Cette réputation de théologien conservateur d'expérience, proche de la pensée de Jean-Paul II, en fait le favori pour sa succession. Le cardinal Ratzinger est élu auconclave de 2005 pour lui succéder. Il devient ainsi le premier pape allemand depuisVictorII auXIe siècle. La priorité à laquelle il consacre son pontificat est la mise en œuvre du concileVaticanII dans la continuité de la tradition de l'Église, voyant dans le concile un renouveau dans la continuité et non une rupture. Cette vision s'exprime dans la réconciliation interne de l'Église sur laliturgie, pour lui d'une importance essentielle, à laquelle il œuvre avec sonmotu proprioSummorum Pontificum, qui déclare que lamesse selon lemissel romain de 1962 (pré-concile) et celle selon le missel de 1970 (post-concile) sont un seul et même rite ayant deux expressions, ordinaire et extraordinaire. Cette position conciliatrice résout en partie mais pas complètement la crise destraditionalistes et sera rejetée parson successeur, qui, en 2021, déclare :« Les livres liturgiques promulgués par les Saints PontifesPaul VI etJean-Paul II, conformément aux décrets du ConcileVaticanII, sont la seule expression de lalex orandi du Rite romain ».
Pape théologien,BenoîtXVI souhaite recentrer l'Église sur lesvertus théologales, et consacre ses troisencycliques à deux d'entre elles : l'espérance et lacharité. Satroisième encyclique est sociale : il y affirme le lien étroit entre l’intelligence et la charité pour le développement humain intégral, en réponse aux défis de l'époque, en particulieréconomiques etécologiques.
L'église Saint-Oswald deMarktl où le futurBenoîtXVI a étébaptisé.
Joseph Ratzinger naît le à quatre heures et quart du matin, la veille de la fête dePâques[A 1], au numéro 11 de la Schulstraße àMarktl (ou Marktl am Inn), village deHaute-Bavière, non loin de la frontièreautrichienne. Il est le troisième et dernier enfant de Joseph Ratzinger (1877-1959) et de Maria Peintner (1884-1963), après Maria (1921-1991) etGeorg (1924-2020)[A 1]. Il est également le petit-neveu de l'homme politique etprêtre catholiqueGeorg Ratzinger (1844-1899). Sonbaptême, où il reçoit le nom de« Joseph Aloisius », a lieu quelques heures après sa naissance, à huit heures du matin duSamedi saint : comme samarraine, Anna Ratzinger, n'a pas pu être avertie assez vite, unereligieuse nommée Adelma Rohrhirsch la remplace[3].
L'enfance de Joseph Ratzinger est marquée par son pèreofficier de gendarmerie et fervent pratiquantcatholique, viscéralement hostile auxnazis qu'il considérait comme des« criminels »[A 2],[Note 2]. En 1929, la famille déménage àTittmoning et en 1932, àAschau am Inn. En, son père prend sa retraite et la famille s'installe dans une maison aux abords deTraunstein. Joseph Ratzinger entre auGymnasium (collège et lycée) de cette ville, et y apprend lelatin, legrec, l'histoire et lalittérature[A 2]. Cette éducation a pour effet, selon Joseph Ratzinger, de« créer une attitude mentale qui résistait à la séduction d'uneidéologie totalitaire »[A 2]. Il entre ensuite au petit séminaire deTraunstein en 1939, où étudiait déjà son frèreGeorg.
En, il est affecté auservice du travail obligatoire. Il refuse d'entrer dans laWaffen-SS, malgré les pressions, en faisant valoir son intention de devenirprêtre[Note 3]. En, il atteint l'âge duservice militaire[A 4], et en, il est affecté à laWehrmacht, dans une unité chargée de creuser des fossésantichars à la frontière austro-hongroise[A 4]. Placé sous les ordres de la Légion autrichienne, il qualifie dans ses écrits ses instructeurs de« vieux nazis » et d'« idéologues fanatiques qui [les] tyrannisaient »[7]. Apprenant lesuicide d'Hitler[8], ildéserte quelques jours avant la reddition allemande[A 4]. Il est ensuite interné jusqu'au dans uncamp de prisonniers de guerre àBad Aibling, où un autre prisonnier,Günter Grass, indique qu'il pourrait bien être le Joseph, pétri de foi, qui avait été son ami et avaitjoué aux dés avec lui[9]. Il est libéré après six semaines d'internement et rentre à pied chez lui[A 4].
