Originellement, ensanskrit, pour parler de la doctrine du Bouddha, on utilise le plus souvent l'appellationbuddhadharma (ou, enpali,buddhadamma), mots signifiant « dharma [enseignement] du Bouddha », à côté d'autres appellations, parmi lesquellesdharmavinaya (enseignement et discipline [vinaya]) etśāsana (enseignements)[n 5], et par la suite, la traduction de ces termes dans les langues (chinois,japonais,coréen,vietnamien...) des pays où le bouddhisme s'est diffusé et implanté[1],[2].
Le mot « bouddhisme », au sens de « système religieux fondé par le Bouddha en Inde », est unnéologisme apparu dans les langues européennes au début duXIXe siècle — et d'abord enanglais, langue dans laquelle on trouve la première occurrence deBoudhism en 1800 ou 1801 puisBuddhism en 1816, mot créé surBuddha avec ajout dusuffixe-ism[3],[4],[5]. C'est dans desrevues savantes qu'on le rencontre d'abord, revues elles-mêmes créées à la suite de l'intérêt croissant de l'Empire britannique et de l'Empire français pour l'Orient[6].
Cette création d'un nouveau mot ne signifie pas que la réalité qu'il recouvre ait été découverte simultanément. À titre d'exemple, deux œuvresmédiévales ont permis d'entendre parler un peu, sinon du bouddhisme, en tout cas deSidhartha Gautama, le bouddha historique: laVie des saints Barlaam et Joasaph et le chapitre 168 de laDescription du monde deMarco Polo, intitulé « Description de l'île de Ceylan »[11].
Reprenant le terme d'« idées reçues » employé par l'historien des religionsBernard Faure dans un titre d'ouvrage homonyme, et constatant« la difficulté qu'éprouvent les Occidentaux à définir [le bouddhisme] »[12], on peut s'arrêter sur un certain nombre de ces idées reçues pour appréhender le sujet, comme le fait d'envisager le bouddhisme comme une pratique monolithique ; ou de considérer qu'il s'agirait d'une doctrine essentiellement philosophique et rationnelle, auquel cas, lesrituels, lamagie, lesexorcismes ou encore l'ésotérisme n'y auraient pas leur place[13].
Bien souvent, le bouddhisme est vu comme une sorte de monolithe, et enFrance essentiellement sous la forme dubouddhisme tibétain, avec le bouddhismeTheravada, ainsi que lebouddhisme zen, tandis que d'autres écoles comme laTerre pure, leShingon ou leTendai sont très peu voire pas du tout connues[14]. Et les Occidentaux peuvent penser avoir affaire à des formes du bouddhisme originel (en particulier pour le Theravada), alors que ces formes que nous connaissons aujourd'hui ont toutes traversé les siècles et connu donc d'importantes évolutions. On peut aussi se heurter aux différences dans les pratiques et les croyances entre bouddhistes occidentaux et bouddhistes d'origine asiatique[15].
Diffusion du bouddhisme et de ses principaux courants.
La longue histoire du bouddhisme, faite de rencontres et de confrontations avec d'autres religions, de réflexions et de controverses au sein des communautés bouddhistes, a abouti à la constitution de nombreuses variations, potentiellement très différentes les unes des autres.« Il s'avère donc vite présomptueux de définir l'unité du bouddhisme par-delà la foi de ses fidèles en l'authenticité et la valeur de l'expérience du [Bouddha][16]. »
De grands regroupements ont pu être opérés. Peter Harvey, avec d'autres, met en avant« trois grandes régions culturelles » où le bouddhisme demeure courant : un « bouddhisme du Sud », autour duTheravada, auSri-Lanka, enBirmanie, enThaïlande, auCambodge, auLaos, et dans leur voisinage ; un « bouddhisme de l'Est », autour duMahayana dans son développement chinois, enChine, enCorée, auJapon et auVietnam ; et un « bouddhisme du Nord » dans la région de tradition tibétaine, autour duMantrayana, auTibet, enMongolie, dans l'Himalaya, les régions orientales de laChine[17],[18].
Plusieurs auteurs parlent à ce propos de« bouddhismes » ou de« traditions bouddhistes »[19]. Faure considère que,« comme tout courant de pensée, le bouddhisme est influencé par les époques, les lieux et les cultures qui l'adoptent[20] », et que par conséquent, c'est biendes bouddhismes qu'il convient de parler.Richard H. Robinson(en), Willard L. Johnson etṬhānissaro Bhikkhu(en) proposent qu'il serait plus approprié de concevoir le bouddhisme comme une « famille de religions », autour de ces trois grands ensembles, ayant chacune sa propre intégrité[21]. Harvey, tout en reconnaissant que la métaphore de la famille est pertinente, a souligné que le fait de voir les trois ensembles comme des « mondes » distincts risquait de faire minimiser l'importance des différentes connexions qui existent au sein du « réseau » formé par le bouddhisme, qui lient ses différentes composantes[22].
Dans ces conditions, la tendance peut être de s'en tenir à quelques idées et représentations simples, qui devraient, pense-t-on, être partagées par les membres de tous les courants bouddhistes, depuis les origines. L'unité des différentes traditions bouddhistes est alors assurée par un« tronc commun », qui consiste en« la doctrine primitive prêchée par le Bouddha[23]. » La quête du bouddhisme « originel » a occupé une grande place aux débuts de la bouddhologie, aboutissant à l'image d'un bouddhisme initial rationnel et antiritualiste, qui aurait ensuite dégénéré dans des formes plus ritualistes et superstitieuses, suivant un schéma de pensée de « déclin de la Loi » déjà présent dans les écrits bouddhistes[24], qui a suscité dans diverses communautés bouddhistes un mouvement de retour aux écritures fondatrices (ce qui a pu être qualifié de « protestantisation du bouddhisme »)[25]. Il reste néanmoins impossible pour les spécialistes de s'entendre sur le profil qu'aurait eu le bouddhisme originel, en l'absence de sources écrites remontant à cette époque (les écrits les plus anciens sur la vie et les enseignements de Bouddha qui soient connus auraient été codifiés au plus tôt auIer siècle av. J.-C.)[26].
Concernant les études sur le bouddhisme actuel, Robinson, Johnson et Thanissaro Bhikkhu identifient des spécialistes qui essaient de définir un « bouddhisme idéal », en procédant de différentes manières, ce qu'ils définissent comme une approche « essentialiste », puisqu'elle recherche l'« essence » du bouddhisme qui est commune à toutes les traditions[21]. B. Faure souligne que le plus souvent est présenté une sorte de bouddhisme censé être « pur », libre de toute « superstition », qui serait arrivé intact dans l'Occident contemporain, après avoir traversé les siècles et lescultures. Or, insiste B. Faure, le bouddhisme est une invention relativement récente, né à la suite de réformes entreprises dans différents pays d'Asie au contact avec l'Occident, à quoi vient s'ajouter un développement moderne connu sous le nom de « néo-bouddhisme », qui, selon Faure, ne garde du bouddhisme traditionnel que des éléments doctrinaux et de pratiques arbitraires[27]. D'autres ont considéré que la recherche d'un bouddhisme « pur » relevait de la gageure car une telle chose n'aurait jamais existé[28],[29].
À l'opposé s'est développée une approche « inclusionniste », qui part des croyances et pratiques de ceux qui se définissent comme bouddhistes[21]. Selon cette seconde posture,« il n'y a pas à proprement parler de bouddhisme, il n'y a que des bouddhistes » et« le bouddhisme n'est pas une essence, il est ce que les bouddhistes en font », et l'historien ou sociologue des religions ne doit pas tenter de prendre parti sur la doctrine. Cette approche a plus tendance à mettre en avant la diversité des pratiques bouddhistes[30], mais elle porte aussi en germe le risque de mettre en avant certaines formes de bouddhisme plutôt que d'autres[21].
Constatant également la difficulté qu’il y a à isoler une « essence » du bouddhisme, certains spécialistes proposent de leur côté d'envisager le bouddhisme comme un « système », complexe par sa diversité, dynamique, ayant des limites poreuses avec les autres religions et idéologies qu'il rencontre[31],[19].
En effet, dans tous les pays où il a pris pied, le bouddhisme a pu coexister avec les autres religions et courants de pensée présents (Brahmanisme/Hindouisme dans le monde indien en Asie du sud-est,Confucianisme etTaoïsme enChine,Shinto auJapon,Bön auTibet, etc.), car il se focalise sur le développement spirituel[32]. Plusieurs chercheurs ont souligné qu'il ne s’intéresse pas à tous les domaines couverts par les activités rituelles, ce qui explique que les dieux de ces religions aient pu être vénérés par des bouddhistes, du moment qu’ils étaient invoqués pour des affaires terrestres. En revanche, dès lors qu’il s’agit d’affaires concernant ce qui est transcendant, de leurs préoccupations au moment de la mort, ils se tournent exclusivement vers les enseignements de Bouddha[33],[34]. Selon Williams, Tribe et Wynne,« être bouddhiste n'implique pas un rejet complet des autres religions ou pratiques religieuses. Dès le début, le bouddhisme a coexisté avec d'autres religions, se structurant autour d'elles comme une sorte de « méta-religion » vouée à ce qu'elle considère comme l'objectif suprême d'enfin mettre fin à la souffrance »[35]. Le bouddhisme a donc pu souvent être présenté comme une religion tolérante envers les autres. Mais selon B. Faure ce serait trompeur, car« il s'agit en réalité d'une tentative de mainmise : les dieux indigènes les plus importants sont convertis, les autres sont rejetés dans les ténèbres extérieures, ravalés au rang de démons et, le cas échéant, soumis ou détruits par des rites appropriés[36]. »
Avant l’époque moderne, la plupart des Bouddhistes n’ont pas tenté de distinguer ce qui est proprement bouddhiste de ce qui ne l’est pas. Les spécialistes du bouddhisme parlent souvent de « religion populaire » pour les formes de croyances et de pratiques qui ne sont pas spécifiquement bouddhistes mais peuvent être pratiquées par des personnes désignées comme Bouddhistes. Cela regroupe notamment les cultes de divinités locales, les rites de typechamanistique, ainsi que les cultes domestiques, notammentancestraux. L’emploi de cette notion est controversé, car cela revient là encore à chercher à isoler un bouddhisme « pur » ou « authentique », artificiel, tout en reléguant et dépréciant les autres croyances et pratiques renvoyées dans la catégorie péjorative du « populaire »[37].
Le bouddhisme est-il une religion, une philosophie, les deux, ou encore autre chose ? LePetit Robert le qualifie de « doctrine religieuse », et lePetit Larousse de religion et philosophie. Autant dire qu'il est difficile de classer ce terme, inventé par les Occidentaux au début duXIXe siècle[12] et que la question suscite la perplexité[38]. EnOccident en particulier, beaucoup se basent sur l'absence d'unDieu éternel, créateur et personnel tel qu'on le trouve dans lesmonothéismes pour voir dans le bouddhisme une philosophie. Par ailleurs, le mot « religion » est un terme apparu en Occident que l'on appliquerait abusivement à des pratiques et doctrines de l'Inde comme l'hindouisme et le bouddhisme[39]. Terme difficile, voire impossible à définir — du moins n'y a-t-il pas de réel consensus entre spécialistes sur ce qu'on qualifie de « religieux »[40].
