Labourgeoisie est une notionhistorique etsociologique. Le terme désignait à l'origine les habitants des« bourgs » mais en vient, à partir duXIXe siècle, et notamment dumarxisme, à désigner uneclasse sociale nantie. Ainsi :
En histoire :
originellement et de façon générale, il s'agit de la qualité de« ceux qui habitent le bourg », c'est-à-dire les gens de la ville (notamment marchands etartisans) par opposition à ceux de la campagne ; en ce sens, la bourgeoisie commence à se développer en Europe dès leXIe siècle et en particulier pendant laRenaissance duXIIe siècle ;
duMoyen Âge à la fin de l'Ancien Régime, groupe social appartenant auTiers état, jouissant du privilège duprofit contrairement à lanoblesse[1], assurant son aisance financière en occupant desoffices moyens ou supérieurs demagistrature (bourgeoisie administrative oubourgeoisie de robe), des offices definance (bourgeoisie financière), des activités decommerce (bourgeoisie marchande) ou exploitant un patrimoine foncier immobilier ou industriel (bourgeoisiepropriétaire)[2],[3]. Il s'agit aussi d'un statut juridique limité au cadre local[4] accordé par une ville à ses habitants qui combine des droits et des devoirs[5] (ce qu'en allemand on nommedie Bürger etdas Bürgertum) ;
Dérivé de « bourgeois » (habitant du bourg), le vocable « bourgeoisie » est attesté dès1538 avec le sens d'« ensemble des habitants du bourg » et en937 sous la forme « bourgesie », correspondant aulatinburgensia, au sensjuridique de citoyen ayant ledroit de cité.
Enitalienborghesia, de même queborghese, est emprunté aufrançais « bourgeoisie »[7].
La « bourgeoisie », dans son sens premier, est donc intimement liée à l'existence des villes reconnues comme telles par leurschartes urbaines ; il n'y avait donc pas de bourgeoisie « hors les murs de la cité » au-delà desquels les habitants étaient des « manants » soumis aux juridictions et aux corvées seigneuriales (à l'exception de la « bourgeoisie foraine » habitant hors du territoire urbain, mais y ayant conservé ses droits).
C'est auXIe siècle qu'apparaît la bourgeoisie. À l'origine, le terme de bourgeois désigne l'habitant du bourg, et c'est donc le développement des villes en Europe qui a permis le développement de la bourgeoisie.
Or, les villes européennes présentent auMoyen Âge nombre de caractéristiques remarquables. Après l'effondrement de l'Empire romain, et en même temps que lui, de la structure urbaine sur laquelle il s'appuyait[8], une renaissance urbaine se dessine à partir duXIe siècle.
Des milliers devilles naissent alors, mais sont bien souvent organisées selon un modèle encore campagnard, n'étant guère qu'un « regroupement rural », incluant dans leurs murs champs et jardins. Seules certaines d'entre elles vont réellement s'urbaniser, en mettant en place une nouvelle structure sociale ; elles jouent un rôle moteur évident, en Italie du nord, entre Loire et Rhin, et sur les côtes méditerranéennes ; elles voient se développer des corps de métiers, des marchands, une industrie, un commerce lointain qui leur permet de drainer des ressources, des banques. Déjà se développe une forme de bourgeoisie, et même, de proto-capitalisme[9].
Autour de ces villes privilégiées, l'État territorial s'affaiblit : si celui-ci renaît en France, en Angleterre, enEspagne, en revanche, en Italie, dans les Flandres et en Allemagne, les villes sont bientôt parfois suffisamment fortes pour se constituer en univers autonomes et s'affranchir de l'espace politique ancien, acquérant ou extorquant des privilèges, se constituant ainsi un véritable rempart juridique[9].
Ces villes, désormais sans entraves, innovent dans tous les domaines : sur le plan financier, avec les emprunts publics (le ponte Vecchio de Florence) et lalettre de change, la création des premièressociétés commerciales, sur le plan industriel, sur le plan commercial où les échanges lointains se développent. Les villes deviennent « des petites patries de bourgeois »[10], à Florence, à Venise, ou à Nüremberg. Une mentalité nouvelle se met en place, qui est le tout premier capitalisme d'Occident : à la différence du noble qui augmente lesimpôts seigneuriaux pour ajuster ses revenus à ses dépenses, le marchand calcule ses dépenses selon ses revenus, et cherche à n'investir qu'à bon escient, en identifiant et en limitant les risques[11].
