Saint Bonaventure (O.F.M.), né à Bagnorea (actuelleBagnoregio, près d'Orvieto enItalie) en 1217–1218 ou 1221, sous le nom deGiovanni da Fidanza, mort àLyon dans la nuit du 14 au, est unreligieuxitalien. Il prit le nom de Bonaventure lors de son entrée dans lesordres.
Il naît de Giovanni di Fidanza et de Maria di Ritello. Baptisé Giovanni à sa naissance, il prend par la suite le nom de « Bonaventure ». Nous ne savons rien de bien certain sur sa jeunesse, ni des raisons de son changement de nom. Selon une tradition duXVe siècle, le tout jeune Giovanni, gravement malade à l'âge de 4 ans, aurait été apporté àFrançois d'Assise, lequel l'aurait signé d'une croix sur le front en disant :« Ô buona ventura ! » (« Ô bonne fortune ! »). Son père, médecin, l'envoie étudier les arts à laSorbonne en 1236. Il rejoint l'Ordre des Frères mineurs en 1243. Il entreprend les études de théologie sous la houlette d'Alexandre de Hales, grand théologien devenu franciscain, puis d'Eudes Rigaud[1]. En 1248, Bonaventure obtient salicence, ce qui l'autorise à enseigner à son tour à l'Université. En 1256, l'animosité montante des universitaires à l'égard desordres mendiants l'oblige à quitter son poste. Après la condamnation deGuillaume de Saint-Amour[2], principal adversaire des Mendiants, Bonaventure reçoit sondoctorat en 1257, en même temps queThomas d'Aquin.
La même année, et malgré son jeune âge, Bonaventure avait été élu ministre général de son ordre, en succession deJean de Parme et sur sa recommendation. Il se trouve confronté à la querelle entre Spirituels et Conventuels, c'est-à-dire entre partisans de la pauvreté absolue et partisans d'une évolution de l'ordre, en particulier vers l'enseignement. Bonaventure condamne les Spirituels, en particulier les joachimistes, artisans des thèses deJoachim de Flore. Lors du chapitre général deNarbonne, il fait réviser les constitutions de l'ordre. Il s'attelle ensuite à une biographie de François d'Assise, qu'il présente en 1263 au chapitre général de Pise. À cette occasion, il redessine la carte des provinces de l'ordre. Il prescrit également la sonnerie des cloches à la tombée de la nuit, en l'honneur de l'Annonciation — pratique qui préfigure la prière de l'Angélus.
Portrait du cardinal Bonaventure, œuvre deClaude François dit Frère Luc, peint entre 1650 et 1660.
En 1265,Clément IV le nomme archevêque d'York, mais il refuse cette promotion et surtout entend demeurer à Paris, pour la défense des ordres mendiants. L'année suivante, le chapitre général deParis ordonne la destruction de toutes lesVies de François d'Assise, à l'exception de celle rédigée par Bonaventure, déclarée la seule authentique et digne de foi. Cette mesure est condamnée par leszelanti, partisans d'un retour aux sources, qui y voient la confiscation par Bonaventure du personnage de François[3].
En 1267, àRome, il crée un statut pour les laïcs agissant selon les règles de l'Amour du Christ : c'est la premièreconfrérie de pénitents, qu'il nomme Confrérie du Gonfalon, dont l'objet est l'amour du Christ et la proclamation de la foi catholique[4].
En 1271, Bonaventure intervient dans leconclave réuni àViterbe après la mort de Clément IV. Sur ses conseils, les cardinaux élisent Tebaldo Visconti, qui prend le nom deGrégoire X. En 1273, Bonaventure est consacrécardinal-évêque d'Albano par le nouveau pape. L'année suivante, Bonaventure quitte la tête des franciscains. Il est remplacé à cet office par Jérôme d'Ascoli, futurNicolas IV. Il est alors chargé par Grégoire X de préparer ledeuxième concile de Lyon, qui s'ouvre le[5].
Ce concile de Lyon avait, entre autres, la tâche de trouver une formule de foi, avec les prélats byzantins, pour clore la querelle du Filioque. En 1274, la météo fut exécrable. Un hiver très rude céda tardivement la place à des pluies diluviennes, suivies dès le début du mois de juin par une chaleur étouffante. Thomas d'Aquin décéda en chemin vers Lyon.
Durant le concile, Bonaventure, seul référent reconnu par tous désormais, prend la parole à deux reprises devant les pères conciliaires, une fois pour accueillir la délégation byzantine et recommander la réunion des Églises. Il trouve une formule qui convient auxByzantins, autant qu'auxlatins, par une exposition détaillée de la spiration du Saint Esprit dans la Trinité des Personnes divines. Mais Il est atteint de fortes fièvres, sans doutes paludiques puisque le paludisme alors présent en toutes régions avait été renforcé par la lourde chaleur humide. Le 13 juillet pendant la session, il doit se retirer. Selon son secrétaire, Pérégrin de Bologne, il aurait été empoisonné. Il meurt dans la nuit du 14 au 15 juillet, mais les historiens voient en cette affirmation une manœuvre sans fondement. Quand, en 1434, ses restes ont été transférés dans une nouvelle église dédiée à François d'Assise, le tombeau fut ouvert. Sa tête aurait alors été trouvée dans un parfait état de conservation, ce qui favorisa grandement la cause de sa canonisation[6]. Il fut inhumé dans l'église franciscaine deLyon, aujourd'hui nomméeéglise Saint-Bonaventure. Son corps fut jeté dans leRhône par les révolutionnaires, en 1789. Le reliquaire d'argent contenant son crâne n'a jamais été retrouvé.