Au cours de sa formation, il découvre de nombreux penseurschrétiens, commeThomas d'Aquin, qui lui fut présenté, durant son enseignement, d'une manière qu'il qualifiera de« rigide, néoscolastique », dont il décrira qu'elle était« simplement trop éloignée de mes propres questionnements »[A 5]. Au cours de ses études, il se spécialisera dans deux aspects théologiques qui auront un impact sur sa propre théologie. Le premier est l'étude de laBible. Il considère que le« Nouveau Testament n'est rien d'autre qu'une interprétation de "laLoi, desProphètes et desÉcritures" puisée dans l'histoire deJésus ou contenue en elle »[A 6]. Cette théorie n'est pas nouvelle.Blaise Pascal, par exemple, défend dans lesPensées que l'Ancien Testament est la « figure » duNouveau Testament.
Tout événement vétéro-testamentaire prépare, préfigure un événement néo-testamentaire correspondant. Cette conception de l'unité de la Bible sera, selon son affirmation,« le centre de sa théologie »[A 6]. Le deuxième aspect est l'étude de laliturgie, qu'il considère comme l'élément vivant du Nouveau Testament, le Nouveau Testament étant selon Joseph Ratzinger« l'âme de toute théologie »[A 6]. Cette conception de laLiturgie aura un impact pendant leConcileVaticanII au cours duquel il soutiendra la réforme de la Liturgie[A 7].
Il termine sathèse de doctorat en. Elle porte surLe Peuple et la maison de Dieu dans ladoctrine ecclésiale desaint Augustin[11]. Joseph Ratzinger devient alors docteur en théologie et prépare sa thèse d'habilitation afin de devenir professeur d'université. Sous l'influence deGottlieb Söhngen, il fait unethèse sur lesPères de l'Église auMoyen Âge, et particulièrement sursaint Augustin etsaint Bonaventure. Dans ce travail, il développe l'idée que la révélation est« un acte dans lequel Dieu se montre », mais cette révélation ne peut se réduire aux propositions qui découlent des penseurs néo scolastiques. En effet, pour Joseph Ratzinger, la révélation a une dimension subjective ou personnelle parce qu'elle n'existe que s'il y a quelqu'un pour la recevoir :« là où il n'y a personne pour percevoir « une révélation », il ne s'est produit aucune révélation, parce qu'aucun voile n'a été ôté »[A 9].
Une partie de sa conception de la révélation est alors vivement critiquée parMichael Schmaus,théologien de l'Université qui codirigeait la thèse de Joseph Ratzinger. Cette attitude est sans doute due aux rumeurs avançant que cette thèse aspirait à la modernisation de l'enseignement[A 9]. Joseph Ratzinger doit revoir son travail, en réduisant la partie sur la révélation et en recentrant sa thèse sur la théologie de l'histoire dans l'œuvre de saint Bonaventure[12]. Le, il soutient sa thèse d'habilitation, en partie révisée, intitulée :La Théologie de l'histoire chezsaint Bonaventure (Die Geschichtstheologie des Heiligen Bonaventura). Celle-ci est acceptée et Joseph Ratzinger est nommémaître de conférences à l'université de Munich[A 10],[12].
En 1958, après une année de travail paroissial durant laquelle il sillonneMunich à bicyclette, il est nommé professeur endogmatique etthéologie fondamentale à l'École supérieure de Freising. Il est l'un des plus jeunes théologiens d'Allemagne[A 11]. De 1959 à 1963, il est professeur titulaire de théologie fondamentale à l'université de Bonn. Sa leçon inaugurale a pour titreLe Dieu de la foi et le Dieu des philosophes[13]. De 1963 à 1966, il enseigne lathéologie dogmatique et l'histoire des dogmes à l'université de Münster (leçon inaugurale :Révélation et tradition)[14].
Joseph Ratzinger à Rome, le 12 octobre 1988.
