carrosserie sur un châssis fourni avec le capot, les ailes et les phares de série. Il crée des voitures complètes en dessinant tous les éléments de carrosserie et d’accastillage pour qu’ils s’harmonisent le plus possible. Earl construit également des maquettes en pâte à modeler (la « clay ») à partir de ses dessins pour finaliser son projet. Il est repéré par Fred Fisher qui lui propose de venir exercer ses talents à Détroit pour donner une allure à la petite sœur de la Cadillac, la nouvelle LaSalle programmée pour 1927. S’inspirant fortement de l’Hispano-Suiza française, Earl dessine la nouvelleLaSalle dans un style racé, en courbes et aux formes très élégantes. Présentée en mars 1927, la voiture est un succès avec 10 767 exemplaires produits au cours des 9 mois restants. Le président de la General Motors, et instigateur du projet LaSalle,Alfred P. Sloan, invite alors Earl à travailler à plein temps pour la GM afin de créer un studio de style spécifique au groupe : le « Art and Colour Section ». Le premier grand travail du studio est de créer la gamme de 50 carrosseries destinées aux Cadillac et aux LaSalle de 1928.La production de 1927 atteint 36 369 exemplaires.
Le modèle évolue en Série 341 B en 1929, qui reçoit des verres Securit et des sièges avant réglables. La production s’essouffle à 18 004 exemplaires mais rien ne semble empêcher la venue d’une nouvelle ère de progrès et de bénéfices.
Pour 1933 (« Série 355-C »), le dessin est retouché. Les volets du capot sont horizontaux, la calandre adopte un dessin en étrave est peinte au ton de la carrosserie et les avertisseurs et les ailes reçoivent des bavolets sur les côtés. Sur les conduites intérieures, le pare-brise est en une seule pièce fixe ; l’année précédente, il était monté sur gonds et pouvait s’entrouvrir par le bas pour la ventilation. Ce n’est dorénavant plus nécessaire du fait de l’apparition d’un système de ventilation plus efficace, constitué par des déflecteurs de vitres à l’avant et à l’arrière. Seize carrosseries Fischer et Fleetwood sont disponibles, aussi bien sur le châssis V8 que sur le châssis V12. Enfin, les modèles V8 bénéficient du freinage à dépression des modèles supérieurs.Mais 1933 est la pire année de la ‘’Dépression’’ : les ventes n’atteignent que 2 096 exemplaires.
Des changements doivent donc survenir pour que la division survive. La GM sait qu’elle doit réduire les gammes de chacune de ses divisions et qu’elle doit réaliser des économies. Pour remettre Cadillac sur la voie du succès, un nouveau directeur général est nommé en 1934 :Nicholas Dreystadt[9].
Après les nombreuses modifications opérées en 1934, Cadillac propose une gamme très similaire l’année suivante. Cependant, les pare-chocs à double lames sont trop onéreux à produire. Ils sont remplacés par des pare-chocs à simple barre plus conventionnels. Côté mécanique, une barre stabilisatrice est ajoutée à la suspension avant, et le taux de compression du V8 est réduit. Toujours proposées en trois empattements, les Cadillac V8 sont désormais toutes appelées « Série 10 Modèle 355-D ». La production retombe à 3 209 unités (1 130 Fisher sur empattement de 3,25 m, 1 859 Fisher sur empattement de 3,46 m et 220 Fleetwood sur empattement de 3,71 m)[8].
Dans les années 1920, la plupart des voitures de luxe ont des moteurs à six ou à huit cylindres dont la cylindrée augmente au fur et à mesure des années. Mais, plus la cylindrée est grosse, plus les vibrations internes du moteur sont importantes. Les constructeurs sont alors confrontés à un véritable défi technologique pour réduire les bruits et les vibrations de leurs modèles. Cela donne lieu à une compétition intense entre les constructeurs de prestige américains qui atteint son apogée avec les « supervoitures » des années 1930. Et c’est Cadillac qui ouvre le débat un an avant tous ses concurrents, avec un moteur à 16 cylindres en V.
Pour concevoir ce moteur, Lawrence P. Fisher recrute un ingénieur extérieur à la GM,Owen Milton Nacker(en), en faisant croire au reste de l’industrie que Cadillac travaille sur un moteur à douze cylindres. En fait, Nacker conçoit le douze et le seize cylindres en même temps, ce qui permet une très grande interchangeabilité des pièces entre les deux moteurs, mais toutes les études techniques et les calculs de prix de revient se référent uniquement au moteur V12. C’est donc une surprise de taille qui attend le public du salon de New York en janvier 1930, quand Cadillac présente son modèle V16. Le douze cylindres n’apparaît qu’en septembre 1930 et n’a qu’un rôle secondaire.
