Échantillons de coupures de 5 000 émis par différentes banques : au premier plan le5 000 francs Flameng de la Banque de France.
Lebillet de banque est unmoyen de paiement généralement enpapier imprimé, émis le plus souvent par labanque centrale ou l'Institut d'émission d'un pays. Ce type de monnaie — appelée papier-monnaie ou monnaie-papier — est de naturefiduciaire (du latinfiducia : confiance) dans la mesure où sa valeur est fortement dépendante du degré de confiance accordé par les porteurs de billets à l'organisme qui les émet.
D'originechinoise, répandus massivement depuis le début duXIXe siècle, les billets de banque sont imprimés sur unpapier couché fin, très résistant au vieillissement et aux manipulations, porteur le plus souvent d'unfiligrane, composé exclusivement de pâte dechiffon decoton ayant subi un raffinage très poussé ;ce papier non collé est enduit degélatine puis séché à l'air[réf. nécessaire], avant de subir un très fortcalandrage. La grande majorité des illustrations présentes sur les billets sont issues d'un travail degravure (taille douce) élaborée et d'une grande finesse.
Depuisune trentaine d'années[Quand ?], certains pays adoptent des billets enpolymères (comme lepolypropylène), qui sont beaucoup plus durs à déchirer et à froisser.
La collection des billets de banque est un passe-temps populaire dans quelques pays et les collectionneurs s'appellent lesbilletophiles.
Matrice de billet de la Dynastie Song du Nord.Billet de banque imprimé de laDynastie Song du Nord (960 – 1127), premier empire à avoir utilisé ce type de monnaie.Matrice de bois et tirage correspondant (dynastie mongole Yuan, Chine, 1287).
À partir duXIXe siècle, lapresse à taille-douce utilisant la technique degravure en creux sur métal permit de multiplier les tirages. Cette dernière est beaucoup plus difficile à imiter et reste l'apanage de nombreux imprimeurs modernes commeDe La Rue.
Traditionnellement, les organismes émetteurs requièrent les services d'artistes de tout premier plan et aussi d'orfèvres. Dans un premier temps, la conception d'une vignette nécessite un dessin, une maquette en quelque sorte, puis des talents de graveur (sur bois puis sur métal). C'est ainsi que, par exemple, certains des premiers billets américains furent confiés àPaul Revere, devenu par ailleurs un véritable héros national. En France, outreAugustin Dupré qui participa à la conception desassignats, on relève par la suite les noms de l'architecteCharles Percier, du graveur spécialisé dans les timbres postauxJacques-Jean Barre qui fut aussigraveur général des monnaies. Les concepteurs laissèrent pendant longtemps deux types de signatures : l'une pour le dessin, l'autre pour la gravure, les deux postes étant généralement séparés[1].
Lors d'une première étape, une presse adoptant soit le procédéoffset soit l'héliogravure (avec gravure préalable des cylindres) imprime simultanément, sur les deux faces desfeuilles de papier, différents entrelacs de lignes avec une précision telle que la concordance entre les lignes du recto et celles du verso produit des effets en transparence.
Lors d'une deuxième étape, on cale d'abord l'impression du « nombre caméléon », à savoir la valeur du billet imprimée avec uneencre qui change de teinte lorsqu'elle reçoit la lumière sous un angle différent ; puis du « nombre magique » qui n'apparaît que sous un angle précis de lumière : ces deux nombres sont imprimés parsérigraphie. Ensuite, les feuilles passent dans une machine qui appose un « kinégramme » — une technique qui donne aux chiffres une impression de déplacement — ainsi que les chiffres scintillants.
La dernière étape nécessite l'impression des derniers motifs entaille-douce, ce qui aura pour effet de donner au billet ce toucher en relief si particulier. Toutes ces phases se pratiquent à la feuille et nécessitent de longs « temps de calage », d'ajustement millimétré entre les plaques et les zones d'impressions. Pour terminer, vient l'attribution à chaque billet d'un numéro différent, par impression classique et, le vernissage (ou pelliculage) pour éviter la salissure et augmenter la durée de vie du billet.
La sécurisation des billets de banque nécessitent l’utilisation de technologies modernes comme lesencres optiquement variables. 90 % de l’encre pour billets de banque est fabriquée dans l’usine de l’entrepriseSicpa àChavornay en Suisse[2].
25rixdaler croner de Norvège émis en1695.Billets de laBanque royale, Paris (1720).Collection des papiers-monnoyes : qui ont eu cours depuis l'année 1789 èpoque où a commencé la Révolution française, jusques et compris l'an 1796. [sic].
