Bent Larsen est considéré comme le meilleur joueur d'échecs ayant jamais vu le jour au Danemark, et le meilleur joueur deScandinavie jusqu'à l'émergence deMagnus Carlsen dans les années 2000. Dans la seconde moitié des années 1960 et au début des années 1970, Larsen était, avecBobby Fischer, considéré comme le meilleur joueur non-soviétique dans le monde. Il fait pourtant partie, à l'instar dePaul Keres,David Bronstein ouViktor Kortchnoï, des joueurs du sommet de l'élite qui dominèrent leur époque mais qui ne devinrent jamais champions du monde.
Bent Larsen naît à Tilsted, proche de la ville deThisted auDanemark. Il apprend à jouer aux échecs à l'âge de 7 ans, avec l'aide d'un camarade de classe.
Ses études l'orientent vers une carrière d'ingénieur civil, mais il ne décrochera jamais son diplôme et décide en 1956 de devenir joueur d'échecs professionnel. En 1960, il fait une dernière tentative pour passer un examen d'ingénieur, tout en disputant le soir le mémorialNimzowitsch àCopenhague.
Après une coupure due à son service militaire de 1961 à 1963, il se consacre par la suite entièrement aux échecs.
En 1980, il fait la connaissance de sa seconde épouse àBuenos Aires. À partir de cette époque, il vit enArgentine.
En 1952, il remporta l'open des maîtres dans le championnat du Danemark àHerning avec 6,5 points sur 7 (+6 =1). L'année suivante, il termina3e-6e du championnat danois de 1953 àHorsens avec 6 points sur 11.
En 1954, il gagna le premier de ses six titres de champion duDanemark àAarhus (+7 -2 =2). Il conserva son titre les années suivantes : en 1955 àAalborg (+9 =2) ; en1956 à Copenhague (+8 =3) et en 1959 à Aarhus (+8 =2). En 1960 à Copenhague, il perdit le match de départage pour la première place avec Borge Andersen. Par la suite, il remporta le championnat en 1963 et 1964.
En 1954 à Copenhague, il remporta un tournoi d'entraînement, battit Bent Kolvig en match et fit match nul avecOlaf Barda. Il devintmaître international en 1954 à l'âge de 19 ans, grâce à sa performance (médaille de bronze obtenue au premier échiquier) à l'Olympiade d'Amsterdam (+11 -3 =5).
En 1955, Bent Larsen remporta le championnat de Copenhague (+6 =3),ex æquo avec Ravn ; le championnat des pays nordiques àOslo (+8 -2 =1),ex æquo avec Olafsson et le tournoi des jeunes maîtres (moins de 25 ans) deZagreb,ex æquo avec le Suisse Edwin Bhend, devant Istvan Bilek et Matulovic. ÀGöteborg, il perdit un match contre Gosta Danielsson deSuède : 0-2. À la fin de l'année, il finit deuxième du tournoi du nouvel an de Stockholm (+4 -1 =4). Au début de 1956, il battitFriðrik Ólafsson lors du match de départage pour le championnat des pays nordiques àReykjavik par le score de 4,5–3,5 (+4 -3 =1).
En 1956, il gagna le tournoi international de Copenhague par le score de 8/9 (+7 =2), le tournoi deHanko en Finlande (+3 =4),ex æquo avec Matti Rantanen et devant Stahlberg, et le tournoi international deGijón (+6 =3) devantKlaus Darga,Jan Hein Donner,Albéric O'Kelly de Galway etJesús Díez del Corral. Il obtint le titre degrand maître international en1956, après l'Olympiade de Moscou où il réalisa la meilleure performance (avec 13,5 points sur 19) et obtint la médaille d'or au premier échiquier. Il réussit à annuler sa partie contre le champion du monde de l'époque,Mikhaïl Botvinnik. À la fin de l'année, il remporta letournoi de Hastings 1956-1957,ex æquo avec Gligoric et devant Olafsson et O'Kelly.
