Lebeurre est unproduit laitier[1] extrait, parbarattage, de lacrème issue dulait[2] généralement de vache. Cetaliment est constitué par la matière grasse du lait seulement travaillée pour améliorer son goût, sa conservation et diversifier ses utilisations, que ce soit nature, notamment en tartine de pain, ou commecorps gras decuisson des aliments. Il est l'ingrédient gras d'origine animale de préparations culinaires au même titre que le suif, le saindoux et la graisse d'oie. Il sert notamment à faire de lapâtisserie.
Il est conditionné pour être utilisé sous la forme d'une pâte onctueuse, mais saconsistance, sensible à la température, passe rapidement de l'état solide, lorsque entreposé dans une ambiance fraîche, à l'état huileux en ambiance chaude et dès le début de toutecuisson. Dusel y est ajouté parfois dans certaines régions pour accroître sa durée de conservation et surtout se conformer aux habitudes et goûts locaux.
Lejaune est sa couleur caractéristique, d'une tonalité plus ou moins soutenue, lorsqu'il est issu de laits produits par des bêtes nourries à l'herbe ou par l’ajout de bêtacarotène (E160a) par le transformateur. Sa saveur varie en fonction de son taux de sel quand il est présent, mais reste douce comme le lait dont elle provient ; même en proportion notable dans un mets, il intervient davantage par une mise en valeur du goût des autres ingrédients ou une amélioration de latexture du mets —parfois il est dit que le beurre est une émulsion, mais cela n'est pas exact : à la température ambiante, par exemple 20 °C, le beurre est composé d'une phase liquide grasse dispersée dans une phase solide grasse, et l'eau est présente au sein de la structure : cela correspond à la définition d'ungel[3].
Le grecβούτυρον/boúturon, substantif neutre[6], est composé deβοῦς/boûs (« bœuf » ou« vache ») et deτυρός/turós (« fromage »)[6]. Le grecτυρός/turós est lui-même issu de l'indo-européen car le fromage, contrairement au beurre, était connu des Indo-Européens[6].
Le latinbutyrum à accentuation latine[4] sur la pénultième syllabe est à l'origine des formes àt conservé[6] comme l'italienbutir(r)o[4],[6] mais aussi l'anglaisbutter, lenéerlandaisboter et l'allemandButter[6].
Le beurre a pu apparaître avec la domestication des premiers animaux laitiers (chèvre,brebis,vaches). Cependant sa fabrication n'est pas si aisée que celle dufromage qui permet d'obtenir un produit de garde longue. Il faut d'abord obtenir de la crème, or avant l'invention de l'écrémeuse centrifuge (1878), on laisse simplement reposer le lait de 12 à 48 heures pour obtenir par coupellation une crème qui n'est pas très concentrée (le taux de matière grasse d'une crème est très variable, actuellement de 12 à 60 %[1]). Pendant ce temps, le produit peut aigrir ou rancir, d'où l'aversion des classiques[7], il était bien plus facile de conserver des matières grasses comme l'huile d'olive ou decarthame voire de la graisse de bœuf ou de porc.
Expansion des peuples Yamna et des techniques pastorales des steppes, selon Anthony
Selon Shevan Wilkin et al., les peuples de laculture Yamna (peuples des steppes) maîtrisaient au plus haut point la fabrication des produits laitiers et en dépendaient[8], bien que l'on n'ait pas de preuves explicites de fabrication de beurre. Leurs techniques ont pu se transmettre aux régions de l'Europe du Nord par laculture de la céramique cordée et en Inde par lesIndo-Iraniens.
Vers 1 300 ansav. J.-C., lesAryens (Indo-Iraniens issus des cultures des steppes) sédentarisés enInde développent la technique declarification du beurre (ghi) pour le conserver ; il s'agit essentiellement d'un chauffage entre 80 et 120°. Cette technique est toujours employée de nos jours par les Indiens et par les peuples nomades duSahara ainsi que celle de la conservation à l'air sec et chaud et à l'abri de la lumière qui entraîne une déshydratation partielle et une fermentation ou rancissement (smen).
Selon la mythologie hindouiste, le monde est issu dubarattage de la mer de lait. Ce barattage permet d'obtenir (outre le beurre) un élixir hallucinogène, l'amrita, qu'il peut être tentant d'assimiler à dubabeurre fermenté.Surabhî est la déesse-vache, source perpétuelle de lait et de beurre[10].
Autour de la Méditerranée antique le beurre (βούτυρον /boútyron) est connu mais peu employé : les Grecs voient son usage comme une caractéristique desThraces[11], qu'ils considèrent volontiers comme des rustres incultes, que le poète comiqueAnaxandridès surnomme les« mangeurs de beurre »[7]. En revanche, ils apprécient lesproduits laitiers. Les Grecs anciens comme lesRomains n'aimaient pas le beurre et ces derniers, rebutés par ce produit alimentaire, s'en servaient plutôt comme crème de beauté. Ils estimaient qu'il n'était assez bon que pour les peuples « barbares » qui les entourent. L'influence romaine s'est ensuite étendue en Gaule puis en France, et pendant le Moyen-Âge, le beurre n'a pas été utilisé encuisine fine sous influence germanique, où il était considéré comme la graisse du pauvre. On lui préférait alors lelard, lesaindoux et l'huile d'olive. L'usage du beurre en cuisine commence au Moyen-Âge tardif et évolue jusqu'à son usage moderne.
Femme faisant du beurre.Compost et Kalendrier des Bergères, Paris, 1499.Fabrication de beurre dans une familleassyrienne. Iran, vers 1900 ?