Il participe auconcile œcuméniqueVaticanII (quatre sessions de 1962 à 1965) en tant que consulteur théologique(peritus) auprès ducardinal-archevêque deCologneJoseph Frings, qu'il aide à préparer ses interventions[15]. L'un de ses travaux concerne la nécessité d'entreprendre une réforme duSaint-Office, qui deviendra lacongrégation pour la doctrine de la foi. Le cardinal Joseph Frings fit un discours, à l'élaboration duquel Joseph Ratzinger a participé, remarqué pendant le concileVaticanII, dénonçant avec vigueur leSaint-Office en affirmant que les méthodes du Saint-Office« ne sont pas en harmonie avec les temps modernes et sont une source de scandale pour le monde entier »[A 12]. Joseph Ratzinger était considéré pendant le concile comme étant réformateur. Pour Joseph Ratzinger, l'Église devait revenir aux sources de la théologie catholique en remontant à la Bible et aux Pères de l'Église afin de pouvoir revivifier l'enseignement de la théologie et permettant de revitaliser la vie catholique[A 13]. Cette revitalisation peut alors pour Joseph Ratzinger permettre d'effectuer l'aggiornamento, la mise à jour des pratiques, méthodes et structures de l'Église[A 14].
Selon Joseph Ratzinger, ce retour aux sources est la seule possibilité d'un dialogue authentique avec le monde moderne, l'Église étant alors« la continuation de l'histoire de la relation de Dieu avec l'homme »[A 14]. La place du ressourcement ou retour aux sources vis-à-vis de l'« aggiornamento » est au cœur de la conception que se font les réformateurs duConcile Vatican II[A 15], certains ne considérant pas comme essentiel ce retour aux sources du christianisme dans la recherche de la modernité. Il soutient au cours du Concile la réforme de la Liturgie. Il voit la Liturgie comme« une question de vie ou de mort » pour l'Église. La liturgie, et principalement l'Eucharistie, est la raison de l'existence de l'Église, car elle permet aux fidèles l'adoration de Dieu[A 7].
L'importance qu'il accorde à la liturgie est pour lui essentielle à la vie de l'Église. C'est ainsi que Joseph Ratzinger a développé une véritable théologie de la liturgie, s'interrogeant notamment longuement sur la place de l'art et l'importance des notions de temps et d'espace dans la liturgie[16]. Plus tard, il considérera que la réforme mise en place ne correspondait pas à celle que les pères réunis en concile avaient voulue[A 16]. La thèse presque avortée de Ratzinger surBonaventure et la place de la révélation de Dieu furent en grande partie reprises par le concileVaticanII, dans la constitutionDei Verbum[17],[A 12], qui considère que la révélation de Dieu n'est pas une simple affirmation de Dieu, mais doit être comprise comme une rencontre de Dieu avec l'homme[A 12].
Après le concile, de 1966 à 1969, il enseigne lathéologie dogmatique et l'histoire des dogmes à la faculté de théologie de l’université Eberhard Karl de Tübingen, à la demande du directeur de l'université le théologienHans Küng[A 17],[14]. Joseph Ratzinger enseigna des cours de dogmes et entreprit un projet de cours à l'intention de tous les étudiants de la faculté intitulé« Introduction au christianisme », qui deviendra un ouvrage de référence dans l'enseignement introductif de la théologie dans le monde catholique[A 18].
Au cours de ces années, un débat important prit part au sein des théologiens de l'université sur la place à donner aux théoriesmarxistes. Le théologien Joseph Ratzinger considérait lemarxisme comme une déviation de la foi biblique qui« prenait pour base l'espérance biblique mais l'inversait en gardant l'ardeur religieuse mais en éliminant Dieu pour le remplacer par l'activité politique de l'homme. L'espérance reste, mais le parti prend la place de Dieu et, en même temps que le parti, un totalitarisme qui pratique une sorte d'adoration athée prête à sacrifier à son faux dieu tout sentiment d'humanité »[A 19].
Participant au comité de rédaction de la revuecatholique libéraleConcilium qui entend prolonger les travaux deVaticanII, il a fait partie des mille trois cent soixante théologiens qui, en 1968, signent une pétition demandant une réforme duSaint-Office de façon à donner plus de droits aux théologiens suspectés d'erreur doctrinale[18].
Face à l'augmentation des tensions, comme la pétition de l'été 1969 demandant« Qu'est-ce que la croix de Jésus sinon l'expression d'une glorification sadomasochiste de la souffrance ? », conduisant Joseph Ratzinger à considérer que« quiconque voulait dans ce contexte continuer à être progressiste était contraint de renoncer à son intégrité »[A 20], il décide donc d'enseigner dans la nouvelle université de Ratisbonne.