En 1957, il ne marqua que 5 / 13 lors de l'olympiade universitaire de Reykjavik, où participait au premier échiquier le futur champion du mondeMikhaïl Tal et perdit un match contre l'Allemand de l'EstWolfgang Uhlmann àFredericia ; il finit3e-4e du tournoi zonal deWageningue en octobre-novembre 1957 (victoire de Szabo devant Olafsson) et3e-4e àDallas en novembre-décembre 1957 (victoire de Gligoric et Reshevsky).
En 1958-1959, il participa à plusieurs tournois où participaient les grands maîtres internationaux soviétiques et américains mais sans succès : il finit seizième (avec 8,5 sur 20) dutournoi interzonal dePortoroz en août-septembre 1958. En, il termina huitième sur dix (avec 4 points sur 9) lors dutournoi de Beverwijk remporté par Olafsson. En avril 1959, il finit avant-dernier dumémorial Tchigorine àMoscou remporté par Smyslov, Bronstein et Spassky devant Filip, Portisch et Vassioukov. En mai-juin, il fut5e-6eex æquo avec Olafsson du tournoi deZurich, remporté par Tal devant Gligoric,Fischer et Kérès. À la fin de l'année, Larsen fit une pause pour être lesecondant de Fischer lors dutournoi des candidats de 1959. Il revint dans les tournois en remportant le tournoi de Beverwijk en 1960, à égalité avecTigran Petrossian, puis il finit quatrième du mémorialNimzowitsch à Copenhague.
Tournois zonaux, interzonaux et matchs des candidats (1957 à 1982)
Larsen était plus à l'aise en tournoi qu'en match et les matchs des candidats pour le titre mondial ne lui réussirent guère. Il disputa neuf matchs lors des cycles des candidats dont deux matchs de départage. Il remporta trois quarts de finale (en 1965, 1968 et 1970) et deux matchs de classement pour la troisième place (en 1966 et 1969). Il perdit trois demi-finales des candidats (en 1965, 1968 et 1971) et un quart de finale (en 1977).
En 1971, après avoir été battu sèchement 6 à 0 par Bobby Fischer lors du match de demi-finale des candidats pour lechampionnat du monde d'échecs 1972, Larsen échoua à se qualifier pour le cycle suivant des candidats en 1973 et il cessa d'être un prétendant dangereux pour le titre mondial.
De l'automne 1961 à l'automne 1963, Bent Larsen accomplit son service militaire[3], mais obtint une permission pour disputer le tournoi deMoscou 1962 et le tournoi zonal deHalle 1963.
Après sa deuxième place au tournoi zonal de Halle, en 1963, il effectua son retour en 1964 lors du tournoi interzonal d'Amsterdam qui fut un succès et une surprise pour les commentateurs, puisqu'il partagea la1re-4e place avecMikhaïl Tal,Vassily Smyslov etBoris Spassky, et devançaDavid Bronstein,Leonid Stein etSamuel Reshevsky avec un score de 17/23 (+13 -2 =8). Il fut le seul non-Soviétique à occuper une des six premières places et se qualifia pour lesmatchs des candidats.
En 1965, il éliminaBorislav Ivkov en quarts de finale des candidats (+4 -1 =3) avant d'être battu en demi-finale par Tal (+2 -3 =5).
Le succès revint à l'interzonal deBienne en1976 où Bent Larsen s'adjugea la première place devant Petrossian, Tal et Portisch (+8 -2 =9), ce qui lui ouvrit les portes des matchs des candidats.
Mais, en 1977 il disparut dès les quarts de finale des candidats, éliminé parLajos Portisch (+2 -5 =3).
1979 et 1982 : septième et sixième de l'interzonal
De la fin des années 1950 aux années 1970, Bent Larsen comptait parmi les favoris des compétitions auxquelles il participait et il remporta de nombreux tournois[4].
