Cet événement majeur et hautement symbolique de laguerre d'Espagne contribua à la médiatisation internationale du conflit, par l'intermédiaire d'une intense propagande, notamment au sujet du nombre de victimes et des responsables du massacre, aussi bien par les partisans desnationalistes que desrépublicains ; parmi ces derniers, le peintre espagnolPablo Picasso a joué un rôle important avec son célèbre tableauGuernica représentant la population bombardée et exposé pour la première fois à l'Exposition internationale de Paris, du 12 juillet 1937 à la fin de l'année 1937.
Lebombardement de Durango avait eu lieu un mois auparavant. Avant cela, des villes avaient déjà été bombardées en Mésopotamie, en Libye ou en Éthiopie. Madrid est bombardée à partir de[1].
La ville de Guernica avait une valeur symbolique, l'autonomie juridique et fiscale était représentée par l'arbre de Guernica (un chêne multi-centenaire) où les rois deCastille allaient prêter serment de respecter lesfors basques.
En raison de l'apparente faible valeur stratégique militaire que représentait la ville et de l'énorme disproportion entre les capacités de riposte des défenseurs et la violence de l'attaque, ce bombardement a souvent été considéré comme un des premiers raids de l'histoire de l'aviation militaire moderne sur une populationcivile sans défense, et dénoncé pour cela comme un acteterroriste, bien que lacapitale (Madrid) ait été déjà bombardée auparavant à de nombreuses reprises[2].
Cependant, d'après certainshistoriens, Guernica aurait été un objectif militaire de première importance. Il faut souligner que la fabrique d'armesAstra Unceta y Cia qui avait fabriqué entre autres le célèbrepistolet Ruby se situait et se situe toujours à Guernica. Les bâtiments subsistent encore malgré l'arrêt de la production en 1997.
La veille du bombardement, des combattants de l'Eusko Gudarostea traversent Guernica en fuyant en direction de Bilbao dans le but d'organiser une nouvelle ligne de défense.Wolfram von Richthofen propose de bombarder un pont au nord de la ville pour leur couper la route[3].
Le bombardement de Guernica est célèbre pour avoir été le premiertapis de bombes et le premier bombardement alternant bombes explosives et incendiaires[4].
Comme pour les autres interventions de laLuftwaffe pendant laguerre d'Espagne, un des objectifs avoués des dirigeantsnazis était de tester les nouveaux matériels de guerre allemands avant de lancer de plus amples offensives enEurope[5].
L'attaque commence à17 h 30 à lamitrailleuse, aux bombes explosives et enfin auxbombes incendiaires[6]. Après avoir lâché environ 60 tonnes de bombes incendiaires, les derniers avions quittent le ciel de Guernica vers20 h soit 2h30 de bombardement . À ce moment, 1/5 de la ville était en flammes, et l'aide des pompiers deBilbao (3 h après le bombardement) s'avérant inefficace, le feu se propagea à environ 70 % des habitations.
Le nombre officiel de victimes, toujours maintenu depuis par le gouvernement basque, fait état de 1 654 morts et de plus de 800 blessés[7]. Il s'accorde avec le témoignage du journaliste britanniqueGeorge Steer, correspondant à l'époque duTimes, qui avait estimé qu'entre 800 et 3 000 des 7 000 habitants de Guernica périrent[8].
D'après laBBC (média britannique), l'historiographie récente parle plutôt de 200 à 250 morts et de plusieurs centaines de blessés[9]. DansEspaña en llamas. La Guerra Civil desde el aire (2003), Josep Maria Solé y Sabaté et Joan Villarroya estiment le nombre de morts à 300[10]. Raúl Arias Ramos, dans son ouvrageLa Legión Cóndor en la Guerra Civil (2003) l'estime à 250[11]. Enfin, une étude réalisée en 2008 par deux historiens de l'association Gernikazarra, Vicente del Palacio y José Ángel Etxaniz, donne un bilan de 126 morts[12].
