Lebullionisme est uncourant de pensée économique espagnol duXVIe siècle qui repose sur la conviction que la quantité de métaux précieux détenue par un pays est la mesure de sa richesse, et que l'État doit à tout prix inciter l'accumulation de ces métaux sur son territoire. Il préconise particulièrement l'exploitation et l'importation minière à partir des colonies, et également d'empêcher l'or et l'argent entrés dans le pays de sortir des frontières. Le bullionisme a été la matrice primitive dumercantilisme.
Le bullionisme naît enEspagne. À la suite de laReconquista, le pays est victime d'un marasme économique profond. Cela incite les légistes espagnols à chercher des moyens de relancer l'économie du pays. Certains remarquent que l'Angleterre a accumulé des vastes réserves d'or et d'argent grâce à sesexcédents commerciaux, et établit un lien entre la possession de métaux précieux et la richesse du pays.
Bien que les soutiens espagnols du bullionisme n'écrivent pas de traités théoriques sur le sujet (contrairement aux précurseurs de l'école classique au siècle suivante), ils se mobilisent auprès des dirigeants[1]. Ortiz écrit en 1558 unMémoire au roi pour empêcher les sorties d'or[2]. La doctrine se développe principalement enEspagne, car l'afflux des métaux précieux venus d'Amérique conduit à une forte augmentation du pouvoir d'achat à court terme, ce que les auteurs voient comme une confirmation implicite de leur théorie[3].Charles Quint etPhilippe II suivent les préconisations bullionistes[4].
Le bullionisme considère l'or comme la richesse par excellence en raison du caractère impérissable de l'or[5]. Le terme est construit à partir de l'anglaisbullion, qui signifie « lingot »[6].
Le bullionisme n'est que peu théorisé. La doctrine ne fait pas l'objet de calculs particulièrement poussés. Les principaux soutiens du bullionisme se trouvaient àSalamanque,Valladolid etTolède[1].
Au XVIe siècle, l'économiste mercantiliste françaisJean Bodin démontre statistiquement que l'importation d'or à partir des colonies espagnoles est à l'origine d'une forte inflation en Europe, ainsi, il est le tout premier homme à avoir posé les bases duquantitativisme, pensée selon laquelle toute augmentation de la masse monétaire entraine une augmentation proportionnelle des prix, ainsi la monnaie a un rôle parfaitement neutre sur le niveau de richesse d'un pays[7].
Au XVIIe siècle, moins critique, l'économiste britanniqueWilliam Petty voit d'un bon œil cette hausse de la monnaie : celle-ci permet d'augmenter l'offre de monnaie et de crédit, et donc forcent les notaires à abaisser les taux d'intérêt, ce qui permettra finalement d'augmenter les investissements réalisés dans le pays[8].
Le bullionisme, tout comme son successeur direct qu'est le mercantilisme, fait l'objet de diverses critiques théoriques et empiriques dans les siècles qui suivent.
L'économisteAdam Smith attaque les courants mercantilistes dont le bullionisme dans son ouvrage séminal,La Richesse des Nations. Il dénie à l'or et à l'argent leur fonction de mesure de la richesse dans le premier chapitre du quatrième livre[9].
Le ralentissement économique de l'Espagne après leXVIIe siècle est en partie attribué à l'application de la doctrine bullionniste, qui asphyxie le commerce espagnol[10]. En effet, l'entrée massive d'or dans l'économie espagnole provoque de l'inflation, uneappréciation de la monnaie, et donc une perte de compétitivité. L'Espagne enchaîne par la suite des déficits commerciaux[2]. L'économisteJacques Lacour-Gayet consacre un chapitre entier au bullionisme dans son livreHistoire du commerce (1950), sous l'intitulé de« La faillite du bullionisme »[11].
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