Les étapes de la carrière de Berthe Morisot ne sont pas très marquées, car elle détruit toutes ses œuvres de jeunesse. C'est à peine si l'on discerne une influence d'Édouard Manet ou de Pierre-Auguste Renoir vers la fin de sa vie[2].
Berthe Morisot est une « rebelle ». Tournant le dos très jeune à l'enseignement académique, elle fonde avecClaude Monet,Auguste Renoir,Alfred Sisley,Camille Pissarro,Edgar Degas le groupe d'avant-garde les « Artistes Anonymes Associés », qui va devenir laSociété anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs regroupant des impressionnistes. Sa volonté de rupture avec les traditions, la transcendance de ses modèles, et son talent font d'elle« la grande dame de la peinture » selon l'historienne Anne Higonnet[3].
Berthe Marie Pauline Morisot naît le à trois heures du soir[4] àBourges où son père,Edmé Tiburce Morisot, est préfet du département duCher.
Berthe avait deux sœurs. L'une, Yves (1838-1893), devint plus tard Madame Théodore Gobillard, peinte par Edgar Degas sous le titreMadame Théodore Gobillard,Metropolitan Museum of Art[5] (Yves est bien un prénom féminin ici[6]).
Sa deuxième sœur,Edma (1839-1921), pratiquait la peinture avec Berthe qui fit son portrait en 1865 (collection privée)[7],[8]. Les deux sœurs exposèrent ensemble pour la première fois au Salon en 1864[9], mais Edma abandonna ses pinceaux aussitôt après son mariage en mars 1869[10] avec le lieutenant de vaisseau Adolphe Pontillon. 1869 est en effet l'année de deux portraits par Berthe de sa sœur mariée : dans l'un, elle est assise dans un fauteuil confortable devant une porte-fenêtre donnant sur un balcon, dans l'autre, elle est assise avec une ombrelle sur un parapet du port deLorient où son mari était affecté (reproduit dans le catalogue de l'expositionFrench Paintings (collections Mellon) Washington, National Gallery of Art, 1966,no 93 et 95).
Les sœurs Morisot avaient aussi un frère, prénommé Tiburce comme leur père, dont on sait seulement qu'il est né le 11 décembre 1845 à Limoges[11] et qu'il était inspecteur général à laCompagnie des wagons-lits au moment de son mariage en octobre 1887[12].
Berthe Morisot n'a pas de lien familial avec le peintreJean Honoré Fragonard, contrairement à ce qui a longtemps été supposé[13].
Au début des années 1850, Edme Tiburce Morisot, démis de ses fonctions par le nouveau régime impérial, s'installe avec sa famille àPassy près de Paris et intègre, dans la capitale, d'abord le Crédit foncier, puis en 1855, laCour des comptes. Berthe et ses sœurs reçoivent une instruction soignée dans des établissements parisiens très réputés : leCours Lévi et plus tard celui ouvert en 1853rue de Verneuil parMlle Adeline Desir. Leur mère leur fait également donner des leçons de piano[14].
La mère des sœurs Morisot leur avait offert des leçons de peinture pour faire une surprise à son mari qui, lui-même, avait étudié l'architecture et était amateur d'art. Selon les souvenirs rapportés par Tiburce, le jeune frère de neuf ans, l'enseignement deGeoffroy-Alphonse Chocarne, dans le style néo-classique, ne plaisait pas du tout aux jeunes filles. Et comme l'École des beaux-arts n'était pas ouverte aux femmes, Madame Morisot trouva un autre professeur,Joseph Guichard, dont Edma et Berthe apprécièrent beaucoup l'enseignement[6]. C'est le père qui rapporte les propos enflammés que Joseph Guichard tenait à son épouse sur le talent de ses filles :« Avec des natures comme celle de vos filles, ce ne sont pas des petits talents d'agrément que mon enseignement leur procurera ; elles deviendront des peintres. Vous rendez-vous bien compte de ce que cela veut dire ? Dans le milieu de la grande bourgeoisie qui est le vôtre, ce sera une révolution, je dirais presque une catastrophe. Êtes-vous bien sûre de ne pas me maudire un jour ? »[15].
Cependant, après avoir rencontré lescopistes auLouvre, notammentFantin-Latour qui s'enthousiasmait pourBoisbaudran et ses méthodes originales, Edma et Berthe demandèrent à Guichard des leçons de peinture en plein air. Guichard les confia aupaysagisteAchille Oudinot qui les confia à son tour à son amiCorot[16].
La famille Morisot loua une maison àVille-d'Avray, pendant l'été, pour que les jeunes filles puissent peindre auprès de Corot, qui devint bientôt un familier de leur domicile parisienrue Franklin[2]. Comme il était opposé à toute forme d'enseignement traditionnel, on ne sait pas si Corot donna souvent des leçons aux jeunes filles, et dans quel lieu[17]. On remarque néanmoins que Berthe tient de lui sa palette claire et son goût pour les traces apparentes de pinceaux, ou pour les petites études de paysages[18].
Paysage (aquarelle), 1867, nouvelle étude deChaumière en Normandie (1865) par Berthe Morisot.Vue du petit port de Lorient, 1869, par Berthe Morisot.
En 1863, il y eut un phénomène qui devait marquer l'histoire de l'art : leSalon de peinture et de sculpture accepta les toiles deJean-Baptiste Camille Corot. Mais il refusa un si grand nombre d'artistes parmi les cinq mille qui présentaient des œuvres[19], et cela créa un tel scandale que l'empereur ouvrit un autre Salon : leSalon des refusés[20].