En France, sous l'Ancien Régime, être bourgeois d'une ville permettait de bénéficier du statut juridique de la ville qui octroyait des droits et imposait des devoirs[5], c'est-à-dire la citoyenneté locale (droit de voter et d'être élu à des emplois publics, obligations fiscales et de services gratuits dans la milice, la collecte des impôts, les jurys, etc.).
Frontispice duBourgeois gentilhomme (1682), deMolière, œuvre qui témoigne de l'entrée en politique des bourgeois, qui tentent d'imiter, et de se substituer, aux nobles.
Lamonarchie accordait et renouvelait lesprivilèges accordés aux bourgeois des différentes villes par deslettres patentes[4]. Le statut de « Bourgeois de Paris » donne les mêmes exonérations fiscales que la noblesse[13],[14].
Dans la réunion desÉtats généraux, la bourgeoisie appartenait auTiers état[15] : « En 1791, le bourgeois est celui qui appartient au Tiers État tout en se distinguant de celui-ci par la puissance de certains privilèges »[16]. La bourgeoisie qui n'appartenait ni au premier ordre (leclergé) ni ausecond ordre (lanoblesse) mais autiers état, possédait pourtant des privilèges qui la distinguait largement du peuple[17] : « les bourgeois faisaient partie du Tiers état des villes par opposition aux gentilshommes et aux ecclésiastiques »[18].
La notion de bourgeoisie était « employée dans deux acceptions pour définir une partie du tiers état urbain. L’une comprend la bourgeoisie au sens d’élite roturière définie par des critères de richesse et d'influence sociale (…). La bourgeoisie est cependant avant tout, sous l’Ancien Régime, unstatut juridique donnant à certainscitadins des droits distincts de ceux des autres habitants de la ville »[19].
La distinction entre petite, grande et moyenne bourgeoisie est principalement d’ordre financier mais aussi liée à la notoriété et à l’exercice de la profession. Alors que la grande bourgeoisie (une fortune supérieure, une situation familialenotable plus ancienne, des emplois plus élevés dans la magistrature et la finance que la moyenne bourgeoisie)[20] regroupe l’élite du tiers état sous l’Ancien Régime[21], la place que l'Ancien Régime réserve à la petite bourgeoisie qui se trouve à la limite du tiers état et du peuple (boutiquiers, artisans, fonctionnaires subalternes, paysans enrichis, etc.) n’a rien d’enviable car elle ne mène ni à la considération ni à la fortune[22].
« Dans cette société d’ordres, les bourgeois qui avaient réussi ne pouvaient concrétiser leurascension sociale qu’en quittant la bourgeoisie et donc letiers état pour intégrer ledeuxième ordre »[23] par l'achat de charges anoblissantes.
Sous le règne du roiLouis XIV la bourgeoisie est présente au cœur de l'administration royale mais aussi dans de nombreux autres domaines[24]. Les historiens et sociologues modernes y voient unebourgeoisie de robe.
Dans les milieux intellectuels et artistiques qui fréquentent lessalons littéraires, il est courant de se moquer de la lourdeur d'esprit et du prosaïsme du « bourgeois » insensible aux valeurs spirituelles : ainsi Chrysale dansLes Femmes savantes deMolière se voit invectiver par son épouse qui prétend au bel esprit :« Est-il de petits corps un plus lourd assemblage ! Un esprit composé d'atomes plus bourgeois ! » ; Monsieur Jourdain, dansLe Bourgeois gentilhomme, se rend ridicule en essayant d'imiter les « gens de qualité » sans avoir leur finesse de goût[25].
Plusieurs auteurs commeAlexis de Tocqueville (1805-1859) estiment que la bourgeoisie est à l'origine de laRévolution française. En effet, les bourgeois veulent une révolution politique afin que leur classe trouve sa place dans lasociété d'ordres ; par sa naissance, un bourgeois appartenait autiers état, toutefois certains par leur train de vie, voire leur fortune, pouvaient acheter des fiefs mais aussi des charges anoblissantes leur permettant d'accéder à lanoblesse[26].
