Il y a 50 millions d'années, au début de l'éocène, les bassins d'Apt et de Céreste sont recouverts d'un grand lac intérieur. Le climat de type tropical permet, jusqu'à l'oligocène, le développement d'une faune et d'une flore très riches qui se retrouvent aujourd'hui dans des plaques très fines de calcairesschisteux. Ces nombreuxfossiles correspondent à une flore riveraine (myrica,nymphaea,salix, etc.) et à des poissons, mollusques et insectes[4].
Céreste est arrosée par plusieurs cours d'eau : en plus de l'Encrême[6], leCalavon[7] et l'Aiguebelle[8] (dont la source estsulfureuse) traversent la commune. Certains de leurs affluents, comme le ravin de Carluc[9] coulent également près du village.
Alignements d'arbres sur l'ancienne RN 100 aux abords du village.
La commune est à l’extrémité occidentale des Alpes-de-Haute-Provence, en bordure de l’Encrême, sur la route départementale D4100 (ex-route nationale 100).
Le versant nord, plus humide et moins chaud que celui qui jouxte laDurance, a déjà une allure plus montagnarde. Il est couvert en grande partie par unechênaie pubescente[19]. Mais lechêne pubescent (ou chêne blanc, oublaque selon le nom local) a besoin de terrains plus riches que lechêne vert du versant sud, et demande de l'ombre pendant les premières années de sa vie. Ce sont d'autres espèces qui lui préparent le terrain :amélanchier,buis,genêt,genévrier commun,pin sylvestre. Ce dernier fournit une ombre permettant à d'autres végétaux de se développer : chêne blanc, mais aussiérable de Montpellier,érable champêtre ou encorealisier blanc.
Se rencontrent aussi fréquemment des mammifères comme lesanglier, leblaireau en voie d'extinction, ainsi que lerenard roux, l'écureuil, des rongeurs dont le plus petit mammifère du monde, lepachyure étrusque[20].
Aucune des 200 communes du département n'est en zone de risque sismique nul. Lecanton de Reillanne auquel appartient Céreste est en zone 1b (risque faible) selon la classification déterministe de 1991, basée sur lesséismes historiques[23], et en zone 4 (risque moyen) selon la classification probabiliste EC8 de 2011[24]. La commune de Céreste est également exposée à trois autres risques naturels[24] :
feu de forêt ;
inondation ;
mouvement de terrain : la commune est presque entièrement concernée par un aléa moyen à fort[25].
La commune de Céreste est également exposée à un risque d'origine technologique, celui de transport de matières dangereuses par route[26]. Ladépartementale D4100 (ancienneroute nationale 100) peut être empruntée par les transports routiers de marchandises dangereuses[27], notamment les matières premières à destination ou des produits finis en provenance des usines Arkema de Saint-Auban[28].
La commune a été l'objet de plusieurs arrêtés de catastrophe naturelle, pour des inondations, glissement de terrain et coulées de boue : en1986,1993,1994,2008 et2019[24],[30].
La localité apparaît pour la première fois dans les textes en1054 (Cicereste,Cederesta en1143[31]). Bien que son étymologie ne soit pas clairement établie, elle est rapprochée de celle duCeyreste proche deLa Ciotat, aux origines prégrecques et préceltiques (Kitairesta), formé d’un terme signifiantmont[32],[33],[34].
L'occupation des sols de la commune, telle qu'elle ressort de labase de donnéeseuropéenne d’occupationbiophysique des solsCorine Land Cover (CLC), est marquée par l'importance des forêts et milieux semi-naturels (64,9 % en 2018), en diminution par rapport à 1990 (66,6 %). La répartition détaillée en 2018 est la suivante : forêts (52,6 %),terres arables (18,5 %), zones agricoles hétérogènes (12,6 %), milieux à végétation arbustive et/ou herbacée (12,3 %), prairies (2,4 %), zones urbanisées (1,6 %)[39].
L'évolution de l’occupation des sols de la commune et de ses infrastructures peut être observée sur les différentes représentations cartographiques du territoire : lacarte de Cassini (XVIIIe siècle), lacarte d'état-major (1820-1866) et les cartes ou photos aériennes de l'IGN pour la période actuelle (1950 à aujourd'hui)[Carte 1].
Carte de l'occupation des sols de la commune en 2018 (CLC).