Cette agitation n'empêchait pas les sœurs Morisot de préparer leur premier envoi au Salon de 1864. Les Morisot louèrent une ferme dans un quartier dePontoise nommé « Le Chou », sur les bords de l'Oise, près d'Auvers-sur-Oise. Edma et Berthe furent alors présentées àCharles-François Daubigny,Honoré Daumier etÉmile Zola[2]. Pour son premier envoi, Berthe Morisot fut admise au Salon avecSouvenir des bords de l'Oise etUn vieux chemin à Auvers, Edma Morisot avec une scène de rivière à la manière deCorot[21]. Deux critiques d'art remarquèrent les tableaux des sœurs et notèrent l'influence de Corot, mais on leur accorda peu d'attention[22].
L'année suivante, l'envoi de Berthe Morisot au Salon de 1865 fut remarqué parPaul Mantz, critique d'art à laGazette des beaux-arts, qui y voyait« beaucoup de franchise et de sentiment dans la couleur et la lumière[2] », appréciation qui contraste avec celle qu'il va porter en 1881 sur la peinture lorsqu'elle montrera plus d'audace dans son style[23],[24]. Il est vrai que jusqu'en 1867, Berthe Morisot présentait encore des œuvres qui ne dérangeaient pas[25] commeLa Brémondière, scène de rivière aujourd'hui disparue. Il reste un de ses premiers chefs-d'œuvre,Chaumière en Normandie (collection particulière), où son talent éclate dans la manière de strier la toile de troncs d'arbres pour faire apparaître en arrière-plan des vues d'une chaumière[7].
Au salon de 1867, elle présente le tableauVue de Paris prise des hauteurs du Trocadéro (Santa Barbara Museum of Art,Californie)[26], qui donne à Manet l’idée de peindre saVue de l’Exposition Universelle de 1867 (Nasjonalgalleriet,Oslo). Mais elle n'est pas contente de son travail car elle écrivit à Edma que« (…) comme arrangement, cela ressemble à du Manet. Je m'en rends compte et je suis agacée[27] ». Au Louvre, les sœurs Morisot ont rencontréÉdouard Manet avec les copistes. Berthe devient son élève et son modèle favori[28]. Les parents Morisot donnaient des soirées où ils rencontraient les Manet. Madame Manet-mère donnait également des soirées où elle recevait les Morisot, et tout ce monde se retrouvait encore aux soirées de monsieur de Gas (père d'Edgar Degas) où étaient présentsCharles Baudelaire,Emmanuel Chabrier,Charles Cros,James Tissot,Pierre Puvis de Chavannes[29]. Cette bourgeoisie d'avant-garde était alors très mondaine. On apprit par madame Loubens (surtout connue pour le portrait que Degas a fait d'elle[30]) que Degas avait été amoureux d'Edma Morisot, et que Manet avait exprimé de l'admiration pour son travail. Le salon des Morisot était fréquenté par un nombre croissant de célibataires, parmi lesquels se trouvaitJules Ferry auprès duquel Tiburce Morisot dénonça les dangers dubaron Haussmann et ses projets urbains grandioses[31]. Les deux sœurs avaient confié des toiles au marchandAlfred Cadart, dont elles attendaient beaucoup et qui se révéla décevant[32] mais madame Morisot s'inquiétait moins, désormais, pour la carrière de ses filles que pour le choix de leurs époux : Yves venait d'épouser en 1866 Théodore Gobillard, un fonctionnaire mutilé d'un bras pendant lacampagne du Mexique. Edma épousa deux ans plus tard Adolphe Pontillon, officier de marine, ami de Manet, avec lequel elle partit pour la Bretagne[29].
Après avoir passé un dernier été avec ses deux sœurs en Bretagne, chez Edma, Berthe Morisot commença une carrière indépendante. Elle peignit une vue de larivière de Pont-Aven à Rozbras, exposée l'année suivante au Salon de 1868, avec les toiles d'Edma, qui exposait encore. La plupart des critiques — saufÉmile Zola, ardent défenseur de Manet — négligèrent, cette année-là, les œuvres de Berthe et d'Edma Morisot. À cette époque, le mépris pour les femmes peintres atteignait des sommets, et Manet écrivait àFantin-Latour :« Je suis de votre avis, les demoiselles Morisot sont charmantes, c'est fâcheux qu'elles ne soient pas des hommes. Cependant, elles pourraient, comme femmes, servir la cause de la peinture en épousant chacune un académicien et en mettant la discorde dans le camp de ces gâteux[33]. »
La Lecture (intitulé aussi : Madame Morisot et sa fille, Madame Pontillon) (1869-1870).Berthe Morisot au soulier rose peinte parÉdouard Manet en 1872, Hiroshima Museum of Art.