Vincent Goossaert, en s’intéressant aux raisons pour lesquelles les personnes se posent la question et choisissent une dénomination plutôt qu’une autre, considère que :« souvent idéalisé comme rationnel, non ritualiste, voire athéiste, le bouddhisme, dans sa version « originelle », a beaucoup servi comme paradigme des catégories nouvelles de sagesse, ou de spiritualité, par opposition à la religion (ici identifiable au christianisme, ou plus spécifiquement au catholicisme) » ; selon lui, ces jugements renvoient,« en fait, à des enjeux tout à fait spécifiques au lieu et à l’époque où ils sont formulés, tant en Occident qu’en Asie[41]. »
André Bareau souligne que l'amour de la discussion, de la spéculation intellectuelle pure que l'on dit propres à la Grèce sont tout aussi développés en Inde[42] etDavid Seyfort Ruegg(en) affirme[43] qu'« il n'est sûrement pas exagéré de dire que la pensée philosophique constitue une composante majeure du bouddhisme ». Il est indéniable qu'il existe un « bouddhisme philosophique » ou une « philosophie bouddhiste », et que plusieurs docteurs ont produit des réflexions et débats philosophiques de très haut niveau, par exempleNagarjuna,Vasubandhu en Inde,Fazang enChine,Kukai etDôgen auJapon[44],[45]. En cela ils ont pu être comparés aux penseurs de laphilosophie chrétienne et de laphilosophie juive[46]. En revanche la question de savoir si on peut désigner le bouddhisme dans son ensemble comme une « philosophie » est discutée. Ainsi V. Eltschinger et I. Ratié considèrent que cette dénomination est souvent appliquée à tort au bouddhisme pour le distinguer du christianisme et de l'islam, mais qu'il faut le voir comme une religion ayant donné lieu à des traditions philosophiques importantes[47]. Cependant, des spécialistes estiment que le bouddhisme peut bien être considéré comme une philosophie, selon la définition que l'on retient, par exemple M. Siderits en prenant la définition de philosophie comme« investigation systématique des questions d'éthique, de métaphysique et l'épistémologie (ainsi que plusieurs domaines connexes) »[48] et D. S. Wright avec la définition d'« idées générales sur la nature du monde et le sens de la vie qui guident la vie quotidienne », ce qui ne correspond cependant pas selon lui à l'acception moderne de la philosophie en Occident, plus portée sur la logique et la raison[49]. En effet les œuvres de la philosophie bouddhiste ne s'inscrivent pas dans le cadre de laraison universelle mais restent vouées au but final de ladélivrance bouddhique, et pour Faure« il n'est plus possible d'ignorer que le bouddhisme est, ce qu'il a toujours été pour la plupart de ses adeptes : un système métaphysique, mythologique et rituel »[50],[51].
Selon Lionel Obadia,« bien qu'il paraisse échapper à toute tentative de classification conceptuelle[52], le bouddhisme est généralement présenté dans le vocabulaire de l'histoire des religions comme une religion universelle, de celles dont le message s'adresse à l'humanité dans son ensemble[53]. » Mais, relèvent certains spécialistes, contrairement à d'autres systèmes religieux, le bouddhisme ne s'appuie pas sur unerévélation divine[54],[55], ni sur un Dieu suprême créateur, ni sur des Écritures sacrées, autant d'éléments qui caractérisent communément la « religion » en Occident[56].
Philippe Cornu[57], tout en soulignant qu'« il serait excessif de refuser catégoriquement de voir dans le bouddhisme un phénomène de nature religieuse, comme le font trop de bouddhistes occidentaux », appelle cependant à« revisiter ce que l'on entend ici [càd. avec le bouddhisme] par religion ». Car, dit-il :« il ne faut pas perdre de vue que le bouddhisme est d'abord et avant tout leDharma, c'est-à-dire laconnaissance intime de la nature fondamentale de laréalité, et que les formes religieuses qui l'habillent ne constituent que des conditions secondaires favorisant cette connaissance et lalibération qui en résulte. » Le bouddhisme est parfois classé parmi lesreligions dharmiques[58],[59].
Cependant, relève B. Faure[n 7], le bouddhisme,« qui est sans conteste l'une des plus anciennes religions desalut[60] », a été très souvent considéré par l'orientalisme occidental (né au début duXIXe siècle) avant tout comme une philosophie, les savants européens et américains rejetant les aspects religieux que sont les éléments derituel[n 8], demythologie ou demétaphysique[61]. Ce discours fut repris par les élites autochtones, qui cherchèrent à mettre de côté les éléments de la tradition au profit des seuls aspects rationnels philosophiques, psychologiques ou éthiques du bouddhisme[62]. Démarche artificielle qui aboutit à« [une recréation ayant] peu à voir avec la réalité »[60]. Car nier les aspects rituels revient à créer un bouddhisme idéalisé qui masque des réalités sociologiques évidentes témoignant de la religiosité dans le bouddhisme en Asie (offrandes, lampes devant les autels, pèlerinages vers des lieux saints,rites funéraires, etc.) et de ce fait selon J.-N. Robert celui-ci a bien le caractère de religion,« entendu au sens naïf d'ensemble de pratiques et de croyances menant au salut »[63].
PourDamien Keown(en), se demander s'il est une religion, une philosophie, une manière de vivre ou un code d’éthique oblige à repenser ces catégories, et aussi la signification de « religion ». À faire de la croyance en Dieu l’essence de la religion, on exclut le bouddhisme de cette catégorie. En revanche, avec une définition plus large et complexe — que Keown emprunte àNinian Smart — intégrant plusieurs « dimensions » (pratique et rituelle, expérimentale et émotionnelle, narrative et mythique, doctrinale et philosophique, éthique et légale, sociale et institutionnelle, matérielle), le bouddhisme est bien, selon lui, une religion[64].
Pour plusieurs chercheurs, le bouddhisme està la fois une religion et une philosophie[65],[66],[67],[68]. Une pareille affirmation nécessite de reconsidérer ces catégories. Selon M. Siderits, on peut affirmer à la fois qu'il est une philosophie et une religion, sinon cela reviendrait à séparer strictement foi et raison, division que la majorité des bouddhistes rejetterait[69] et qui est en outre propre à l'Occident[68].
Le bouddhisme est également souvent considéré en Occident comme une « spiritualité », ce qui est une autre manière de rejeter la dénomination de « religion », cette fois-ci en mettant en avant l'expérience personnelle plus que la doctrine ou les pratiques[70]. Pour des raisons similaires, le terme de « sagesse » est lui aussi employé[71].
Le bouddhisme a aussi pu être présenté comme« la vaste gamme de phénomènes sociaux et culturels qui se sont regroupés autour des enseignements d'une figure appelée Bouddha, l'Éveillé »[72].
Le contexte culturel de l'Inde du nord à l'époque duBouddha est marqué par la domination traditionnelle duVédisme, et de sa classe sacerdotale, celle desBrahmanes, qui défend l'autorité des textes sacrés, lesVédas, et dispose du monopole sur l'accomplissement des rites, notamment sacrificiels. Mais son autorité est contestée par des groupes de religieux et penseurs, dont les plus radicaux tournent le dos aux traditions védiques, lesshramanas, personnages qui ont quitté leur foyer pour mener une vie d'ascèse errante. Les différents penseurs de l'époque ont développé des courants originaux se démarquant plus ou moins du védisme. Ce contexte donne notamment naissance aux textes appelésUpanishads, amenés à devenir le fondement de la religion hindoue. Ils sont difficiles à dater précisément, mais il est clair qu'ils ont été élaborés sur une longue période, certains étant antérieurs à l'époque de Bouddha, mais beaucoup lui sont postérieurs. D'autres figures développent des courants spécifiques, comme leJaïnisme fondé parMahavira, contemporain du Bouddha, ou l'Ajivika. L'enseignement deBouddha s'inscrit dans ce contexte et il interagit régulièrement avec des ascètes errants[73],[74],[75].
Au-delà d'un nombre important de divergences, ces nouveaux courants partagent une cosmologie spécifique, qui se met en place à partir des Upanishads les plus anciennes (vers 600-400 av. J.-C.), et rompt avec l'approche des Védas. Selon ces idées communes, les êtres vivants passent par un cycle de renaissances (en sanskrit,saṃsāra), disposent d'une sorte d'âme ou essence individuelle (ātman), qui existe continuellement entre leurs différentes vies, et que leurs conditions de vie sont la conséquence des actes (karma) accomplis durant leurs existences passées et présente. Progressivement apparaît l'idée que le but ultime est la libération (mokṣa) du cycle des réincarnations[76]. L'enseignement du Bouddha prend place dans cette période. De ce fait le Bouddhisme est marqué par ces réflexions, mais il pourrait également les avoir influencé (une partie des Upanishads majeures étant manifestement postérieures à son apparition)[73].
Le bouddhisme est issu des enseignements du personnage généralement appelé du surnom « Bouddha », qui signifie l’« Éveillé ». Sa vie est documentée par un ensemble de textes, dont les plus anciens ont été mis par écrit vers leIer siècle de notre ère, soit environ cinq siècles après son nirvana. Ils reposent sur une tradition orale voire des textes plus anciens, disparus depuis, ne présentent chacun qu'un exposé partiel de sa vie et contiennent de nombreux éléments « merveilleux ». De ce fait, si l'existence du Bouddha « historique » n'est pas contestée, la fiabilité de ces sources pour reconstituer sa vie « réelle » est discutée, même si elles sont importantes pour leur valeur exemplaire auprès des fidèles[77]. Mais il est généralement considéré qu'elles présentent suffisamment de points communs pour permettre de dessiner une biographie relativement fiable dans les grandes lignes[73],[78].
Les dates de vie du Bouddha selon la tradition bouddhique vont d'environ 560 à 480 av. J.-C., mais les études actuelles la placent environ un siècle plus tard, avec un nirvana situé quelque part entre 420 et 350 av. J.-C[79],[80].,[81].
Le futur Bouddha, appelé Siddharta[82] (« Celui qui a réalisé son but »[83]) dans certains textes ensanskrit, est né dans le pays deMagadha, dans le clan desShakya, parmi la lignée des descendants deGautama[84] (ou Gotama). Cela explique qu'il soit aussi appelé dans les textes Siddharta Gautama, ou Shakyamuni, le « Sage des Shakyas » (plutôt dans la tradition mahayana)[85]. Il a un statut social important, son pèreShuddhodana étant un personnage éminent dans le pays des Shakyas. Vers l'âge de 29 ans, bien que marié et jeune père (ou en passe de le devenir), Siddharta est insatisfait par cette vie plaisante et quitte sa famille pour devenir un ascète. Non convaincu par l'enseignement que lui prodiguent plusieurs maîtres et les pratiques ascétiques, il se tourne vers la « voie moyenne » qui renvoie dos-à-dos aussi bien l'opulence que l'ascétisme. Puis il connaît l'« Éveil » sept années après avoir quitté son foyer, ce qui lui confère la condition d’« Éveillé », Bouddha. Il se met ensuite à dispenser ses enseignements, en commençant par son premier sermon, prononcé selon la tradition dans le parc aux Daims deBénarès devant ceux qui devaient devenir les premiers membres de la communauté bouddhiste. Il y énonce lesQuatre nobles vérités, fondements de la doctrine bouddhiste. Il acquiert une réputation importante, et constitue progressivement une communauté de disciples, posant les bases de la discipline bouddhique[86],[87].
Après 45 ans d'enseignements, sa vie s'achève à l'âge de 80 ans, âge auquel survient sonnirvana (ou parinirvāṇa) selon la tradition bouddhiste[88].
La tradition bouddhiste relative à la vie de Bouddha, que ce soit par les textes ou les nombreuses images qui se sont développées dans leur sillage, mettent en avant divers épisodes de la vie du personnage fondateur, servant à le glorifier et à avoir une valeur exemplaire pour les Bouddhistes. Ils concernent en particulier les moments-clefs de sa vie : sa conception et sa naissance, son « grand départ » du foyer, son Éveil et le début de son enseignement (la « mise en branle de la roue de la Loi »), puis son nirvana[89],[90],[91]. Un ensemble de récits relate également ses nombreuses vies passées (Jatakas), annonciatrices de son accès au statut de Bouddha[92],[93],[94].
Bouddha est la figure majeure de tous les courants du Bouddhisme, quand bien même on ne le considérait pas comme le seul Bouddha ayant existé. Il est le fondateur, l'exemple par excellence, celui qui est parvenu à l'illumination dans cette période cosmique, puis a dispensé son savoir, montrant ainsi la Voie à suivre. Selon une formule courante prononcée au début de rituels bouddhistes, il est le premier desTrois Joyaux dans lesquels les Bouddhistes prennentrefuge[95],[96], celui qui par son enseignement a permis les deux autres, ledharma et lesamgha[97],[98].
Bouddha est un objet de vénération de la part des Bouddhistes, aussi bien de façon individuelle (par des offrandes, des prières) que collective (par des fêtes, notamment les célébrations de sa naissance). Même s'il n'est plus présent dans le monde, il est considéré qu'une partie de sa puissance réside dans ses reliques et ses images, ce qui explique notamment le développement de pèlerinages autour de ses reliques et des lieux des épisodes marquants de sa vie[99].
Les sources sur l'évolution de la communauté bouddhiste après le départ de son fondateur sont lacunaires. L'enseignement du Bouddha est d'abord transmis par oral[100]. Il apparaît que la transmission des enseignements du maître fait dès le début l'objet de débats, la tradition retenant la tenue de trois « conciles », le dernier étant organisé par le grand roiAshoka (v. 273-232 av. J.-C.) de la dynastie desMaurya[101]. Celui-ci passe pour avoir été un fervent bouddhiste, et semble avoir joué un rôle déterminant dans la dissémination de cette religion, devenant le modèle du monarque bouddhiste. Une première rédaction et une organisation du corpus de textes bouddhistes semblerait avoir eu lieu dès cette époque, avec l'apparition des « Trois corbeilles »[102],[103].