Unmémorandum signé de neuf théologiens allemands, dont fait partie Ratzinger, et daté du signale une« situation alarmante au sein de l'Église ». Adressée auxévêques d'Allemagne, cette pétition affirme que« l'Église a l'obligation de procéder à une modification » au sujet ducélibat des prêtres. On peut y lire :« Notre réflexion est centrée sur la nécessité d'examiner la question ducélibat sous un jour critique pour l'Église latine enAllemagne et dans lemonde ». Mettant en avant le criant manque de vocations et la difficulté pour l'Église de recruter de jeunesprêtres, les signataires demandent que soit étudiée la réelle nécessité decette règle de discipline[19].
En 1972, il participe à la fondation de la revue théologiqueCommunio, créée par plusieurs théologiens, dontUrs von Balthasar,Henri de Lubac etJean Daniélou. Si cette revue présente comme vocation le dépassement du clivage traditionnel des théologiens entre modernistes et traditionalistes, en permettant l'émergence d'un nouveau courant qui se veut « plus ouvert » que la revueConcilium[A 22], elle est volontiers décrite comme la publication rivale de cette dernière. Le sociologue des religions Jean-Louis Schlegel explique queCommunio a été créée pour défendre fermement, voire « inconditionnellement », un point de vueromain[20]. À l'instar de son aînée libérale, cette revue donne la parole aux théologiens laïcs, et s'intéresse au domaine culturel[A 22]. Il développe alors des relations avecHenri de Lubac,Jorge Medina,Louis Bouyer etHans Urs von Balthasar[A 18].
Lors de l'assembléesynodale sur lacatéchèse de 1977, il rencontre brièvement lecardinal Karol Wojtyła[A 24] avec lequel il échange depuis 1974 une correspondance et des livres, dont l'Introduction au christianisme que Karol Wojtyła utilisera pour préparer sa retraite deCarême[A 23]. LeConclave d'août 1978 leur donne, pour la première fois, l'occasion de dialoguer un peu plus longuement. Il y eut, comme le rappelle par la suite Ratzinger,« cette sympathie spontanée entre nous, et nous avons parlé (…) de ce que nous devrions faire, de la situation de l'Église »[A 24]. Après l'élection deJean-PaulIer, celui-ci le nomme envoyé spécial auIIIeCongrès mariologique international, célébré àGuayaquil (Équateur), du au.
En 1980, il est rapporteur duVesynode desévêques, sur le thème : « Les missions de la famille chrétienne dans le monde d'aujourd'hui ».
En 1983, Joseph Ratzinger est nommé président délégué de laVIeAssemblée générale ordinaire sur le thème de « La réconciliation et la pénitence dans la mission de l’Église ».
Jean-PaulII a précisé la fonction de la congrégation pour la doctrine de la foi en 1988 par laconstitution apostoliquePastor Bonus : « La tâche propre de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi est de promouvoir et de protéger la doctrine et les mœurs conformes à la foi dans tout le monde catholique : tout ce qui, de quelque manière, concerne ce domaine relève donc de sa compétence »[23]. D'après la constitution apostoliquePastor Bonus, la congrégation a ainsi pour mission d'aider les évêques de l'Église catholique à remplir leurs ministères d'enseignants et de docteurs de la foi[24]. La congrégation suit les différents courants théologiques, consulte des évêques et des experts, et publie des déclarations sur des problèmes doctrinaux qui sont d'actualité dans l'Église. Elle se prononce sur les doctrines qui peuvent, selon elle, être opposées aux principes de la foi et de la morale définis par lemagistère de l'Église catholique[25]. La Congrégation est composée d'une vingtaine de membres, qui sont cardinaux et évêques[26].
Le poste dont Joseph Ratzinger a la charge est un des postes capitaux de la curie, mais est aussi considéré par certains comme l'un des plus impopulaires, car son titulaire passe pour un défenseur des conservateurs, un héritier de laSainte Inquisition, un ennemi de la créativité et de l'ouverture.