Winnipeg au Canada : 6 / 9 (+3 =6),ex æquo avecKlaus Darga et devant Kérès, Spassky et Benko ;
l'interzonal de Sousse en Tunisie : 15,5 / 21, devant Geller, Kortchnoï, Gligoric et Portisch ;
Palma de Majorque : 13 / 17, devant Smyslov, Botvinnik, Portisch, Gligoric et Ivkov.
Grâce à ces succès, Larsen fut le premier récipiendaire de l'Oscar du meilleur joueur de l'année, récompense honorifique alors nouvellement créée et attribuée par les journalistes spécialisés.
En1968, Larsen porta sa série de victoires à sept tournois en remportant
Monte-Carlo1968 (9,5 / 13), devant Botvinnik, Hort, Portisch, Smyslov,Byrne et Benko ;
La série s'arrêta en décembre1968 au tournoi de Palma de Majorque1968 remporté parViktor Kortchnoï 14 points sur 17. Larsen finit deuxième avec 13 / 17, en devançant Spassky et Petrossian.
En1969, Larsen remporta deux tournois importants :
Büsum (11 / 15, devant Polougaïevski, Gligoric, Ivkov, A. Zaïtsev et Bobotsov)
Palma de Majorque (12 / 17, devant Petrossian, Hort, Kortchnoï et Spassky),
En avril-mai1970, Larsen finit dernier,ex æquo avec Botvinnik, du tournoi quadrangulaire de Leyde remporté par Spassky devant Donner. En mai-juin, il battit en matchLubomir Kavalek 6 à 2 (+5 -1 =2). La même année il remporta les tournois suivants :
Lugano en mars (9,5 / 14, devant Olafsson, Unzicker, Gligoric, R. Byrne et Szabo),
Saint-Jean de Terre-Neuve en juillet-août (championnat open du Canada, 9,5 / 10, devant Browne et Benko),
Boston en août (championnat open des États-Unis, 10,5 / 12, devant Benko, R. Byrne et Browne)
Vinkovci en octobre (10,5 / 15, devant Bronstein, Gligoric, Hort, Velimerovic, Petrossian et Taïmanov).
En novembre-décembre1970, il termina deuxième de l'interzonal de Palma de Majorque remporté par Fischer, puis perdit contre Fischer son match de demi-finale des candidats en juillet1971 après avoir battuWolfgang Uhlmann en demi-finale (en mai-juin). À la fin de l'année1971, il finit sixième-septième dutournoi de Palma de Majorque remporté par Ljubojevic et Panno.
Larsen prit aussi les places d'honneur de nombreux autres tournois prestigieux : en mai-juin 1972, Larsen termina2e-3e du tournoi de Las Palmas (victoire de Portisch)[6], puis, en août 1972, il finit2e-6e du championnat open des États-Unis àAtlantic City (New Jersey, victoire de Browne). En avril 1976, il finit deuxième du tournoi de Las Palmas remporté par Geller. En mai 1977, il finit deuxième du tournoi de Las Palmas remporté par Karpov. En juin 1979, Larsen finit deuxièmeex æquo dumémorial Milan Vidmar remporté par Timman (en avril-mai 1979, il fut dernier du super-tournoi deMontréal).
Dans les années 1980, il occupa les deuxièmes places autournoi de Bugojno en1980 (derrière Karpov) et à Niksic en1983 (derrière Kasparov).
Larsen défendit les couleurs du Danemark au cours de six éditions et joua toujours au premier échiquier. À la différence des autres grands maîtres de son niveau qui se faisaient souvent remplacer, il présentait la particularité de jouer un nombre élevé de parties en participant à presque toutes les rondes des Olympiades.
À partir de1972, Larsen refusa de participer aux compétitions par équipes organisées par laFédération internationale des échecs pour protester contre la prise en compte des résultats individuels des participants lors de ces compétitions dans le calcul de leurclassement Elo. Il considérait que seul le résultat collectif des équipes devait compter.