Extérieurement, les modèles V16 ressemblent beaucoup aux Cadillac V8, mais en plus grand et en plus luxueux.Initialement, il y a vingt carrosseries Fleetwood, avec un choix entre des roadsters, des phaétons, des cabriolets, des victorias, des coupés, des berlines, des impériales et des limousines. Les prix s’échelonnent de5 500 à 7 500$. Les modèles les plus originaux sont ceux appelés « Madam X », au pare-brise audacieusement incliné en une pièce droite ou en deux parties en étrave. Le nom est inspiré à Harley Earl par lemystérieux personnage féminin d’une pièce populaire de 1929. Quelques-unes de ces « Madam X » se distinguent par des évents de capot en acier brossés à la place des modèles normaux peints. D’autres ont leur instrumentation et leurs roues à rayons acier dorés à l’or fin...
La Cadillac V16 connaît un succès énorme pour une voiture de ce type, avec 3 250 exemplaires produits en 1930-1931. Elle n’a qu’une seule concurrente, laMarmon V16, qui n’apparaît qu’en avril 1931, et qui est produite à moins de 350 exemplaires (le troisième modèle américain de série à moteur 16 cylindres, laPeerless V16, ne dépassant pas le stade du prototype).
La première génération de modèles V16 et V12 est dessinée dans un style très inspiré par l’Hispano-Suiza française. Elle est déclinée ainsi pendant quatre ans, de 1930 à 1933, faisant l’objet de petites retouches de détails tous les ans. Les ailes reçoivent des bavolets en 1933. Hélas, la crise économique s’amplifie en 1932, et les ventes de ces hyper luxueuses voitures chutent brutalement. La production tombe à 1 709 V12 et 296 V16 en 1932, et s’effondre à 952 V12 et 125 V16 en 1933.
Nicholas Dreystadt, le directeur général de Cadillac, décide alors d’arrêter les frais. La Cadillac V16 n’a jamais été une réussite commerciale, sauf au cours de ses premières années, mais elle vient de montrer clairement que Cadillac a gagné sa place sur le marché du luxe. Pour la première fois, Cadillac a proposé une voiture nettement supérieure aux Packard[12].
Le style est la priorité pour 1938. Un nouveau modèle apparaît, la berline 60 Special, dessinée par le jeune William « Bill » Mitchell. Cette voiture va rapidement démoder tout ce qui roule sur les routes de cette époque. Elle va influencer le dessin automobile sur plus d’une génération de dessinateurs. Elle inaugure à elle seule un concept entièrement nouveau ; celui de la voiture complète. Longue et basse, elle renonce aux marchepieds. Son coffre arrière se fond dans la ligne de la carrosserie. Les montants de toit sont extrêmement minces et permettent aux portes et au pare-brise d’être plus larges que sur n’importe quelle autre voiture de classe équivalente. De fait, la visibilité est grandement améliorée. Ses montants très minces, quoique très résistants, sont recouverts de métal brillant, ce qui donne à la voiture une allure de décapotable non ouverte.
Le reste de la gamme bénéficie également d’un nouveau style. Les modèles V8 proposent désormais une habitabilité supérieure grâce à des empattements allongés et à un châssis abaissé. La calandre est élargie, le capot est plus massif; c’est un changement radical de tendance par rapport aux modèles de 1936 et 1937. Les ailes avant deviennent plus larges et les phares sont positionnés plus bas, entre les ailes et les rebords de la calandre. Pour la première fois, le capot se bascule d’avant en arrière, avec des gonds placés près du pare-brise. À l’intérieur, tableau de bord et habitacle sont redessinés sur toute la gamme. Le volant est nouveau, et le levier de changement de vitesse passe sur la colonne de direction. Mécaniquement, la transmission est hypocycloïde et les ressorts de suspension sont repositionnés.