L'archéologie et l'étude des inscriptions antiques indique que la communauté bouddhiste s'étend et se structure au moins à partir desIIIe – IIe siècleav. J.-C., et acquiert d'importantes ressources. Des communautés monastiques se retrouvent dans de nombreuses parties du sous-continent indien, et différents groupes bouddhistes distincts sont apparus, lesnikāya, au nombre de dix-huit selon la tradition, mais manifestement plus nombreuses dans les faits (une trentaine d'après les travaux des historiens). Les différences doctrinales entre ces groupes ne semblent pas très prononcés, mais elles sont mal documentées. De ces écoles, seule leTheravada devait survivre et se répandre[104],[105]. Puis dans le courant des premiers siècles de notre ère se développe le « Grand Véhicule »,Mahayana, qui s'impose comme un courant très dynamique en Inde, au moins à partir duVe siècle[106],[107],[108]. Vers la même période, une nouvelle émanation du bouddhisme se produit à partir du Mahayana, leTantrisme, ou « Véhicule du Diamant » (Vajrayana). Il a connu un certain essor en Inde, dans le milieu monastique où il a séduit une frange de l'élite spirituelle, mais a surtout connu le succès au nord, au Tibet (et également en Chine et au Japon)[109],[110].
Ruines actuelles du site de l'« académie » bouddhiste deNâlandâ.
Tout au long de son histoire, le bouddhisme indien est resté marqué par la diversité : ni le Theravada ni le Mahayana n'y ont atteint une prééminence, et au moins quatre anciennes écoles ont survécu à leurs côtés. Du reste les courants hindouistes, revivifiés par des approches dévotionnelles, sont nettement plus populaires. Après plusieurs siècles de déclin, les monastères bouddhistes duXIIe siècle ressemblent à des tours d'ivoire coupées du reste de la société. La destruction des derniers importants centres bouddhistes lors des conquêtes turques au tournant duXIIIe siècle semble marquer le coup de grâce du bouddhisme indien, qui s'éteint peu après[111].
Le bouddhisme survécut néanmoins dans des régions situées aux marges du monde indien.Sri Lanka dispose probablement de la plus ancienne tradition bouddhiste encore existante, puisque l'implantation de la religion sur l'île remonterait auIIIe siècle av. J.-C. C'est une contrée cruciale pour le succès duTheravada : c'est sur l'île que lecanon pali aurait été recopié et compilé vers leIer siècle, c'est là qu'a été actif un des plus grands auteurs de commentaires des écrits de ce courant,Buddhaghosa (Ve siècle). Mais leMahayana et le Tantrisme y sont aussi bien représentés durant l'époque pré-moderne. Les cours des rois d'Anurâdhapura et dePolonnâruvâ fournissent un appui important au bouddhisme. Après une période de stagnation, la pensée bouddhiste redevient dynamique sur l'île durant l'époque coloniale, avec la mise en relation avec les religions occidentales qui entraînent d'importantes évolutions (dont la constitution d'un courant surnommé « Protestantisme bouddhiste »). Les cultes hindouistes sont également restés très importants sur l'île. AuXXe siècle les différences religieuses se politisent et s'ethnicisent, dans le contexte de tensions et de conflits internes à l'île : le bouddhisme (theravada) est vu comme la religion desCinghalais, et la culture de l'élite dominante, tandis que l'Hindouisme est celle desTamouls, qui sont dans une position de dominés[112].
LeNépal est une autre région du monde indien où le bouddhisme subsiste. Dans les vallées du sud du pays, lesNewars comprennent une communauté bouddhiste, rattachée au Mahayana. Dans les régions hautes du nord en revanche, le bouddhisme est dans la mouvance tibétaine, qui s'est également renforcé dans la région de Katmandou après la venue de réfugiés Tibétains. Le Theravada a fait son apparition au milieu duXXe siècle, sous la forme d'approches modernistes influencées par le Sri Lanka[113].
Dans l'Inde indépendante, le bouddhisme connaît un nouvel essor dans le sillage de la conversion deBhimrao Ramji Ambedkar (1891-1956), un Intouchable qui tourne le dos à l'Hindouisme en raison de son traitement de son groupe social. Avec lui, des centaines de milliers d'Intouchables se convertissent également. Il s'agit officiellement d'une forme de Theravada, mais elle présente de nombreuses originalités[114].
Situées à la jonction de l'Asie centrale, les régions du nord-ouest du monde indien comprennent des foyers importants du bouddhisme antique, notamment laCachemire et leGandhara (dans l'actuelAfghanistan). Cette dernière région joue un rôle important dans le développement de l'imagerie bouddhiste, puisque c'est là qu'apparaissent les premières représentations figurées du Bouddha, sous l'influence de l'art grec (art gréco-bouddhiste). Plusieurs rois importants appuient le bouddhisme, les traditions bouddhistes (dont la fiabilité est discutée) commémorant les conversions de grandes figures tels l'indo-grecMénandre et le kouchanKanishka. D'importants monastères se constituent dans des sites de l'actuel Afghanistan, comme celui deBamiyan fameux pour ses Bouddhas monumentaux aujourd'hui détruits. Le Bouddhisme disparaît progressivement de ces régions durant l'époque des premiers royaumes musulmans de la région, entre 700 et 1000, quand ces régions deviennent majoritairement musulmanes[115],[116],[117].
Les voies de laRoute de la soie, cruciales pour les échanges matériels et culturels à la fin de l'Antiquité et durant le Moyen Âge, deviennent un axe de diffusion du bouddhisme. La religion se répand, des monastères se constituent dans différentes cités marchandes, notamment dans lebassin du Tarim (Kashgar,Khotan,Loulan,Kizil,Dunhuang), adaptant l'art bouddhiste dans la région. Les études bouddhistes se développent, concernant leMahayana et d'autres écoles, et certains des plus brillants moines qui sont nés et formés dans ces régions sont des acteurs majeurs du développement du bouddhisme en Chine (Dharmaraksa,Kumarajiva). Les royaumes turcs, notamment celui desOuïghours, développent également une culture bouddhiste. La conquête de la région par des royaumes musulmans à partir duXe siècle entraîne progressivement la disparition du bouddhisme dans ces régions au profit de l'Islam[118],[119].,[120].
Selon un récit semi-légendaire, le bouddhisme est introduit àLuoyang, la capitale de ladynastie des Han postérieurs, en 67 de notre ère. Que cela soit vrai ou pas, il faut attendre la période desSix Dynasties (220-581) pour que le bouddhisme se développe en Chine. La première phase consiste en une introduction de la doctrine et des règles monastiques, depuis l'Asie centrale, grâce à la traduction de textes bouddhistes initiée par des moines venus de ces pays (notammentKumarajiva, 344-412). Ils y forment des disciples qui s'emparent de cette religion, qui connaît une popularité croissante, au point de devenir l'un des trois principaux systèmes de pensée de l'Empire du milieu, aux côtés duConfucianisme et duTaoïsme. C'est la seule religion étrangère à avoir connu un tel succès dans le monde chinois. De nombreux monastères sont fondés, ils acquièrent d'importantes richesses, de nombreux membres de l'élite chinoise, y compris des empereurs, deviennent de fervents bouddhistes. Des moines chinois voyagent à leur tour jusqu'en Inde, pour y rechercher des textes (Xuanzang, 602-664, Yijing, 635-713)[121],[122].
Le bouddhisme qui s'implante en Chine est pour l'essentiel duMahayana. Progressivement un bouddhisme proprement sinisé se développe, notamment à la suite de débats et emprunts avec le confucianisme et le taoïsme. Le courant de la Terre pure du BouddhaAmitabha connaît rapidement un succès à l'époque médiévale, à la suite deHuiyuan (334-416). LeSutra du Lotus connaît un également grand succès, par le biais de l'écoleTiantai fondée auVIe siècle parZhiyi (538-597). L'écoleHuayan, fondée parFazang (643-712) se repose quant à elle sur leSutra de la guirlande (de fleurs). L'émergence duChan, issu de l'école de la méditation, dont le fondateur supposé estBodhidharma, conclut la période faste de développement d'écoles bouddhistes chinoises[123].
Après avoir connu un apogée au début de ladynastie Tang (618-907), les monastères bouddhistes subissent une importante persécution de la part du pouvoir impérial dans les années 842-845. Cette période marque un tournant dans l'histoire du bouddhisme chinois, dont l'influence en sort affaiblie. Les siècles suivants sont couramment présentés comme un déclin du bouddhisme, qui n'a dès lors plus de position dominante parmi l'élite impériale (sauf durant la domination mongole de 1272-1368) mais cette religion connaît plusieurs phases d'éclat (notamment sous lesSong), et reste très importante dans la société et la culture chinoises[124],[125].
Les troubles que connaît la Chine durant l'époque contemporaine affectent les institutions bouddhistes, malgré des tentatives de revitalisation au début duXXe siècle. Le régime communiste qui domine la Chine continentale depuis 1949, peu favorable aux religions, impose son contrôle sur les monastères bouddhistes, et cherche à supprimer la religion durant la révolution culturelle. Depuis les années 1970 le contexte est plus favorable à la reprise du culte bouddhiste. Sur l'île deTaïwan, le bouddhisme est également une religion majeure, ainsi que dans les communautés de ladiaspora chinoise (Bouddhisme à Taïwan)[126].
Le bouddhisme à la chinoise se diffuse vers l'est, dans des pays traditionnellement sous l'influence de l'Empire du Milieu.
LaCorée d'abord, au contact direct de la Chine, dont les premiers moines bouddhistes sont formés en Chine. Le bouddhisme prospère sous la dynastieGoryeo (918-1392). Les écoles Huayan, Chan et Tiantai se développent dans la Péninsule, mais aussi une école locale,Jogye, dérivée duChan et fondée parJinul (1158-1210). Sous lesJoseon (1392-1910) le bouddhisme perd la faveur des élites, qui se tournent vers leconfucianisme, et les monastères bouddhistes se replient dans les provinces reculées où ils se consacrent plus à la pratique qu'à l'étude[127].
C'est depuis la Corée que le bouddhisme prend pied au Japon à partir du milieu duVIe siècle, dans les cercles de l'élite impériale. Durant l'époque de Nara (710-784) plusieurs écoles bouddhistes se développent (Six écoles de la Capitale du Sud), autour de monastères fondés par la famille impériale ou les lignages les plus éminents. L'époque de Heian (794-1185) voit ensuite le développement duTendai (variante locale du Tiantai) et duShingon (école des mantras). Des expéditions sont diligentées en Chine afin de ramener des textes bouddhistes. De puissants monastères sont fondés près de la capitale, le bouddhisme prenant alors surtout pied dans la noblesse. De nouvelles écoles se développent durant l'époque de Kamakura (1185-1333). Les plus répandues sont les courants de la Terre pure : leJodo-shu fondé parHonen, leJodo-shinshu fondé parShinran, et leJishu fondé parIppen. La secte du Lotus deNichiren développe une approche plus radicale. LeZen, variante japonaise du Chan chinois, qui comprend deux écoles (leRinzai fondé parEisai et leSoto fondé parDogen), est l'autre grand courant qui se développe à cette période[128],[129]. Les cultes présents au Japon avant l'introduction du bouddhisme (ce qui est dénommé Shinto à l'époque moderne) sont combinés aux cultes bouddhistes, et ce syncrétisme est justifié théologiquement (honji suijaku)[130]. Durant l'époque d'Edo (1600-1868) le bouddhisme devient une sorte de religion d’État, mais dans le contexte nationaliste de l'ère Meiji (1868-1911) il est réprimé en raison de son origine étrangère, en même temps qu'est constituée une religion nationale, leShinto, à partir des cultes traditionnels du Japon expurgés autant que faire se peut des éléments bouddhistes. Après la fin du régime nationaliste en 1945, le bouddhisme japonais traditionnel ne reprend pas son importance passée, mais émergent des nouvelles formes de religion empruntant aussi bien au bouddhisme qu'au shintoïsme (Shinshūkyō)[131].