Son oraison funèbre fut prononcée par son ami, le dominicain Pierre de Tarantaise, futurInnocent V, sur le thème « Elle est tombée la colonne de l'Église ». En effet, à l'annonce de son décès après celui de Thomas d'Aquin, les légats latins apprirent cette nouvelle en déplorant « qu'elles soient tombées, les colonnes de l'Église ». Sa théologie, longtemps éclipsée par celle de Thomas d'Aquin, connaît aujourd'hui un regain d'intérêt : la réflexion logique y est accompagnée de traités spirituels, de poésie et d'ouvrages de vulgarisation.
Le,Sixte IV, pape franciscain, l'inscrit au nombre des saints. Bonaventure est proclamédocteur de l'Église en 1587 par le pape franciscainSixte V[7].
Bonaventure est un théologienfranciscain, qui tenta de restituer théologiquement et conceptuellement l'intuition de son maître saintFrançois d'Assise, fondateur de son ordre. Ainsi, sa pensée est toute tendue vers l'union mystique de paix et d'amour avec Dieu[8]. Il fut profondément influencé parsaint Augustin, et dans une moindre mesure parBoèce, comme c'est visible dans leBreviloquium.
Quittant la méditation, sensible ou intellectuelle, le saint montre à l'étape suivante la contemplation infuse ouexcessus mentis, aussi appelée extase des ténèbres, ou mort mystique, ou même simplement contemplation mystique :
« C'est cette faveur secrète que nul ne connaît s'il ne la reçoit et que nul ne reçoit s'il ne la désire, et que nul ne désire si ce n'est celui qui est enflammé jusqu'au fond des entrailles par le feu du Saint-Esprit, que Jésus-Christ a porté sur cette terre[8]. »
Il s'agit de se débarrasser de notre esprit, notre animus, du sensible comme de l'intellectuel, pour que l'image de Dieu que l'homme est, retrouve la ressemblance divine en devenant, comme François d'Assise, une vivante image du Fils. Sa devise cardinalice l'annonce, en citant l'épitre de Paul aux Galates « Je vis, mais ce n'est plus moi qui vit, mais le Christ en moi ».
Sans surprise, il emprunte auPseudo-Denys l'Aréopagite les trois degrés de la montée de l'âme vers Dieu : la voie illuminative, avec la joie de la conversion, la voie purgative, temps de l'épreuve, et la voie illuminative où ne parviennent que quelques-uns, et qui, comme le théorisation ensuite Bartolomé de Pise, est une conformité au Christ, figuré par un linteau de la croix, où le bras et la main nus du Christ croise le bras vêtu de la bure de François d'Assise, et sa main crucifiée comme celle du Christ. Tout en continuant d'exprimer la pauvreté et la simplicité franciscaine, Bonaventure reste réaliste et interdit tout radicalisme.
Il veut franchir les degrés d'élévation jusqu'à la ressemblance au Fils, dans une fraternité avec toute créature, ce qui mène à passer des sens à l'imagination purifiée, de la raison à l'intellect puis à l'intelligence jusqu'au sommet de l'esprit ou l'Esprit-Saint déploie toute sa grâce.
Les grands concepts de Bonaventure sont : la périchorèse trinitaire, la théologie de la pauvreté et de la volonté de Dieu, et une certaine théologie du corps comme créé et donc bon.
Son œuvre inspire un courant, le « bonaventurisme », qui s'inscrit lui-même dans l'augustinisme et qui s'oppose authomisme par l'humilité qu'il associe à la raison humaine, incapable d'accéder à la plénitude de la vérité sans l'aide de Dieu, tandis queThomas d'Aquin est beaucoup plus confiant dans les capacités de l'homme.
Méditations sur la vie de Jésus-Christ, plusieurs fois traduits en français.
SesŒuvres ont été publiées àRome, 1586–1598, 8 volumes in-folio et àParis, 14 volumes, in-8, 1866. SesŒuvres spirituelles ont été traduites par l'abbé Berthaumier, mais sans discernement critique, 1855. Ses œuvres complètes ont été publiées, en 10 volumes in-folio, entre 1882 et 1910 par le Collège d'études médiévales des Franciscains de Quaracchi (Florence).
AuQuébec, l'île Bonaventure, la municipalitéSaint-Bonaventure et larivière Bonaventure sont nommées en son honneur, du fait de la colonisation par les missionnairesrécollets. La ville deBonaventure doit aussi être nommée en son honneur. Il a existé àAlger un collège Saint Bonaventure situé au 16 Chemin Ghermoul (Ex. Yusuf) près du quartier Belcourt et qui dispensait un enseignement à des classes du primaire et du secondaire. Cet établissement a fonctionné même après l'indépendance et à définitivement fermé en 1968.
André Vauchez (s. dir.),Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté (1054–1274) (Histoire du christianisme, tome V), Paris,Desclée, 1992.
Marianne Schlosser,Saint Bonaventure, la joie d'approcher Dieu, traduction de l'allemand par J. Gréal, Paris, Éditions du Cerf et Éditions franciscaines, 2006.
Annie et Bernard Verten, « Intuition et raison », choix de sermons traduits, présentés et annotés. Éditions grégoriennes.
Emmanuel Falque,Saint Bonaventure ou l'entrée de Dieu en théologie, Éditions Vrin, 2000.
Cyrille Michon,Thomas d'Aquin et la controverse sur « L'Éternité du monde »,Éditions Garnier Frères, Paris, 2004. La controverse entre Bonaventure etThomas d'Aquin.
Richard S. Martignetti,L'arbre de vie de saint Bonaventure - Théologie du voyage mystique, Éditions franciscaines.