Maître incontesté de la comédie américaine des années 1950 et 1960, Billy Wilder a su imposer un style moraliste et caustique. Il a abordé des thèmes polémiques dans ses films comiques et tenté de s’opposer à l'opinion dominante ainsi qu’aupuritanisme anglo-saxon. Il a exercé ses talents non seulement dans descomédies, mais aussi dans desfilms noirs ouhistoriques.
Issu d'une famillejuive autrichienne, Samuel Wilder, du prénom de son grand-père maternel, naît dans une petite ville de l'Empire austro-hongrois dans l'actuellePologne[3]. Il est tout jeune lorsque la famille s'installe à Vienne, où lui et son frère Wilhelm font leurs études primaires et secondaires[3]. Son père rêve de le voir devenir avocat ou médecin[3] mais il quitte rapidement l'université et opte pour une carrière de journaliste. Sa mère a fait un séjour aux États-Unis et était fascinée parBilly the Kid ou lesBuffalo BillWild West Shows[4], ce qui explique le surnom familial de Billy qu'il adopte ensuite à la place de son prénom officiel, Samuel[5].
Billy Wilder travaille pour un journal viennois, où il est chargé d'articles sur le sport, de faits-divers, et commence également à rédiger des critiques sur les spectacles, notamment le cinéma[3]. En 1926[3], il s'établit àBerlin où il survit un temps en jouant legigolo[6] ou le danseur mondain à l'hôtel Eden[3], tout en commençant à écrire des récits et des ébauches d'histoires. Il collabore à un journal allemand local,Berliner Zeitung am Mittag[3], puis untabloïd pour lesquels il rédige des articles mais aussi des nouvelles et desromans-feuilleton à succès, généralement policiers ou burlesques. Ses enquêtes le mettent en contact avec des milieux et des personnes variés et l'amènent à se familiariser avec une diversité de décors et de personnages que l'on retrouve plus tard dans ses films[3].
C'est l'époque du cinéma muet. Il travaille, souvent commenègre pour des scénaristes à succès et collabore avec d'autres professionnels du cinéma, notammentFred Zinnemann, alors opérateur, etRobert Siodmak. Le succès d'une de ces œuvres,Les Hommes le dimanche (1930) lui vaut de signer un contrat avec l'Universum Film AG en1929. Il gagne bien sa vie et commence à collectionner des œuvres d'art contemporain, notamment des meubles signésMies van der Rohe[3].
Son frère, Wilhelm, s'installe aux États-Unis dans le courant desannées 1920[3]. L'arrivée d'Adolf Hitler au pouvoir le contraint à son tour à l'exil. Billy Wilder séjourne d'abord àParis, à l'hôtel Ansonia,rue de Saïgon (où vécurent de nombreux exilés allemands et autrichiens)[7], où il vit chichement et fréquente un milieu d'expatriés allemands qui compteFranz Waxman,Friedrich Hollaender ouPeter Lorre[3]. Il coréalise avecAlexandre Esway un film avecDanielle Darrieux (dont c'est déjà, à dix-sept ans, le huitième film), etPierre Mingand :Mauvaise Graine.Joe May, un metteur en scène allemand, emporte un de ses scénarios à Hollywood et réussit à le placer en studio. Il contacte alors Wilder et lui demande de le rejoindre. Celui-ci obtient un visa de tourisme et s'embarque sur l'Aquitania pour les États-Unis, où la perspective d'une guerre le persuade de s'établir[3]. Il ne reverra jamais sa mère[8].
Billy Wilder sait à peine parler l'anglais et part. Néanmoins, il assimile la langue rapidement. Il écrit beaucoup de nouvelles qu'il fait traduire de l'allemand et réussit à en vendre aux studios de cinéma. Grâce à cette activité et ses contacts (dontPeter Lorre avec qui il partage un temps un appartement), il réussit à percer àHollywood[9] et signe un contrat avec laParamount Pictures. Il travaille cinq jours et demi par semaine, rédige des scénarios originaux ou retravaille les textes d'autres scénaristes[3].
Dans l'immédiat après-guerre, Billy Wilder accepte de servir pendant cinq mois au sein de l'armée américaine dans la mission d'accompagner la reconstruction du cinéma et du théâtre allemands, essentiellement pour les dénazifier. Il lui est notamment demandé de raccourcir et mettre en forme la première version du premier documentaire à montrer la découverte descamps de concentration nazis, baptiséDeath Mills[11],[12].
« Les pessimistes se sont retrouvés à Hollywood, et les optimistes à Auschwitz »
— Billy Wilder, Et tout le reste est folie - Mémoires
De 1959 à 1981 Billy Wilder réalisa sept films avec son acteur féticheJack Lemmon :Certains l'aiment chaud,La Garçonnière,Irma la Douce,La Grande Combine,Avanti!,Spéciale Première,Victor la gaffe.
Maître incontesté de la comédie américaine dans lesannées 1950 et1960[14], le cinéaste a su imposer son style demoraliste et decaricaturiste corrosif, grâce à des scénarios d'une grande efficacité marqués par l'empreinte d'Ernst Lubitsch et illustrés par des mises en scène soignées et fluides, qui opèrent une véritable « radiographie de la société » de son temps[15].
Il soigne particulièrement la chute de ses films, et certaines sont devenues célèbres :« Personne n'est parfait »[16],« Tais-toi et donne »[17],« Embrasse-moi, idiot » dans le film du même nom.
Son talent ne se limite pas à la comédie, il excelle également dans lefilm noir[18] ou encore dans le film à costume[19].
Même si une partie de la critique le jugeait meilleur scénariste que metteur en scène[20] et voyait en ses réalisations l'antithèse des audaces visuelles ou narratives et des prouesses techniques d'unAlfred Hitchcock et d'unOrson Welles[10], il semble que certains de ses films commeAssurance sur la mort etBoulevard du crépuscule (Sunset Boulevard) le réhabilitent aujourd'hui comme un créateur d'images hors pair[21].
Le succès de ses films auprès d’un large public lui a permis de rester l’un des rares cinéastes véritablement indépendants à Hollywood où il se plaisait à apporter sa touche européenne, affirmant :
« Il y a une phrase deRenoir sur la différence entre les réalisateurs européens et les réalisateurs américains, par exemple entreLubitsch,Wyler,Siodmak,Zinnemann,Sirk et moi d'un côté, etFord ouHawks de l'autre : en Amérique, tout marche comme sur des rails, alors que les films européens comportent toujours de charmants détours inattendus[22]. »