Les fouilles faites à la Combe Joubert ont révélé un sitepaléolithique de première importance. Dans un dépôt alluvial, ont été retrouvés des bifaces et des produits Levallois datés de la fin dupléistocène moyen mais qui ont une grande similitude avec l'acheuléen supérieur méditerranéen[40].Au moins un taxon a été nommé en hommage à la commune : l'insecte coléoptèreChrysomela ceresti.
Un vicus gallo-romain était établi au quartier Saint-Sauveur. Il s’agit sans doute deCatuiaca, une desmansio de lavoie Domitienne[42],[43][44],[45]. L’époqueromaine a laissé un four de potier, unhypogée et dessarcophages à Saint-Sauveur. Un pont romain enjambait l'Aiguebelle pour permettre à la Via Domitia, voie romaine, de passer sur l'autre rive. Le pont du Baou, dit « romain », mais qui date en vérité duXVIIIe siècle[46], enjambait l'Encrême. En1758, on a découvert une borne milliaire près de ce pont, construit à l'emplacement d'un ancien gué. Le quartier Saint-Martin a lui aussi livré des vestiges romains avec des tombes à incinération et une pierre gravéeATI/IO/Porci V. F.[47]. Une villa a été découverte parprospection aérienne à La Déguine en 1982[48].
Alors que le sud-est de la Gaule était une terreburgonde, le roi desOstrogothsThéodoric le Grand fait la conquête de la région entre laDurance, leRhône et l'Isère en510. La commune dépend donc brièvement à nouveau de l'Italie, jusqu'en526. En effet, pour se réconcilier avec le roi burgondeGondemar III, la régente ostrogotheAmalasonthe lui rend ce territoire[49].
En1113, Stephanus Scizerest (Étienne de Céreste), fut témoin à Apt et signataire de l'acte d'achat fait parLaugier d'Agoult,évêque d'Apt, des châteaux qui sommaient le rocher deSaignon et du don qu'il en fait à son Église d'Apt[51].
Bertrand du Guesclin.
Au début duXIe siècle, entre1117 et1122, l'évêque Laugier d'Agoult transigea avec Rodolphe, l'abbé de Saint-Victor de Marseille. L'évêque donna à l'abbé les églises et prieuré de Céreste avec leurs dépendances. Il retint pour son Église un tiers des droits de sépulture et une coupe d'huile d'olive. L'abbé remit à l'évêque le quart des dîmes qu'il prélevait déjà sur Céreste et trois églises rurales en pays d'Apt[52].
Le fief de Céreste relevait ducomté de Forcalquier auXIIe siècle. Lorsque ce comté perd son indépendance en1209, à la mort deGuillaume II, un de ses neveux,Guillaume de Sabran tente de le relever. Après une lutte de dix ans, il passe un accord àMeyrargues le 29 juin 1220 avecRaimond Bérenger IV,comte de Provence et lui aussi héritier du comté de Forcalquier. Par cet accord, la moitié sud du comté, dont Céreste, lui est donnée. Guillaume de Sabran conserve sa moitié de comté jusqu'à sa mort, vers 1250[53].
Du château, ayant appartenu auxSabran et auxBrancas, subsistent les traces des murailles, parfois doubles, et quelques pans de murs du côté sud. D’autres parties du mur d’enceinte sont entières, avec unebretèche reposant sur quatre corbeaux[54].
Le fait le plus marquant de cette période fut la bataille de Céreste. Elle opposa les routiers deBertrand Du Guesclin à l'ost de Provence commandée par le sénéchalRaymond d'Agoult qui avait à ses côtésRaymond de Turenne et son pèreGuillaume III Roger de Beaufort, neveu deClément VI. Au cours de l'année1368, alors que depuis un anUrbain V était retourné àRome,LouisIer d'Anjou décida de s'approprier laProvence. Il fit appel àBertrand Du Guesclin qui passa leRhône au cours du mois de mai, assiégeaTarascon, batailla devantArles et remonta ensuite versApt. Poursuivi par les troupes du sénéchal de Provence, le Breton se replia à Céreste. Le choc entre les deux armées vit la lourde défaite des Provençaux. Cet exploit valut à Du Guesclin d'être excommunié par le pape le[55].