L'association historique localeGernikazarra Historia Taldea a évalué, dans son livreSustrai erreak 2 publié en 2011, que le nombre de victimes établies, selon son étude des registres d'état-civil, est de 153 morts[13]. Cette évaluation a été citée par les historiens Stanley Payne[14] et Paul Preston[15]. Ce dernier précise que les franquistes ont essayé d'éliminer les traces du bombardement et n'ont pas essayé de tenir un registre précis du nombre de corps, et que les études de l'historien Xabier Irujo[16] (directeur du centre d'études basques de l'université du Nevada[17]) confirment que l'évaluation officielle (1654 morts) du gouvernement basque est correcte, si elle n'est pas sous-évaluée[18].
Les archives russes par le biais de l'historien Sergueï Abrossov, mentionnent 800 morts en date du. Il s'agit d'une évaluation incomplète qui ne prend en compte ni les personnes retrouvées ultérieurement sous les décombres, ni celles décédées plus tard de leurs blessures.
Il convient de rappeler que les soviétiques étaient les seuls au monde à entretenir à l'époque une force aérienne stratégique composée essentiellement de bombardiers lourds Tupolev TB-1, R-6 et TB-3 dont l'état était bon mais qui devenaient obsolescents. L'ensemble leur coûtait fort cher, d'autant plus que leur remplacement par leTupolev ANT-42 était prévu : la validité de la doctrine deGiulio Douhet était donc sans cesse discutée au sein des états-majors. Par conséquent, l'intérêt des conseillers militaires soviétiques présents en Espagne était la récolte de données fiables et à usage interne quant aux effets dévastateurs de ce bombardement « de masse » grandeur nature, non pas à des fins de polémique ;
Ces archives révèlent en outre, des mitraillages des réfugiés de Guernica par les avions de chasse à l'extérieur des limites de la ville. Ce qui traduirait non pas une maladresse, mais un acharnement, pour parachever l'effet de panique ;
Le trimoteurJu-52 était pour l'époque un bombardier lourd, qui avait une grosse capacité d'emport dépassant 1 500 kg de bombes. LeBreguet XIX, en service chez les républicains sur le front nord, n'en pouvait emporter que 400 kg.
Ce bombardement a marqué les esprits non seulement à cause de l'ampleur du massacre mais aussi et surtout à cause de la valeurterroriste qui lui a été attribuée, du fait de l'apparente faible valeur stratégique militaire que représentait la ville et de l'énorme disproportion entre les capacités de riposte des défenseurs et la violence de l'attaque. S'il a longtemps été considéré comme le premier raid de l'histoire de l'aviation militaire moderne sur une populationcivile sans défense, alors que laLégion Condor avait en fait déjà commencé en février 1937 à bombarder des civils[19], c'est aussi parce que la valeur symbolique de la ville renforça le sentiment qu'il s'agissait d'un acte terroriste exemplaire de la répression des antifranquistes.
Le 24 avril, selon l'O.D.B. établi par le conseiller Arjénoukhine, l'aviation républicaine du front nord n'alignait plus que trois Polikarpov I-15, deux Létov, quatre Breguet, trois Gourdou et un Koolhoven. Seuls les trois Polikarpov I-15 pouvaient avoir une quelconque valeur militaire, mais ils étaient engagés sans interruption depuis novembre 1936 et les machines étaient tout aussi épuisées que leurs pilotes russes. De plus le groupement leur faisant face alignait bien plus de cent avions modernes. Au 7 mai 1937, le commandement républicain, malgré une situation difficile en Espagne centrale (l'aviation républicaine y combattait déjà à un contre trois), se décida tout de même à transférer neuf I-15 et six R-Zet par Toulouse, vers Santander. Ces machines y seront d'ailleurs immobilisées par le Comité de non-intervention puis renvoyées désarmées en Aragon.
Pablo Picasso a peint l'horreur de cet événement dans le tableauGuernica. Cette commande du gouvernement espagnol pour son pavillon de l'exposition universelle en 1937 à Paris est devenue une des œuvres les plus célèbres de Picasso.
Franco, sous la pression internationale faisant suite aux révélations duTimes, affirme, en s'appuyant sur laDépêche Havas de Guernica, que laLuftwaffe n'aurait pu voler le 26 avril pour des raisons climatiques, et que la destruction de Guernica est due aux Basques républicains qui auraient incendié et dynamité la ville dans leur fuite. Ce mensonge du futur Caudillo fut plus tard reconnu unanimement.