Cependant, le terme de « bourgeoisie » est peu employé par les auteurs et orateurs dans les premières années de la Révolution : ils lui préfèrent celui detiers état, de plus en plus identifié à la nation.Robespierre et lessans-culottes de1793 ne tardent pas à dénoncer une « aristocratie bourgeoise » ou « bourgeoisie aristocratique » de plus en plus considérée comme complice de lacontre-révolution. Sous leDirectoire, les intérêts des « gens de bien » attachés à l'ordre social s'opposent à ceux de la « canaille » revendicative, comme lors desjournées de germinal etprairial an III, sans que cette différence soit théorisée[27].
SousNapoléon, la bourgeoisie, dont les couches supérieures se confondent avec lanoblesse reconstituée, fournit la plupart des cadres de l'État : le régime lui offre en échange la paix intérieure, la garantie des richesses et la stabilité de lamonnaie[28].
La bourgeoisie comme corps social se constitue au cours duXIXe siècle, d'abord sous laRestauration (1815-1830) où la noblesse tente une dernière fois de reprendre le pouvoir politique : l'opposition bourgeoise s'affirme lors de larévolution de 1830 et triomphe sous lamonarchie de Juillet (1830-1848). Néanmoins si elle est encore unie avec le monde ouvrier lors de larévolution de Février 1848, la rupture intervient au moment desJournées de Juin. La bourgeoisie parisienne, suivie par celle des villes de province, s'unifie à travers lesgrandes écoles, lapresse et des intérêts économiques communs. Larévolution industrielle assure unecroissance économique de 2 à 3 % par an, même si letransport ferroviaire et la grande industrie ne se développent qu'à partir du milieu du siècle[27].
La bourgeoisie s'invente une tradition historique qu'elle fait remonter auxcommunes médiévales. Si elle triomphe dans l'ordre social, elle est abondamment critiquée et moquée par les artistes, duromantisme auréalisme[29].
Karl Marx développe l'idée de lalutte des classes comme moteur de l'histoire : la bourgeoisie, en triomphant de la noblesse, assure grâce aucapitalisme un essor économique et technique sans précédent mais exacerbe lesinégalités sociales et engendre une nouvelle classe, leprolétariat, qui finira par la détruire pour donner naissance ausocialisme[30].
Les bourgeois duMoyen Âge devaient le plus souvent faire partie d'uneconfrérie (laïque ou religieuse) ; il fallait être libre de son seigneur depuis plus d'un an et demi au minimum et posséder une maison ou un hôtel, etc. Une fois acquittés des nombreuses prérogatives d'entrée, les bourgeois devaient faire lachevauchée souvent monnayable avec le seigneur en armure et à cheval, ou sinon, avec épée, et défendre les villes et les villages. Ils les administraient et avaient le pouvoir juridique et donc prenaient la décision de recevoir de nouveaux bourgeois qu'ils soientserfs, habitants ouducs (comme leduc de Savoie devenu bourgeois deBerne en 1330), ou même roi de France (commeLouis XI). En aucun cas les gueux,étrangers, marginaux ainsi que lesnomades ne pouvaient accéder à la bourgeoisie.
Ils pouvaient porter desarmoiries, participer auxCroisades, participer au financement des guerres, ou créer des entraides entre villes bourgeoises, les fameusesCombourgeoisies.
Les commerçants ont jusqu'au début duXVIIe siècle été considérés au Japon comme tout à fait en bas de l'échelle sociale[31] : la société japonaise traditionnelle comporte en effet, tout en haut de l'échelle, l'Empereur et l'aristocratie militaire desdaimyō, puis les paysans (les plus nombreux), puis les artisans, et enfin, les marchands et les commerçants, qui ne précèdent guère que lesrōnin, les acrobates ou les prostituées.
Obsédé par le souci d'éviter à son pays les secousses et les guerres civiles que le Japon connaît depuis quarante ans, guerres d'ailleurs précédées par la désagrégation du pouvoir central au cours des siècles précédents, leshogunTokugawa Ieyasu, le nouveau maître du Japon, engage, en 1603, le pays dans la longue période d'immobilisme politique qui caractérise l'ère Edo.
