Labossa nova, aussi stylisébossanova, oubossa-nova[5], familièrement la « bossa », est ungenre musical ayant émergé à la fin desannées 1950 àRio de Janeiro, auBrésil. Elle prend ses racines dans lasamba et lecool jazz. La bossa nova devient l'un des styles musicaux brésiliens les plus connus dans le monde, se popularisant significativement à partir du début desannées 1960, d'abord auxÉtats-Unis puis enEurope et auJapon.
La bossa nova a connu son pic de popularité mondial dans les années 1960, mais est restée appréciée par la suite. À partir de la fin desannées 1980, on assiste à un regain d'intérêt pour le genre à travers le monde[6]. Pour beaucoup, la bossa nova est synonyme demusique brésilienne[7]. Parmi les morceaux de bossa nova les plus connus figurentÁguas de Março,Desafinado,Garota de Ipanema,Samba de Verão etWave[8].
L'impact de la bossa nova sur la musique mondiale ne s'arrête pas seulement à un nouveau genre musical. La bossa nova a influencé durablement lejazz[9], la musique populaire nord-américaine, la chanson européenne et lamusique de film.
Le nom de bossa nova vient du motportugais brésilienbossa, qui signifie au premier degré« bosse » (de baleine, de chameau), et peut se traduire au second degré par« onde »,« vague » (de la mer),« aptitude »,« vocation » (littéralement,« nouvelle vague »,« avoir la bosse pour quelque chose ») et dans ce cas précis par« tendance ».
L'expressionbossa nova peut être traduite par « nouvelle vague ».
À partir du début desannées 1950, plusieurs musiciens brésiliens, en particulier le pianisteJohnny Alf et les guitaristesLaurindo Almeida etLuiz Bonfá, expérimentent avec l'ajout d'éléments de samba dans l'interprétation du jazz[10],[11].
C'est sur ces fondations que la bossa nova va être créée à la fin desannées 1950 par un groupe composé du chanteur et guitaristeJoão Gilberto, du compositeurAntônio Carlos Jobim (également connu sous le nom artistique de Tom Jobim) et du poèteVinícius de Moraes[12].
La bossa nova est la réponse aux attentes des jeunes musiciens des classes moyennes deRio de Janeiro. Ceux-ci sont à la recherche de modernité, d'une nouvelle manière d'interpréter les chansons, d'une musique plus épurée, de paroles optimistes qui reflètent leurs aspirations. Ils apprécient la musique nord-américaine, en particulier les disques deFrank Sinatra et deChet Baker. Ils rejettent les formes musicales brésiliennes en vogue telles que lessambas de typecarnaval avec une utilisation massive despercussions et lessamba-canção offrant des compositions simples, une harmonie standard, des textes sentimentaux, fréquemment mélodramatiques, et interprétées par des chanteurs à la voix pleine de vibrato[13],[14].
Des réunions se tiennent dans les appartements chics de laZona Sul(pt) de Rio de Janeiro, principalement dans les quartiers d'Ipanema et deCopacabana. Dans l'un de ces appartements habiteNara Leão, une étudiante en musique qui accompagne les débuts de la bossa nova. Chez elle, avec parfois la présence d'Antônio Carlos Jobim et de João Gilberto, les jeunes musicienscariocas se rencontrent pour composer, improviser ou réinterpréter des standards de jazz dans le nouveau style musical développé par Jobim et Gilberto ; parmi eux on trouveCarlos Lyra,Roberto Menescal (futur guitariste desCopa 5), Normando Santos,Sérgio Ricardo,Aloysio de Oliveira (producteur musical et plus tard fondateur du labelElenco Records),Oscar Castro-Neves,Sylvia Telles, et le journalisteRonaldo Bôscoli (qui a contribué à populariser le nouveau courant en le baptisant bossa nova dans ses articles)[15].
La divulgation du nouveau style musical pratiqué par les amis de Nara Leão débute dans les boîtes de nuit de laBeco das Garrafas, située à Copacabana, où les jeunes musiciens cariocas commencent à interpréter la bossa nova en public[16].
C'est dans l'album de la chanteuse brésilienneElizeth Cardoso intituléCanção do Amor Demais, enregistré à Rio de Janeiro en avril 1958 et publié le mois suivant, que l'ont peut entendre pour la première fois la bossa nova sur disque. L'album, avec des compositions et des arrangements de Tom Jobim, comprend deux titres où João Gilberto joue à la guitare avec la rythmique caractéristique de la bossa nova :Chega de Saudade etOutra Vez[17].Chega de saudade apporte une grande nouveauté par la façon dont João Gilberto joue de la guitare : le décalage est permanent entre la mélodie et l'accompagnement rythmique[18].