Les pays d'Asie du sud-est sont sous forte influence indienne durant leIer millénaire de notre ère, et de ce fait ils adoptent les religions indiennes, bouddhisme ethindouisme (notamment leshivaisme), souvent entremêlées, et surimposées sur leurs propres traditions (souvent désignées comme « animistes »). Cela crée un environnement religieux marqué par l'éclectisme[132]. Cette diversité vaut du reste pour le bouddhisme, qui se diffuse dans ces régions sous différentes formes, avant tout le Theravada et le Mahayana. S'il est souvent difficile de caractériser précisément la religion pratiquée dans la société, les monastères bouddhistes se rencontrent dans les principaux royaumes anciens de ces pays[133] : lesroyaumes môns de Birmanie[134], l'empire khmer dont le cœur est dans l'actuel Cambodge (Angkor)[135], leroyaume du Champa dans le Vietnam central[136], le royaume deSriwijaya dont le centre est à Sumatra. L'impressionnant sanctuaire deBorobodur, érigé par on ne sait qui sur l'île de Java auxVIIIe – IXe siècle, est la manifestation la plus éloquente de l'expansion du bouddhisme vers le sud-est[137],[138].
AuCambodge le bouddhisme a connu une importante répression sous leKhmer Rouge, et connu une reprise lente depuis la fin du régime en 1979[143]. EnThaïlande le pouvoir royal est le garant du bouddhisme theravada et de ses monastères, même si la relation entre les deux a pu être houleuse. Cette religion est vue comme un symbole et un élément de l'identité nationale et de l'unité du royaume[144],[145]. Au Myanmar une situation semblable s'observe, le bouddhisme theravada ayant le statut de religion d’État, placé sous la coupe de la junte militaire qui dirige le pays depuis 1962[146].
Selon la traditiontibétaine, le bouddhisme est introduit dans le pays auVIIe siècle par un de ses plus grands rois,Songtsen Gampo (v. 618-650). Quoi qu'il en soit, les puissants rois tibétains du siècle suivant ont embrassé le bouddhisme, d'inspiration indienne plutôt que chinoise, et de grands monastères sont érigés. Avec le temps c'est la tradition tantrique, vajrayana, qui devient dominante, aux dépens du Mahayana, mais le bouddhisme tibétain est éclaté entre plusieurs courants. AuXIe siècle la venue du moine bengalaisAtisha (m. 1054) donne un nouvel essor aux études bouddhistes. Alors que le pays connaît une grande fragmentation politique, les monastères consolident leur puissance, les ordres monastiques tibétains se structurent et un canon bouddhiste tibétain est élaboré. Les chefs de l'ordreSakyapa établissent des relations privilégiées avec la dynastie des Mongols (dynastie Yuan de Chine, les successeurs deGengis Khan) et acquièrent une importance politique et religieuse majeure, pour un temps, jusqu'au déclin politique mongol. Le courant desGelugpa (les Bonnets rouges) est fondé parTsongkhapa (1357-1419), qui met l'accent sur l'étude, et dont les monastères prennent une grande importance, notamment en tant que lieux d'études, mais aussi en tant que lieu de pouvoir temporel. Les chefs de l'ordre se succèdent par réincarnation Les relations avec les dynasties mongoles restent fortes, et auXVIe siècle, le nouveau maître des tribus mongoles,Altan Khan, intervient dans les affaires tibétaines et décerne le titre deDalaï-lama (« maître [vaste comme] l'océan »), réincarnation du bodhisattvaAvalokitesvara, au chef de l'ordre des Gelugpa. Ce courant devient la première autorité religieuse et politique du Tibet sous la direction deLobsang Gyatso (1617-1682), qui fait deLhassa la capitale du pays, avec pour centre le palais duPotala. Les autres ordres monastiques déclinent, parfois à la suite d'une répression[147],[148].
Le bouddhisme tibétain exerce un grand rayonnement dans les pays des steppes de l'Asie centrale, où de grands monastères sont constitués sur le modèle tibétain, avec des abbés se succédant par réincarnation. LesMandchous qui dominent la Chine durant ladynastie Qing (1644-1911) accordent leurs faveurs au bouddhisme tibétain, qui s'implante dans leur capitale,Pékin (temple de Yonghe)[149],[150].
L'arrivée au pouvoir des régimes communistes s'accompagne de tentatives d'éradication du monachisme bouddhiste dans ces pays. En république deMongolie (intérieure), la répression se solde par l'élimination de milliers de moines, l'exil d'autres, et le bouddhisme ne reprend pied dans le pays qu'à partir de la chute du bloc communiste après 1991. Dans les régions deMongolie extérieure, dirigées par la Chine communiste, les monastères sont contrôlés par le pouvoir comme ceux des autres provinces[151].
Au Tibet, l'invasion chinoise en 1950 entraîne l'exil du Dalaï-lama, entraînant avec lui plusieurs dizaines de milliers de personnes. Le bouddhisme tibétain vit depuis en partie en exil, préservant ses traditions et rencontrant un certain succès en Occident. Au Tibet même, la période de larévolution culturelle (1966-1976) s'accompagne de la destruction des institutions monastiques et d'une grande quantité d'écrits et images bouddhistes. Les monastères rouvrent après cette période, mais sont placés sous étroit contrôle par le pouvoir[152].
À partir de la fin duXIXe siècle, la pratique du bouddhisme gagne les pays « occidentaux » (Europe, Amérique du Nord), et cela de deux manières. D'une part, on a l'immigration de bouddhistes depuis des pays où cette religion est déjà pratiquée (Asie du sud-est, Sri Lanka, Chine notamment), qui y introduisent donc les courants et les pratiques de leurs pays d'origine[153].
D'autre part, des Occidentaux adhèrent au bouddhisme, une démarche portée par le développement des études sur le bouddhisme et les traductions detextes bouddhiques. Cela se passe suivant des modalités spécifiques, déterminées par le contexte religieux et intellectuel occidental : ce développement est d'abord porté surtout par le mouvement de lathéosophie, qui pose les bases d'une approcheésotérique du bouddhisme — approche qui fait notamment souche dans les milieux artistiques[154],[153] ; dans un deuxième temps, certains courants spécifiques du bouddhisme — avant tout leZen, lebouddhisme tibétain et leTheravada — qui bénéficient d'un intérêt plus marqué que d'autres courants, sont importés par des bouddhistes venus d'Asie dispenser leur message en Occident (notammentDaisetz Teitaro Suzuki pour le Zen, des Tibétains exilés commeChögyam Trungpa Rinpoché)[155],[156].
Selon l'Union bouddhiste de France, il y avait en 1986 environ 800 000 bouddhistes en France dont les trois-quarts seraient d'origine asiatique. Une enquête plus récente, publiée parTNS Sofres, en avril 2007, avance un chiffre de 500 000 adeptes du bouddhisme (âgés de plus de 15 ans), représentant 1 % de la population française de cette tranche d'âge. En 1999, le sociologueFrédéric Lenoir avait estimé à cinq millions « les sympathisants » bouddhistes français[157].
En 2018, on compte (mais le chiffre doit être pris avec prudence) quelque 623 millions debouddhistes dans le monde[158], ce qui fait du bouddhisme la quatrième religion mondiale, derrière (par ordre décroissant) lechristianisme, l'islam et l'hindouisme. Toutefois, il pourrait passer de 7 % à quelque 5 % de la population mondiale vers 2060, du fait d'untaux de fécondité relativement bas et d'un nombre de conversions pas assez important[159]. L'historien des religionsOdon Vallet relève d'ailleurs que c'est« la seule grande religion au monde à avoir régressé auXXe siècle », en raison, notamment, des persécutions menées contre le bouddhisme par lesrégimes communistes enChine et enIndochine[160].
La présentation en système donnée ci-après est forcément artificielle : le Bouddha n'a en effet jamais organisé son enseignement sous une forme systématique, pas plus d'ailleurs que la communauté primitive[161]. Le tableau qui suit présente dans leurs grandes lignes les principaux points des doctrines principales de ce que l'on appelle parfois le « bouddhisme primitif »[162] ou « ancien ». Toutefois, ce qui apparaît comme une sorte de fonds commun ne remonte sans doute pas plus haut que leIIe siècle av. J.-C.: il s'agit essentiellement des quatre nobles vérités, qui ont été énoncées lors de ce qu'on appelle la mise en mouvement de la roue de la Loi (sanskrit:Dharmacakra Pravartana)[163]. Toutefois, ces vérités ne constituent pas un « credo bouddhiste », au sens de l'affirmation de vérités auxquelles on devrait adhérer pour être bouddhiste. Il faut plutôt comprendre ces « vérités » au sens de « choses vraies, réelles », que le Bouddha a comprises au moment de son éveil. Il s'agit donc plutôt de réalités que nous ne parvenons pas à voir telles qu'elles sont, que l'on soit « bouddhiste » ou « non bouddhiste »[164]. Et en ce sens, un « bouddhiste » est simplement une personne qui tente de suivre les prescriptions du Bouddha pour voir ces réalités telles qu'elles sont[164], autrement dit le Dharma (la Loi) qui permet de voir les dharmas (les choses) tels qu'ils sont[165].
À cela, on ajoutera les théories sur la renaissance et le karma, sur l'absence de soi, sur la production conditionnée et sur le nirvâna, toutes choses dont le Bouddha eut une connaissance parfaite lors de son éveil et qui sont étroitement liées aux quatre vérités.
Le Dharma (ou « Loi ») est l'ensemble des enseignements dispensés quarante ans durant parSiddhartha Gautama après qu'il se fut éveillé, devenant ainsi unbouddha, et il est le deuxième desTrois trésors (ou lesTrois refuges, les deux autres étant le Bouddha lui-même ainsi que sa communauté monastique, le « sangha »). Le mot vient de laracinesanscriteDHṚ qui donne l'idée de porter ou soutenir[166], mais il estpolysémique et peut signifier, entre autres sens, « ce qui est établi », « loi naturelle », « loi juridique », « justice », « devoir (social ou religieux) »[167]. En outre, En pâli, les enseignements du Bouddha, sont souvent appeléśāsana. En sanskrit, ce mot signifie « enseignements d'une religion institutionnalisée (angl.dispensation) », ce que l'on connaît en Occident sous l'appellation « bouddhisme »[168].
Ainsi, dans le monde indien, le dharma désigne un ordre qui soutient le monde, et qui est donc le fondement de ce qui existe. Et l'enseignement du Bouddha est un reflet exact de la réalité, si bien qu'il reçoit le même nom[169]. En conséquence de quoi, le mot a quatre acceptions. Il est à la fois, expliqueJean-Noël Robert[170],« la réalité, le discours sur la réalité, les éléments de la réalité phénoménale [les choses, les phénomènes] à dépasser et la conduite à tenir pour parvenir à ce dépassement », ce dernier élément renvoyant à l'idée de méthode à appliquer pour atteindre un résultat.
Le dharma est donc[171], premièrement, l'ordre naturel ou la loi universelle qui sous-tend l'univers, tant dans le domaine physique que dans le domaine moral. Deuxièmement, il est l'ensemble des enseignements bouddhiques; aux yeux des bouddhistes, ces enseignement donnent d'un côté une description pertinente de l'univers et de l'autre, ils expliquent la loi universelle avec laquelle les individus doivent harmoniser leur vie. Enfin, et selon la taxonomie del'Abhidharma, le mot renvoie aux éléments (les dharmas) qui constituent le monde empirique, certains étant extérieurs à l'individu qui perçoit, et d'autres étant à l'intérieur de l'individu (les processus psychologiques, les traits de caractère).
Après son éveil, le Bouddha se demanda s'il devait ou non présenter la vérité qu'il avait découverte sous l'arbre de la Bodhi. Il était conscient de la profondeur de cette vérité et du nombre élevé de vies qu'il lui avait fallu pour l'acquérir[172]. Toutefois, un dieu lui demanda de l'enseigner aux hommes. Se pliant à cette demande, il choisit de la transmettre en premier lieu à ses cinq anciens compagnons. C'est ce que l'on appelle la mise en mouvement de la roue de la Loi (Dharma)[173]. Cet enseignement sedécompose en quatre vérités qui constituent le cadre de tous ses enseignements ultérieurs[174]. Leur prédication constitue le premier sermon du Bouddha[n 9] et en entendant ces paroles, l'un des cinq compagnons nomméAjnata Kaundinya atteignit l'œil du dharma[n 10] et s'éveilla complètement[173].