La monnaie-papier a sans doute été introduite par les négociants enthé chinois au début duVIIe siècle sous la dynastieTang : ils réglaient les grosses transactions avec desbillets à ordre afin d'éviter le transport d'espèces métalliques, précieuses et lourdes, lesquelles étaient conservées par des personnes de confiance qui se chargeaient en retour de régler les débiteurs porteurs des titres. Dans un discours qui fut imprimé, M.Moreau-Néret affirma que c'est l'empereur de ChineSong Renzong (ou Hien-Tsong, 1022 — 1063) qui créa le premier billet de banque[3]. L'administration chinoise, qui fait officede facto de fonds de garantie, adopte officiellement ce type de billets en1024 et leur donne le nom dejiaozi. Les pièces métalliques sont symboliquement représentées sur les billets émis sous ladynastie Song du Nord.
La première mention occidentale d'une forme de monnaie fiduciaire de papier est faite dans le rapport deRubrouck[4] à Louis IX, puis parMarco Polo (1298), lorsque leschao de l'empereur mongol de ChineKubilai Khan prirent le relais desjiaozi, en acquérant pour la première fois dans l'Histoire pouvoir libératoire obligatoire et exclusif à peine de mort:
« Il est vrai qu'en cette cité de Cambaluc (Pékin) est l'Hôtel des monnaies du grand Sire, qui est établi en telle manière que l'on peut bien dire que le grand Sire a l'Arcane parfaitement et selon raison, car il fait faire une telle monnaie comme je vous dirai. Il fait prendre écorces d'arbre, c'est du mûrier dont les vers qui mangent les feuilles font la soie, car il y en a tant que toutes les contrées sont chargées et pleines de ces dits arbres, et ils prennent une écorce fine qui est entre le bois de l'arbre et la grosse écorce externe. Elle est blanche, et cette écorce fine comme papier ils la font toute noire. Et quand ces papiers sont faits si les font couper... Et touts ces papiers sont scellés du sceau du seigneur. Et ainsi en fait faire si grande quantité chaque an qui rien ne lui coûte que paieraient tout le trésor du monde... Et nul, si cher comme il s'aime, ne les ose refuser, car il serait aussitôt mis à mort. »
EnItalie du nord, il existait aussi, depuis la fin duXIVe siècle, desnota di banco[6] (expression qui donna en anglais le motbanknote). Par ce document de papier, le porteur était autorisé à retirer un certain poids d'or auprès d'un établissement de dépôt. Comme le document pouvait être « endossable » (transférable à un autre porteur), il advient que ces billets circulent partout enEurope :Venise etGênes furent en effet longtemps de grands pourvoyeurs de fonds aux cours européennes.
En Europe, les premiers billets de banque émis par un établissement bancaire (stricto sensu) sont apparus au début duXVIIe siècle avec laBanque de Stockholm (Riksbank), en1658, qui avait de fait un statut public, bien que propriété d'actionnaires privés. Il faut également citer laBanque d'Amsterdam, née en1609, qui centralisait les virements commerciaux en Europe et mettait en circulation des certificats représentatifs des dépôts qui lui étaient confiés, certificats qui, dans leurs formes, étaient proches des futurs billets de banque.
Dans sonHistoire de la monnaie et des banques auxÉtats-Unis, Murray Rothbard laisse entendre que, en dehors de laChine médiévale, le monde n'avait jamais vu de papier-monnaie de type national jusqu'à ce que le gouvernement colonial du Massachusetts émette de la monnaie fiduciaire de papier en1690. Cependant, la seule exception fut une curieuse forme de papier-monnaie émis cinq ans auparavant auQuébec, alors sous domination française, et que l'on appelle « monnaie de carte »[7] et qui consiste en réalité en unemonnaie de nécessité.
EnFrance, la première véritable tentative remonte à l'époque du « Système » fondé parJohn Law en1716 et de la Banque royale : en résumé, John Law voulait remplacer l'or et l’argent métal circulant par des « billets ayant valeur d'espèces » afin d'accélérer les échanges. Ils sont précédés à partir de1689 par desproto-billets, deslettres d'échanges devenues par la suitebillets de monnoye puisbillets de l'Estat émis par leTrésor royal à la fin du règne deLouis XIV et assimilés à une forme d'emprunt à l'instar dubon du trésor moderne.
La Banque royale d’Écosse, dontJohn Law s'inspira[8], sous l'impulsion de laBanque d'Angleterre[9], commença à émettre ses propres billets dès 1696 : au début, ils n'étaient que rédigés et certifiés à la main, les premiers tirages mécaniques unifaces n'apparurent qu'en 1725. Dans les colonies britanniques enAmérique du Nord, apparurent dès1700, de petits billets locaux, forme demonnaie fiduciaire, qui engendrèrent leContinental dollar de papier en1775 qui reste la première tentative de billet de banque américain.
EnAutriche, le premier billet est émis en1762 et se nomme leBancozettel, procédé inventé par un prince allemand en 1707.