La popularité de la bossa nova auBrésil commence l'année suivante avec la sortie en mars 1959 de l'album de João GilbertoChega de Saudade, dont les titres ont été enregistrés aux studiosOdeon à Rio entre juillet1958 et le début de1959[19]. Sur ce disque, João Gilberto interprète trois chansons d'Antônio Carlos Jobim (deux sur des paroles de Vinícius de Moraes (Chega de Saudade etBrigas, nunca mais) et une sur des paroles deNewton Mendonça (Desafinado), trois chansons deCarlos Lyra, deux compositions personnelles, et reprend à sa manière d'anciennes sambas, y compris une chanson deDorival Caymmi (Rosa Morena).
En 1961, lors d'une tournée au Brésil, le guitariste de jazz américainCharlie Byrd découvre la bossa nova. À son retour, il fait écouter les disques de João Gilberto au saxophonisteStan Getz. Les deux décident d'enregistrer ensemble en 1962 un album intituléJazz Samba qui reprend plusieurs titres de Gilberto.Jazz Samba connaît un grand succès et marque le début de la vague de bossa nova auxÉtats-Unis.
Dans la foulée de ce succès,Stan Getz enregistre en 1963 un nouvel album,Getz/Gilberto, en collaboration avec João Gilberto, accompagné de sa femme Astrud, et Tom Jobim[3]. La première piste de l'album est la chansonGarota de Ipanema (The Girl from Ipanema, en anglais), interprétée par João Gilberto etAstrud Gilberto. Grâce à ce titre, la bossa nova remporte un succès planétaire lors de la sortie de l'album en 1964.
La bossa nova est née àRio de Janeiro, alors capitale du Brésil, durant une période de croissance économique et de stabilité politique où l'optimisme était de mise. Les musiciens de bossa nova font partie de la classe moyenne de Rio qui fréquente les clubs de jazz et est influencée par la culture nord-américaine. Les paroles des chansons de la bossa nova traitent de thèmes légers comme l'amour, les plages de Rio, ou la beauté des femmes brésiliennes. Avec la fin de la croissance au Brésil au début des années 1960, qui conduit à une grave crise économique, et la prise de conscience des inégalités extrêmes entre les régions, un nombre croissant de brésiliens rejette l'insouciance de la bossa nova[21].
Au moment où lecoup d'État de 1964 instaure la dictature militaire, la bossa novastricto sensu prend fin au Brésil. Une nouvelle génération d'artistes brésiliens, surnommée la « seconde génération de la bossa nova »[22], et dont font partie des artistes tels queEdu Lobo,Maria Bethânia,Gilberto Gil,Caetano Veloso etChico Buarque, œuvre à transformer la bossa nova pour qu'elle soit plus en phase avec la réalité politique et sociale du Brésil et qu'elle incorpore d'autres styles musicaux populaires brésiliens comme la samba deBahia, lechoro ou lamodinha. Plusieurs créateurs historiques de la bossa nova, à l'instar de Carlos Lyra et de Vinícius de Moraes, rejoignent ce mouvement qui prend le nom deMPB (« Musique Populaire Brésilienne »)[23].
Un autre facteur contribuant à l'émergence de la MPB au Brésil est l'apparition au début des années 1960 de nouveaux talents commeJorge Ben Jor,Elis Regina etWilson Simonal. Ces artistes ne cherchent pas à changer la bossa nova mais leur style vocal, inspiré par lamusique soul, et leur talent scénique ont un impact important sur la manière d'interpréter la bossa et sur la musique brésilienne en général[24],[25]. En 1965, Elis Regina interprète la chansonArrastão, composée par Edu Lobo avec des paroles de Vinícius de Moraes, et remporte le premier prix au1er Festival de Música Popular Brasileira. Cet événement marque le début de la MPB[26].
Sous l'influence de Caetano Veloso et de Gilberto Gil, une variante de la MPB, connue sous le nom deTropicália, verra le jour en 1967. La Tropicália se distingue de la MPB par l'addition durock psychédélique dans le mix musical. Le genre ne survivra pas le déclin du rock psychédélique qui s'observe à partir de 1969 aux États-Unis et en Europe.