La mort de la reineJeanneIre ouvre une crise de succession à la tête ducomté de Provence, les villes de l’Union d'Aix (1382-1387) soutenantCharles de Duras contreLouisIer d'Anjou (déjà cité). Le seigneur de Céreste, Louis de Sabran, soutient le duc d’Anjou dès le printemps 1382, ce soutien étant conditionné à la participation du duc à l’expédition de secours à la reine[56].
AuXVIe siècle, l’activité du village reprend, avec entre latranshumance à longue distance. Les moutons de Céreste partent dans la vallée supérieure duVar, en Provence orientale[57].
Jusqu'en1648, il n'y eut pas de cure, donc pas de desservant dans le village, les offices de l'église paroissiale Saint-Michel et du prieuré de Notre-Dame de Beauvoir étant à la charge des moines de Saint-Victor de Marseille[58].
Le fief, qui avait dépendu des comtes de Forcalquier puis de Provence, passa à lafamille de Brancas[31]. Henri (II) de Brancas obtint son érection enmarquisat en1674[59], son filsLouis fut maréchal de France, et le fils de celui-ci (autre Louis) fut duc de Céreste (par brevet de 1785).
La tour d’Embarbe (d’Embarbo) est une ancienne tour défensive duXVIe siècle, transformée enpigeonnier[60].
Au milieu duXIXe siècle, l'élevage principal était celui des porcins[63]. La vigne et les oliveraies colonisaient les collines, le blé couvrait les vallées. Et la commune était réputée pour sestruffes d'une exceptionnelle grosseur. Le village comportait plusieurs filatures à soie. Une carrière à ciel ouvert permettait d'exploiter lelignite, elle s'étendait sur 166 hectares[64]. Sur le chemin deViens, dans une grotte, était exploité du poudingue utilisé pour faire des pierres meulières[65]. Levin produit était destiné à l’autoconsommation et à la vente sur les marchés locaux. Cette culture est aujourd’hui abandonnée[66].
Lecoup d'État du 2 décembre 1851 commis parLouis-Napoléon Bonaparte contre laDeuxième République provoque un soulèvement armé dans les Basses-Alpes, en défense de la Constitution. Après l’échec de l’insurrection, une sévère répression poursuit ceux qui se sont levés pour défendre la République : 35 habitants de Céreste sont traduits devant la commission mixte, la majorité étant condamnés à ladéportation enAlgérie[67].
Comme de nombreuses communes du département, Céreste se dote d’une école bien avant leslois Ferry : en 1863, elle en possède déjà une qui dispense uneinstruction primaire aux garçons, au chef-lieu[68]. La même instruction est donnée aux filles, laloi Falloux (1851) imposant l’ouverture d’une école de filles aux communes de plus de 800 habitants[69]. La commune profite des subventions de la deuxièmeloi Duruy (1877) pour construire une école neuve. C'est l'actuel groupe scolaire, sis boulevard Victor Hugo, qui regroupe école maternelle et élémentaire[70].
En septembre 1939,René Char est mobilisé à Paris pour une dizaine de jours puis à Nîmes comme simple soldat[71].
Au début de laSeconde Guerre mondiale, le poète fut mobilisé dans le 173e R.A. régiment qui était affecté en Alsace. Au cours de la débâcle, en 1940, il assura à ses hommes une retraite organisée ce qui lui permit d’occuper le pont deGien. Gardé intact, celui-ci servit à la population pour se replier. Démobilisé, Char fut décoré de lacroix de guerre et put revenir dans ses foyers àl’Isle-sur-la-Sorgue[72].
Néanmoins, sur ordre de Vichy, le préfet de Vaucluse le tint à l’œil. Il chargea son directeur de la Sureté Nationale d’enquêter sur l’individu ; le rapport que ce dernier fit parvenir à son supérieur hiérarchique, constatait que le poète était surréaliste et le catégorisait comme communiste. Immédiatement le préfet ordonna de perquisitionner chez lui. René Char, averti par un gendarme républicain qu’il risquait d’être incarcéré, partit se réfugier à Céreste, village de Basse-Provence, qu’il connaissait depuis1936[72]. Cette arrivée à Céreste nous est narrée par Georges-Louis Roux : « C'est donc vers la mi-août que nous accueillîmes René Char et sa femme Georgette à Céreste. De nouveaux amis, les Taupin, venaient d'y acheter une maison et l'avaient mise à notre disposition. Il s'agissait d'une maison à demi ruinée dont les Taupin venaient de faire réparer les pièces destinées à l'habitation et peindre les portes et les fenêtres couleur bleu charrette[73]. ».