L'ajout de sel dans le beurre vient de la nécessité de mieux le conserver à une époque où les chambres froides n’existaient pas. Cette pratique se heurte aux exigences de lagabelle dont les taxes augmentent considérablement le prix du sel. Ces taxes ont concerné de grands pays comme la Chine, l'Inde duRaj britannique, la France d'Ancien Régime (gabelle ordonnée en France parPhilippe Le Bel en 1314 et parPhilippe VI en 1345). En France, dans les régions qui échappent en partie ou totalement à la gabelle, le beurre acquiert et conservera une réputation de qualité, il s'agit par exemple de la Bretagne, de l'Ouest de la Normandie, des Flandres, du Poitou et de l'Aunis (Histoire du sel). Ces taxes influencent considérablement le type de cuisine, ainsi le sud de la France favorise la cuisine à l'huile d'olive et l'est de la Normandie la cuisine à la crème que l'on pouvait conserver aigre mais le saindoux et le suif restent prédominants dans la cuisine ordinaire jusque vers 1900[12].
L'écrémeuse moderne inventée en 1878 parGustaf de Laval d'après une machine deWilhelm Lefeldt(de) permet d'obtenir de façon relativement rapide (une heure au lieu de 12 à 36 heures) des crèmes concentrées en matières grasses, ce qui facilite grandement la fabrication du beurre. L'invention de lapasteurisation améliore l'hygiène des procédés et la conservation[13].
Baratte moderne en inox à entraînement électrique
La technique dubeurre clarifié vise le même but et permet une conservation jusqu'à deux ans dans des récipients de terre. En1866,Napoléon III lance un concours afin de trouver un remplaçant du beurre, trop dispendieux pour les classes défavorisées. Ce sera lamargarine, inventée par le pharmacienHippolyte Mège-Mouriès[14]. À partir des années 1960 , les barattes sont délaissées par l'industrie au profit dubutyrateur, machine de fabrication en continu dont le débit est plus important[13].
En 2017, l'Europe fait face à unecrise du beurre ; le climat et la paupérisation desagriculteurs éleveurs de bovin ayant entraîné une hausse du prix du lait et donc du beurre.[réf. nécessaire]
Fabrication traditionnelle du beurre enÉgypte.Fabrication artisanale de beurre, avec unebaratte métallique (ouverte) en haut. En bas, à gauche empaquetage manuel, à droite machines de malaxage et d'empaquetage automatique. Autriche, 2005.
Malaxeur à manivelle avec sa burette d'eau pour le lavage du beurre
Le beurre est obtenu en battant lacrème tirée dulait. Pour obtenir un kilogramme de beurre, il faut environ20 litres de lait entier. L’opération est souvent effectuée après maturation (fermentation légère) de la crème pendant deux jours ce qui en développe l'arôme.
Lebarattage de la crème non-réfrigérée rassemble les gouttelettes de matière grasse en suspension, cette opération dure environ 45 min. Le beurre se sépare alors dubabeurre. Il est ensuite malaxé pendant un rinçage à l’eau fraîche, pour améliorer la conservation en évacuant autant de babeurre que possible. Les barattes modernes assurent le lavage, le rinçage, l'essorage et le malaxage au cours duquel le sel peut être incorporé. Si la baratte n'assure pas ces fonctions, il faut passer le beurre au malaxeur.
Ancien moule à beurre berrichon en bois
Le beurre est ensuite pressé dans unmoule afin de lui donner forme et éventuellement empaqueté ou monté en motte (image d'en-tête). Autrefois, chaque ferme avait son propre moule avec un dessin gravé dessus pour déterminer la provenance du beurre que l'on mangeait.
Le beurre, salé ou non, est ensuite réfrigéré. Le conditionnement, s'il a lieu, intervient avant la réfrigération. La fabrication en baratte en inox est maintenue pour les productions de luxe : beurres crus (non pasteurisés), d'appellation, bio. L'utilisation de baratte en bois est devenue rare :beurre d'Échiré.
Gustaf de Laval en 1875. L'invention de l'écrémeuse centrifuge banalisa l'usage de la crème et par conséquent celui du beurre. il mit aussi au point unemachine à traire.Baratte en bois industrielle, illustration de 1923Malaxeur industriel (à gauche), Australie, vers 1915.
Aujourd'hui, on utilise dans l'industrie principalement des machines de fabrication du beurre en continu, appareils électriques à rotor de centrifugation à axe horizontal et vis de malaxage, après la période des machines écrémeuses à axe vertical duXIXe siècle ayant pu donner un beurre en plaque friable[15]. Lebutyrateur oucanon à beurre remplace les barattes à partir des années 1930 : le procédéFritz[16],[15] et le procédéAlfa[15],[17]sont plus rapides (de l'ordre de 10 tonnes/heure). Ces machines assurent toutes les fonctions de fabrication à partir de crème et sont plus simples d'utilisation, — en effet une baratte doit être nettoyée avant chaque chargement de crème —, l'empaquetage est également facilité car le beurre est extrait en ruban calibré continu qui peut être directement découpé en plaquettes[18]. Les principales étapes de la fabrication du beurre, barattage, extraction du babeurre, refroidissement, malaxage, salage éventuel, préformage sont ainsi faites par la même machine[17].
La matière première peut être diverse : crème congelée, matières grasses laitières, petit-lait et babeurre contenant encore un peu de matières grasses, on parle alors debeurre reconstitué[17]. Lebabeurre contient plus de crème résiduelle dans le procédéFritz[15].
L'utilisation de ferments sélectionnés nécessaire avec des crèmes pasteurisées est systématique dans l'industrie française et suédoise afin d'obtenir des beurres au goût local mais dans les pays anglo-saxons on recherche des beurres neutres (beurre de crème douce)[19].