In fine, la bossa nova s'est enrichie de l'apport musical de la MPB et vice versa. Plusieurs albums importants de la bossa nova commeStone Flower d'Antônio Carlos Jobim paru en 1971,João Gilberto de João Gilberto paru en 1973, etElis & Tom paru en 1974, ont bénéficié de l'influence de la MPB. De même, une part non négligeable du répertoire de la MPB est de style bossa nova. On peut par exemple citer l'albumDomingo deCaetano Veloso etGal Costa paru en 1967 ou l'albumChico Buarque de Hollanda Volume 3 de Chico Buarque paru en 1968, qui sont tous deux musicalement de style bossa nova. La MPB a permis le maintien de la popularité de la bossa nova au Brésil, en lui évitant de n'être qu'un phénomène de mode.
La bossa nova a eu un rôle important, non seulement dans l'histoire de la musique brésilienne, mais aussi dans l'histoire de la musique mondiale. Antônio Carlos Jobim a été surnommé le« George Gershwin brésilien »[27] et est considéré comme l'un des plus importants contributeurs non-américains duGreat American Songbook[28].
Le nouveau style musical brésilien a introduit des harmonies complexes, une relation étroite entre paroles et musique ainsi qu'une préoccupation générale pour l'arrangement et la forme musicale[29]. La bossa nova a eu une influence significative sur la musique populaire nord-américaine des années 1960 et 1970[30], en particulier sur les œuvres deBurt Bacharach[31] et deStevie Wonder[32].
La bossa nova a eu également un impact majeur sur le jazz. Si le jazz fait partie de l'ADN de la bossa nova, l'influence de la bossa nova sur le jazz à partir du début des années 1960 a été déterminante. Elle a offert aux musiciens de jazz américains la possibilité de se renouveler avec, d'une part, l'utilisation d'un nouveau rythme et, d'autre part, l'apport des compositions de bossa nova qui constituent une nouvelle source de standards pour leur répertoire.
L'interprétation de la bossa nova telle que l'ont faite les musiciens américains deJazz West Coast, commeBob Brookmeyer ouPaul Desmond, dans la lignée des musiciens de jazz brésiliens, a conduit à un nouveau style de jazz, souvent appelé lui-même bossa nova. On peut lui préférer le nom de « samba jazz », terme utilisé au Brésil, ou de « bossa jazz », en raison des différences qu'il présente avec la bossa nova originelle de João Gilberto et de Tom Jobim (en particulier le caractère moins intimiste des interprétations, l'utilisation de tempos plus rapides et la prépondérance de la batterie).
D'autres musiciens, commeDizzy Gillespie etCal Tjader, qui avaient incorporé les rythmes afro-cubains dans le jazzbebop, créant ainsi lelatin jazz, découvrent les rythmes afro-brésiliens à travers le samba jazz et travaillent à les intégrer aulatin jazz. Parmi les musiciens qui ont contribué à cet effort, on peut citerLalo Schifrin,Horace Silver etGeorge Shearing.
La nouvelle génération de musiciens de jazz américains apparue au milieu des années 1950, qui a créé un nouveau style de jazz surnommé« hard bop », s'intéresse aussi au samba jazz et incorpore les rythmes afro-brésiliens au hard bop.Donald Byrd,Herbie Hancock,Joe Henderson etLee Morgan sont les principaux artisans de cette évolution. Plusieurs musiciens de jazz brésiliens venus travailler auxÉtats-Unis, tels queAirto Moreira etHermeto Pascoal, les rejoignent et influencent ce mouvement.
Dorival Caymmi.Rythme caractéristique de la bossa nova (ligne de chant)[14].Rythme de bossa nova à la guitare. Accords sur le chant, version simplifiée où la noire pointée-croche standard est remplacée par une blanche à la basse.
Dorival Caymmi, l'un des plus importants compositeurs desamba, etJoão Gilberto, avec la collaboration d’Antônio Carlos Jobim, ont apporté plusieurs innovations et modifications à la samba traditionnelle. La bossa nova n'a pas remplacé le samba mais a offert une alternative musicale aux classes moyennes et dirigeantes. En effet, la bossa nova alterne de nombreux paramètres stylistiques, recherchant une certaine intégration dynamique de la mélodie, une harmonie particulière et un rythme lent tout en adoucissant le rôle du vocaliste en tant qu'élément central du morceau musical.
Au niveaurythmique, la bossa nova reprend à la basse le rythme répétitif dusurdo (sorte degrosse caisse) de lasamba, en utilisant des croches plutôt que des doubles croches. Letemps fort est également joué plus doucement, tandis-que le3e temps est accentué[33], et y apporte des rythmes syncopés variés au chant.
