Bordel dans le camp de concentration deGusen, enAutriche.
Durant laSeconde Guerre mondiale, l'Allemagne nazie crée desbordels dans lescamps de concentration (enallemand :Lagerbordell) pour inciter les prisonniers à collaborer. Mais ces établissements sont utilisés principalement par deskapos, c'est-à-dire des prisonniers, généralement de droit commun, utilisés dans l'encadrement des autres prisonniers. Les détenus ordinaires, sans le sou etémaciés, sont généralement trop affaiblis et se méfient de l'attention du régimeSS.Finalement, les bordels des camps n'augmentent pas notablement les niveaux de productivité de travail des prisonniers, mais créent à la place un marché pour les coupons de paiement parmi les personnalités du camp[1]. Les femmescontraintes à se prostituer dans ces bordels viennent principalement du camp de concentration deRavensbrück[2], sauf pourAuschwitz, qui emploie ses propres prisonnières[3]. Le nombre de femmes détenues forcées de se prostituer[3] dans l'ensemble desbordels militaires allemands durant la Seconde Guerre mondiale est estimé à au moins 34 140.
Le premier bordel de camp est créé àMauthausen-Gusen en1942.Après le, un bordel existe aussi àAuschwitz et à partir du àBuchenwald. Celui deNeuengamme est établi au début de1944,Dachau, en,Dora-Mittelbau à la fin de l'été 1944 etOranienburg-Sachsenhausen, le[4]. Les dates sont contradictoires pour ce qui concerne le bordel ducamp de Flossenbürg : une source affirme l'été1943[5] tandis qu'une autre indique qu'il n'a pas été ouvert avant le[4]. L'ouvrage de Sylvie Gaffard et Léo Tristan,Les Bibelfotscher et le nazisme (1933-1945), publié chez Michel Reynaud en 1990, indique page 183 que le bordel du camp de Flossenburg a été installé pendant l'été 1943.
Les bordels sont habituellement des baraques entourées de fils barbelés avec de petites chambres individuelles prévues pour 20 prisonnières, contrôlées par unesurveillante (en allemandAufseherin)[1]. Les prostituées sont remplacées fréquemment, en raison de leur épuisement et des maladies puis elles sont généralement envoyées vers la mort plus tard. Les maisons closes sont ouvertes uniquement le soir. Les prisonniers mâles juifs ne peuvent être clients. Ceux qui peuvent être clients,aryens uniquement, doivent pointer pour une journée spécifique et payer deuxreichsmark pour vingt minutes de prestation, selon un calendrier prédéterminé. Les femmes sont attribuées aux clients par un SS masculin. Le marché descoupons-prix est systématiquement accaparé par les criminels de droit commun qui portent destriangles verts (d'où l’appellationhommes verts)[1]. Une photo, d'authenticité toutefois controversée[6], a été utilisée comme preuve que, dans quelques-unes des maisons closes, des femmes ont été tatouées sur la poitrine avec l'inscriptionFeld-Hure (enfrançais :Putain de campagne)[7]. Certaines d'entre elles subissent desstérilisations forcées ainsi que desavortements forcés, entraînant souvent leur mort[3].
Le sujet de la prostitution dans les camps est abordé dans les mémoires de survivants, et ce, dès la fin de la guerre. En effet, Eugen Kogon, survivant du camp de Buchenwald, a publié un ouvrage en 1947 où le sujet des bordels concentrationnaires est abordé[8]. Odd Nansen a publié son expérience à Sachsenhausen en 1949[9]. Ensuite, il fallut attendre jusqu'en 1972, lorsque la première édition du livre de Heinz Heger[5] est publiée, afin d'avoir d'autres publications sur ce thème. Cependant, le sujet reste largementtabou dans les études sur le nazisme jusqu'au milieu des années 1990, lorsque les nouvelles publications de chercheuses brisent le silence[10],[11]. Ce silence historiographique s'explique de différentes façons et certains historiens, dont Robert Sommer[12] et Christl Wickert[13] traitent du sujet.
Parfois, les SS incitent les femmes à se prostituer en leur promettant un meilleur traitement ou la réduction de leur peine. Cela provoque la colère ou la jalousie chez certaines détenues. Nina Michailovna, une prisonnière russe, a déclaré :« Quand nous avons découvert qu'une fille de notre bloc a été choisie, nous l'avons attrapée et lui avons jeté une couverture sur elle et battue si fort qu'elle pouvait à peine bouger. Il n'était pas certain qu'elle se rétablirait. Elles voulaient juste avoir une vie meilleure et nous les punissions de cette façon[14] ».
Il ne semble pas que des Juives aient été employées comme prostituées dans les camps[15].
Les prisonniers homosexuels et les bordels de camps
En complément à l'utilisation des bordels de camps comme un moyen de contrôle des détenus, afin d'encourager la collaboration et prévenir les émeutes et les évasions,Heinrich Himmler les destine à être utilisés comme un moyen d'enseigner aux prisonniers autriangle rose« les joies du sexe opposé[5] », c'est-à-dire commethérapie de conversion à leurhomosexualité[16]. Heger affirme que Himmler a ordonné que tous les prisonniers homosexuels fassent des visites obligatoires aux bordels des camps, une fois par semaine, comme un moyen de les guérir de leur attirance pour le même sexe[5].
L'écrivain tchèqueArnošt Lustig a écritElle avait les yeux verts[20], qui raconte l'histoire d'une jeune juive de 15 ans contrainte à se prostituer dans un bordel de camp allemand durant la Seconde Guerre mondiale.
↑Christa Schulz, "Weibliche Häftlinge aus Ravensbrück in Bordellen der Männerkonzentrationslager" (Les prisonnières de Ravensbrück dans les bordels des camps de concentration pour hommes)
↑ Thomas Gaevert / Martin Hilbert: "Frauen als Beute" ("Women as Booty"), 2004 (Documentaire de ARD (broadcaster). Citation enallemand :Wenn wir wußten, daß in unserem Block eine ausgesucht wurde, haben wir sie geschnappt und ihr eine Decke übergeworfen und sie so verprügelt, daß sie sich nicht mehr rühren konnte. Es war unklar, ob sie sich davon überhaupt wieder erholen könnte. Die wollten doch nur ein schöneres Leben haben und wir haben sie so bestraft
↑Régis Schlagdenhauffen, « Promotion de la prostitution et lutte contre l’homosexualité dans les camps de concentration nazis »,La revue Trajectoires,(lire en ligne)