Certains procédés permettent de réduire encore le temps de fabrication, comme le procédé NIZO (initié aux Pays-Bas) : on travaille sur des crèmes sans maturation biologique préalable et les ferments ou bien des cocktails arômes-acidifiants-colorants sont incorporés directement dans le beurre[20] ; il facilite de plus le traitement du babeurre qui peut être travaillé (atomisé pour la fabrication de poudre par exemple) avant acidification[17]. Cette méthode représente aujourd'hui 90 % du marché[21].
La couleur est ajustée aux préférences des marchés par ajout debêta-carotène ; en France c'est le seul additif autorisé avec le sel pour les beurres standard[22].
Certains pétrins ou batteurs lents de robots ménagers conviennent tout à fait pour le barattage. Il existe aussi des barattes manuelles (à partir d'un litre de lait) ou électriques de petite capacité. On peut se fournir en crèmes non pasteurisées (et/ou bio) pour faire des beurres crus (avec les précautions d'hygiène d'usage) et des moules en bois traditionnels.
L'avantage de la fabrication ménagère est aussi de récupérer lebabeurre.
Froid, le beurre se marie bien avec lepain, d’où son utilisation entartines. Le beurre fond à une température proche de30 °C.
Une noix de beurre (comme toute matière grasse) laissée à fondre sur un mets chaud permet d’en rehausser legoût.
Le beurre sert également dematière grasse pour lacuisson des aliments à la poêle, sauteuse, cocotte ou autre marmite. La cuisson « au beurre » est usuellement répandue dans la partie nord de la France, par opposition à la partie sud de la France qui cuisine aujourd'hui « à l’huile ».
Comme tout produit d'origine animale, le beurre a un impact environnemental (impact climatique via la production degaz à effet de serre[27]) supérieur à celui de matières grasses d'origine végétale. La production de beurre requiert en effet la conduite d'un élevage bovin, élevage contribuant entre autres à l'émission de méthane. Cet effet est à relativiser en fonction des conditions d'élevage.
Le beurre a été utilisé pour laconservation de la viande au même titre que l'huile, en ambiance fraîche.
La qualité gustative, laconsistance et la couleur du beurre fermier varient selon la saison, le terroir et la qualité desprairies (diversité et qualité des fleurs etgraminées), mais aussi selon la race bovine produisant le lait. Ainsi, François Joseph Grille (d'Angers) en 1825 expliquait qu'en Flandre, à Cassel, il se faisait « un grand commerce de beurre. Pour l'avoir odorant et à bon marché, il faut l'acheter autems des roses : c'est l'expression du pays. Quand les fleurs couvrent les prairies, les vaches ont du lait excellent, et le beurre en acquiert une qualité d'autant meilleure. Au mois de septembre et aux premiers jours d'octobre, il est encore très-bon et pas trop cher ; mais en novembre et en hiver, indépendamment de ce qu'il est moins propre à faire des provisions, il est aussi d'un prix bien plus élevé ». « La première qualité se vend pour du beurre deDixmude » ajoute F. J. Grille ; « Le beurre de Flandre a de la réputation ; il s'en vend moins à Paris que de celui Gournay, d'Isigny, de Bretagne. Cependant on compte qu'il s'en fait huit cent millemyriagrammes dans tout le département [du Nord], et qu'il en est vendu au-dehors cinq cent mille »[28].
Fabrication du beurre à la main.
Le cuisinier prépare différents types de beurres, dont :
beurre clarifié : beurre dont la caséine et le petit-lait, qui représentent environ 2 % de la composition du beurre, ont été éliminés[Note 1] ;
beurres composés : sauces chaudes ou froides, salées ou sucrées, à base de beurre additionné de divers ingrédients et destinés à accompagner des grillades, des crustacés cuits au court-bouillon, des légumes cuits à la vapeur, sur des canapés ou des crêpes, tels que : beurre aux noix, beurre d’anchois, beurre d'escargot, beurre d’estragon, beurre de crevettes, beurre de crustacés, beurre de lavande, beurre de moutarde, beurre de paprika, beurre de poivrons, beurre de roquefort, beurre de saumon fumé,beurre maître d'hôtel,beurre meunière,beurre ravigote, beurre d’orange ;
beurre blanc : réduction de vinaigre et d’échalotes montée au beurre destinée à l’accompagnement de certains poissons tels que le brochet ;
beurre rouge : réduction d’échalotes et de vin rouge ou de Madère montée au beurre destinée à l’accompagnement de certaines viandes.
beurre noisette : beurre chauffé jusqu'à obtention d’une couleur blonde destinée à l’accompagnement de certains aliments tels que les poissons, les cervelles frites et les épinards ;
beurre noir : c'est une sauce où le beurre est chauffé jusqu’à obtention d’une couleur noisette auquel on ajoute un acide (vinaigre, câpres, vin blanc…) destinée à l’accompagnement de certains aliments tels que l’aile deraie ou la cervelle deveau. Ce n'est pas un beurre brûlé. L'appellation « beurre noir » induit une erreur de compréhension ce qui a donné naissance à une légende urbaine prétendant que le « beurre noir » est interdit dans les restaurants[29].
La production de beurre et sa dénomination sont légalement encadrées. La réglementation impose la présence de 16 % maximum d’eau dans au moins 82 % de matière grasse d’origine laitière (80 % s'il s'agit de beurre salé), pour que le produit obtienne la dénomination de « beurre »[31],[32]. La dénomination« beurre allégé » (ou « demi-beurre ») nécessite quant à elle au moins 41 % de matière grasse d'origine laitière.