DeLorient, en 1869, Berthe Morisot rapporta une toile représentant Edma Morisot, intituléeJeune femme à sa fenêtre (Madame Pontillon),National Gallery of Art[35]. Berthe Morisot adoptait là un style qui rappelait une scène de genre d'Alfred Stevens, tout en faisant preuve d'une bien plus grande liberté. Manet venait alors de commencer une toile semblable de plus grand format, et il éprouvait les plus grandes difficultés à traiter le visage de son modèleEva Gonzalès, qui s'était également mis en tête de devenir son élève : Manet s'y reprit trente fois[36]. Frustré, il s'acharnait sur le petit portrait d'Edma souhaitant que Berthe le retravaillât[36]. Mais il en faisait les plus grands éloges[37]. Le tableau fut d'ailleurs admis au salon de 1870 en même temps qu'un autre tableau de Berthe Morisot, de plus grand format, représentant madame Morisot-mère et Edma, intituléMadame Morisot et sa fille, Madame Pontillon, également intituléLa Lecture, National Gallery of Art. Manet était intervenu à outrance sur ce tableau, ce qui déplut àMme Morisot mère, laquelle écrivit le 20 mars 1870 :« Pour mon compte, je trouvais atroces les améliorations que Manet avait fait subir à ma tête. Le voyant dans cet état, Berthe me disait qu'elle préférait le voir au fond de la rivière plutôt que d'apprendre qu'il était reçu[38]. » Berthe Morisot n'appréciait pas les interventions du peintre sur cette toile et elle la retoucha discrètement avant de l'envoyer au salon[38]. Il semble que les critiques aient été au courant des interventions excessives de Manet, raison pour laquelle ils gardèrent sur cette œuvre un silence discret, ce qui irrita Manet. Berthe Morisot ne lui tint pas rigueur de cet épisode et leur amitié resta intacte[39]. Manet avait une tendance à « s'approprier » Berthe Morisot, qu'il avait déjà fait poser pour son tableauLe Balcon et qu'il choisit souvent comme modèle, notamment juste après ses fiançailles avecEugène Manet et juste après leur mariage (le 22 décembre 1874 à 9 h du matin à la mairie du16e[40],[41]).
Le, éclatait laguerre entre la France et laPrusse. Les frères Manet[note 1], Degas,Félix Bracquemond et d'autres artistes étaient engagés dans laGarde nationale. Berthe Morisot accepta de partir pourSaint-Germain-en-Laye avec sa mère, mais après avoir rejoint Edma à Cherbourg où elle peignit, elle refusa de quitter la France et revint à Paris quelques mois plus tard[29] alors que les combats s'intensifiaient autour de Paris et que la santé de la jeune fille était mise à rude épreuve. Berthe Morisot cessa de peindre pendant un temps. De Cherbourg, elle avait rapportéLe Port de Cherbourg, 1871, collection particulière[42],Femme et enfant assis dans un pré, 1871[43],Au Bord de la forêt, 1871[44].
Berthe Morisot par Édouard Manet (1872).« Ses yeux étaient si puissamment obscurs que Manet, pour en fixer toute la force ténébreuse et magnétique, les a peints noirs au lieu de verdâtres qu’ils étaient. » Paul Valéry.Femme et enfant au balcon par Berthe Morisot (1872).
Il y eut ensuite un chassé-croisé d'influences mutuelles, d'emprunts parfois imperceptibles, de Manet à Morisot et inversement. Entre 1871 et 1872, Morisot réalisa un tableau représentant sa sœur, Edma Pontillon avec sa nièce Paule, sous le titreFemme et enfant au balcon (collection particulière[45]). Edma est de profil et l'enfant, de dos, tourné vers Paris, reprend une idée que l'artiste avait déjà traitée dans une des aquarelles de Cherbourg :Femme et enfant assis dans un pré 1871, où l'enfant a également le dos tourné. L'année suivante Manet reprit la silhouette de l'enfant vue de dos, qui regarde au loin, à travers une grille dans sonChemin de fer, National Gallery of Art[46], mais la balustrade verte de Berthe Morisot rappelle celle duBalcon de Manet.
Berthe Morisot aimait tant son tableau qu'elle en fit une copie à l'aquarelle (Art Institute of Chicago)[47]. Le personnage de dos apparaît souvent dans ses toiles. Par ce procédé, elle donnait aux portraits de famille un aspect moins affecté, qui inaugurait un nouveau genre déjà expérimenté avec la toileIntérieur, 1871[48]. La femme de profil au premier plan voit l'enfant écarter le rideau de la fenêtre, mais la lumière du jour est si forte que toutes les formes sont dissoutes[49], ce qui lui vaudra d'être refusé au Salon de 1872.
L'atelier de Berthe Morisot àPassy avait été endommagé par la guerre. Elle cessa de peindre un temps et préféra poser pour Manet qui, déprimé par la guerre et les dégâts de la syphilis, n'arrivait plus à travailler[50]. De cette période dateBerthe Morisot au chapeau noir, 1872, collection particulière.
Au début de l'année 1872, par l'intermédiaire d'Alfred Stevens, le marchandPaul Durand-Ruel vint dans l'atelier de Manet et lui acheta vingt deux toiles. Au début juillet, Morisot demanda à Manet de montrer un de ses paysages de bord de mer àDurand-Ruel qui acheta :L'Entrée du port de Cherbourg,musée Léon-Alègre,Bagnols-sur-Cèze[51], et trois aquarelles de Berthe Morisot dontLa Jeune Fille sur un banc (Edma Pontillon), 1872,National Gallery of Art, puis en 1873,Vue de Paris des hauteurs du Trocadéro qu'il revendit à un prix respectable àErnest Hoschedé négociant et collectionneur[52].
Peu à peu, Berthe Morisot allait s'écarter des couleurs sombres deManet pour adopter des couleurs de plus en plus claires.
La maîtrise de Berthe Morisot commençait à subjuguer ses camarades qui la reconnaissaient comme une artiste à part entière, en particulierEdgar Degas[53]. Elle commençait à se détacher des couleurs un peu sombres pour adopter des tons de plus en plus clairs, qu'elle tenait de Corot. Parfois ses couleurs étaient éclatantes comme sur la toileIntérieur que le jury du salon de 1872 refusa, ce qui indignaPuvis de Chavannes. Manet qui suivait toujours de très près le travail de Morisot se laissa peu à peu influencer par les teintes claires deLa Petite fille aux jacinthes, pastel, 1872, deJeune fille assise sur un banc (Edma Pontillon), 1872, et duBerceau, 1872,Musée d'Orsay envoyé au salon de 1872[53].