Les basses sont jouées sur tonale et quinte, avec plusieurs progressions possibles, voici un exemple :
Cette approche musicale contraste nettement avec le style dusamba-cançao.A felicidade (enregistré parJoão Gilberto en 1959), du filmOrfeu Negro deMarcel Camus, est un excellent exemple de ce contraste. Dans cette chanson, lasamba traditionnelle de carnaval alterne avec les styles caractéristiques de la bossa nova.
Le jazz joue une forte influence[3], parfois contestée[34], dans le développement de la bossa nova.
Au début des années 1950, avant de devenir compositeur et arrangeur, Antônio Carlos Jobim était pianiste de bar[35] et côtoyait des musiciens de jazz, parmi lesquelsJohnny Alf, dont les innovations musicales contribueront à la création de la bossa nova[36], etNewton Mendonça, avec qui Jobim composera quelques standards de bossa (Desafinado etSamba de Uma Nota Só étant les plus connus).
En 1953, le guitariste brésilienLaurindo Almeida, qui vit aux États-Unis, a l'idée de mêler les rythmes brésiliens avec lejazz West Coast. En compagnie du saxophoniste américainBud Shank, il enregistre l'albumLaurindo Almeida Quartet featuring Bud Shank qui sort en 1954. La collaboration entre Almeida et Shank va se poursuivre et deux autres albums dans le même style verront le jour. Avec son mélange de samba et de jazz, Laurindo Almeida est considéré comme le musicien qui a bâti les fondations sur lesquelles la bossa nova a pu être créée par Jobim et Gilberto. Almeida évoluera lui-même vers la bossa nova au début des années 1960[37].
Plusieurs musiciens de jazz brésiliens rejoignent le mouvement de la bossa nova à ses débuts en 1958-1959 et vont influer sur son développement. On peut citer le flûtiste et saxophonisteJ. T. Meirelles, le pianiste et croonerDick Farney, le guitaristeRoberto Menescal, les batteursEdison Machado etMilton Banana, l'organiste et pianisteWalter Wanderley, le pianisteLuiz Eça, le trombonisteRaul de Souza, le saxophonisteMoacir Silva(pt), le pianiste et compositeurJoão Donato et le pianisteSérgio Mendes, qui plus tard avec son groupe Brasil '66 incorporera des sonorités pop à la bossa nova, la rendant plus populaire qu'élitiste.
Les standardsGarota de Ipanema,Insensatez, suggèrent directementDebussy ouChopin(Prélude à l'Après-midi d'un faune,Suite bergamasque,Deux Arabesques pour ce qui est de Debussy etPrélude en Mi Mineur, pour ce qui est de Chopin). Sans parler deRavel,Stravinsky ou du BrésilienVilla-Lobos. D'ailleurs, le saxophoniste barytonGerry Mulligan dans son albumNight Lights, plutôt que de reprendreInsensatez, s'attache à livrer son interprétation duPrélude en Mi Mineur de Chopin[39].
En 1958, l'artiste françaisHenri Salvador enregistre la chansonDans mon île, qu'il a composée sous la forme d'unboléro[40]. Il la chante sur le disque dans le stylecrooner, en s'accompagnant à la guitare.
La même année, Henri Salvador participe au film documentaire italienEuropa di notte où il interprèteDans mon île, dans la même version que sur celle du disque. Ce film sort auBrésil au printemps 1959. Lors de sa projection à Rio de Janeiro, plusieurs musiciens de la mouvance bossa nova, dontNara Leão etRoberto Menescal, sont présents dans la salle[41]. Ils sont enthousiasmés par la chanson de Salvador et la font découvrir àAntônio Carlos Jobim[42]. Le pianiste Sérgio Mendes a rapporté à Henri Salvador que Jobim, après avoir écoutéDans mon île, s'est dit :« C'est ça qu'il faut faire, ralentir le tempo de la samba et mettre des belles mélodies »[43],[44],[note 1].
En 2018, le film documentaire intituléFace B comme bossa, l'autre histoire d'Henri Salvador confirme que cette chanson a bien influé sur la bossa nova à la fin des années 1950[45],[46]. Dans ce documentaire, Roberto Menescal raconte ce qu'il a dit à Henri Salvador lors leur rencontre au Brésil en 2005 :« … La Bossa Nova allait exister quoi qu'il arrive, mais elle ne serait pas ce qu'elle est sans vous … »[45].