En France,« auront seuls droit à l'appellation « au beurre », « beurre », « petit beurre », « grand beurre », ou à toute autre appellation similaire contenant le mot beurre, de même que « à la crème », les produits d'alimentation présentés ou fabriqués notamment dans les biscuiteries, confiseries, pâtisseries, boulangeries, restaurant, grands magasins, foires et marchés, préparés exclusivement soit au beurre, soit à la crème. L'emploi des appellations « à base de beurre ou de crème », « préparé au beurre ou à la crème », ou appellations similaires, est interdit lorsque les produits visés au paragraphe précédent ont été préparés en tout ou partie avec d'autres matières grasses que le beurre ou la crème »[34], sauf pour la liste européenne des exceptions qui comprend « beurre de cacahouète » et « beurre de cacao »[35].
Lebeurre cru est obtenu exclusivement à partir de crème crue (nonpasteurisée ou ayant subi un traitement thermique). Il n'a pas le même goût que les beurres pasteurisés, car les températures atteintes lors de la pasteurisation (cependant moins élevées que lors d'une cuisson) modifient ou détruisent certaines molécules et modifient les caractères organoleptiques. Ne bénéficiant pas des avantages de la pasteurisation, il se conserve également moins longtemps : 15 jours à 3 semaines au lieu de 2 à 3 mois[22].
Lebeurre de baratte est un beurre fabriqué en baratte (et non pas avec un butyrateur) selon les méthodes traditionnelles avec une crème maturée (la baratte est en principe en inox, ou en verre pour les plus petits modèles)[22].
Lebeurre de crème douce est fabriqué à partir d'une crème non maturée (la maturation acidifie la crème et lui donne du goût)[19].
Lebeurre fin est un beurre industriel provenant de crème congelée pour partie (jusqu'à 30 %). La crème utilisée pour unbeurre extrafin ne doit pas avoir été congelée[22].
La couleur et la texture du beurre dépendent de l’alimentation desvaches. Lebeurre d'hiver est jaune pâle et plutôt dur, alors que les vaches sont généralement nourries aufoin. Lebeurre d'été est plus mou, et plus coloré grâce auxpigments (β-carotène etchlorophylle) contenus dans l’herbe que broutent les vaches. Certains fabricants ajoutent duβ-carotène au beurre.
Lebeurre sec (14 % d'eau au lieu de 16), souvent utilisé commebeurre de tourage enpâtisserie, est plus dur et a un point de fusion plus élevé que lebeurre gras[36]. Le beurre d'hiver est considéré comme un beurre sec, tandis que le beurre d'été est considéré comme un beurre gras. Lebeurre Charentes-Poitou est également un beurre sec, tandis que les beurres deNormandie et deBretagne sont des beurres gras.
Lebeurre de culture, non salé, contient uneculture bactérienne ajoutée à la crème à baratter pendant quelques heures pour lui donner une saveur « champêtre ».
Lebeurre fouetté est du beurre qu’on a fouetté et qui contient de l’air : il est plus facile à tartiner.
Lebeurre pommade est du beurre travaillé pour faire les petits fours[18].
Lebeurre tendre,beurre facile à tartiner oubeurrefrigotartinable (cette dernière expression étant plutôt utilisée en Belgique) peut être obtenu suivant plusieurs procédés. Il peut être traité mécaniquement (triturage à zéro degré) et subir un léger écrémage afin de le rendre plus facile à tartiner au sortir duréfrigérateur[37] ou Il peut subir l'ajout d'acides gras saturés[38],[39]. Dans ce dernier procédé, on enrichit donc un beurre normal de graisses saturées provenant d'un autre lot de beurre. Ces graisses saturées ayant un point de fusion inférieur à celui des acides gras insaturés, le beurre reste mou à la température du frigo.
Lebeurre allégé, par adjonction d'eau, contient de 60 à 62 % de matières grasses, lebeurre léger de 39 à 41 %. Ces beurres contiennent aussi des additifs : conservateurs, émulsifiants…[22]. Même ceux dits sans additifs peuvent contenir des fibres, des arômes naturels, du paprika...
Beurre de lait de chèvre, brebis, bufflonne, yack, chamelle, renne, lama, alpaga : bien qu'actuellement en Occident la quasi-totalité du beurre consommé provienne de lait de vache, il existe un marché de niche pour ces beurres auxquels on attribue de nombreux bienfaits prouvés ou non. Ces allégations de santé sont cependant à relativiser. La consommation de ces beurres a pu être importante en Asie centrale et au Moyen-Orient.
La margarine autrefois appeléebeurre végétal n'a plus droit à cette appellation. Pour les rendre solides et tartinables, les graisses sonthydrogénées[40]. En plus de rendre la préparation végétale « facile à tartiner », les graisses hydrogénées permettent d'augmenter la durée de conservation.
Une plaquette de beurre. L’emballage particulier permet une plus longue conservation au réfrigérateur.
Le beurre a une durée de conservation limitée : 2 à 3 mois pour le beurre standard pasteurisé au réfrigérateur, 15 jours à 3 semaines pour le beurre cru. Il est sensible à la réaction d’oxydation par l’oxygène de l’air qui dégrade ses composants. L’oxydation est encore plus rapide sous l’effet des rayonsultraviolets ou de lachaleur. Le beurre est alors rance, il est caractérisé par ungoût et une odeur généralement jugés désagréables en Occident mais qui peut être appréciée : auTibet, on l’ajoute authé, en Afrique du Nord, lesmen est un produit traditionnel recherché. Pour limiter lerancissement, le beurre doit donc être conservé au réfrigérateur dans un emballage fermé, à l’abri de l’air et de lalumière.