Cette structure quadruple est proche de la pratique des médecins à l'époque du Bouddha: 1) on diagnostique la maladie; 2) on repère sa cause; 3) on détermine s'il existe un remède; 4) on définit un traitement[174],[175]. La première vérité est celle de lasouffrance (duhkha): toute vie dans le cycle dusamsâra est soumise à lasouffrance, à l'insatisfaction ; la deuxième, concerne la cause oul'origine de la souffrance : il s'agit de la soif (tṛṣṇā), à savoir ledésir, les attachements ; selon la troisième vérité, la guérison est possible si l'on élimine la cause de la maladie: il s'agit dela cessation de l'avidité, qui conduit à l'expérience du Nirvâna, ce qui signifie la cessation de la souffrance: l'extinction (sens du motnirvâna) même du désir entraîne la libération de toute douleur; enfin, la quatrième vérité énonce l'existence d'unchemin menant à la fin de la souffrance et ainsi à la véritable santé: lenoble chemin octuple,[176].
Ce faisant, le Bouddha est un médecin spirituel qui veut aider les hommes à mettre un terme à l'insatisfaction, comme lui-même l'a fait dans sa recherche de l'illumination. Il résume d'ailleurs le cœur de son enseignement[174]:« Dans le passé comme à présent, je n'expose que ceci:dukkha et la cessation dedukkha. »
L'enseignement donné aux cinq ascètes débute par l'affirmation d'unevoie du milieu (pâli:madyamâ pratipada), entre les extrêmes de la vie mondaine et de la vie ascétique[177], car selon le Bouddha[177],« cette voie fait naître l'œil, la connaissance, la science, l'éveil, et mène au nirvâna. »
La voie se subdivise en huit branches, que la tradition a regroupées en trois sections[178],[177] : 1. vue (ou compréhension) juste, 2. pensée juste / 3. parole juste, 4. action juste, 5. moyen d'existence juste / 6. effort juste, 7. attention juste, 8. recueillement (ou concentration) juste[179]. Ces huit branches se ramènent en fait à la « triple étude » ou « triple pratique »[180] ou encore aux « entraînements »[179] de la moralité ou éthique (pâli:sîla), points 3-4-5, de la concentration ou recueillement méditatif[179] (pali :samâdhi), points 6-7-8, et de la connaissance supérieure[179] ou sagesse[181],[180].
Ces huit branches doivent être pratiquées simultanément, et elles permettent ainsi de développer les trois entraînements[179]. Il ne s'agit donc pas d'une progression linéaire qui irait du premier au huitième élément. Les différents aspects se soutiennent mutuellement pour permettre d'approfondir la pratique de la voie[182].
À la vue de ces quatre vérités, on peut dire que le bouddhisme n'est pas tant une révélation sur la nature des choses qu'uneméthode (ce qui est un des sens du motdharma)[183], un système d'entraînement (Triple entraînement (bouddhisme)(en),Triśikṣa) à la moralité, à la méditation et à la sagesse, un chemin à suivre pour atteindre le but, à savoir la fin de la souffrance[184].
La condition des êtres vivants est marquée par trois caractéristiques ou marques de l'existence,trilakshana (dusanskrit :tri +lakṣaṇa ;pali :lakkhaṇa ;« trois marques »[185]), à savoir :anātman (absence de soi, impersonnalité),anitya (impermanence, changement permanent) etduḥkha (insatisfaction, mal-être: aucun phénomène ne peut nous satisfaire entièrement)[186]. Ces trois caractéristiques de l'existence conditionnée se retrouvent dans lesquatre sceaux de la philosophie bouddhiste[187]. Elles sont valides en tout temps et en tout lieux, et peuvent être appréhendées par une vision directe de la réalité. Lenirvāṇa, n'étant pas conditionné, échappe aux caractéristiques de souffrance et d'impermanence (il est cependant impersonnel, il n'y a donc « personne » en nirvāṇa).
L'absence de soi est un élément essentiel de la première vérité. L'être humain — comme tous les êtres — est un assemblage de cinq constituants (ou agrégats) psychophysiologiques, appelésskandha, qui se conditionnent mutuellement : forme, sensations, perceptions, compositions psychiques, conscience discriminatoire[188]. Ces éléments se combinent, formant ainsi un individu « confectionné » (sanscrit:saṃskrita), autrement dit conditionné[189]. Et si nous souffrons, c'est parce que nousignorons leurs fonctions[190]. Ainsi, la réalité, qu'il s'agisse des choses extérieures ou de la totalité psychophysique des individus humains, est constituée d'une succession et d'une concaténation[191] de micro-éléments appelésdhammas[192],[193]:« "Tous les dharma [choses] sont dépourvus de soi", rien n'est soi-même »[194].
Le bouddhisme a d'ailleurs toujours insisté sur cette « confection », tant de l'homme que de toute chose, et sur sa conséquence: puisque tout est composé, tout est vide et impermanent, et par conséquent — rien n'ayant de substance propre[195] — tout est insatisfaisant. LeDhammapada le dit bien[196] :« (...) une douleur comme les agrégats, il n'y en a point. » Et le verset suivant ajoute[197] :« (...) le plus grand des tourments ce sont lessaṃskara [fabrications], et sachant cela comme il convient, le nirvâna devient suprême bonheur. »
Ce que l'on comprend quand on sait quesaṃskara — un terme clé du bouddhisme —« désigne au sens large tout ce qui existe, sauf lenirvâna. Ce sont les énergies tendues inapaisées, pleines d'un incessant tourment[198]. »
Mais nous ignorons cette véritable nature des choses, et ce faisant, nous sommes saisis par un vif désir d'appropriation, qui nous pousse à prendre pour permanent ce qui est impermanent, et pour un soi ce qui en est dépourvu. Or ces éléments vont déterminer à leur tour la conscience, qui sera incapable de voir les choses (lesdhamma) dans leur discontinuité de chaque instant. Et par là, nous pensons être unmoi, qui s'oppose à un monde externe qui est, lui, unnon-moi qui provoque en nous des sensations agréables ou désagréables et nous livre à lasoif[199].
C'est cela qui explique qu'en sanscrit on nomme cette consciencevijñana et pas simplementjñana: le préfixevi- indique qu'il s'agit d'une consciencediscriminante. Ce qui veut dire quejñana en tant que telle est une connaissance non conditionnée par les tendances fabricatrices; elle montre donc les choses sans les saisir, sans en faire une construction particulière qui dure, contrairement àvijñana[199].
Cela étant, qu'est-ce qui fait que l'on rencontre chez les hommes bassesse ou excellence? À cette question, le Bouddha répondit que ces qualités sont liées aux actes (karma — c'est le sens propre de ce mot) de chacun. Car, dit-il[200],« les êtres ont leurs actes pour héritage, leurs actes pour matrice, (...) pour parenté (...) pour refuge. Ce sont les actes qui divisent les hommes en raison de leur bassesse ou de leur excellence. » Ailleurs, il précise[200] :« Qui accomplit de sombres actes récoltera de sombres résultats; et qui accomplit des actes lumineux récoltera de brillants résultats : les uns et les autres renaîtront dans des mondes qui correspondent à leurs actes. » La seule continuité personnelle est donc celle construite par nos actes[201]. Car ce corps que nous voyons n'est ni le nôtre ni celui d'autrui. Il s'agit d'un élément, déclare le Bouddha[202],« produit par l'acte passé [karman], acte achevé, intentionnel, source d'impressions affectives. »
Cette dernière remarque montre bien que, loin d'être un élément du destin qui frappe l'individu, lekarma est un élément produit par l'intention morale de l'individu, par sa conscience. Pour être karma, l'acte doit venir d'une penséeintentionnelle, il doit être accompli volontairement, de manière réfléchie et consciente. Le véritable acte est doncintentionnel, et l'on ne peut se voir imputer la responsabilité d'un acte involontaire: tuer un insecte par mégarde, sans volonté ni conscience de le faire, ne créée pas de karma[203],[204].
Cependant — et c'est là un élément capital — l'acte n'enchaîne pas à l'acte: autrement dit, on peut modifier un karma. Faute de quoi, il serait impossible d'échapper au samsâra. Or, à tout instant, si l'on a l'esprit vigilant, il est possible de changer le cours des choses[203].
C'est donc le karma qui entraîne les êtres dans un cycle infini de morts et de renaissances[205], dans lequel il n'y a pas de mort absolue, mais reformation des éléments karmiques quelque part sur laroue des existences[206], ce qui amène à renaître dans l'un dessix domaines de renaissance possibles, qui vont desenfers aux domaines desdieux, en passant, entre autres, par ceux des animaux et des êtres humains[207]. Ces renaissances montrent aussi que les dieux ne sont pas éternels — tôt ou tard, ils renaîtront — tandis que les habitants des enfers peuvent en sortir. De ces six domaines, cependant, seul celui des humains permet d'échapper, grâce à l'éveil, au cycle et à la roue[208] dusamsâra[207].
Le mécanisme du karma qui enchaîne l'homme dans les renaissances fonctionne à travers lacoproduction conditionnée[209]. Il s'agit d'un mécanisme psychophysiologique en douze étapes[n 11], selon lequel une condition découle d'une autre, qui découle à son tour de conditions antérieures[193]. Elle explique comment l'ignorance qui frappe l'homme (premier facteur) conduit finalement à la maladie, la vieillesse et la mort, entraînant l'individu à travers les six domaines de renaissance.
On peut toutefois se demander qui renaît puisqu'il n'y a pas d'entité individuelle permanente. En fait, tôt ou tard, les actes que nous posons produisent nécessairement du « fruit » (phala) — à moins que celui-ci soit purifié par la pratique[210]. Ainsi, l'énergie (positive ou négative) que nous n'avons pas éteinte et qui provient des actes (positifs ou négatifs) que nous avons posés, amène un nouvel être à l'existence. Un être qui n'est ni tout à fait le même ni tout à fait différent de celui qui vient de mourir[211].
Au cœur de l'analyse qui précède se trouve ce que le bouddhisme nomme lestrois poisons, qui sont à l'origine de la souffrance: l'ignorance ou la stupidité (moha), le désir-attachement (râga) et la colère-haine (krodha). Ils figurent d'ailleurs au centre des représentations de laroue des existences, car aussi longtemps qu'ils fonctionnent, cette roue tourne, entraînant l'homme dans le samsâra[212].
Symbole desTrois Joyaux. Au-dessous, ensanskrit, lemantraom namo ratna trayaya (« Om Louange au Trois Joyaux »). Peinture sur toile.
Pour se libérer et échapper à cette roue qui entraîne les êtres dans la souffrance sans fin, le Bouddha invite l'homme àprendre refuge — c'est-à-dire à trouver un appui et une protection véritables — dans lestrois joyaux que sont le Bouddha, le Dharma et le Sangha[213]. C'est en ayantfoi en eux[213] et en pratiquant lamoralité, laconcentration et lasagesse (les trois articulations de l'octuple sentier) que l'on échappera aux griffes dudieu de la mort et que l'on parviendra à l'éveil et au nirvâna (cf. la troisième Vérité), dont les trois caractères sont vides, dépourvu de propriétés, exempt de désir[214].
En fait, l'éveil est entrée dans le nirvâna, état qu'atteint l'arhat au terme de son entraînement et de son chemin sur la Voie. Soudain, il s'éveille et se libère[215], il est celui qui est « allé complètement au-delà »[216], qui a atteint l'autre rive », qui est « inconditionnellement éteint » et « immergé dans l'immortalité »[217].
Cependant, le Bouddha s'en est toujours tenu à une définition du nirvâna en termes négatifs (apophatisme). Par exemple[218], à ceux qui demandent « UnTathâgata [titre d'unbouddha] existe-t-il après la mort ou n'existe-t-il pas? », il faut répondre : « Frères, cela n'a pas été révélé par le Bouddha... parce que cela ne mène pas au bien, à la véritable Doctrine ni à l'absence de passion ni au calme, à la paix, à la sapience, à l'Éveil, au nirvâna... Ce qui est révélé ce sont les quatre vérités sur la douleur, sa cessation, la voie qui y mène. » Ou encore cet extrait[219] :
« Si on te demandait: Ce feu qui s'est éteint, où est-il parti? Est-ce à l'est ou à l'ouest, au nord ou au sud, que répondrais-tu Vaccha? — On ne peut le dire, Vénérable Gotama. C'est parce que le combustible a été complètement consumé que le feu, sans aliment, s'est éteint [« nibbuto», à rapprocher de « nibbana » — « nirvâna » en pâli] (...)Et le Bouddha conclut: Ainsi, Vaccha, cette forme corporelle, cette sensation, cette conscience par laquelle on peut discerner le Tathâgata, tout cela a été délaissé, déraciné, sans devenir, et désormaisdharma [chose, élément] production. Libéré de l'appellation de conscience (...) le Tathâgata est profond, incommensurable, insondable comme le profond océan: surgir, ne pas surgir, ni les deux à la fois ni leur négation ne s'appliquent au Tathâgata. »
Les quatreconduites ousentiments pieux (brahmavihāra ensanskrit etpali) sont aussi appelés lesQuatre Incommensurables car ils pourraient être développés indéfiniment. Cultivées sans l'intention de mener tous les êtres à la libération ultime, ces quatre intentions conduisent à une renaissance dans le monde céleste deBrahmā ; développées avec le désir de mener tous les êtres à la libération ultime, les quatre conduites deviennent alors « incommensurables » et conduisent à « l'éveil parfait ».