Sur place, dès 1941, René Char prit contact avec un noyau de la Résistance. Il rejoignit l’Armée secrète et choisit le pseudonyme d'Alexandre. Les excellentes relations qu’il entretenait avec les Cérestains lui permirent d’organiser sur le terrain des réseaux de combat. Il structura ceux-ci afin de leur permettre d’accueillir des réfractaires auSTO lors de l'occupation de la zone sud[72].
Ce fut en 1943 qu’il prit la tête du secteur « AS- Durance » qui s’étendait entreForcalquier,Banon, lamontagne de Lure,Apt et leLuberon. Puis avec le grade de capitaine, il devint chef départemental de laSAP Région 2[72]. Cette section fut opérationnelle dès l'automne 1943. « Des équipes sont en place à Forcalquier, Céreste, Banon, Puimoisson, Oraison, Valensole, Gréoux, Seyne. La SAP de René Char comprendra une trentaine de terrains et mobilisera jusqu'à 400 hommes et femmes »[74]. Ils étaient chargés par Alexandre de préparer les terrains d’atterrissage et d’organiser la réception et le stockage du matériel de guerre[72]. Sur le terrain, ils étaient coordonnés par Pierre Zyngerman, un polonais évadé d’un camp d’internement, dit Léon, et Jean Sicard, dit Serge, les deux adjoints de René Char[75].
La tour de Porchères, qui servit de cache au matériel de guerre parachuté par les alliés.
Le largage suivait un rituel immuable. Le capitaine Alexandre « était informé d’un prochain parachutage par un message codé de la BBC à 13 heures, message de confirmation répété le soir. Le jour prévu, dès que le bruit de l’avion se faisait entendre, plusieurs hommes balisaient le terrain avec des lampes ou en allumant des feux, en se positionnant dans la ligne du vent. Après un premier passage de l’avion confirmant que les signaux avaient été bien perçus, le largage s’effectuait au second passage à 200 mètres environ du sol ». Les hommes de la SAP avaient alors pour mission d’évacuer rapidement les containers en les cachant. À titre d’exemple, sur la commune deSaint-Michel-l'Observatoire, le terrain de parachutage 126 était proche de latour de Porchères. C’est son premier étage qui servait de cache[75].
Mur de l'église Saint-Jean-Baptiste de l'Hospitalet devant lequel fut fusillé un délateur.
Certains parachutages étaient à haut risque comme celui qui eut lieu dans la nuit de 27 au. La dispersion des quatorze parachutes entreBanon etl'Hospitalet n'était pas prévue et parue suspecte. Un seul container put être récupéré par un maquisard de l'Hospitalet. Il contenait 71 mitraillettes Stern, 9 000 cartouches, 231 grenades et 200 kilos d'explosifs. Le SAP ne tarda pas à être informé que ce sabotage était à mettre au compte des gendarmes locaux qui avaient déplacé les repères de largage après les révélations faites par un réfugié lorrain de soixante-quatre ans. Sur ordre de René Char, le délateur fut fusillé trois semaines plus tard devant l'église Saint-Jean-Baptiste de l'Hospitalet[76].
Roger Paul Bernard (1921-1944), ami de René Char.
Impitoyable avec les traîtres, René Char fut adulé par ses hommes. C'est ce que nous apprennent deux jeunes résistants, Marcel Chaumien et Jean Soupiron, qui avaient rejoint l'Algérie pour y suivre un entrainement commando au « Club des Pins d’Alger ». Ceci leur permit, en avril 1944, de partir en mission dans le sud-est de la France (région R2) pour faire des relevés météo en vue du débarquement prochain sur les côtes provençales. Débarqués àRamatuelle, ils furent d’abord dirigés par la Résistance locale versCucuron puis le 6 juin vers le secteur d’Apt, beaucoup plus sûr. Ils y rencontrèrent le Colonel Coste qui les confia à René Char[77].
Jean Soupiron s’est souvenu de son étonnement : « Alexandre, l’homme vers qui nous allons est …un poète ! Ce qui nous inquiète un peu. Nous avons tort. Nos jugements sont erronés. Cet homme se révèle être un homme supérieur, rigoureux, pragmatique, son secteur est organisé de manière exemplaire et chacun obéit avec enthousiasme… »[77].