Le beurre salé et le beurre demi-sel se conservent plus longtemps que le beurre doux grâce à la présence dusel,conservateur naturel.Historiquement l'usage du beurre salé était généralisé, mais l'instauration de lagabelle en a découragé l'incorporation, sauf dans les régions côtières qui étaient exemptées[41].
Le beurre salé se conserve à la température de la pièce pendant 2 ou 3 jours et au moins 8 semaines au réfrigérateur. Le beurre non-salé se conserve au réfrigérateur jusqu’à 8 semaines.
Au Moyen-Âge, les mottes de beurre étaient conservées dans des pots de grès, recouvertes d'eau salée[42].
En retirant l'eau et les ingrédients non lipidiques du beurre, on obtient du beurre concentré,butteroil ou huile de beurre semblable aubeurre clarifié[18] qui se conserve mieux que le beurre. Il est surtout conservé en fûts sous atmosphère d'azote ou de CO2.
Pour obtenir du beurre pasteurisé et allonger sa durée de conservation, on chauffe le lait (ou la crème) à72 °C pendant 15 secondes[44].
lebeurre Charentes-Poitou[46], fabriqué à partir de crème produite dans les départements de la région ainsi qu’enVendée. Ce beurre est parfois appelé beurre des Charentes ou beurre des Deux-Sèvres ;
Il est riche envitamine A. Il contient également de lavitamine D et de lavitamine E[48]. Avec plus de730kcal pour 100 g, il est très énergétique. Le beurre contient 63 % d'acides gras saturés, 26 % d’acides gras mono-insaturés et 3,7 % d’acides gras poly-insaturés[33]. De plus, le beurre contient ducholestérol, un peu de protéines et d'eau[48].
Le beurre fond progressivement entre 20 et 38 degrés Celsius, selon l'effet additif de la fusion de ses composants, le beurre étant un mélange de triglycérides dont la composition moyenne change selon l'alimentation de la vache[51]. Techniquement, il s'agit d'une plage de fusion[52].
Une large étude prospective de cohorte publiée en 2025, comprenant 221’054 adultes suivis entre 1990 et 2023 (durée de suivi moyen de 33 ans), a montré qu’une consommation plus élevée de beurre était associée à une mortalité totale et une mortalité due au cancer plus élevées, alors qu’une consommation plus élevée d’huile végétale (de soya, de colza et d’olive) était associée à une mortalité totale, due au cancer et cardiovasculaire plus faible, et ceci après de multiples ajustements pour des facteurs confondants. Le remplacement de la consommation de beurre par des huiles végétales permettrait de réduire le risque de mortalité[54].
La législation sur la protection des beurres a évolué enFrance à partir de laRévolution. Dans un premier temps les préoccupations de l’époque de la rédaction duCode pénal de 1810 ne sont pas à la protection des produits du terroir ; avec le bouleversement économique consécutifs à l’essor industriel du milieu duXIXe siècle, le législateur en vient à prendre en considération de nouveaux impératifs. Comme levin ou lesengrais, le beurre bénéficie alors d’une protection spécifique destinée notamment à enrayer la chute de son cours à l’exportation[55]. La découverte de lamargarine étant un évènement décisif dans la mise en place de cette législation spécifique, nous pouvons avec Christophe Gris distinguer deux périodes[56]. La première va de1810 à1887, le législateur se contente alors d’une répression centrée sur la vente frauduleuse. La seconde va de1897 à1980, le législateur met en œuvre progressivement, sur le modèle du vin, des mécanismes préventifs pour éviter que des beurres destinés à la fraude ne soient fabriqués. C’est l’émergence d’encouragements à la production de produits de qualité aujourd’hui connus sous le titre d’appellation d'origine contrôlée.
Au Moyen Âge, « celui qui vend le beurre » s'appelle lebeurrier avant de désigner auXVIe siècle, le pot[57].
Après laRévolution française, la protection des beurres n’est pas organisée de façon spécifique. En effet, l’article 423 duCode pénal de 1810 dispose« quiconque aura trompé l’acheteur sur le titre des matières d’or ou d’argent, sur la qualité d’une pierre fausse vendue pour fine, sur la nature de toute marchandise ; quiconque par l’usage de faux poids, de fausses mesures aura trompé sur la quantité de chose vendue… ». Ce texte général est utilisé pour les fraudes courantes. Par exemple, il n’est pas rare d’augmenter le poids du beurre par le mouillage. Le mouillage est obtenu en augmentant la quantité d’eau naturellement contenue dans la crème lors du barattage. Le beurre est chargé d’eau. Il est plus lourd lors de la vente, ce qui permet de faire de meilleurs profits avec la même quantité de lait. Pour caractériser l’infraction il faut que la marchandise soit exposée à la vente, et il faut montrer que l’agent ait eu la volonté de tromper l’acheteur. Que faire si la marchandise est stockée, et non exposée ? Que faire lorsque le marchand se défend en disant« qu’il ne savait pas » ? Le beurre est frelaté par despommes de terre, dusuif, de lafarine, de lacraie, ou de l’acétate de plomb(II). Dans son rapport fait au nom de la commission d’initiative parlementaire, Riché s’exprime en ces termes :« Si quelques marchands d’une conscience molle soudoient la complaisance des domestiques des maisons riches, il est plus regrettable encore que la spéculation immorale exploite l’ignorance ou la timidité des enfants qui vont faire des achats pour les petits ménages. […] On sait combien la probité, dont la campagne devrait être le dernier asile est parfois étrangère à l’origine du lait »[58].