Laguitare classique est l'instrument emblématique de la bossa nova. La forme musicale originelle de la bossa nova créée par João Gilberto est composée d'un chanteur à la voix intimiste qui s'accompagne à la guitare acoustique en utilisant la technique de jeupicking[47]. Parmi les artistes qui ont interprété la bossa nova selon la vision de Gilberto, on peut citer la chanteuse franco-italienneCaterina Valente[48],[49].
Cependant, la forme musicale qui a permis à la bossa nova de se faire connaître dans le monde entier a été conçue par Antônio Carlos Jobim pour les besoins des premiers disques de João Gilberto, dont il était responsable des arrangements. Au rythme joué à la guitare par Gilberto, labatida, et à sa voix, Jobim a ajouté plusieurs instruments dans l'orchestration des morceaux : un piano, des percussions de samba (ganzá,tamborim,bongos,agogô,wood-block), une section debois, une section decordes et une section decuivres. Pour la partie chantée, Jobim a ajouté aux paroles des vocalises et duscat. Dès les débuts de la bossa nova, Jobim fait le choix dans ses arrangements d'une approche orchestraleeasy listening[50] inspirée par les standards américains.
En parallèle au travail réalisé par Jobim, trois musiciens, Carlos Monteiro de Souza, Lindolfo Gaya et Enrico Simonetti, respectivement directeur musical chez Philips au Brésil[51], arrangeur et chef d'orchestre dans les studios d'Odeon à Rio[52], et directeur artistique et chef d'orchestre chezRGE[53], apportent plusieurs innovations aux arrangements de bossa nova. Ils enrichissent le son de Jobim en utilisant des orchestrations luxuriantes, en ajoutant des chœurs ou avec l'addition d'instruments musicaux tels que levibraphone, l'accordéon, l'orgue Hammond, lescongas ou lereco-reco. Ils innovent également en intégrant le rythme de la bossa nova à d'autres genres musicaux tels que la samba-canção, leswing, lamusique cubaine ou la musique de variété nord-américaine. L'approche orchestrale définie par Jobim, avec les ajouts des maestros Monteiro de Souza, Gaya et Simonetti, devient le de facto standard pour l'écriture des arrangements de bossa nova, tant au Brésil que dans le reste du monde.
Au cours de cette même période, l'approche orchestrale de Jobim est revisitée par les musiciens de jazz brésiliens, essentiellement de stylebebop. Ceux-ci sont désireux d'interpréter les compositions de bossa nova et d'improviser sur ces morceaux avec les instruments typiques du jazz : le piano, labatterie, lacontrebasse, lesaxophone, letrombone, latrompette et la guitare amplifiée. L'un des précurseurs au Brésil de l'interprétation de la bossa selon les codes du jazz est le Conjuto Bossa Nova[54]. Il sera suivi par le groupeOs Cobras[55] et par le pianiste Sérgio Mendes avec son sextette[56]. La bossa nova telle que jouée par ces formations de jazz a été baptisée au Brésil « Samba jazz ». C'est principalement sous cette forme que la bossa nova a été introduite aux États-Unis au début des années 1960.
Un grand nombre de chanteurs, auteurs-compositeurs, paroliers, producteurs, musiciens, arrangeurs, chefs d'orchestre, et compositeurs de musique de films ont contribué à la création, à la popularisation, à la diffusion et à la perpétuation de la bossa nova tant au Brésil que dans le reste du monde[57].
La bossa nova fait son apparition aux États-Unis au début de l'hiver 1959 avec la sortie du filmOrfeu Negro. En 1961, la chanteuse franco-italienneCaterina Valente, de retour d'une tournée enAmérique du Sud, fait connaître le nouveau style musical à un public plus large avec son interprétation à la télévision américaine de la chansonCorcovado dans le cadre du show télévisé hebdomadaire dePerry Como surNBC[58],[59]. La même année, le trompettiste de jazzDizzy Gillespie et son quintette, dont fait partie le pianiste argentinLalo Schifrin, commencent à inclure des morceaux de bossa nova dans leurs concerts, musique que Gillespie et Schiffrin ont découverte lors de séjours au Brésil[60],[61]. Toujours en 1961, le guitaristeHerb Ellis enregistre pourVerve le morceau de bossa novaOne Note Samba[62]. Mais c'est au guitariste de jazz américainCharlie Byrd à qui l'on doit le début de la popularité de la bossa nova aux États-Unis. Dans le cadre d'une tournée au Brésil en 1961, il découvre lui aussi la bossa nova. À son retour, il propose au saxophoniste de jazzStan Getz d'enregistrer un album reprenant plusieurs des titres interprétés par João Gilberto dans ses premiers disques. L'album, produit sous la houlette deCreed Taylor et intituléJazz Samba, sort en avril 1962 et rencontre un grand succès auprès du public[63].