Marcel Chaumien a confié son admiration pour « ce colosse, remarquable meneur d’homme et qui savait se mettre au niveau de son interlocuteur, fut-il artiste, intellectuel, paysan… Alexandre fut pour nous d’un très précieux concours : il nous donna armes, munitions et matériel pour nous installer dans une ferme de la commune de Viens (Flaqueirol) »[77].
Roger Paul Bernard était l’un des hommes de René Char en contact avec la ferme de Flaqueirol. Originaire de Pertuis, il avait fui le STO, et s’était d’abord caché au Contadour avecJean Giono. Âgé de 23 ans, ce jeune poète décida alors de rejoindre Alexandre à Céreste[77].
Char le prit immédiatement en amitié. Son destin bascula le 22 juin 1944, au matin. Parti de Flaqueirol pour porter un message à Céreste, il fut arrêté par les SS au bas deViens. Son sort était scellé car « il est trouvé en possession d’un revolver et chaussé de chaussures anglaises[77]».
Stèle à la mémoire de Roger Paul Bernard.
Stèle érigée par un Allemand, Curd Ochwadt.
René Char dut prendre une décision dramatique, laisser fusiller son camarade et ami pour que Céreste ne subisse pas la répression des SS. Il narre dans lesFeuillets d'Hypnos :« Nous étions sur les collines dominant Céreste, des armes à faire craquer les buissons et au moins égaux en nombre aux SS. Je n'ai pas donné le signal parce que le village devait être épargné à tout prix »[78]. Le jeune résistant fut exécuté d’une balle dans le dos près de l’ancienne gare de Viens[77].
Marcel Chaumien écrit : « il est mort en brave, refusant de parler. Ces faits m’ont été confirmés par les gendarmes qui écoutèrent dans une pièce voisine du lieu de l’interrogatoire ». Il laissait une femme et un bébé de quelques mois. Après la guerre, René Char fit publier ses poèmes « Ma faim noire déjà » chez Seghers et s’occupa de sa veuve, Lucienne, qui devint modèle de Matisse[77].
Pour illustrer les rapports que René Char entretenait avec les Cérestins, il suffit de rapporter l'amitié qui l'unit aux Ginoux durant ces années. « Les Ginoux habitaient une maison voisine de celle des Taupin à Céreste. René Char, craignant une perquisition, demanda un jour à la mère Ginoux de cacher des codes et autres documents importants sous ses jupons. Elle devint ainsi la plus vieille résistante de Céreste. Dans sa jeunesse, elle avait été condamnée au bagne pour avoir tué son amant d'un coup de couteau ; on disait aussi qu'elle avait brisé le dos de son fils pour lui éviter d'être mobilisé en 1914-1918. Celui-ci était châtreur de profession[79]».
Les Hautes-Plaines, àMane, terrain d'atterrissage de la SAP de René Char.
Georges-Louis Roux, son ami de Céreste, complète : « La première fois que nous comprîmes que Char serait le centre d’une activité clandestine, ce fut le jour où, en 1941 je crois, Mme Char alla inciter à plus de discrétion un antivichyste qui avait eu une altercation publique avec un collaborationniste. « Nous aurons besoin de vous plus tard », lui dit-elle. La situation changea totalement pour nous lorsque, après le débarquement américain en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, la zone sud fut envahie par les troupes nazies. Il se créa dans la région des maquis de l’Armée Secrète, Char travaillait avec eux. À partir de ce moment ses activités furent conditionnées par ses obligations de chef de réseau. Il lui fallut mettre sur pied, dans des conditions précaires, toute une infrastructure ; rechercher des terrains de parachutages, trouver des caches sûres, créer des équipes de transporteurs, établir des liaisons. Sous son impulsion Céreste nocturne se mit à l’œuvre, Christol l’épicier aux côtés de Bassanelli le bûcheron, Gardiol le braconnier avec Cabot le gendarme ou Nervi le camionneur, Manuel, militaire en congé d’armistice, Marcelle Sidoine-Pons, et d’autres encore. Des gens simples aux réactions directes et saines qui ne pouvaient supporter l’avilissement de leur pays et qui trouvaient auprès de Char –un responsable qui était aussi un ami- l’occasion d’agir dont ils avaient besoin pour sublimer leur honte et leur colère. Il était la conscience du village »[80].