En1851, une loi est votée en vue de réprimer les corruptions et falsifications des denrées alimentaires. L’intérêt de ce texte est de déplacer la charge de la preuve. En effet, la simple constatation de la falsification renverse la présomption d’innocence, et de bonne foi, du vendeur. Il devra se défendre en montrant qu’il a lui-même été trompé ; qu’il ignorait la falsification. La question s’est posée de savoir si l’ajout de borate de soude dans le beurre devait être entendu comme une falsification, dans la mesure où il s’agissait d’un conservateur dont l’usage était répandu dans la profession. La jurisprudence considéra qu’il n’y a pas de falsification si cette addition est faite en proportion suffisamment faible[59].
Une fois les contours de l’infraction cernés, il fallait mettre en œuvre des mécanismes cohérents desanction pénale. Or la répression duCode pénal de 1810 des tromperies était subordonnée à l’existence d’un contrat de vente. Quelle ménagère allait porter plainte pour une fraude portant sur son quart de beurre ? Dans son rapport, Riché expose la situation suivante :« Les individus remettent souvent à la société le soin de les protéger ; la perspective de supporter éventuellement des frais glace d’ailleurs les parties civiles ». Le rapporteur nous le précise : en1848, d’après la statistique criminelle, il y a eu 113 affaires de tromperies sur la nature, dans lesquelles ont comparu 143 prévenus. Seulement 4 parties civiles ont été jointes aux actions publiques[60]. La loi de 1851 ne vise plus seulement la vente, mais encore la mise en vente d’une marchandise falsifiée ou corrompue. Et de plus en plus l’idée suivant laquelle les marchands sont responsables des produits qu’ils vendent commence à apparaître. Encore une fois sous la plume de Riché, l’on peut lire ceci :« Puisque la perte résultant de la détérioration doit tomber sur quelqu’un, elle doit s’arrêter au marchand qui, n’étant pas consommateur n’éprouvera qu’un dommage pécuniaire, et que l’attention à laquelle sa profession l’oblige pourrait souvent préserver de tout dommage ».
Initialement les sanctions prévues étaient des amendes ou la prison. La loi de 1851 ajoute des mesures de publicité de la sanction, aux frais du condamné, sur les murs de son établissement. La loi de 1851 prévoit de plus la confiscation des machines ayant permis de constituer la fraude.
La margarine est inventée par le françaisHippolyte Mège-Mouriès né le àDraguignan d’un père instituteur[61]. Il fait partie d’un service du gouvernement français chargé d’effectuer des recherches pour l’amélioration des produits alimentaires.« Une tâche très précise lui est confiée. Il doit mettre au point un produit susceptible de remplacer le beurre, de coûter moins cher, et se conservant mieux ». Selon Alphen, deux faits montrent queNapoléon III encouragea particulièrement ses travaux. D’une part, à la lecture du brevet[62], l’on remarque la formulation :« Cette étude qui a été entreprise sous une Haute inspiration ». D’autre part, Mège fut autorisé à poursuivre ses expériences à laFerme impériale de la Faisanderie dans lebois de Vincennes. On le sait, Napoléon III était particulièrement préoccupé par les difficultés des plus humbles. Mège observe ceci : lorsque les vaches sont soumises à un jeûne prolongé, elles continuent à produire du lait. Il en déduit que les éléments nécessaires à la fabrication du lait ne se trouvent pas directement dans l’alimentation des vaches mais dans leur graisse. Par divers procédés de broyage et de pression il va réussir à séparer lastéarine de l’oléomargarine[63]. Les fabricants de margarine proposent à la vente un produit dont l’aspect est très proche de celui du beurre. Ils les nomment« beurre factice »,« beurrine »,« beurre bon marché »,« simili-beurre », de sorte qu’il ne s’agit ni d’une tromperie ni d’une falsification. Des beurresrances sont mélangés à la margarine, et les pratiques frauduleuses se multiplient d’autant plus que les experts ont le plus grand mal à détecter avec certitudes toutes lesfraudes, surtout lorsque moins de dix pour cent de margarine est mélangé au beurre[64].
Bien que conscient de la perte de valeur du beurre du fait de la margarine, le législateur est lent à mettre en œuvre une loi spéciale. Une loi serait tant le moyen de protéger les beurres de la fraude, que la margarine de qualité qui est attaquée par la mauvaise réputation. Le mot beurre doit désigner une substance précise :« C’est tromper l’acheteur que de lui vendre ce produit nouveau sous le nom de beurre »[65]. Le préfet de Paris, dans son rapport du[66] précise que « le point de fusion de la margarine est abaissé par l’addition de certaines huiles végétales dans des proportions variables. Les huiles animales n’étant jamais assez neutres au goût pour passer inaperçues, les fraudeurs utilisent la partie solide de l’huile d'olive, decoton, desésame, ou encore lagraisse demaïs. La propriété de ces huiles est de dissoudre les cristallisations de la margarine. ». Le but est d’éviter que la fraude ne soit détectée par les experts. Les conséquences seront catastrophiques pour la margarine, et le beurre. Une véritable crise de confiance s’installe, et la loi de1887 ne parvient pas à rassurer. Jusque-là, il revenait au ministère public d’établir la preuve de l’intention frauduleuse lorsque le beurre était mélangé avec de la margarine. Désormais, il y a une présomption de fraude à l’égard de toute personne détenant une substance altérée. Le vendeur a l’obligation d’informer l’acheteur que la substance qu’il lui vend n’est pas du beurre. L’article 1 est ainsi rédigé :« Il est interdit d’exposer, de mettre en vente, de vendre, d’importer ou d’exporter sous le nom de beurre de la margarine… ». Or la loi ne définit pas ce qu’est le beurre. Le beurre salé est-il du beurre ? La margarine est-elle tout le reste ? La loi ne sanctionne pas les noms de fantaisie qui continuent à se multiplier. Le législateur doit à nouveau intervenir. Il met dix ans à le faire avec la loi de1897.