La face avant des modèles de 1939 est traitée en trois parties : une calandre centrale flanquée de petites calandres de part et d’autre juste en dessous des phares.La gamme V8 s’articule toujours sur trois modèles, mais les dénominations évoluent. La Série 61 remplace la Série 60, la Série 70 est supprimée, la 60 Spécial devient un modèle à part entière (désormais carrossée par Fletwood), et la Série 75 est maintenue. Comme la 60 Special, la Série 61 abandonne les marchepieds, qui restent disponibles en option, et elle peut être équipée d’un toit ouvrant. Toutes les Cadillac de 1939 reçoivent un nouveau tableau de bord, une antenne radio électrique, des protections en caoutchouc sur le pare-chocs arrière et un overdrive appelé « controled-action ride ». Le support arrière de la plaque d’immatriculation est repositionné au centre du couvercle de malle. Enfin, les modèles décapotables à spider arrière disparaissent de la gamme. Les tarifs s’échelonnent entre 1 695 $ et 5 245 $. Les ventes s’améliorent : 13 545 exemplaires (dont 5 506 Série 60 Special, 5 974 Série 61, 2 065 Série 75)[14].
Les tout nouveaux modèles de 1941 affirment véritablement le statut de Cadillac comme symbole absolu du luxe en Amérique. Bill Mitchell réussit une très adroite mise à jour du dessin des carrosseries. Ses voitures ont de la classe; elles sont bien dessinées et leurs chromes ne semblent ni excessifs, ni déplacés. Son dessin apporte des innovations intéressantes : les phares avant sont implantés dans les ailes et non plus à leur sommet et la calandre s’étale sur toute la largeur de la face avant avec 7 barres horizontales et 24 barres verticales qui se croisent dans un dessin de « cage d’œuf ». Les ailes présentent des lignes de fuite rectilignes qui s’accordent agréablement aux contours arrondis de la caisse. La 60 Special se distingue avec ses ailes avant qui se prolongent en forme d’obus sur les portières. Les emblèmes et les ornements sont si bien finis qu’ils ressemblent à des joyaux. Les accessoires abondent : enjoliveurs d’ailes, feux directionnels, feux de recul, lave-glaces, rétroviseurs et radio.
À l’exception de la Série 75, les modèles de 1942 adoptent les ailes de la 60 Special dans un dessin encore plus arrondi. Les carrosseries sont plus fluides, les ailes avant, en forme de larme, s’avancent plus profondément dans les portières et les ailes arrière sont similaires. Les carrosseries de type « fastback » sont fortement mises en valeur, seule la Série 75 conserve une allure plus rigide. Le dessin de la calandre est plus massif, avec 6 barres horizontales et 14 barres verticales, et les pare-chocs reçoivent des gardes en forme d’obus.En raison de la conversion de l’industrie à l’effort de guerre, la production de 1942 s’arrête dès le1er février, après une production de 16 511 exemplaires, dont à peine 5 000 unités en 1942 (5 700 Série 61, 4 960 Série 62, 1 750 Série 63, 1 875 Série 60 Special, 700 Série 67, 1 526 Série 75).
Désormais, et jusqu’en 1945, les usines Cadillac construisent les chars légersM5 « Stuart » etM24 « Chaffee » équipés du fameux V8 de la marque, ainsi qu'une version aéronautique de ce moteur.
À la fin des hostilités, Cadillac met plusieurs mois pour remettre en service son outillage de 1942 et, à la fin de 1945, la division lance la fabrication de ses modèles 1946. Ce n’est qu’une simple reprise des modèles de 1942 ; les seules modifications touchent les pare-chocs, qui sont plus enveloppants, et les feux de position, qui sont rectangulaires. Le moteur est toujours le fidèle V8 à soupapes latérales de5,7 litres et la transmission Hydra-Matic en disponible en option. En revanche, les tarifs augmentent de près de 30 % en moyenne, ceux de la Série 61 grimpant même de 42 %. La Cadillac la moins chère (la Série 61 Club Coupé) est ainsi affichée à 2 052 $, soit 602 $ de plus qu’avant guerre.
La production redémarre doucement. Au cours des derniers mois de 1945, la seule Cadillac disponible est la berline de la Série 61, dont 1 142 exemplaires seulement sont fabriqués. Puis la gamme est rétablie avec 11 modèles répartis en 4 séries (au lieu de 22 modèles en 6 séries, la Série 67 et la Série 72 n’étant pas reconduites). Avec 28 052 voitures fabriquées en 1946, la production totale de l’année modèle 1946 atteint 29 194 exemplaires (3 001 Série 61, 18 566 Série 62, 5 700 Série 60 Special et 1 927 Série 75). Mais plus de 100 000 acheteurs impatients ont passé commande de leur Cadillac !