Ses qualités de meneur d’hommes jointes à l’efficacité de son action firent que sa réputation dépassa largement les limites de la R2[72]. Au cours du mois de juillet 1944, René Char fut appelé à l’État Major interallié à Alger. Sur place « il occupe les fonctions d’officier de liaison auprès du Général Cocher, donne des conférences militaires sur la guerre des maquis aux officiers anglais et américains, et devient directeur de la Villa Scoto, le centre des missions parachutées. Il prépare le débarquement en Méditerranée ». Ces fonctions le retinrent en Algérie et il ne put participer à la libération de la France. Il revint seulement en septembre 1944, et fut incorporé à l’armée où il resta encore un an[75].
C’est au cours de l’été 1945 qu’il commença à rédiger à nouveau. Ses textes sont inspirés de son journal de guerre et ses notes du maquis[75]. Ce sont lesFeuillets d’Hypnos (repris en volume dansFureur et mystère), qui« sont calculés pour restituer l'image d'une certaine activité, d'une certaine conception de la Résistance et, d'abord, d'un certain individu avec sa multiplicité interne, ses alternances et aussi sa différence, qu'il est moins disposé que jamais à oublier. L'ensemble demeure une des images les moins convenues et les plus approfondies de ce que fut larésistance européenne au nazisme[81]. ». Isabelle Ville, dans son étude sur René Char « Une poétique de la Résistance », publiée par les « Presses de l’Université Paris-Sorbonne », s’interroge sur les raisons qui déterminèrent « l’entrée active en Résistance de René Char »[82].
Affiche publiée par René Char.
Pour celui qui considérait queIl n'y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve ou on l'accomplit, elle se fit pourtant naturellement même, si comme il l’expliquait « à son ami Curel, les poètes n’ont vraiment pas leur place dans l’armée »[83].
Ce qui était moins normal fut le flot d’insanités que certains déversèrent sur le poète après la Libération. Il faut se souvenir que c’est la SAP, elle-même, qui décidait de la répartition des armes. Les FTP n’en furent pas les premiers bénéficiaires. Il y eut plus que des frictions entre gaullistes et communistes. « Mais il faudra attendre les combats de la Libération pour que ce délicat problème soit résolu réglementairement entre les FFI ». Ce ne fut pas le cas à Céreste où René Char fut accusé de malversations[74].
Fin 1945, lui et son maquis furent couverts de calomnies par plusieurs dirigeants communistes locaux sur les ordres d’un certain Georges Dubois. Ceux-ci répandaient une rumeur accusant Alexandre d’avoir été un agent louche et de s’être livré au marché noir. Char intervint auprès des instances nationales du PCF qui déclencha une enquête. Celle-ci, qui allait durer plusieurs mois, aboutira à l’exclusion du parti de ce Georges Dubois en 1946. Comme entre-temps une autre campagne de calomnies recommençait, Char fit une réponse cinglante qui fut imprimée sur affiche et placardée dans tout le village de Céreste[75].
Attestation de René Char pour un résistant.Plaque de rue récente à Céreste en l'honneur de René Char.
Il y eut même des vengeances qui se mangèrent froides. Le « Square des Marronniers », lors de la mandature du premier maire élu après la Libération, un résistant, avait été renommé en l’honneur de René Char « Place Capitaine-Alexandre ». Dans lesannées 1960, un autre maire, très hostile au poète-résistant, décida de tout changer. Pendant la guerre, Char s’occupait aussi de l’intendance et veillait sur la nourriture de ses hommes. Pour cela, de temps en temps, il s’adressait aux paysans de Céreste. Il rencontra un des gros propriétaires éleveur de mouton : - « Que penseriez-vous, si de temps en temps, l'une des vos bêtes disparaissaient ... mangées par un loup ? » questionna-t-il pour prendre la température. Le fermier refusa sèchement en arguant qu’il ne faisait pas de politique. Après la Libération, le bonhomme vint voir Char pour lui demander une attestation officielle prouvant qu'il avait fait partie de la Résistance pendant la guerre. Le capitaine Alexandre leva les yeux de son bureau. - « Mes gars mangent bien maintenant, merci », dit-il, en le renvoyant d’un geste. Le gros propriétaire rumina sa vengeance jusqu’à ce qu’il fût élu maire du village et pût débaptiser la « Place Capitaine Alexandre » en « Place de Verdun »[84].