Pour la rencontre de 1970 àBelgrade, il était initialement prévu que l'américainBobby Fischer jouât au premier échiquier de la sélection internationale. Mais Larsen fit valoir que ses résultats des années passées étaient supérieurs à ceux de l'Américain (Fischer n'avait disputé qu'une seule partie en 1969 et effectuait sa rentrée en compétition) et revendiqua le droit d'être à la tête des adversaires de l'URSS. Il menaça même de se retirer si sa demande n'était pas acceptée. Fischer accepta cependant d'occuper le deuxième échiquier. Certains commentateurs s’étonnèrent de ce choix (étonnant par rapport à sa personnalité), comme si Fischer évitait d’affronter le champion du mondeBoris Spassky au1er échiquier.
Finalement, Larsen fut opposé à Spassky. Leur match se solda par une égalité : Larsen remporta une partie, fit une nulle et perdit une partie (+1 -1 =1). Le champion du monde, en méforme, fut remplacé parLeonid Stein lors de la quatrième ronde (sous le prétexte d'une légère maladie) ; Larsen remporta cette dernière partie et finit le tournoi sur le score global de 2,5 points sur 4 (+2 -1 =1).
En1971, le Danemark disputa la phase préliminaire de cette compétition, mais ne put se qualifier pour phase finale deBath en1973. Larsen y marqua 5 points sur 6 (+1 -1 contreWłodzimierz Schmidt, 2-0 contreWolfgang Uhlmann et 2-0 contreIlkka Saren).Il ne participa pas aux autres éditions de cette épreuve.
En 1988, Bent Larsen perdit une partie contre l'ordinateur d'échecsDeep Thought lors du Software Toolworks Championship, devenant ainsi le premiergrand maître à essuyer une défaite contre un ordinateur en tournoi.
Le style de Bent Larsen est marqué par des attaques farouches, celui-ci jouant exclusivement pour le gain, au lieu de rechercher desnulles tranquilles, ce qui lui a parfois valu quelques désillusions. Ceci fut particulièrement vrai lors de son match en 1971 face àBobby Fischer au cours des qualifications pour lechampionnat du monde 1972 où Larsen pouvait annuler certaines parties, mais préféra jouer pour le gain et perdit sur le score sans appel de 6 à 0.
Larsen est un joueur doté d'une grande imagination, essayant de nombreuses idées jugées peu orthodoxes. On peut se rappeler ses ouvertures peu habituelles. Il est l'un des très rares grands maîtres à avoir employé ledébut Bird (1. f4) assez régulièrement, et avec lequel il battitBoris Spassky autournoi interzonal d'Amsterdam en 1964, ou l'attaque Nimzo-Larsen (1. b3), nommée ainsi en son honneur et celui deAaron Nimzowitsch. En 1979, il vainquitAnatoli Karpov àMontréal avec la peu fréquentedéfense scandinave (1.e4 d5).
Larsen apporta aussi sa contribution à des ouvertures plus classiques.
SelonGarry Kasparov etViswanathan Anand[7], les idées de Larsen jouèrent un rôle décisif dans le développement de lavariante de Méran améliorée de ladéfense semi-slave, caractérisée par le coup de Larsen :8. ... Fb7 !? (après 1. d4 d5 2. c4 c6 3. Cf3 Cf6 4. Cc3 e6 5. e3 Cbd7 6. Fd3 dxc4 7. Fxc4 b5 8. Fd3). Larsen utilisa cette variante avec les Noirs dans ses quarts de finale des candidats contreIvkov (en 1965),Portisch (en 1968) etUhlmann (en 1971).
En 1980, autournoi de Tilburg, Larsen battit Karpov, alors champion du monde en titre avec les Noirs en utilisant une innovation dans ladéfense Petrov qui, selon Kasparov[8],« donna naissance à une nouvelle manière de penser dans la défense Petrov. »
Bien que Bent Larsen ait un total négatif contreBobby Fischer, il le battit deux fois avec les Noirs. Voici l'une de ses victoires àSanta Monica en 1966, au cours de la secondeCoupe Piatigorsky.