Il existe plusieurs méditations (bhāvanā) pouvant développer ces quatre« conduite pieuses ou qualités morales »[220] :
Lacompassion (karunā), née de la rencontre de la bienveillance et de la souffrance d'autrui, développée par la méditation appeléekarunā bhāvanā ;
Lajoie sympathique ou altruiste (muditā), qui consiste à se réjouir du bonheur d'autrui (muditā bhāvanā) ;
L'équanimité (uppekkhā en pali,upekṣā en sanskrit) ou tranquillité, qui va au-delà de la compassion et de la joie sympathique, est un état de paix face à toute circonstance, heureuse, triste ou indifférente (uppekkhā bhāvanā).
Dzogchen Ponlop Rinpoché montrant son exemplaire passablement modifié desÉtapes progressives de la méditation sur la vacuité, pour suggérer ce que l'on entend, par exemple, par « vacuité dumoi ».
Dans leTheravāda, la vacuité (Śūnyatā) signifie qu'aucune chose n'a d'existence propre[221] (les choses n'existent que par interdépendance). Durant la méditation, la pratique devipassanā est la contemplation de cette vacuité.
Mais le concept de vacuité, exposé par la littérature dite de laprajnaparamita, etNāgārjuna, prend un autre sens avec leMadhyamaka. Le Madhyamaka reconnaît l'enseignement de l'interdépendance mais il considère cette roue de la vie elle-même comme vacuité.
son corpsformel fait des quatre éléments (pālicaturmahābhūtikāya), soit le corps historique de Gautama.
le corps mental (pālimanomayakāya) par lequel Gautama se rendait dans lesdifférents mondes ou royaumes pour y puiser la sagesse.
le corps de la doctrine (pālidhammakāya), l'ensemble des enseignements qui peuvent demeurer un certain temps après la mort de Gautama.
Le concept prend de l'importance dans l'écoleSarvāstivādin. Mais il acquiert par la suite une signification fort différente.
En effet, dans leMahāyāna, lestrois corps, manifestations d'unbouddha, ne sont pas des entités séparées mais des expressions de l'ainsité (tathatā) qui est une. Ils y sont respectivement :
leNirmāṇakāya, corps de manifestation, d'émanation. Le corps physique source d’actions bienveillantes pour sauver les êtres.
leSambhogakāya, corps de félicité, ou de jouissance. Les paroles de sagesse pour enseigner et guider quiconque.
leDharmakāya, corps du Réel, ou ultime. La Loi qui éveille le cœur et l’esprit.
Lesangha, qu'on peut aussi appeler communauté bouddhique, est le dernier destrois joyaux du bouddhisme, après le Bouddha et le Dharma, et par suite également le l'un desTrois refuges. Chaque jour les moines récitent la formule:« Je vais vers le Buddha, le Dharma, le Sangha comme vers un refuge »[222]. Le sangha se compose de quatre parties: d'une part, les moines (bhikshu) et les moniales (bhikshuni), d'autre part, les laïcs hommes (upāsaka) et les laïques femmes (upāsikā)[223]. Cependant, il apparut rapidement que le meilleur état était celui de « renonçant » ou « mendiant » (sens premier du motbhikshu)[222],[224], et l'on peut donc aussi parler, avecDennis Gira, de « religieux mendiant »[225].
La communauté se constitue avec la conversion aux idées du Bouddha des cinq compagnons avec qui il avait mené, avant son éveil, une vie d'ascèse et d'austérités.Ajnata Kaundinya fut le premier moine, et le premier à recevoir les appellations de« sorti de la vie de famille » et de« ayant reçu l'ordination majeure », et il est donc le doyen de la communauté. En outre, il demande au Bouddha de pouvoir aller en villemendier sa nourriture[226], un acte essentiel, comme on le verra ci-dessous. Le Bouddha enseigne ensuite le dharma aux quatre autres ascètes qui obtiennent à leur tour l'« Œil de laLoi », expression qui signifie qu'ils comprennent lesquatre nobles vérités ainsi que la loi de lacoproduction conditionnée. Ces cinq personnages, qui tous se convertissent donc à ce nouvel enseignement, forment ainsi la première communauté bouddhiste, qui reçoit le nom desangha[227].
Moines theravada mendiant leur nourriture.Sri Lanka.
Le mode de vie de la nouvelle communauté se fonde en fait sur deux éléments: d'une part, le moine[Note 1] renonce à la vie dans un foyer pour embrasser la vie religieuse; d'autre part, il accepte de dépendre de la générosité de la population afin de subvenir à ses besoins matériels (se nourrir, se vêtir, se loger). Le développement du bouddhisme suppose donc à la fois le désir d'une partie des membres de la société de quitter la vie de famille, et — de la part des autres membres de cette société qui continuent à mener une vie normale — suffisamment de bonne volonté pour permettre aux premiers de mener une telle vie, en leur offrant de quoi vivre. C'est ainsi que les personnes qui suivent les enseignements du Bouddha vont se diviser en deux catégories sociales: des errants sans domicile (les moines et les nonnes) et des soutiens (hommes et femmes) qui restent laïcs[228].
La communauté réunit donc des ascètes qui se distinguent des autres groupes du même type par leur rejet de la dispute intellectuelle, leur refus des pratiques ascétiques extrêmes, leur vénération enversSiddhartha Gautama (le Bouddha) et leur pratique de laméditation (ou culture de l'esprit, « bhavana »)[229]. Si les premiers moines se déplacent constamment (sauf à la saison des pluies), ils vont progressivement s'installer dans des bâtiments permanents (qui à terme deviendront des monastères —vihâra[230]) , ce qui accentue la division entrebhikshu etupāsaka. À l'origine, l'adhésion au sangha se faisait simplement en répondant positivement à l'appel du Bouddha (ehibhikṣukā, « Viens, moine! »[231]) à rejoindre les rangs de la communauté. Mais peu à peu s'est mis en place un rituel d'ordination (upasampadâ(en)), et c'est à la suite de cela que la communauté devient réellement une communauté de moines (bhikshu) et de moniales (bhikshuni), même si la communauté des quatre groupes (moines, moniales; laïcs et laïques) continuait à être reconnue[229]. Le Bouddha va ainsi progressivement organiser la vie quotidienne de sa communauté et de ses membres individuels[230].
Les divisions du sangha après la disparition du Bouddha.
Après la mort de son fondateur, le sangha connaîtra différentsschismes. Cela tient en partie au fait que le Bouddha n'a pas voulu nommer de successeur, affirmant qu'après sa mort les enseignements (dharma) et les codes disciplinaires (vinaya) constitueraient l'autorité centrale. Mais cette absence de dirigeant à même de garantir l'unité doctrinale conduisit à la division en différents courants, et l'on peut dire que le sangha des moines et des nonnes bouddhistes n'a jamais été monolithique[232],[229]. L'un des principaux schismes va se produire entre lesMahâsânghika (la « Grande assemblée ») et lesSthavira (les « Anciens »), dont est issu l'actuel courant duTheravâda. Il sera suivi par d'autres dissensions, qui sont en général dues à des désaccords non pas doctrinaux, mais autour des règles[229].
Environ un siècle après la mort du Bouddha, l'organisation du sangha (au sens des moines et moniales) est en place et codifiée. Apparaît alors une nouvelle catégorie de textes, leVinaya (discipline, règles), qui va former une destrois corbeilles. Le Vinaya (ou plutôtles Vinaya, car il y en plusieurs) va régler les ordinations, formuler et expliquer les règles qui gouvernent le sangha, à quoi s'ajoutent des éléments complémentaires. Ces règles sont réunies dans un sous-ensemble appelépratimoksha (là aussi, il y a en a plusieurs puisqu'il y a plusieursvinaya). Le non-respect de certaines d'entre elles entraîne l'exclusion immédiate du sangha, tandis que d'autres sont sanctionnées par différentes peines. Tous lespraktimosha existant comptent plus de règles pour les moniales que pour les moines. Lepraktimosha est en principe récité deux fois par mois, au cours d'une cérémonie appeléeuposatha[229]. C'est cette réunion bimensuelle ainsi que le fait que les moines vivent dans des limites géographiques déterminées qui va définir un sangha particulier[230].
Les laïcs (upāsaka) forment la grande majorité des bouddhistes, et ils furent nombreux à recevoir également les enseignements du Bouddha. Ils jouent un rôle essentiel dans le maintien de la communauté monastique, puisqu'ils fournissent le soutien matériel indispensable à la survie de ses membres — essentiellement la nourriture (queles moines mendient), le vêtement (kesa), le logement — par exemple durant la saison des pluies (vassa) — et les remèdes[232],[233].
Toutes les personnes qui n'ont pas embrassé la vie debhikshu ou debhikshuni ne sont pas pour autant ce que le bouddhisme appelle desupāsaka et desupāsikā. Seuls le sont les personnes qui, au minimum, ontpris refuge dans lesTrois Joyaux et qui ont également fait le vœu de respecter les cinq préceptes (pañcaśīla)[Note 2],[234],[233]. Ils doivent en outre offrir aux moines des vêtements monastiques à la fin de la saison des pluies, effectuer despèlerinages et vénérer lesreliques contenues dans lesstûpas[233].
Femmes laïques offrant un repas à des moniales.Birmanie.
Ces dons (dâna) ne restent pas sans retour. En effet, la caractéristique essentielle desbhikshus, c'est qu'ils ont choisi de « quitter leur foyer » et de mener une vie qui respecte un code moral strict, tout en comptant sur l'aide des laïcs. Par conséquent, ils constituent donc pour ces derniers ce qu'on appelle un « champ de mérites (punya-kshetra) » dans lequel le laïc« sème des grains »[235] et« où l'aumône fructifie »[236]: les dons et les actes de soutien envers la communauté monastique sont autant de « graines » que les laïcs sèment dans le champ que constituent les moines, et qu'il « récoltent » sous la forme de mérites (punya) qui favoriseront de bonnesrenaissances dans lesamsâra[233],[237], en particulier une renaissance qui leur permettra peut-être de devenir eux-mêmes moines ou moniales[233],[237].
En outre, en échange du soutien qu'ils reçoivent, les moines ont l'obligation d'offrir l'enseignement du « dharma insurpassable » (le plus grand don que l'on puisse faire) aux laïcs et de les encourager à respecter et appliquer les cinq préceptes (pañcaśīla)[232],[236]. Il y a donc une claire réciprocité évoquée d'ailleurs à différentes reprises dans les textes[238].
La distinction entre personnes ordonnées et laïcs a été nettement marquée dans le bouddhismeTheravâda, les laïcs ne pouvant en principe pas atteindre l'état d'arhat[233], bien que la question de la possibilité pour les laïcs d'atteindre la libération (moksha) complète reste disputée dans le bouddhisme[239]. En fait, malgré certaines exceptions possibles, dans le bouddhisme dit « ancien », l'idéal de sainteté des moines restait tout de même inaccessible aux laïcs: ces derniers vivaient plongés dans le monde et ses préoccupations, loin du détachement des moines, et ils étaient au fond plus attachés à des vertusactives (nourrir la communauté, lui fournir vêtement et logement) qu'à la culture de l'esprit (bhavana) et laméditation auxquelles s'adonnait la communauté monastique[240].