Le Berceau marque une étape dans l'évolution de Berthe Morisot :« La façon dont Berthe peint cette enfant avec des blancs détrempés, des gris frottés et des petits points roses parsemés sur le bord du tissu suppose un pinceau extraordinairement libre qui contraste avec les traits nettement dessinés de la mère[54]. »
À l'été 1874, Berthe Morisot passa ses vacances àFécamp avec Edma, ses enfants, et des amis de la famille qui posèrent pour elle. En vacances non loin de là,Eugène Manet, âgé de quarante et un ans, venait parfois peindre aux côtés de Berthe Morisot et surtout la courtisait. Le 22 décembre suivant, elle l'épousait[58] à la mairie puis à l'église de Notre-Dame-de-Grâce dePassy[59]. Cette année-là, Édouard fit de Berthe deux magnifiques portraits,Portrait de Berthe Morisot à l'éventail (palais des beaux-arts de Lille), où Berthe Morisot apparaît en deuil après la mort de son père en janvier. On distingue néanmoins sa bague de fiançailles sur la main gauche et l'éventail est replié. L'autre portrait est intituléBerthe Morisot à l'éventail, musée d'Orsay[49] présente l'artiste le visage caché derrière son éventail.
Dans la salle à manger, 1886, National Gallery of Art, Washington[60].Eugène Manet à l'île de Wight, 1875, Musée Marmottan-Monet, Paris[61].Dans les blés, 1875, musée d'Orsay, Paris.Percher de blanchisseuses, 1875, National Gallery of Art.Femme à sa toilette, 1875.Femme en noir (Avant le théâtre), 1875, Musée national de l'Art occidental, Tokyo[62].
Le Salon de 1873 avait été houleux. Les artistes qui s'étaient vus refuser leurs travaux se plaignaient des choix conservateurs du jury. Berthe Morisot n'eut qu'un seul tableau acceptéBlanche, œuvre très conventionnelle qui représentait sans douteBlanche Pontillon bébé[63],[64]. Mais déjà, un groupe d'artistes composé de Monet, Pissarro, Sisley, Degas, avaient signé une charte le 27 décembre 1873[65], projetant d'organiser une coopérative :La Société des artistes français, qui allait prendre le nom deSociété anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs à laquelle Berthe Morisot adhéra après la mort de son père[note 2]. Elle abandonnait le Salon officiel pour les expositions impressionnistes dont elle allait être l'un des éléments marquants[53]. Ceci en dépit des conseils de Puvis de Chavannes, et du refus de Manet, qui venait de recevoir une médaille au salon de 1873 et qui ne voulait pas se joindre au groupe,« ...prouvant ainsi que pour être admis, il faut faire au goût officiel d'énormes concessions[66] ». Les discussions étaient vives[67].
LaPremière exposition des peintres impressionnistes eut lieu dans lesSalonsNadar, 35boulevard des Capucines, là où se trouvaient les anciens ateliers du photographe Nadar. Vingt neuf artistes y participaient, Berthe Morisot étant la seule femme[65]. Une semaine avant l'ouverture de l'exposition, Puvis de Chavannes lui envoya une lettre pour la mettre en garde contre le fiasco de cette entreprise. Mais rien n'arrêta la jeune artiste[52]. Elle affirmait ainsi son indépendance vis-à-vis de Manet qui s'était détourné de cette exposition contestataire. Parmi les huiles qu'elle envoya chez Nadar, il y avaitLe Berceau (musée d'Orsay),Le Port de Cherbourg,La Lecture,Cache-cache, parmi les pastels :Portrait de mademoiselle Madeleine Thomas,Le Village de Maurecourt,Sur la Falaise, pastel, département des arts graphiques, musée du Louvre[53],[68]. D'après le catalogue de l'exposition, Berthe Morisot exposa quatorze huiles, trois pastels et trois aquarelles[69].
Trois mille cinq cents visiteurs se bousculèrent, la critique vint en nombre. La plus remarquée fut celle parue le 25 avril dansLe Charivari signéeLouis Leroy, qui, reprenant dans son article le titre d'un des tableaux de MonetImpression, soleil levant, donna son nom au mouvement impressionniste :« ... Mais l'impression, devant le boulevard des Capucines […] En voilà de l'impression ou je ne m'y connais pas […] Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, c'est qu'il y a de l'impression là-dedans[70]. »
Eugène soutenait déjà Berthe à l'été 1874, au moment où la presse ridiculisait la jeune femme, l'accusant de se donner en spectacle[67]. Mais Berthe Morisot poursuivait avec ardeur dans la voie qu'elle avait choisie. Elle s'affirmait, abandonnant un tableau dont le fond n'était pas terminé :Portrait de madame HubbardOrdrupgaard museum de Copenhague, et le conservant pour le vendre, alors qu'autrefois, elle aurait détruit une œuvre inachevée[71]. Elle participa à une vente aux enchères àDrouot où douze de ses œuvres furent vendues[72].
Ce fut un scandale.Renoir racontait qu'un détracteur avait qualifié Berthe Morisot deprostituée et quePissarro lui avait envoyé son poing dans la figure, ce qui avait déclenché une bagarre[73],[74]. La police fut appelée en renfort[75].
Manet encourageait les journalistes à apporter leur soutien à cette vente, alors que le journalLe Figaro dénonçait les tendancesrévolutionnaires et dangereuses de la première exposition impressionniste dans une violente diatribe signéeAlbert Wolff. Le journaliste traitait les artistes d'aliénés :« Il y a aussi une femme dans le groupe comme dans toutes les bandes fameuses ; elle s'appelle Berthe Morisot et est curieuse à observer. Chez elle, la grâce féminine se maintient au milieu des débordements d'un esprit en délire[76]. » Eugène Manet avait l'intention de le provoquer en duel, mais Berthe Morisot et ses camarades le détournèrent de ce projet[76].