L'évolution du nombre d'habitants est connue à travers lesrecensements de la population effectués dans la commune depuis 1765. Pour les communes de moins de 10 000 habitants, une enquête de recensement portant sur toute la population est réalisée tous les cinq ans, les populations de référence des années intermédiaires étant quant à elles estimées par interpolation ou extrapolation[96]. Pour la commune, le premier recensement exhaustif entrant dans le cadre du nouveau dispositif a été réalisé en 2004[97].
L'histoire démographique de Céreste, après la saignée desXIVe et XVe siècles et le long mouvement de croissance jusqu'au début duXIXe siècle, est marquée par une période d'« étale » où la population reste relativement stable à un niveau élevé. Cette période est très courte à Céreste (1861-1872). L'exode rural provoque ensuite un mouvement de recul démographique de longue durée. En 1930, la commune enregistre la perte de la moitié de sa population du maximum historique de 1866, plus tardivement que la plupart des autres communes du département[100]. Le mouvement de recul se poursuit jusqu'auxannées 1950, avant de s'inverser, permettant à la population de retrouver son niveau de l’optimum duXIXe siècle.
La commune est dotée d’une école primaire[101]. Les élèves sont ensuite dirigés vers lecollège puis lelycée Charles-de-Gaulle àApt (également appeléeCité scolaire d'Apt)[102].
Sur la commune on trouve un court de tennis, un centre équestre, une piscine municipale, un club de foot jumelé avecReillanne, un mini-golf et un boulodrome.
En 2009, la population active s’élevait à 472 personnes, dont 84 chômeurs[103] (91 fin 2011[104]). Ces travailleurs sont majoritairementsalariés (69 %)[105] et travaillent majoritairement hors de la commune (57 %)[105]. L’essentiel des établissements de la commune se trouvent dans le secteur tertiaire (62 % et 80 % de l’emploi salarié en 2010)[106].
Fin 2010, lesecteur primaire (agriculture, sylviculture, pêche) comptait 27 établissements agricoles actifs au sens de l’Insee (non-professionnels) et deux emplois salariés[106].
Le nombre d’exploitations professionnelles, selon l’enquête Agreste du ministère de l’Agriculture, est de 16 en2010. Il était de 18 en 2000[107], de 33 en 1988[108]. Actuellement, ces exploitants sont essentiellement tournés vers les grandes cultures, l’élevageovin, des exploitations pratiquant lapolyculture subsistent encore[107]. De 1988 à 2000, lasurface agricole utile (SAU) a fortement augmenté, de724ha à1 364ha[108]. La SAU a chuté lors de la dernière décennie, à576ha[107].
La culture de l’olivier est pratiquée dans la commune depuis des siècles, tout en étant limitée à des surfaces restreintes. Le terroir de la commune se situe en effet à la limite altitudinale de l’arbre, qui ne peut que difficilement être exploité au-delà des 650 mètres[109].
Fin 2010, lesecteur tertiaire (commerces, services) comptait 76 établissements (avec 56 emploissalariés), auxquels s’ajoutent les 22 établissements du secteur administratif (regroupé avec le secteur sanitaire et social et l’enseignement), salariant 43 personnes[106].
Cave à vin.
Centre commercial
Le Cours, artère commerçante.
D'après l’Observatoire départemental du tourisme, la fonction touristique est assez importante pour la commune, avec entre un et cinq touristes accueillis par habitant[110], l’essentiel de la capacité d'hébergement étant non-marchande[111]. Plusieurs structures d’hébergement à finalité touristique existent dans la commune :
Les résidences secondaires apportent un complément appréciable à la capacité d’accueil[120] : au nombre de 288, elles représentent un tiers des logements. Cinq résidences secondaires possèdent plus d’un logement[121],[114].
À Céreste, le tourisme a plusieurs aspects : un côté historique et culturel, qui s'appuie sur un patrimoine riche (village médiéval,prieuré de Carluc) et sur les activités festives proposées tout au long de l'année ; le tourisme détente ; le tourisme vert, grâce aux nombreux chemins derandonnées et du cadre protégé qu'offrent lemassif du Luberon et ses environs.
Lacollecte et traitement des déchets des ménages et déchets assimilés et laprotection et mise en valeur de l'environnement se font dans le cadre de laCommunauté de communes du Pays d'Apt.