Cette situation a conduit la recherche à distinguer entre un « bouddhisme nibbanique » (ou nirvanique) et un « bouddhisme karmique », tous deux visant ausalut, mais à travers des voies différentes[Note 3]. Le premier concerne les moines : ceux-ci s'appliquent à réaliser la libération complètedans cette vie (ou du moins dans un nombre très limité de vies) et à atteindre ainsi lenirvana, et c'est pour cette raison qu'ils quittent tout. Car ils peuvent ainsi se consacrer entièrement à ce but :éteindre leurkarma et sortir de laroue des existences, ne plus renaître — qui est le véritable objectif de la vie religieuse. Le « bouddhisme karmique » en revanche, est celui des laïcs, qui, eux, cherchent avant tout àacquérir un bon karma pour une vie future, car ils savent que l'existence vie qu'ils mènent (en ayant une famille et en restant dans la société) ne leur permet en principe pas d'atteindre la libération ultime (lenirvana), et n'est qu'une étape sur le long chemin vers le nirvana —raison pour laquelle ils sont donc amenés à renaître. Dans ces conditions, leur but est avant tout que leur prochaine vie leur permettent de faire un nouveau pas vers la libération, sachant que ce chemin leur demandera encore de nombreuses vies[241].
Par la suite, les développements conceptuels duMahâyâna sur la vacuité (shunyatâ) atténueront la distinction (marquée dans le Theravada) entre l'état monastique et l'état laïc, grâce à un nouvel idéal — lebodhisattva — qui va progressivement occuper la première place. On assiste alors au développement desjâtaka, histoires des vies antérieures du Bouddha Shakyamuni qui mettent en avant des vertus altruistes manifestées dans ses actes de générosité, de patience, d'énergie... Les laïcs vont ainsi prendre comme modèle le Bouddha historique tel qu'il apparaît dans ces histoires, espérant parvenir à l'état debouddha s'ils agissent commeSiddhartha Gautama. Ils trouveront un écho à cette aspiration dans le courant du Mahâyâna, qui justement va proposer de suivre le modèle dubodhisattva (qui est un futur bouddha), non seulement aux moines mais à eux, les laïcs, et ainsi de devenir, dès cette vie, des bouddhas[240].
Il y aura donc des conceptions différentes de ce que sont les laïcs dans les pays où domine le Theravâda, et ceux où domine le Mahâyâna, à quoi viennent s'ajouter dans les différents pays des spécificités plus ou moins importantes, marquées par les cultures régionales[233].
Le bouddhisme ancien, appelé parfoisbouddhisme hīnayāna (termesanskrit signifiant « petit véhicule ») par les tenants dubouddhisme mahāyāna (« grand véhicule »), regroupe plusieurs écoles, dont une seule a survécu jusqu'à nos jours, le bouddhisme theravãda. Si plusieurs classifications sont débattues, bouddhistes et chercheurs s'accordentgrosso modo à reconnaître dans le bouddhismedix-huit écoles anciennes.
Comme son nom l’indique, il se veut l’héritier de la doctrine originelle duBouddha. À cet égard, il est apparenté aux courants définis commehīnayāna (« petit véhicule ») par lebouddhisme mahāyāna apparu au début de l’ère chrétienne.Hinayāna ettheravāda sont des termes souvent employés l’un pour l’autre, malgré les objections de nombreux pratiquants du theravāda. La « doctrine des Anciens » s'appuie sur un canon rédigé enpāli nomméTriple corbeille ouTipitaka, comprenant de nombreuxtextes basés sur les paroles du Bouddha, recueillies par ses contemporains mais retranscrites bien plus tard.
Mahāyāna est un termesanskrit (महायान) signifiant « grand véhicule ». Le bouddhisme mahāyāna apparaît vers le début de l’ère chrétienne dans l'Empire kouchan et dans le nord de l’Inde, d’où il se répand rapidement auTarim et enChine, avant de se diffuser dans le reste de l’Extrême-Orient.
Levajrayāna est une forme de bouddhisme, nommée aussibouddhisme tantrique, dont la compréhension peut se faire de façon intuitive ou bien nécessite la maîtrise dumahāyāna et duhīnayāna. Il contient des éléments qui l'apparentent à l'hindouisme et particulièrement aushivaïsme cachemirien. Au Tibet, le vajrayāna et lebön, religion locale, se sont influencés réciproquement.
Son nomsanskrit signifie « véhicule »,yāna, devajra, c'est-à-dire de « diamant » (indestructible et brillant comme l'ultime réalité), et de « foudre » (destructrice de l’ignorance et rapidité fulgurante). On appelle aussi ce véhiculemantrayāna ettantrayāna, puisqu’il fait appel auxmantras ettantras; on trouve aussi le nomguhyayāna « véhicule secret », doncésotérique (en chinoismìzōng 密宗 et en japonaismikkyō).
L'expressionbouddhisme tibétain renvoie au bouddhisme vajrayāna qui s'est développé auTibet. Il y a actuellement quatre écoles principales :Nyingmapa,Kagyüpa,Sakyapa,Gelugpa. Cette dernière est la plus connue en Occident, car ledalaï-lama en est un membre éminent.
Dans le bouddhisme, l’éthique est basée sur le fait que les actions du corps, de la parole et de l’esprit ont des conséquences pour nous-mêmes et pour ce qui nous entoure, les autres comme notre environnement. Il existe deux sortes d’actions : les actions kusala (motpali signifiant sain, habile, favorable, positif) et les actions akusala (malsain, malhabile, défavorable, négatif).
L’éthique bouddhiste propose donc à l'être humain de prendre conscience des états d’esprit dans lesquels il se trouve et à partir desquels il agit, parle, pense et à devenir ainsi responsable tant de ses états d’esprit que des conséquences de ses actions. La pratique de l'éthique est donc une purification du corps, de la parole et de l'esprit.
Elle se décline sous forme de préceptes (pali :sīla) — lescinq préceptes et les dix préceptes sont les plus fréquemment rencontrés — qui ne sont pas des règles absolues mais des principes, des guides de comportement éthique. L'application de certains d'entre eux varie selon les personnes mais aussi selon les traditions.
Ces préceptes sont le plus souvent présentés sous une forme négative en tant qu'entraînement à ne pas faire quelque chose, mais les textes canoniques font aussi référence à leur formulation positive en tant qu'entraînement à faire le contraire. Ces derniers se déclinent en trois groupes qui sont :
Cinq préceptes qui sont communs à tous les bouddhistes (laïcs et moines) de toutes traditions.
Huit préceptes : durant les jours de pleine ou nouvelle lune, les laïcs pouvaient suivre une version plus sévère des cinq préceptes ainsi que trois supplémentaires, en guise de renoncement temporaire.
Dix préceptes : les dix préceptes se retrouvent dans plusieurs textes canoniques (par exemple le Kûtadana Sutta, dans leDīgha Nikāya)[242]. Au Japon, ils peuvent être dénommésjujukai[243].
Toutes lesméditations bouddhistes ont pour but le développement de la « conscience éveillée » ou « conscience sans ego », en utilisant la concentration comme un outil. Mais le bouddhisme comprend de nombreuses voies différentes, qui peuvent toutes être rattachées à ses trois principales branches :
lebouddhisme theravada (majoritaire en Thaïlande et en Asie du Sud-Est), issu du bouddhisme ancien, dont le cœur de la pratique est la méditationvipassana (observation des sensations et de l'attention)
leZen, branche d'origine chinoise (Chan) puis japonaise (Zen) dubouddhisme mahāyāna. Dans le Zen, l'aspect religieux y est moins important que dans les autres traditions bouddhistes. Il est constitué de deux voies principales :Sōtō (basé sur la méditation assise silencieuse) etRinzai (utilisation centrale deskoan)
le bouddhisme tibétain (dit aussitantrique ouvajrayana); c'est la forme la plus religieuse et sa pratique est axée sur la méditation mais aussi sur des rituels et une dévotion au maître ainsi qu'à sa lignée.
Buddhānusmṛti(en) est une pratique, commune à plusieurs écoles, prenant le Bouddha comme objet de méditation.
Funérailles rituelles auLaos. Des moines bouddhistes tiennent une corde reliée à l'âme du défunt. Cette corde ne sera pas brûlée et les moines peuvent la garder. Près du bûcher, un « arbre à billets », auquel sont accrochés des billets de banque qui iront en offrande pour les moines.
Pour les bouddhistes, la mort fait partie du cycle de la vie. Les proches qui restent aux côtés du défunt lors de ses derniers instants n’expriment aucune douleur afin qu’il puisse se séparer de ce monde avec sérénité.
Dans la tradition tibétaine, le corps du défunt ne peut pas être touché durant trois jours et demi, afin que le processus ne soit pas affecté lorsque la conscience quitte le corps. Durant 49 jours après le décès, soit le temps pour que le défunt puisse renaître sous une nouvelle forme, les bouddhistes font des rituels tous les sept jours, dont des prières et des offrandes.
Des religieux non bouddhistes et des scientifiques émettent des critiques envers le bouddhisme. Ces critiques sont pour les unes très anciennes et sont le fait de religions concurrentes du bouddhisme en Inde. Plus près de nous, certains scientifiques ont aussi adressé des critiques au bouddhisme.
Lejaïnisme, religion apparue plus ou moins à la même époque que le bouddhisme, et se fonde sur l'existence de l'âme (atman), considère que le bouddhisme ne respecte pas la non-violence (ahimsa) : la question porte en particulier sur la nourriture. En effet, si un fidèle bouddhiste ne doit pas commettre de violence lui-même, il peut, par exemple, manger de la chair d'un animal tuépar un autre ; cette attitude est condamnée par le jaïnisme, qui promeut une non-violence obligatoire à ses adeptes, exigeant de s'abstenir de laviolence de neuf façons : par la pensée, par la parole et par le corps et, à chaque fois, soit personnellement (krita), soit en le commandant à d'autres (kârita), soit en consentant à son exécution par d'autres (anumodita)[247].
Si les différentes branches du bouddhisme et de l'hindouisme considèrent que si lacompassion (karuna) est une vertu cardinale (commune autant aux gens vivant dans la société qu'à ceux qui ont renoncé au monde)[248], il n'en reste pas moins qu'il y a des divergences métaphysiques entre le bouddhisme et l'hindouisme (différences qui n'étaient pas originellement si prononcées[n 12]) ; ainsi, le bouddhisme s'est vu critiqué par les philosophies hindouesVaisheshika etNyâya : « LeVaisheshika-sutra semble s'opposer radicalement au bouddhisme par sa conception réaliste et substantialiste du cosmos et de l'homme »[249], et la philosophieNyâya considère la notion bouddhiste d'anatman (non-Soi) comme illogique (par exemple, se remémorer d'un objet est impossible s'il n'y a pas unâtman (Soi connaisseur) permanent) et que la Totalité est une réalité alors que le bouddhisme affirme l'inverse :
« Tandis que le Bouddhisme pense que le tout n'existe pas, que les parties seules existent — mais pas en l'état de parties ! — alors que ladoctrine védique est que le tout est plus ou moins différent de la somme des parties »
Dans son ouvrageL'infini dans la paume de la main[251], l'astrophysicienTrinh Xuan Thuan évoque deux points de discorde entre la vision bouddhiste et la vision scientifique du monde.
Il explique que l'univers décrit par le bouddhisme est ununivers cyclique qui n'a ni commencement ni fin et serait donc traversé d'une série sans fin debig bang etbig crunch. Or l'avènement d'unbig crunch n'est pas confirmé par les données actuelles de la science qui établissent que l'univers ne contient pas assez de matière pour le générer[réf. nécessaire]. Le modèle actuel est au contraire celui d'une expansion infinie de l'univers[réf. nécessaire] ce qui est en contradiction avec la conception d'un univers cyclique.
Dans ce même ouvrage[Où ?], Trinh Xuan Thuan évoque le concept bouddhiste deflots de consciences coexistant avec l'univers matériel de tout temps. Il explique que pour beaucoup deneurobiologistes la conscience est une propriété émergente de la matière vivante qui aurait passé un certain seuil de complexité. Le fait que la conscience a pu préexister à la matière ou exister en dehors de celle-ci n'est pas prouvé.
↑« Affirmer qu’il n’y a pas de dieu dans le bouddhisme ne signifie pas encore logiquement que le bouddhisme ne réponde en aucune manière à la question de dieu ».Jean-Daniel Causse et Denis Müller,Introduction à l'éthique : Penser, croire, agir, Labor et Fides,(présentation en ligne),p. 50.
↑Elle est cependant présente dans les formes syncrétiques enIndonésie.
↑Ne pas confondre avec les différents corps dits « subtils » décrits dans leSāṃkhya et leVedānta propre à l'hindouisme.