En France, après le désastre duSystème de Law[10] en 1720 qui obligea l’État à réformer l'ensemble des finances, plusieurs tentatives seront faites ensuite pour relancer l'idée d'une monnaie en papier : la plus célèbre reste la transformation en1790 des biens confisqués duclergé en fonds de garantie représenté par desassignats, opération hypothécaire délicate qui fut suivie par celles despromesses de mandats territoriaux et desrescriptions de l'emprunt forcé : toutes ces expériences menées auXVIIIe siècle s'accompagnèrent à chaque fois d'unehyperinflation consécutive d'unespéculation hors-du-commun. Il faut attendre les premiers billets de laBanque de France, émis en1800[11], pour que la France entre dans l'époque des billets de banque modernes, mais ce n'est qu'au milieu duSecond Empire que le billet de banque devient réellement d'un usage courant.
On s'est longtemps demandé[Qui ?] si les pièces de monnaie ou les billets de banque, des objets qui passent de main en main et circulent parfois rapidement dans le monde entier, pouvaient véhiculer desmicro-organismes pathogènes (champignons,bactéries etvirus). Les employés des commerces alimentaires qui touchent les aliments et qui encaissent l'argent des clients sont-ils des agents de transmission d'épidémies ? En2007, une étude du laboratoire de virologie deshôpitaux universitaires de Genève (HUG) a confirmé que des virus grippaux peuvent survivre jusqu’à cinq jours sur des billets de banque (billets de 50francs suisses de laBanque nationale suisse). Ils survivent mieux quand la concentration virale est élevée et encore mieux s’ils sont protégés dans dumucus. Pour cette étude, des sécrétions nasales de 14 malades de la grippe ont été utilisées. Dans la moitié des cas, le virus a survécu 24 heures et dans 5 cas, il était encore présent après 48 heures. Les billets de banque seraient donc des vecteurs potentiels depandémies grippales, mais, la plupart du temps, la circulation de la monnaie pourrait contribuer à entretenir l'immunité humaine face aux microbes bénins les plus courants[12].
Avec lapandémie de Covid-19, l'échange de billets de banque et de pièces de monnaie est considéré par la rumeur comme un vecteur de contamination. Ceci a incité les autorités et lesprestataires de service de paiement à développer le paiement électronique notamment par carte bancaire dit « sans contact ». Cette disposition, qui se veut sanitaire, est analysée par les représentants destransports de fonds comme un prétexte destiné à amplifier le remplacement de l'argent liquide par l'argent électronique[13].
À partir de 1776, lesÉtats-Unis émirent des billets, ledollar continental de papier au format tendant vers le carré, imaginé parBenjamin Franklin et qui employait un système de gravure complexe représentant des empreintes de feuilles d'arbre[14].
Parallèlement aux émissions officielles de billets de banque, certains organismes comme leschambres de commerce purent émettre par le passé leurs propres coupures : cettemonnaie de nécessité apparaissait quand il y avait pénurie de liquidités (le métal était destiné à d'autres utilisations), comme pendant, ou après, les conflits.
Le plus grand billet fabriqué à ce jour estphilippin : il s'agit du 100 000 pesos émis en 1998 et mesurant 216 mm x 356 mm[15]. Précédemment, le record a été détenu par les 500roubles émis en 1912 par l'Empire russe. Le billet exprimant le plus gros montant est, quant à lui,hongrois : il s'agit du 1 milliard de milliards depengő émis en 1946, lors d'une période d'hyperinflation, mais qui jamais ne circula.
↑« Sicpa lève un coin de voile sur ses encres secrètes pour billets de banque »,Le Temps,(ISSN1423-3967,lire en ligne, consulté le)
↑Discours de M. O. Moreau-Néret, (La poésie de la finance), Paris, Institut de France, 1959,p. 3.
↑Guillaume de Rubrouck,Voyage dans l'empire mongol, traduction et commentaire de Claude et René Kappler, Paris Payot, 1985, p. 185 : « La monnaie courante du Cathay est en papier, d'une paume en largeur et en longueur, sur lequel ils impriment des lignes comme celles du sceau deMangou. » –Voir aussi sur Wikisource.
↑Ch. 95,Comment le Grand Kaan fait dépenser par tout son pays monnaie d'écorce d'arbres qui semble papier (en ligne).
↑En italien moderne, billet de banque se ditbanconota. Lebanco (oubanca) renvoie au banc qui était alloué au changeur au Moyen Âge (Pont au change à Paris,Ponte Vecchio à Florence, etc.), et donna par métonymie le mot banque, puis le motbanqueroute (bancarotta : banc cassé), puisqu'on le brisait si la charge de changeur était suspendue.
↑The Royal Bank of Scotland, créée en 1695, et qui existe toujours.
↑The Bank of England Act 1694 (5 & 6 Will & Mar c 20) ouTonnage Act 1694 in Andrew Browning,English Historical Documents, 1660-1714,2e édit., Routledge, 1996
↑Préface de Georges Oudard àJean Daridan,John Law, père de l'inflation, Denoël, 1938.