Des œuvres de cette époque s'appliquent à décrire, dans des formats plus petits, le monde ouvrier queZola célébrait, et que Monet, Pissarro et Degas choisirent aussi pour sujet à partir de 1875. Morisot elle-même participa de cette tendance avec un de ses tableaux les plus réussis :Percher de blanchisseuses, 1875, National Gallery of Art, Washington. Cette année-là, Eugène fut contraint d'être le modèle de Berthe (il détestait poser) pour le tableau :Eugène Manet à l'île de Wight, Musée Marmottan-Monet[77].
Morisot, désormais plus sûre d'elle, chercha à vendre ses toiles. Édouard et Eugène Manet l'encouragèrent à les envoyer à la galerie Dudley de Londres qui n'en exposa aucune[78]. En revanche, Hoschedé acheta chez Durand-RuelFemme à sa toilette, scène d'intérieur inondée de lumière et traitée à grands traits, collection particulière[79]. Certains critiques d'art,Arthur Baignières surtout, commentaient l'évolution de son style en regrettant qu'elle poussât aussi loin la recherche impressionniste :« Elle pousse le système impressionniste à l'extrême et nous le regrettons d'autant plus qu'elle possède des qualités rares comme coloriste. Plusieurs de ses toiles représentent des vues de l'île de Wight et on ne peut pas les reconnaître […] Mademoiselle Morisot est une impressionniste si convaincue qu'elle peut peindre jusqu'au mouvement de chaque chose inanimée[80],[74]. »
Eugène Manet et sa fille dans le jardin de Bougival.La Psyché, 1876 musée Thyssen-Bornemisza.Bateaux sur la Seine, 1879.Roses trémières, 1880, musée Marmottan.Le Port de Nice, 1881, Dallas Museum of Art.Jour d'été, 1879, National Gallery, Londres.Bords de Seine, 1883,Galerie nationale d'Oslo.
Les expositions de ceux que Wolff qualifie « d'aliénés » se poursuivent jusqu'en 1886, avec beaucoup de difficultés, mais beaucoup d'enthousiasme. Il y en eut huit, la troisième financée parGustave Caillebotte[81]. Berthe Morisot participe à toutes sauf à la quatrième (1879), car elle a fort à faire avec sa filleJulie née le 14 novembre 1878. Les femmes peintres sont brillamment représentées cette année-là parMarie Bracquemond etMary Cassatt[82].
Elle est en passe de devenir une des figures de proue du groupe impressionniste, en même temps que l'AméricaineMary Cassatt, venue vivre à Paris en 1874[83]. Mais la critique conventionnelle s'offusque de sa peinture « féminine », saufMallarmé qui lui apporte un soutien enthousiaste[86].
Toutefois, les tableaux de Morisot intéressent moins les critiques d'art que ceux de Renoir, de Caillebotte, ou de Monet. Ils parlent surtout de« […] ses exquises harmonies blanches et argentées[87] » que l'on trouve dansRêveuse, pastel sur toile, 50,2 × 61 cm,Nelson-Atkins Museum of Art, Kansas city, Missouri[88], ou dansLa Toilette (Jeune femme de dos à sa toilette), huile sur toile 60 × 80 cm, 1875,Art Institute of Chicago[note 3].
Les œuvres présentées en1877 lui valent les compliments relatifs de Paul Mantz :« Il n'y a, dans tout le groupe révolutionnaire, qu'une impressionniste, c'est Madame Berthe Morisot[76] », et ceux deThéodore Duret qui classait la jeune femme dans« Le groupe primordial des impressionnistes[76] ».
En avril 1880, lors de lacinquième exposition qui se tient 10rue des Pyramides, Morisot présenteJours d'été, huile sur toile 46 × 75 cm, 1879,National Gallery,Londres, etHiver, 1880, huile sur toile 73,5 × 58,5 cm,Dallas Museum of Art[89]. Pendant cette période, les toiles de Morisot engagent un dialogue avec Manet :Jeune fille de dos à la toilette de Morisot répond àDevant la glace de Manet,Jour d'été (le lac du Bois de Boulogne) de Morisot répond àEn bateau de Manet[90]. Les critiques trouvent les toiles de l'un et de l'autreinachevées.
Dès 1881, pour la sixième exposition du groupe, Berthe Morisot etMary Cassatt apparaissent comme les chefs de file de la nouvelle tendance impressionniste aux yeux des critiques : pour la première fois dans toute l'histoire de l'art, des femmes sont considérées comme les maîtres incontestés d'un mouvement d'avant-garde[24].
Morisot fait preuve d'encore plus d'audace que les années précédentes, ce qui indigne deux critiques qui l'avaient appréciée jusque-là : Paul Mantz etCharles Ephrussi :« Madame Morisot a fini par exagérer sa manière au point d'estomper des formes déjà imprécises. Elle ne fait que des débuts de débuts ; le résultat est curieux, mais de plus en plus métaphysique. Il faut évidemment des talents de coloristes pour tirer du néant cette délicatesse[24]. » Charles Ephrussi est scandalisé par les pastels :« Un pas de plus et distinguer ou comprendre quoi que ce soit deviendra impossible[91]. »
À partir de 1880, Berthe Morisot et sa famille passent tous leurs étés dans une maison de campagne de Bougival, et, à partir de 1881, ils résident plusieurs hivers à Nice. Ces deux lieux inspirent à Berthe Morisot un grand nombre de toiles qu'elle présente aux dernières expositionsrévolutionnaires.