Sur le plan intérieur, un problème essentiel est de neutraliser la forte population desamouraïs, devenue inutile à la suite de la pacification du pays. Tokugawa Ieyasu s'appuie pour cela sur le système de « résidence alternée », lesankin-kōtai, qui oblige lesdaimyō à passer une année sur deux à Tōkyō, en y laissant à demeure leur famille en otage. Cette double résidence a non seulement l'avantage de donner un moyen de pression sur lesdaimyo au travers de cette prise d'otages, mais aussi celui de peser lourdement sur les finances personnelles de ceux-ci, obligés de se déplacer avec leur suite entre deux résidences dont ils doivent assurer l'entretien[32].
Signe révélateur de cette évolution, certainesestampes éditées à l'époque peuvent en réalité être considérées comme des annonces publicitaires : ainsi,Utamaro en publie plusieurs séries, telle que la série de neuf estampes intituléeDans le goût des motifs d'Izugura, réalisées pour promouvoir de grande marques de magasins de textile (Matsuzakaya, Daimaru, Matsuya…), dont lelogo apparaît de façon ostensible ; certains de ces magasins existent encore de nos jours[34].
L'existence de cette bourgeoisie marchande permettra ensuite le développement d'une bourgeoisie plus large, à partir de l'ère Meiji, avec l'ouverture du Japon au monde occidental, à son commerce, à ses technologies et à sa science.
L'émergence d'une véritable bourgeoisie en Inde est un phénomène récent, largement rendue impossible pendant des siècles par l'existence d'un système de castes interdisant toute mobilité sociale.
Sans doute l'apparition d'une bourgeoisie significative est-elle liée à l'émergence de la société industrielle et de l'économie de marché, ainsi qu'à une petite et moyenne bourgeoisie liée au développement de l'État (hauts fonctionnaires, en particulier). Lamondialisation actuelle, cassant les traditions sociales, et accélérant l'enrichissement de la population au-delà de tout ce que l'Inde avait auparavant connu, est un élément fort de l'évolution actuelle de la bourgeoisie indienne.
Dans une telle société, la propriété de la bourgeoisie sur les moyens de production lui permet d'employer et d'exploiter laclasse ouvrière salariée (urbaine et rurale), des personnes dont le seul moyen économique est le travail ; et le contrôle bourgeois des moyens de coercition supprime les contestations sociopolitiques des classes inférieures, et préserve ainsi le statu quo économique ; les travailleurs restent des travailleurs et les employeurs restent des employeurs[35].
AuXIXe siècle,Marx distingue deux types de capitalistes bourgeois :
les capitalistes fonctionnels, qui sont les administrateurs commerciaux des moyens de production ;
les capitalistes rentiers dont les moyens de subsistance proviennent soit de la location de biens, soit des revenus d'intérêts produits par le capital financier, soit des deux[36].
Au cours des relations économiques, laclasse ouvrière et la bourgeoisie s'engagent continuellement dans lalutte des classes, où lescapitalistes exploitent les travailleurs, tandis que les travailleurs résistent à leur exploitation économique, qui se produit parce que le travailleur ne possède aucun moyen de production et, pour gagner un revenu suffisant à sa subsistance, cherche un emploi auprès du capitaliste bourgeois ; le travailleur produit des biens et des services qui sont la propriété de l'employeur, qui les revend moyennant un certain prix plus élevé que celui auquel il paie le travailleur ; ce qui lui permet de s'enrichir par laplus-value, et donc, par unsystème parasitaire sur les productions du travailleur.
En plus de décrire la classe sociale qui possède les moyens de production, l'utilisationmarxiste du terme « bourgeois » décrit également le style de vie consumériste dérivé de la propriété du capital et des biens immobiliers. Marx reconnaît l'assiduité bourgeoise qui créait la richesse, mais critique l'hypocrisie morale de la bourgeoisie lorsqu'elle ignore les prétendues origines de sa richesse : l'exploitation du prolétariat, des travailleurs urbains et ruraux.
Ainsi, lathéorie marxiste considère la bourgeoisie comme laclasse sociale s'opposant le plus fondamentalement auprolétariat, dans la mesure où les ouvriers attendent que leurssalaires soient les plus élevés possibles alors que lespropriétaires entendent augmenter leursprofits en employant lamain-d'œuvre au coût le plus bas possible. De cette différence de fait naît le concept marxiste delutte des classes, le but de touterévolution étant d'abolir les disparités et de réduire notamment lesinégalités de revenus.