Dans le commerce, réserver l’appellation « beurre » aux seuls produits issus de lacrème, nécessite la mise en place de moyen coercitifs destinés à vérifier si la loi est bien respectée.
Dans la loi de1897, le beurre est enfin défini et il est désormais interdit« de désigner sous le nom de beurre avec ou sans qualificatif, tout produit qui n’est pas exclusivement fait avec du lait ou de la crème… »[67]. Il y a un déplacement de l’infraction de l’exposition à la désignation. C'est-à-dire qu'il suffit de contrôler la marchandise désignée sous le nom de beurre, et si elle contient autre chose que les composés du lait, l’infraction est constituée. À cette séparation de droit, la loi ajoute une séparation de fait. Les pains de margarine doivent être identifiés par un conditionnement spécifique. Les points de vente ne doivent pas être les mêmes, et les locaux doivent-être identifiés par des enseignes spéciales. Les fabriques de margarine doivent se déclarer, et à ce titre elles ont obligation d’être contrôlées en permanence par, au moins, un inspecteur indépendant.
La loi de 1897 crée un corps d’inspecteurs spécialement départis à la surveillance de la fabrication et du commerce du beurre et de la margarine. Leur rôle est avant tout de dissuader les fraudeurs. Ce sont des agents nommés par le ministère. Ils sont choisis parmi les agents des contributions indirectes[68]. Leur rôle est double. Ils veillent tant à l’intégrité des relations commerciales qu’à la santé publique. Ils ont un grand pouvoir d’investigation, et à ce titre, ils sont tenus à la discrétion. Ils ne doivent pas révéler les secrets de fabrication dont ils auraient connaissance dans l’exercice de leurs fonctions[69]. La fraude des beurres ne peut bien souvent s’établir qu’à la suite d’une constatation scientifique. Il faut alors procéder au prélèvement d’échantillons destinés à être analysés. La circulaire du vient encadrer les modalités de prélèvement. À la suite de ce prélèvement, l’inspecteur dresse un procès-verbal dont un exemplaire est remis à l’exploitant contrôlé.
Les efforts législatifs réalisés en direction de la protection du beurre vont conduire à l’amélioration notable de la qualité des produits mis en vente sur les marchés.
La répression devenant de plus en plus présente, les fabricants sont obligés de réagir. Un assainissement notable des marchandises est constaté. Par ailleurs, tout un commerce nouveau émerge. En effet des entreprises proposent aux laiteries-beurreries des appareils variés destinés pour les uns à contrôler le lait lors de l’achat, pour d’autres à améliorer le rendement en évitant les gaspillages. De nombreux ouvrages plaident pour une meilleure hygiène. Des écoles destinées à former les exploitants sont créées. C’est le cas par exemple de l’école professionnelle de laiterie deSurgères en1906. Des revues sont publiées, comme laRevue générale du lait, mais aussi des ouvrages destinés à accompagner l’exploitant d’une laiterie beurrerie, comme celui de RenauxManuel pratique de laiterie-beurrerie.
Si la loi de 1897 était particulièrement efficace pour lutter contre les falsifications que pouvait subir le beurre du fait de son mélange avec la margarine, en revanche, elle était totalement inopérante pour la lutte contre les autres suppositions. La loi de 1905 en est le complément nécessaire. La loi de 1905relative à la répression des fraudes dans la vente de marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles est une avancée considérable. Pour la première fois, une marchandise est protégée en raison de sa provenance, de son origine. Sont considérées comme des tromperies les manœuvres ayant pour but de faire croire au consommateur qu’il achète un produit qui provient de telle région alors qu’il provient de telle autre, à condition de montrer que la cause de la vente était l’origine du produit. Elle instaure elle aussi des contrôles, et un mode de prélèvement propre des échantillons. Or celui-ci n’est pas le même que celui de la loi de 1897, ce qui pose des problèmes de procédure. En effet, suivant qu’il s’agit d’une fraude par addition de margarine, ou par addition d’huile végétale par exemple, la procédure à utiliser à peine de nullité du prélèvement n’est pas identique. Cela pose en pratique d’énormes difficultés, si bien que le législateur intervient avec la loi du 23 juillet 1907 pour harmoniser les procédures.
Sur le modèle de la protection des vins le beurre ne va plus seulement bénéficier d’une protection contre la fraude, mais encore, les meilleurs bénéficieront d’une valorisation. Avec la loi de 1919, un nouveau mode de protection des marchandises est mis en place. Les tribunaux civils sont saisis par les particuliers, et ils délimiteront des appellations d’origine. Il s’agit d’une protectiona posteriori ouverte à toute personne « qui prétendra qu’une appellation d’origine est appliquée à son préjudice direct ou indirect et contre son droit à un produit naturel ou fabriqué et contrairement à l’origine de ce produit, ou à des usages locaux, loyaux et constants ». Pour se prévaloir d’un préjudice, il faut donc montrer un usage indu d’une appellation. En 1979, l’appellation « beurreCharentes-Poitou », « beurre desCharente », « beurre desDeux-Sèvres » est protégée à la condition de respecter un cahier des charges très précis[70].