DeNice, elle ramèneLe Port de Nice huile sur toile en deux versions et deux formats[92],[93] collection particulière, et une troisième format 38 × 46 Dallas Museum of Art;Plage à Nice 1881-1882, aquarelle sur papier 42 × 55 cm, Nationalmuseum Stockholm[94].
Bougival est une source d'inspiration encore plus importante. Son tableau le plus ambitieuxLe Jardin (1882-1883) huile sur toile, 99,1 × 127 cm,Sara Lee Corporation est sans doute exposé à Londres par Durand-Ruel[95]. Morisot réalise encoreLe Quai de Bougival 1883Nasjonalgalleriet Oslo,Eugène Manet et sa fille dans le jardin.
Enfants à la vasque, 1886. Musée Marmottan ManetJulie et son lévrier, 1893.Bergère nue couchée, 1891.Le Flageolet, 1890.Deux jeunes filles, 1894.
Vers 1886-1887, Berthe Morisot se mit à explorer de nouvelles techniques : sculpture, pointe sèche, qui constituaient un défi pour la coloriste virtuose qu'elle était[97]. Elle réalisa en 1886 un buste en plâtre blanc de sa fille Julie, que Monet et Renoir l'encouragèrent à exposer chezGeorges Petit chez qui ils avaient exposé eux-mêmes. Petit était un homme d'affaires avant tout : il demandait aux artistes de lui laisser une partie de leurs œuvres en compensation de ses frais. Morisot accepta ses exigences, mais Petit ne réussit pas à vendre une seule de ses sept œuvres parmi lesquelles se trouvait le buste de Julie, etPaule Gobillard en robe de bal, un portrait de sa nièce,Paule Gobillard (1869-1946) artiste peintre également son élève, tout dans les tons de blanc[98]. Berthe Morisot lui laissaLe Lever[99].
Le couple Manet était à ce moment-là dans le Sud de la France. De retour à Paris, Berthe Morisot loua une maison àMézy au nord-ouest de Paris[104]. Elle constatait que la santé d'Eugène qui souffrait d'une forme pulmonaire de la syphilis n'était pas bonne et elle peignit très peu pendant un temps.« Elle trouvait qu'elle et son mari avaient vieilli prématurément et elle éprouvait de la nostalgie au spectacle de sa fille et de ses nièces qui apprenaient à dessiner, peindre, jouer de la musique. Berthe sentait venir la fin de sa vie[105]. » Dans une lettre à Edma, elle exprime dans son testament le désir que Mallarmé soit le tuteur de Julie[105].
La santé d'Eugène Manet, âgé de59 ans, déclinait de plus en plus. Il mourut le 13 avril 1892.Stéphane Mallarmé devint le tuteur deJulie Manet[108].
Berthe Morisot avait décliné l'invitation du Groupe des Vingt pour l'exposition de Bruxelles du début 1892, mais Eugène l'avait poussée à organiser une grande exposition individuelle à la galerie Boussod et Valladon[109]. Cette galerie, fondée parAdolphe Goupil n'était pas favorable aux impressionnistes. Elle fit de la résistance assez longtemps, même lorsqu'elle fut reprise par Bousod, le mari de la petite fille de Goupil, et Valadon, son beau-frère. Elle ne commença à s'ouvrir aux impressionnistes que sous l'influence éphémère deThéo van Gogh[110].
L'exposition rencontra un accueil très favorable. Degas lui dit que sa peinture vaporeuse cachait un dessin de plus en plus sûr, ce qui était le compliment suprême[111].Gustave Geffroy deLa Vie artistique lui consacra des pages très élogieuses[111]. L'année suivante, Morisot rendit visite à Monet, à Giverny, pour admirer ses cathédrales et pour conjurer sa tristesse : sa sœur, Yves Gobillard, venait de mourir en 1893, et Chabrier, en 1894[112] Berthe Morisot se consacra à la représentation de sa fille Julie, de ses nièces, Paule et Jeanne Gobillard :Le Patinage au bois de boulogne[112] (1894). Caillebotte ayant légué sa collection au musée du Luxembourg pour y faire entrer l'impressionnisme, on s'aperçut qu'il ne possédait pas une seule toile de Berthe Morisot. Sur instance de Mallarmé, l'État français acquit pour le musée du LuxembourgJeune Femme en toilette de bal[112] pour que l'une des figures de proue du mouvement impressionniste soit représentée.
Berthe Morisot qui habita de 1883 à 1892 (?) au 40, rue de Villejust, tomba malade à la mi-février 1895. Elle avait, selon certaines biographies, une congestion pulmonaire[113], ou une grippe, contractée en soignant sa fille du même mal[112]mais contaminée par son époux, elle souffrait probablement de la même forme de syphilis pulmonaire depuis plusieurs années ce que le politiquement correct ne pouvait énoncer[réf. nécessaire]. Elle mourut le au10, rue Weber àParis à10 heures du soir[114], et légua la plupart de ses œuvres à ses amis artistes :Degas,Monet,Renoir. Malgré sa riche production artistique, le certificat de décès mentionnait : « sans profession ». Elle est enterrée dans le caveau des Manet aucimetière de Passy où il est simplement gravé : « Berthe Morisot, veuve d'Eugène Manet ».
La mort de l'artiste n'entraîna cependant pas la dispersion du groupe impressionniste ; elle fut au contraire l'occasion d'échanges entre les membres en rappelant la cohésion[115] ; ses compagnons de lutte aimaient et protégeaient sa fille, Julie, dont Mallarmé était le tuteur et que Renoir emmenait peindre avec lui. Degas maria Julie en 1900 au fils d'Henri Rouart,Ernest Rouart[112].