En 1848, dans leurManifeste du Parti communiste,Karl Marx etFriedrich Engels définissent la bourgeoisie dans l'histoire comme la classe révolutionnaire par excellence, une classe dominante qui a ses propres valeurs et qui les a imposées au monde pour évincer du pouvoir les autres classes :
« La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a détruit les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens variés qui unissent l'homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du « paiement au comptant ». Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. En un mot, à l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a substitué une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale. La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités considérées jusqu'alors, avec un saint respect, comme vénérables. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, l'homme de science, elle en a fait des salariés à ses gages. La bourgeoisie a déchiré le voile de sentimentalité touchante qui recouvrait les rapports familiaux et les a réduits à de simples rapports d'argent. C'est elle qui, la première, a fait la preuve de ce dont est capable l'activité humaine : elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d'Égypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques ; elle a mené à bien de tout autres expéditions que les invasions et les croisades.
La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production et donc les rapports de production, c'est-à-dire l'ensemble des rapports sociaux.
Tous les rapports sociaux stables et figés, avec leur cortège de conceptions et d'idées traditionnelles et vénérables, se dissolvent ; les rapports nouvellement établis vieillissent avant d'avoir pu s'ossifier. Tout élément de hiérarchie sociale et de stabilité d'une caste s'en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont enfin forcés d'envisager leur situation sociale. Leurs relations mutuelles d'un regard lucide[37]. »
Pour Marx, les révolutions anglaises et françaises ne sont que des révolutions bourgeoises, faites par la bourgeoisie pour se porter au pouvoir.[réf. nécessaire]
La bourgeoisie pour Friedrich Engels (XIXe siècle)
Friedrich Engels définit ainsi la bourgeoisie du point de vue économique :
« Par bourgeoisie, on entend la classe descapitalistes modernes, qui possèdent les moyens de la production sociale et emploient du travail salarié ; par prolétariat, la classe des travailleurs salariés modernes qui, ne possédant pas en propre leurs moyens de production, sont réduits à vendre leur force de travail pour vivre[38]. »
« Le Technicien a recueilli les caractères essentiels de tout ce que le bourgeois a créé (…). Mais, à la différence du bourgeois, il peut être tout d’une pièce, il n’est plus divisé. Il n’est plus un être trouble. Il n’est plus enraciné dans aucun passé. Il n’est plus tiré en arrière. Il n’est jamaisréactionnaire. (…) Il a intégré dans le Tout de sa vie la valeur duprogrès. Et, sans en savoir rien, il est libéré de tout scrupule, de tout déchirement par les bulldozers de l’époque bourgeoise, telsMarx ouFreud. Il peut enfin être lui-même, tout simplement, ce que le bourgeois n’a jamais pu tout à fait accomplir. Il n’éprouve plus aucune descontradictions de la conscience bourgeoise, il sait maintenant clairement ce qu’il a à faire, il ne se laisse encombrer ni par des sentiments ni par des jugements moraux[39]. »
Manuel de laCuisinière bourgeoise, 1885(cliquer pour feuilleter).
Bourgeoisie d'une ou deux générations s'étant formée par une brève ascension sociale. Elle débute généralement par le commerce de détails ou l'artisanat, puis au fil de la deuxième puis troisième génération, elle peut s’élever socialement à un niveau de moyenne bourgeoisie. Cette classe tend à se confondre avec la classe moyenne de la société et se distingue surtout par sa mentalité[pas clair].
Lapetite bourgeoisie (artisans, petits commerçants, boutiquiers, petits agriculteurs propriétaires, etc.) se distingue du prolétariat par la petite propriété et surtout par la mentalité[réf. nécessaire].
Elle dispose de patrimoines ou de revenus solides mais n'a pas l'aura de la grande bourgeoisie. Elle serait selon certains une bourgeoisie de la troisième génération. Elle possède parfois quelques alliances avec d’autres familles issues du même milieu et parfois même anciennes. Elle se distingue surtout par ses métiers : avocat, médecin, architecte, etc., avec des revenus inférieurs à ceux de la grande bourgeoisie. Les membres de la moyenne bourgeoisie sont généralement des cadres supérieurs[réf. nécessaire].