En 2004, sur demande expresse d'un député basque, le gouvernement espagnol a même reconnu officiellement la responsabilité du gouvernement de l'époque[21].
Une interprétation différente et plus tardive, émanant deCarlos Rojas et surtout deRicardo de la Cierva, ne nie pas le bombardement, mais en fait porter l'entière responsabilité au régime nazi :
Selon son journal personnel, le général allemandWolfram von Richthofen, chef d'état-major de laLégion Condor, aurait décidé seul le bombardement de Guernica, sans l'aval deFranco. Le généralEmilio Mola avait d'ailleurs émis des consignes strictes à laLuftwaffe, interdisant les bombardements,a fortiori sur les civils. Certains articles de presse de l'époque publiés à Bilbao et certains témoignages semblent accréditer cette thèse ;
Même si cela ne prouve pas que les dirigeants franquistes n'étaient pas impliqués dans l'organisation de ce massacre, l'intérêt que portaient lesnazis à ce type d'action a été mis en exergue par l'historien de l'EspagneBartolomé Bennassar : il cite dans une synthèse récente sur la guerre civile que lors des « conférences » que donnaHermann Göring, auxAméricains qui l'avaient capturé à la veille de l'effondrement du régime nazi en1945, le maître de laLuftwaffe affirmait que le bombardement de Guernica constituait le seul moyen de tester en conditions réelles les matériels allemands et la tactique utilisée. D'un point de vue stratégique, laLuftwaffe expérimentait donc à Guernica deux nouvelles méthodes de bombardement, letapis de bombes et lebombardement en piqué, qui seront plus tard utilisées pour leBlitz surLondres. Cette thése est confirmée parAntony Beevor :« Il semble que, pour certaines raisons, leGefechtbericht (rapport d'opérations) de la légion Condor pour cette journée a disparu »[22]. Cet auteur renforce donc la thèse d'une« expérience majeure visant à évaluer les effets de la terreur aérienne » citant Gordon Thomas et Max Morgan Witts ainsi que plusieurs autres auteurs.
L'erreur accidentelle invoquée par un pilote allemand
Adolf Galland, pilote de laLégion Condor arrivé enEspagne le, a déclaré en1953 que la ville avait été bombardée par les avions allemands, mais« par erreur ». Selon Galland, la Légion Condor avait été chargée de détruire le pont Rentería, utilisé par les Républicains, mais comme la visibilité était mauvaise et les équipages sans expérience, l'objectif fut manqué et la ville bombardée par erreur[23].
Cependant, comme l'a fait remarquer l’historien Southworth,« les bombes incendiaires n'ont pas été chargées par erreur » dans les avions, et l'objectif réel du bombardement était par conséquent, de toute évidence, la ville de Guernica et non le pont.
↑Hermann Göring a déclaré, le 14 mars 1946, auprocès de Nuremberg, que l'aide militaire à Franco avait pour double objectif la lutte contre l'expansion ducommunisme et l'essai technique de la Luftwaffe :« I urged him [Adolf Hitler] to give support [to Franco] under all circumstances, firstly, in order to prevent the further spread of communism in that theater and, secondly, to test my young Luftwaffe at this opportunity in this or that technical respect. »
↑Paul Preston et José Pablo García,La muerte de Guernica, 2017,p.83.
↑En février 1937, la Légion Condor, appuyée par la Marine insurgée nationaliste a mitraillé et bombardé des colonnes de réfugiés civils pendant une dizaine de jours sur la route entre Málaga et Almería. Les historiens actuels avancent les chiffres de 100 000 à 150 000 réfugiés civils fuyant Málaga sur le point d'être prise par les troupes italiennes alliées aux nationalistes. Ces faits n'ont été révélés que tardivement à travers des publications historiques, des expositions de photos de l'époque et des vidéos basées sur les archives de l'Armée italienne (cf. Neila Majada & Bueno Pérez :Carretera Málaga-Almería -febrero de 1937-, 2006).