Pour le premier anniversaire de sa mort, du 5 au 21 (ou 23) mars 1896, Durand-Ruel, aidé de Degas, Rouart et de sa filleJulie Manet organisèrent une rétrospective de ses œuvres[112] d'environ trois cents à quatre cents toiles[note 4].
Paul Valéry, qui épousa sa nièce, Jeanne Gobillard, écrivit un essai sur Berthe Morisot en 1926[116] et le dédicaça àÉdouard Vuillard[117]. Il dira plus tard« La singularité de Berthe Morisot fut de vivre sa peinture et de peindre sa vie, comme si ce lui fut une fonction naturelle et nécessaire, liée à son régime vital, que cet échange d'observation contre action, de volonté créatrice contre lumière[112]. »
Pour le premier anniversaire de sa mort, du 5 au 21 (ou 23) mars 1896,Durand-Ruel, aidé de Degas, Rouart et de sa filleJulie Manet organisent une rétrospective de ses peintures, aquarelles, pastels, dessins et sculptures qui compte plus de quatre cents pièces[2].
En 1983, Elizabeth Kennan,rectrice duMount Holyoke College et C. Douglas Lewis, conservateur du département de sculptures de laNational Gallery of Art, qui admirent la peinture de Berthe Morisot, décident, pour célébrer le cent cinquantième anniversaire de la création du Mount Holyoke College, d'organiser une grande rétrospective des œuvres de l'artiste à la National Gallery of Art et dans deux autres musées américains. Par ailleurs, les quatre principaux mécènes ducollege ont été parmi les premiers à collectionner les œuvres de Berthe Morisot[118],[note 5]. Ils ont été les pionniers d'une reconnaissance que, selon Sophie Monneret, on ne lui accordait pas par sexisme[réf. nécessaire]. Les années 2000 voient une forme deréhabilitation de Berthe Morisot. LePalais des Beaux-Arts de Lille et laFondation Gianadda deMartigny accueillent en 2002 une grande rétrospective de ses œuvres[119]. Lemusée Marmottan lui consacre une rétrospective de mars à août 2012 : c'est la première rétrospective qu'on lui accorde à Paris depuis un demi-siècle[120] (la précédente étant celle duMusée Jacquemart-André en 1961[121]). D'autres expositions monographiques mettent en valeur l'artiste auprès du public européen : la Fondation Denis et Annie Rouart àLausanne en 1997 et le musée deLodève en 2006[122]. En 2018-2019, une tournée nord-américaine (Musée national des beaux-arts du Québec,Fondation Barnes etMusée d'Art de Dallas) et parisienne (Musée d'Orsay) est organisée[123].
C'est au cours d'une perquisition, au siège de l'Institut Wildenstein, diligentée en marge d'une des multiples affaires de détournement dont les Wildensteinpère etfils sont accusés[124],[125] que les inspecteurs de la brigade financière découvrent, les 11 et 12 janvier 2011[126] la toile de Berthe Morisot intituléeChaumière en Normandie,1865, huile sur toile 46 × 55 cm[32].
Lors de l'inventaire de la succession, les académiciens Daulte et Wildenstein avaient décroché les tableaux ornant les murs de l'appartement d'Anne-Marie Rouart et les avaient étalés sur le sol pour qu'ils ne soient pas considérés commemeubles meublants[127], et ne soient pas rendus à l'héritier légitime, Yves Rouart.
À la suite de cette manœuvre de spoliation, orchestrée par les exécuteurs testamentaires de la succession d'Anne-Marie Rouart, cette toile avait été détournée au détriment de son neveu, Yves Rouart.Chaumière en Normandie avait été déclarécollection privée sur le catalogue - qui faisait autorité absolue[note 6] - deDaniel Wildenstein. Parmi les pièces majeures provenant de la succession d'Anne-Marie Rouart, il y a une très belle collection d'œuvres de Berthe Morisot. Les autres œuvres comprenaient des Gauguin, Degas, et des Manet.
Selon le testament de madame Rouart, la plus grande partie de cette énorme collection allait à l'Académie des beaux-arts, et une autre à Yves Rouart, petit-fils de Julie Manet. Ce dernier n'avait jusque-là jamais pu obtenir que quelques œuvres mineures répertoriées par les exécuteurs testamentaires ; ces derniers, Jean-François Daulte, Daniel Wildenstein et le filsGuy Wildenstein de ce dernier, étant censésprotéger la collection dans les coffres de l'Institut Wildenstein[128].
C'est seulement en 2011, que laChaumière en Normandie est enfin réapparue et qu'Yves Rouart a pu lancer une procédure pour l'obtenir. Cette toile avait été inscrite au catalogue Wildenstein sous l'intitulé vaguecollection privée sans mention du nom de sa propriétaire d'origine, ni du lieu d'où elle avait été décrochée, ni de celui de son héritier en droit.
Yves Rouart qui avait dans un premier temps assigné l'Académie des beaux-arts et signé en 2000 un protocole d'accord révisable avec les exécuteurs testamentaires, a contesté ce protocole[129],[130].« S'il s'avère que la très belle collection de Morisot doit être retirée du musée Marmottan, ce serait une grande perte pour le public et pour l'État français[131] ». La collection d'Anne-Marie Rouart comprenait en outre le célèbre portrait de Berthe Morisot parManet. Il devait être vendu pour payer la succession par les exécuteurs testamentaires. L'État français s'est opposé à la vente de cette œuvre à l'étranger et l'a rachetée pour plusieurs millions d'euros. C'est aujourd'hui une des pièces maîtresses du musée d'Orsay[132].