À la fin de l'Ancien Régime, certaines de ces familles auraient pu prétendre accéder à la noblesse si elles avaient su continuer à progresser socialement ou si les circonstances politiques le leur avaient permis. Après la guerre de 1914-1918 la sociologie de ces familles change avec la naissance de la société capitaliste moderne. Durant la première moitié duXXe siècle, la haute bourgeoisie est alors symbolisée par les « deux cents familles ».Cette classe sociale est très souvent endogame[réf. nécessaire], et fréquente lesrallyes, organisations mondaines où l'on se coopte.
Son patrimoine culturel, historique et financier reste aujourd'hui important. Dans la société française actuelle,Michel Pinçon etMonique Pinçon-Charlot, dans un ouvrage intituléLes Ghettos du gotha, ont étudié la permanence et les mutations de cette classe et en particulier sa manière de se protéger des classes jugées inférieures et de ce que l'on appelle les « nouveaux riches ».
René Rémond définit l'ancienne bourgeoisie comme étant :
« Un groupe intermédiaire entre la noblesse d'origine et ce qu'on appellerait les classes moyennes, qui est constitué auXVe siècle ou auXVIe siècle. (…) Ces familles sont presque toutes des dynasties provinciales dont l'ascension s'est tout entière accomplie dans leur région d'origine à laquelle elles sont généralement restées fidèles : aujourd'hui encore leurs descendants y sont présents. (…) Ces familles plongent leurs racines dans l'Ancien Régime. (…) Elles ont su assurer sur quatre ou cinq cents ans la transmission de leur héritage matériel comme de leur patrimoine de conviction et de valeur. »
PourXavier de Montclos[41], ces familles ont accédé à la bourgeoisie sous l'Ancien Régime, elles appartenaient à la notabilité des villes et des bourgs.
Elles acquièrent desoffices administratifs et judiciaires ou des charges importantes, puis se distinguent par une réussite toute particulière dans le négoce et l'industrie. Certaines de ces familles ont été anoblies.
Cette classification toute descriptive et statique s'appuie sur l'idée que la bourgeoisie est d'abord et avant tout héréditaire, et que l'on en grimpe les échelons par l'accumulation quasi-mécanique du patrimoine au fil des générations. Elle ne rend donc pas compte de l'émergence soudaine, et fréquente, de réussites individuelles qui placent d'emblée la personne concernée dans la « haute bourgeoisie ». Or la mobilité sociale d'une génération à l'autre est certainement une des caractéristiques fondamentales de la bourgeoisie par rapport à la noblesse, aux États-Unis, bien sûr, mais aussi en France, en Europe, au Japon, ou même dans l'Inde ou laChine d'aujourd'hui.
↑Note : Même sides études[Lesquelles ?] ont montré que le « rêve américain » ne permettait pas plus de mobilité sociale, de nos jours, que le système français, ou les systèmes scandinaves,il a permis une grande mobilité sociale dans les siècles précédents, où la pesanteur sociologique était plus forte en Europe[réf. nécessaire]
↑Roland Mousnier,Les institutions de la France sous la monarchie absolue, PUF, 1985, p. 188.
↑Anne Conchon, Isabelle Paresys, Bruno Maës, sous la direction de Robert Muchembled,Dictionnaire de l'Ancien Régime,Dictionnaire de l'Ancien Régime, Armand Colin, 2004.
Edmond Goblot,La Barrière et le niveau. Étude de sociologue de la bourgeoisie française moderne,Félix Alcan,
Régine Pernoud,Histoire de la Bourgeoisie en France,t. 2 :Les temps modernes,Le Seuil, Ce livre, dont l'auteur est chartiste, rassemble une documentation et une bibliographie considérable afin de décrire la formation, la nature et le rôle de la bourgeoisie en France. Dans ce bilan historique, Régine Pernoud a constamment cherché à dégager les tendances dominantes et déterminantes de la constitution d'une culture bourgeoise, et à les confronter aux études philosophiques et sociologiques existantes à l'époque.
Simone Roux,Les racines de la bourgeoisie, Éditions Sulliver,
Werner Sombart,Le bourgeois. Contribution à l’histoire morale et intellectuelle de l’homme économique moderne,Payot 1926, traduit de l'Allemand.En réédition