Un journal de l'époque donne un compte-rendu de cette manifestation :« Rien de plus gai et d'amusant comme cette longue file de personnes, originalement costumée selon la mode du bon vieux temps, se livrant en cadence à des pas de la plus primitive des chorégraphies et toutes porteuses de quenouilles lumineuses, toutes chantant des couplets en langue provençale que le chœur reprend en se livrant à desavant-doux de recul... Cette joyeuse mascarade n'a que le tort de se produire en Carême[124]. ».
Lachapelle Saint-Georges est située dans unepinède, près duCalavon, 1 km à l’ouest de Céreste[45]. Cette chapelle a été vandalisée en 2014 par des personnes à la recherche d'un trésor. Les études réalisées par les services de la DRAC, la font remonter à une époque plus ancienne.
La chapelle Notre-Dame-de-Pitié est construite auXVe siècle. Une chapelle romane se trouve dans le centre.
À 3 km du village, se trouve leprieuré de Carluc, dont la chapelle est en partie classéemonument historique, en partie inscrite[133]. Ce prieuré dépendait de l’abbaye de Montmajour. Autour du prieuré, se trouve unenécropole médiévale, en partie rupestre et souterraine (une galerie la reliant à la chapelle)[134].
Lepont de la Baou sur l’Encrême, dit «aussi pont romain» : construit sur la route de Carluc etReillanne, son tablier mesure 19 m de long par 3,95 m de large, soutenu par une arche surbaissée de 10,5 m de portée, et de 4,5 m de hauteur sous clef. La chaussée mesure 3,15 m de large. En fait de pont romain, d’après les archives, il n'est construit qu'en 1740 , mais classémonument historique comme pont romain en 1862[136],[137] Il est établi sur legué antique de l’Encrême. À proximité devait se trouver leprieuré de Saint-Vincent-du-Pont[45].
Le pont sur le Calavon : long de 60 m et large de 5,1 m à l’origine (XVIIIe siècle), il repose sur trois arches surbaissées égales, de 12,45 m de portée. Il est doté d'avant et d'arrière-becs triangulaires, à chaperons prismatiques. Lescorbeaux saillants qui ont été réservés lors de la taille des pierres pour servir de support aucintre subsistent. Au XXème, le tablier du pont a été élargi en surplomb[138].
Les différentes formes d’habitat traditionnel provençal sont représentées dans la commune : maisons en hauteur au village, où hommes et bêtes vivaient sous le même toit, mais aussi des maisons isolées dans les collines. AuXIXe siècle se sont ajoutées hors du village des maisons à terre. Toutes ces constructions sont pensées pour les besoins agricoles : terrasse pour sécher les fruits, grenier pour serrer le foin et le grain.
Maison à pontin à l'entrée de Céreste, sa construction date du milieu duXXe siècle.
Maison en hauteur à l'intérieur du village.
Maison à terre à l'entrée du village.
Classique maison à terre à l'extérieur du village.
Grande bastide de Céreste.
Lespigeonniers de particuliers sont souvent construits auXIXe siècle, et se signalent par des plaques vernissées en façade, protégeant les oiseaux des rongeurs. L'approvisionnement en eau des différentes constructions était très souvent complété par uneciterne qui recueillait les eaux de pluie de latoiture.
Les cabanons fournissent un habitat aménagé près de champs ou de vignes éloignées.
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↑Notice qui lui est consacrée par Guy Barruolin Guy Barruol, Philippe Autran et Jacqueline Ursch,D'une rive à l'autre : les ponts de Haute-Provence de l’Antiquité à nos jours, Les Alpes de Lumière no 153, Forcalquier, 2006, p. 65.
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↑Notice qui lui est consacrée par Guy Barruolin Guy Barruol, Philippe Autran et Jacqueline Ursch,D'une rive à l'autre : les ponts de Haute-Provence de l’Antiquité à nos jours, Les Alpes de Lumière no 153, Forcalquier 2006, p. 67.
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Isabelle Ville,René Char : une poétique de résistance : être et faire dans les Feuillets d'Hypnos (thèse de doctorat),(lire en ligne).
Mireille Sidoine Audouy,"Darwin fera la mise en scène", une enfance auprès de René Char, préface de Jérôme Prieur, éditions du Sextant, 2009, 256 pages.