↑« Rappelons que [dans l'Antiquité] les docteurs bouddhistes sont desbrahmanes (Nâgârjuna, Candrakîrti, Vasubandhu, Asanga, Dharmakîrti etc.) et qu'ils partagent avec tous les brahmanes un savoir largement identique : à l'université [bouddhiste] de Nâlandâ, les études font d'autant la part belle aux disciplines brahmaniques, y compris la récitation duVeda. C'est ce qui rend en partie factice l'opposition brahmanes/bouddhistes », d'aprèsMahâbhâshya de Patanjali,Paspashâ, éditions, traduction et présentation de Michel Angot, collection Indika, éditions Les belles lettres, p. 242(ISBN978-2-251-72053-1).
↑Dans les commentairespali, ce mot peut renvoyer à trois types d'enseignements, selon qu'ils portent sur l'étude des écritures, sur la pratique ou sur la réalisation. Cela signifie que les textes (et leur étude) sont le fondement de l'enseignement du Bouddha, et que sans eux il ne peut y avoir de pratique de l'octuple chemin, et donc pas non plus de réalisation des vérités bouddhiques et de l'éveil. (Buswell, Jr. & Lopez, Jr., 2014, p. 782 - V. Bibliographie)
↑LeCNRTL signale, lui, lapremière occurrence en français de « Bouddhisme » (avech) dans un article d'Honoré de Balzac de 1830, « Des mots de la mode » (CNRTL, « Bouddhisme »,[lire en ligne (page consultée le 16 juillet 2022)]) paru dansLa Mode, T. 3, 1830, p. 189-194. Balzac relève que « En ce moment il existe une certaine manière d'employer les mots qui vous donne des effets pittoresques dans le discours (…) : Parle-t-on de philosophie ? Oh ! qui que vous soyez, songez que si vous ne suivez pas attentivement la mode, vous pouvez être perdu à jamais, en vous servant de mots qui se terminent enté commeobjectivité,subjectivité, (…) quand le maître a parlé parisme, en employant les motssensualisme, idéalisme, (…),bouddhisme, etc., ou si vous prenez lesisme quand il met à la mode lesion, commeaffection, sensation (…) vous pouvez passer pour un sot. »[lire en ligne (page consultée le 16 juillet 2022)]
↑Analyse similaire chezDonald S. Lopez, Jr., « Introduction » inA Modern Buddhist Bible. Essentials Readings from East and West, Boston, Beacon Press, 2002, p. vii-xli(ISBN978-0-807-01243-7) ainsi que David L. McMahan,The Making of Buddhist Modernism, Oxford, Oxford University Press, 2012, chap. 1(ISBN978-0-195-18327-6).
↑Faure définit le rituel comme « un ensemble d'actions corporelles symboliques, conscientes et volontaires, répétitives et stylisées, centrées sur des structures cosmiques et/ou des présences sacrées. » :Faure 2015,p. 86.
↑Œil par lequel on « voit » le dharma, on l'« atteint » et on « plonge » en lui, sans plus avoir de doute sur l'enseignement du Bouddha. (Harvey, 1993, p. 52). Œil pur, sans tâche, qui symbolise la vision correcte de la réalité et la purification des six sens de l'être humain. (Magnin, 2003, p. 73)
↑Leur nombre et leur ordre peut varier quelque peu selon les traditions (Magnin, 2003, p. 152).
↑« [Pendant l'Antiquité], il n'y a pas lieu de distinguer fortement Bouddhistes et Brahmanistes : ils parlent largement les mêmes langues, partagent certaines références, participent à des débats du même type, parfois aux mêmes débats, et pour les ténors ils sont sociologiquement brahmanes. La distance entre les uns et les autres n'était pas infranchissable : on dit que les trois empereursMaurya furent successivement hindouiste,jaïn et bouddhiste ; cela n'était possible que si, à l'époque (IVe – IIIe siècle av. J.-C.), les différences n'étaient pas trop tranchées. ÀNâlandâ, aux dires deXuanzang, on enseignait aussi les savoirs brahmanistes, dont leVeda ». inL'Art de conduire la pensée en Inde ancienne. Le Nyâya-sûtra de Gautama Akshpâda (...), trad. et introd. deMichel Angot, Paris, Les Belles Lettres, 879 p.(ISBN978-2-251-72051-7) p. 79
↑Ce masculin vaut pour l'ensemble de la communauté monastique, soit les moniales et les moines. Il en va de même pour « laïcs ».
↑« Ne pas tuer ; ne pas voler ; ne pas commettre d'adultère ; ne pas mentir; ne pas prendre d'intoxicants ». Les moines s'engagent à respecter les mêmes plus cinq autres, soitdix préceptes.
↑Cette distinction a été introduite parMelford Spiro(en), dansBuddhism and Society. A Great Tradition and itsBurmese Vicissitudes, University of California Press, Second, Expanded Ed., 1982, xxiv + 508 p.(ISBN978-0-520-04672-6) p. 11-14 + Part II.
↑Dictionnaire Historique de la langue française. Ed. Le Robert, Paris, 2010, page 272.(ISBN978-2-84902-646-5)
↑DansRecherches sur Buddou ou Bouddou, instituteur religieux de l’Asie orientale, Paris, Chez Brunot-Labbe, 1817, p. xxxvi, 23, 26, etc.[lire en ligne (page consultée le 15 juillet 2022)]
↑Roger-Pol Droit,Le culte du néant. Les philosophes et le Bouddha, Paris, Seuil, coll. « Points - Essais », 2004 [1997],(ISBN978-2-020-61165-7) p. 61-62
↑Damien Keown, A Dictionary of Buddhism, Oxford, Oxford University Press, 2003,(ISBN978-0-192-80062-6), p. 45
↑Frédéric Lenoir,La rencontre du bouddhisme et de l'Occident, Paris, Albin Michel, 2001 [1999], 393(ISBN978-2-226-12701-3) p. 49-54.
↑« To be a Buddhist does not entail a complete rejection of other religions or religious practices. From the very beginning Buddhism has co-existed with other religions, structuring itself around them as a sort of ‘meta-religion’ devoted to what it sees as the higher goal of finally ending suffering. » :Williams, Tribe et Wynne 2012,p. 29.
↑Bernard Faure, « Le bouddhisme, une religion tolérante ? »,Sciences Humaines, Hors-séries,no 41,(lire en ligne).
↑Régine Azria,« Avant-propos », dans Régine Azria et Daniel Hervieu-Léger (dir.),Dictionnaire des faits religieux, Paris, Presses Universitaires de Frane,,p. VII.
↑« the vast array of social and cultural phenomena that have clustered around the teachings of a figure called the Buddha, the Awakened One » :Robinson, Johnson et Bhikkhu 2004,p. xix
↑Le Dalaï-Lama avec Thubten Chodön,L'enseignement du Bouddha. Un seul maître, de nombreux disciples, Paris, Odile Jacob,, 383 p.(ISBN978-2-738-13340-3),p. 160
↑Jean-Pierre Osier (trad., présentation et notes)Dhammapada. Les stances de la Loi, Paris, Flammarion, coll. « GF », 1997(ISBN978-2-080-70849-6) p. 27 et p. 160, n. 228.
↑Liaison et association d’idées suivant leur causalité. CNRTL.fr[lire en ligne (page consultée le 12 août 2022)]
↑Au sens de composants de la réalité. À ne confondre avecdhamma au sens de « loi » ou « enseignement ».
↑Traduction J.P. Osier, Garnier-Flammarion, 1997, verset 202, p. 90.
↑Verset 203, trad. Silburn, 1997, p. 43. J.P. Osier (Dhammapada, 1997, p. 161, n. 232, à propos du § 203) propose « confections » pour ce terme qu'il juge difficile à rendre, et il indique:« se recoupant avec les agrégats, les confections sont des tendances à agir qui préorientent en fonction de l'ignorance l'action à venir, sans que celles-ci soient nécessaires; la Bonne Doctrine permet en effet de s'en libérer. »
↑On évitera le terme « réincarnation », car celle-ci est liée à l'existence (que le bouddhisme rejette) d'un soi permanent (âtman), et il s'agit ainsi d'une transmigration de l'âme. La renaissance est plutôt une sorte de phénomène de « redevenir » (pâli:punarbhava) (Môhan Wijayaratna in Robert, 2003, p. 471).
↑Dhammapada, § 411; 414, trad. Osier, Paris, GF, 1997, p. 126-127. « Immortalité » (pâli:amata) apparaît déjà au § 21, et Osier en donne ce commentaire (ibid., p. 132, n. 23) : « Dans le contexte bouddhique, l'immortalité n'est plus la prolongation de la vie au-delà de la mort, mais un "état" dépourvu de naissance, de vieillesse et de mort [douzième stade de la coproduction conditionnée], donc un équivalent de l'Extinction. »
↑Vilas Adinath Sangave, trad. de Pierre Amiel,Le Jaïnisme. Philosophie et religion de l'Inde, Éd. Tredaniel, 1999(ISBN2-84445-078-4) p 167.
↑Le Nyâya-sûtra de Gautama Akshpâda, et leNyâya-Bhâshya d'Akshapada Pakshilasvâmin, traduction de Michel Angot, éditions Les Belles Lettres, p. 474(ISBN978-2-251-72051-7)
↑Encyclopédie de la philosophie, Le Livre de Poche, p. 1632(ISBN2-253-13012-5).
↑Le Nyâya-sûtra de Gautama Akshpâda, et leNyâya-Bhâshya d'Akshapada Pakshilasvâmin, traduction de Michel Angot, éditions Les Belles Lettres, p. 422(ISBN978-2-251-72051-7)
↑Trinh Xuan Thuan et Matthieu Ricard,L'infini dans la paume de la main, Nil Éditions, 2000,(ISBN978-2-702-85948-3)
(en)L. S.Cousins,« Buddhism », dans John R. Hinnels (dir.),A New Handbook of Living Religions, 2nd Edition, Malden, Wiley-Blackwell,,p. 369-444
Vincent Goossaert,« Bouddhisme », dans Régine Azria et Daniel Hervieu-Léger (dir.),Dictionnaire des faits religieux, Paris, Presses universitaires de France,coll. « Quadrige - Dicos Poche »,,p. 92-99
sous la direction de Michael D. Coogan,Religions du monde, Pays-Bas, Michael D. Coogan, 288 p.(ISBN3-8228-5125-6)
Histoire universelle. Titre original : World Religions. * Chapitre 1 : le judaïsme, par Carl S. Elrlich, pp 14 à 48 ; * Chapitre 2 : le christianisme, par Rosemary Drage Hale, pp.52 à 86 ; * Chapitre 3 : l’Islam, par Matthew S. Gordon, pp. 88 à 120 ; * Chapitre 4 : l’hindouisme, par Vasudha Narayanan, pp. 124 à 158 ;* Chapitre 5 : le bouddhisme, par Malcoln David Eckel, pp. 162 à 194 ; * Chapitre 6 : les religions chinoises, par Jennifer Oldstone-Moore, pp. 198 à 234 ; * Chapitre 7 : les religions japonaises, par C. Scott Littleton, pp. 236 à 270.
CécileBecker,Le bouddhisme : Retracer l'histoire, comprendre les fondements et découvrir les pratiques de la religion bouddhique, Paris, Eyrolles,(ISBN978-2-212-56362-7)
Samuel Bercholz et Sherab Chödzin Kohn,Pour comprendre le bouddhisme, Pocket,(ISBN2-266-07633-7)
La version téléchargeable est la trad. en anglais,Buddhist Monastic Life According to the Texts of the Theravâda Tradition, Cambridge Univ. Press, 1990, xxiv + 190 p.
Anne Bancroft,Le Bouddha parle, Kunchab,, 136 p.(ISBN978-9-074-81547-5) (L'original en anglais est toujours disponible:The Buddha Speaks - A book of guidance from Buddhist scriptures, Shambala Editions, 2000).
André Bareau,Bouddha, Paris, Seghers,, 222 p. (Introduction, p. 9 à 81, suivie d'une anthologie)
Ouvrage « rassemblant et commentant les écrits fondamentaux du bouddhisme antique. (…) Les textes ont été choisis dans lesSutta Pitaka et lesVinaya Pitaka.» (4e de couverture)
« Buddhist Texts [through the Ages] is arranged according to schools [while] this selection (…) concentrates on the central tradition of Buddhism, at the expense of the more peripheral developments, on that which is common rather than that which separates. » (E. Conze, p. 11)
L'auteur indique que ce livre peut s'utiliser indépendamment ou comme complément (a companion) de Robinson et al.,Buddhist Religions: A Historical Introduction, 2005, 5e éd. (v. ci-dessus la section « Histoire »).