La protection par l’appellation d'origine contrôlée, c’est avant tout l’histoire de laFrance. Ce n’est pas la simple protection d’une graisse alimentaire vis-à-vis d’une autre, c’est encore la confrontation de deux conception du commerce. Le beurre s’oppose à la margarine en ce sens que le beurre est obtenu à partir du lait, c’est-à-dire à partir d’un produit de la vache destiné à transmettre la vie. À l’inverse, la margarine est fabriquée à partir de la graisse des bovins, c’est-à-dire à partir d’un animal mort. D’un côté l’on accompagne un processus naturel, de l’autre l’homme crée, transforme : c’est l’industrie. L’industrie suscite la méfiance. La margarine devait lutter contre le mythe de l’artisanat à la française, et ainsi, dans l’introduction d’un ouvrage destiné aux professionnels de la beurrerie, l’on pouvait lire :« Nous n’avons l’intention de traiter que de la fabrication dans la ferme modeste de nos campagnes ; ce livre s’adresse au plus grand nombre, aux petits cultivateurs, à la fermière qui fait elle-même le beurre qu’elle va vendre, à cette bonne ménagère qui est toujours toute disposée à faire bien, et qui, une fois instruite et suffisamment renseignée, ne demande pas mieux que d’apporter les plus grands soins à ce travail dont la réussite et les bénéfices font son légitime orgueil[71]. »
En France, il faut noter que le beurre bénéficie de laTVA à taux réduit (5,5 %) commune à presque tous les produits alimentaires tandis que lesmargarines et matières grasses végétales continuent à se voir imposer par exception la TVA à taux normal (20 %)[72].
Les périodes decanicule traversées par la France à l'été 2025 ont affecté la fabrication du lait. Une étude publiée en juillet dans la revueScience Advances a montré que la chaleur extrême réduisait le rendement laitier jusqu’à 10 %, avec des effets qui persistent pendant plus de dix jours. À cela s'est ajoutée lafièvre catarrhale ovine, qui a décimé les troupeaux depuis le début de l’été.La baisse de la production laitière est aussi due à la chute du nombre de producteurs laitiers. Selon Yohann Barbe, président de laFédération nationale des producteurs de lait (FNPL), « Certains arrêtent ou ne trouvent pas de repreneurs », « Cela fait plus d’un an qu’on est passé sous la barre des 50 000 productions laitières ». Benoît Gavelle, secrétaire général adjoint de l’Union des producteurs de lait déplore qu'« avec un revenu faible, on a découragé les producteurs de lait ». Cette crise des vocations inquiète le secteur : selon Yohann Barbe, « La France pouvait produire 24 milliards de litres de lait et assez de matière grasse. Aujourd’hui, on en produit 23 milliards. Il nous manque ce milliard de litres de lait aujourd’hui »[73].
Les vieux débats entre beurre et matière grasse végétale ont trouvé une place élargie de discussion dans l'Union européenne. L'harmonisation des définitions des produits laitiers n'est pas encore parfaite mais le Règlement 1234/2007[74] (remplacé par le Règlement 1308/2013[75]) réserve bien le terme « beurre » aux produits laitiers. Des exceptions pour « usage traditionnel » sont prévues, par exemple pour lebeurre de cacao, lebeurre de cacahuètes, qui ne contiennent pas de beurre, la liste des exceptions pouvant évoluer[35]. Par ailleurs, il existe des beurres non laitiers et non alimentaires comme lebeurre de karité. Au Canada on emploie le terme « beurre d'érable » pour un produit obtenu en concentrant du sirop d'érable, qui ne contient aucune matière grasse.
La fabrication du beurre est particulièrement surveillée par les autorités sanitaires[76].Les signes de qualité prévus par la législation française (AOC etIGP) sont repris par la réglementation européenne sous les noms de AOP (Appellation d'Origine Protégée) et IGP, et protégés dans l'ensemble de l'Union européenne[77].
Iolanthe rêveuse, bas-relief en beurre par Caroline S. Brooks (1840-1913)
LaTour de Beurre de lacathédrale de Rouen est une tour en pierre jaune en forme de motte de beurre construite de 1485 à 1506 et dont les frais de construction ont été couverts par les dispenses perçues sur les fidèlesrouennais pour pouvoir manger du beurre en période decarême.
Le beurre fait l'objet chaque année d'unpardon dans la chapelle Notre-Dame-du-Krann àSpézet en Bretagne. La statue de la Vierge est revêtue pour l'occasion d'une cape de couleur crème et des mottes de beurre sculptées lui sont offertes.
↑Pour clarifier le beurre, il faut le faire fondre à feu très doux de manière que les graisses, la caséine et le petit-lait se séparent puis à retirer la caséine et le petit-lait du beurre fondu.
↑Le pourcentage de sel acceptable n'est pas défini dans la réglementation française. Cependant, le beurre d'intervention ne peut avoir une teneur en sel supérieure à 2 % (appendice 2). Le pourcentage de sel est indiqué dans la liste d'ingrédients selon la règle « QUID ».
↑Pour une biographie complète de Mège, voir J. Van Alphen,in la margarine; histoire et évolution 1869-1969 sous la direction de J.H. Stuijvenberg, Paris, Dunod, 1969.
↑Brevet B.F. 86480, déposé au ministère de l’Agriculture le 15 juillet 1869.
↑J. Fritsh,La Fabrication de la margarine et des graisses alimentaires, Paris, H. Desforges, 1905.
↑Pierre Dornic,Le Contrôle industriel du lait, Paris, J. B. Baillières et fils, 1932.
↑J.O. Doc. Parl. Séance du 11 mars 1886, annexe 514,p. 1728.
↑J.O. Doc. Parl. Séance du 10 juillet 1886, annexe 1025, p. 457-annexe I
↑Jean-Baptiste Duvergier,Collection complète de lois, décrets, ordonnances et règlements, 1897.
↑A. Chirade, E. Moreau, R. Lezé,La Fabrication pratique du beurre, Caen, La Société française d’encouragement à l’industrie laitière, 1886. Collection électronique de la bibliothèque municipale de Lisieux.http://www.bmlisieux.com.