Cette sélection est issue de celle de l'ouvrageBerthe Morisot de Charles F. Stuckey[note 7], William P. Scott, et Suzanne G. Lindsay[note 8], elle-même issue du catalogue raisonné établi par Marie-Louise Bataille, Denis Rouart, etGeorges Wildenstein en 1961. Il y a des variations entre les dates d'exécution des œuvres, les dates de leur exposition, ou les dates d'achat des œuvres de Berthe Morisot, et des confusions entre les titres notamment lesPorts.
Des débuts à l'engagement impressionniste (1864-1874)
Portrait de Madame Pontillon,1871, pastel sur papier 81,5 × 65,8 cm,musée du Louvre, cabinet des dessins[142] legs de Madame Edma Pontillon attribué au Louvre en 1921, actuellement dans les collections du musée d'Orsay[143].
Liste non exhaustive. Les sources indiquées donnent accès à la visualisation des œuvres. Les lieux sont classés par ordres alphabétiques (pays puis ville et noms).
Avec plus de vingt-cinq musées rassemblant une cinquantaine de peintures et aquarelles, les États-Unis sont le pays où la présence des œuvres de Berthe Morisot est la plus importante.
2002, " Berthe Morisot 1841-1895 " à Lille,Palais des Beaux-Arts et Martigny,Fondation Gianadda, du 10 mars au 9 juin 2002 et du 20 juin au 19 novembre 2002.
L'écrivain allemand d'expression françaiseMika Biermann a publié en janvier 2021 aux éditions Anacharsis une fiction apocryphe intituléeTrois nuits dans la vie de Berthe Morisot.
MoniqueAngoulvent,Berthe Morisot, Villeneuve-Saint-Georges, Albert Morancé, préface deRobert Rey, réédité en 1955 chez Lefèvre.
AdolpheTabarant,Manet : lettres du siège de Paris 1870-1871, Paris, Le Mercure de France,.
Musée de l'Orangerie (Paris),Catalogue de l'exposition Berthe Morisot (1841-1895), avec une préface dePaul Valéry, Paris: impr. d'Aulard, été 1941,54 p.
DenisRouart,The correspondance of Berthe Morisot with her family and friends : traduction de Betty W. Hubbard, Paris 1950, New York 1957, Londres 1959 et 1986, Camden Press,, 277 p.(ISBN0-948491-08-6).
Philippe Huisman,Berthe Morisot, Lausanne/Paris : Bibliothèque des Arts, coll. « Polychrome », 1962 (rééd. 1995).
H. Wilhelm, S. Patry, S. Patin, J-D Ray, H. Loyrette, L. Gianadda,Berthe Morisot, Paris, Fondation Pierre Gianada / Edition de la réunion des Musées Nationaux,(ISBN2-88443-069-5 et2-88443-070-9).
Benoît Noël et Jean Hournon, « Berthe Morisot - la Seine à Bougival (le Bal des Canotiers) », in:Parisiana, la Capitale des arts auXIXe siècle, Paris, Les Presses Franciliennes, 2006,pp. 94-99.
Jean-Dominique Rey et Sylvie Patry,Berthe Morisot, Paris, Flammarion,, 204 p.(ISBN978-2-08-124422-1).
↑en avril ou mai 1974, les biographies se contredisent sur la date exacte, le père étant mort le 24 janvier 1874, elle attendit la fin de son deuil
↑Certaines toiles de Berthe Morisot sont au catalogue de plusieurs expositions impressionnistes parce qu'elles ont été exposées plusieurs fois avant d'être vendues ou non
↑Selon les biographies, les dates de l'exposition et le nombre exact des œuvres varient légèrement. Le catalogue en ligne de la bibliothèque de Lisieux annonce plus de363 œuvres, Sophie Monneret, environ trois cents, Stuckey, Scott et Lindsay, plus de quatre cents.
↑Il s'agissait de personnalités de la haute finance : Chester Dale, Monsieur et Madame Whitney, Ailsa Mellon Bruce, Paul Mellon, l'exposition de 1987 était financée par laRepublic National Bank of New York rachetée en 1999 parHSBC qui ne pratique pas le mécénat culturel
↑voir les références au catalogue raisonné des œuvres de Berthe Morisot rédigé avec Marie-Louise Bataille et Denis Rouart, époux d'Anne Marie Rouart, publié en 1961 cité dans cet article
↑Charle F. Stuckey a publié plusieurs ouvrages sur les impressionnistes :Berthe Morisot,Claude Monet,Peinture impressionnistes et post-impressionnistes au musée d'Orsay
↑Suzanne G. Lindsay a aussi publié un ouvrage sur Mary Cassatt et un sur les sculptures de Degas
↑Ce tableau est souvent confondu avecL'Entrée du port de Cherbourg acheté en 1874 par Durand-Ruel, ou avecLe Port de Cherbourg
↑Née en 1959, Anne Higonnet a étudié au Harvard College et aumusée du Louvre en 1980-81, elle a obtenu plusieurs postes successifs à la Yale University, à l'université Columbia, professeurhonoris causa à l'université Paris I, avant d'obtenir le poste de directrice du département d'histoire de l'art au Barnard College.
↑a etbThe National Museum of Western Art, Independent Administrative Institution National Museum of Art, « Woman in Black (Before the Theater) »(consulté le).
↑Roger-Ballu,L'exposition des peintres impressionnistes dans : la Chronique des arts et de la curiosité 9 avril 1877, p.147, cité parStuckey, Scott Lindsay,p. 71.