Le domaine de la chanson n'est pas en reste. Dès 1962, plusieurs des titres composés par Antônio Carlos Jobim sont traduits en anglais, notamment par les paroliersRay Gilbert,Norman Gimbel etGene Lees, et enregistrés par des chanteurs et des chanteuses tels queTony Bennett[68],Eydie Gormé[69] etElla Fitzgerald[70]. En 1963, le chanteurJon Hendricks enregistre l'albumSalud! Joäo Gilberto, Originator of the Bossa Nova reprenant douze titres tirés des premiers disques de Gilberto[71].
En parallèle, le compositeurHenry Mancini est l'un des premiers à utiliser la bossa nova dans des musiques de films aux États-Unis[72]. On peut notamment citer le filmDiamants sur canapé sorti en octobre 1961. À sa suite,Jerry Goldsmith, Quincy Jones, Lalo Schifrin etJohn Williams s'inspireront de la bossa nova dans l'écriture de plusieurs de leurs thèmes pour le cinéma.
Au fil des années, d'autres artistes américains ont contribué à la bossa nova. Parmi eux, on peut mentionner :
Dans la seconde moitié de 1959, l'Europe découvre également la bossa nova avec la sortie du filmOrfeu Negro. Plusieurs artistes européens, tels queCaterina Valente,Pierre Barouh,Sacha Distel, etMichel Legrand deviennent les chantres du nouveau style musical en Europe[73],[74]. Caterina Valente est la première interprète non-brésilienne de bossa nova dans plusieurs pays européens[75],[76],[77],[78].
Dans le domaine du cinéma, la bossa nova a inspiré un nombre important de compositeurs européens de musique de films, notamment Michel Legrand,John Barry,Francis Lai,Ennio Morricone etPiero Piccioni. Michel Legrand est l'un des premiers à avoir utilisé la bossa nova au cinéma (pour le filmLove is a Ball sorti en août 1963[79]).
Parmi les autres artistes européens qui ont contribué à la popularité de la bossa nova, on peut citer :
Les listes (non exhaustives) qui suivent comprennent des albums studios, des albums live, des compilations ainsi que des reprises en bossa nova, enregistrés au Brésil, en Amérique du Nord, en Europe et au Japon à partir de 1958. Tous les albums cités sont répertoriés surDiscogs et la plupart peuvent être écoutés surYouTube. Lamaison de disques, le numéro de catalogue et le pays de publication indiqués pour chaque album sont ceux de l'édition originale.
Au début des années 1960, à l'arrivée de la bossa nova aux États-Unis et en Europe, les compositeurs de musique pour lecinéma et latélévision sont séduits par ce nouveau genre et s'en inspirent dans la création de leurs thèmes musicaux. Les metteurs en scènes sont également conquis et font appel à des musiciens de bossa nova et de jazz pour écrire la musique de leurs films ou de leurs séries télévisées. Les musiciens de jazz embauchés par les studios, tels que Quincy Jones et Lalo Schifrin, utilisent non seulement la bossa novastricto sensu dans leurs créations mais également les nouvelles formes de jazz inspirées par la bossa nova, telles que le latin jazz brésilien et la hard bossa, ainsi que les rythmes afro-cubains (boléro,cha-cha-cha, etmambo). La fusion de tous ces styles crée le son musical caractéristique des productions américaines realisées à partir du milieu des années 1960, en particulier dans les genres espionnage, policier et science fiction.
Les listes qui suivent ne sont pas exhaustives (sources utilisées :IMDb,Discogs,YouTube,INA). Il faut également noter qu'elles incluent des bandes originales utilisant la bossa nova mais dont le thème le plus connu du public est d'un autre genre musical (par exemple, le thème du générique de laPanthère Rose qui est de styleswing).
↑Ruy Castro, historien de la bossa nova, met en doute la véracité de cette affirmation sur l'influence de la chansonDans mon île dans un article paru le 16 février 2008 dans le journalFolha de S. Paulo[1].
↑Rebecca Manzoni,Pop'n Co, 10 octobre 2020, interview d'Anaïs Fléchet. Elle relève qu'il est très difficile ainsi de chanter et de jouer simultanément.