C’est en février1948 que la GM présente sa première nouvelle carrosserie d‘après guerre, qui est partagée entre Oldsmobile et Cadillac. Cette nouvelle carrosserie adopte un style « semi-ponton » : les ailes avant intègrent le plan du côté mais les ailes arrière restent renflées. Chez Cadillac, le dessin se singularise par un détail qui va profondément marquer le style automobile américain des années 1950 ; des « ailerons » en bout des ailes arrière.Selon la légende, ces ailerons auraient été inspirés par la double dérive du chasseurLockheed P-38Lightning que l’équipe de style de la GM, dirigée par Harley J. Earl, aurait eu le privilège de voir avant sa mise en service (la GM fournissant les moteurs Allison de l’appareil). Selon Bill Mitchell, ces ailerons n’auraient été que le développement logique du dessin des feux arrière rapportés sur les ailes des modèles de 1941. En réalité, ces ailerons sont dus à Franklin Quick Hershey (1907-1997), le responsable du style de Cadillac depuis 1944 et le dessinateur entre autres de la Peerless V16 de 1932, desPontiac de 1933 et de l’Opel Kapitän de 1938 (et qui sera ensuite responsable du style de laFord Thunderbird de 1955). Harley Earl n’est en rien dans le dessin de ces ailerons, qu‘il désapprouve. Quand Hershey lui présente les maquettes des modèles en 1944, il lui demande expressément de supprimer ces ailerons en lui disant : « Ce n’est tout simplement pas Cadillac ! ». Mais le dessin plaît à Nicholas Dreystadt et aux responsables commerciaux de la marque. Earl se fait une raison, et les ailerons vont devenir la marque distinctive des Cadillac[15].
En raison de différents mouvements de grève dans l’industrie au printemps 1948, la production est en baisse et n’atteint que 52 706 exemplaires : 34 213 Série 62, 8 603 Série 61, 6 561 Série 60 Special, 1 262 Série 75 et 2 067 châssis commerciaux dérivés de la Série 75 (avec un empattement de 4,14 m).
La gamme est reconduite pour l’année modèle1949 avec une calandre plus scintillante qui étend sur les côtés par l’ajout de moulures chromées et un coffre arrière plus vaste et donc plus bulbeux. Une nouvelle carrosserie fait son apparition : un coupé sans montant central ("hard-top" en anglais) dérivé du « Club Coupe » de la Série 62 et. baptisé « Coupé De Ville » (un terme ancien de la carrosserie française, utilisé dans les années 1920 et choisi pour sa sonorité en américain). L’origine de cette carrosserie se trouve dans le comportement de l’épouse d’un dessinateur du bureau de style de la GM qui possède un cabriolet mais qui roule constamment avec la capote relevée et les vitres baissées. Voyant que la capote ne sert jamais, le dessinateur propose de la rendre définitivement fixe en reprenant le dessin du coupé dont il enlève le montant central entre la vitre de portière et la vitre de custode. Le dessin est adopté pour les trois marques de gamme supérieure de la GM : Oldsmobile, Buick et Cadillac - il est baptisé Holiday chez Oldsmobile et Riviera chez Buick.
Non perturbée par les grèves passées, la production est en hausse de plus de 75 %, et établit un nouveau record avec 92 554 exemplaires : 55 643 Série 62, 22 148 Série 61, 11 400 Série 60 Special, 1 502 Série 75 et 1 861 châssis commerciaux.
La Cadillac est la marque de la voiture dans laquelle les célèbres écrivains américainsJack Kerouac etNeal Cassady voyagent dans les années 1950 : « Neal, lui, ne parle que de voitures et de filles. Dans la Cadillac, il roule comme dans un rêve. Chicago, Detroit, New York, la route est rythmée d'orgies de vitesse, de soirées de jazz et de galères »[16].
Steve Carlisle, nouveau président de Cadillac, constate en septembre 2018 que « le marché semble évoluer plus rapidement que prévu » et annonce que Cadillac se consacrera dorénavant à l’électrification de ses modèles[17].
Au château de Planchoury, àSaint-Michel-sur-Loire (Indre-et-Loire), en pleine Touraine, on vénère 61 modèles exposés dont la Cadillac deGaby Morlay. Pendules, rideaux, vases en cristal pour mettre quelques fleurs en ornaient l'habitacle. On peut y admirer aussi un modèle V-16 de1933 que l'on attribue àMarlene Dietrich ; il comporte dans l'habitacle arrière de petits placards pour ranger des thermos.