Durant23 ans, il rencontreJean-PaulII chaque vendredi soir, pour faire le point sur le travail de la congrégation pour la doctrine de la foi. Ils se voient aussi au déjeuner du mardi, et parfois avant, pour discuter, souvent avec d'autres, des questions théologiques relatives aux documents et interventions que prépare le pape (encycliques, audience du mercredi, discours…). Des sujets comme la bioéthique, les théologies de la libération, le dialogue œcuménique sont aussi abordés[27]. Les deux hommes ont, par ailleurs, partagé de nombreux déjeuners de travail pour préparer des documents d'enseignements. L'encycliqueVeritatis Splendor, que Joseph Ratzinger considère comme le texte théologiquement le plus élaboré du pontificat de Jean Paul II, doit beaucoup à leur collaboration[A 25].
« Je dois le niveau théologique de mon pontificat uniquement au cardinal Ratzinger. »
Ses détracteurs l'accusent d'avoir exercé sa charge d'une façon excessivement répressive[29] au lieu de faire de la Congrégation un outil de réflexion sur la doctrine et la théologie, ou un espace de dialogue où mettre les idées nouvelles à l’épreuve et aplanir les divergences, considérant au contraire beaucoup dethéologiens comme un« obstacle à l’unité nécessaire à l’accomplissement de la mission de salut de l’Église » (Joseph A. Komonchak)[30].
De nombreux théologiens catholiques de grand renom ont ainsi été condamnés[31], commeHans Küng,Edward Schillebeeckxo.p.,Charles Curran, Roger Haights.j., Andrew Fox,Eugen Drewermann, Tissa Balasuriyao.m.i.,Josef Imbach, et une grande partie desthéologiens de la libération commeLeonardo Boffo.f.m. etJon Sobrinos.j.[32] La condamnation deJon Sobrino par la Congrégation en 2007 a causé un vif émoi et la consternation chez nombre de théologiens catholiques[33]. « Le grand public, encouragé par les fantasmes de l'antique Inquisition volontiers réveillés par les médias, a surtout retenu les innombrables condamnations ou réprobations », note à ce sujet le journaliste Michel Kubler dans le quotidien catholiqueLa Croix[34] lors de l'élection deBenoîtXVI.
Le cardinal Ratzinger a également pour opposant le théologien suisseHans Küng, autre participant auconcileVaticanII. Celui-ci remet en question leconcile Vatican I dans ses écrits, et remet en cause le dogme de l'infaillibilité pontificale proclamé en 1870 parPie IX. Hans Küng s'était vu retirer le titre de théologien catholique, perdant samissio canonica en 1979,3 ans avant l'arrivée de Joseph Ratzinger à la tête de lacongrégation pour la doctrine de la foi[35],[36], son enseignement étant alors décrété non conforme à celui de l'Église[37]. Hans Küng continuait d'enseigner à Tübingen, mais plus en tant que professeur de théologie catholique[38].
L'opposition de Joseph Ratzinger à la théologie de la libération repose sur le fait que, pour lui, elle est « fondamentalement uneherméneutique » et « semble procéder d’une fin foncière de non-recevoir opposée à la modernité »[39] dans une attitude qui, selon Juan Luis Segundo, lui-même figure importante de la théologie de la libération, met en cause« toute l’histoire de la théologie de ces derniers temps, celle de la période post-conciliaire »[40]. Le Cardinal Ratzinger convoqua le 4 septembre 1984 le théologien de la libérationLeonardo Boff, à la suite de la parution de son livre qui critique l'Église, la considérant comme trop hiérarchisée et comme ayant« passé un pacte colonial avec les classes dirigeantes »[41]. L'année suivante, le cardinal publie un mandement sévère critiquant les graves déviations théologiques d'une partie de la théologie de la libération.
Celle-ci est accusée de trahir la cause des pauvres et de situer le mal exclusivement dans les structures économiques, sociales et politiques, de confondre la pauvreté évangélique avec le prolétariat de Marx[42]. Il critique la conception d'une Église du peuple qui entre dans une logique de classe, et qui porte le danger de mener à une société totalitaire[43]. En 1986 il publie une note affirmant les aspects positifs de lathéologie de la libération[41]. Une de ses dernières décisions à cette fonction sera de congédierThomas J. Reeses.j., le rédacteur en chef de la revue jésuite américaineAmerica[30], considérée comme progressiste, en délicatesse avec la Congrégation depuis plusieurs années.
DansLe Ministère dans l'Église (1980, trad. Cerf, 1981), le théologien belgeEdward Schillebeeckx défend l’idée que des communautés chrétiennes privées de prêtres pourraient, par exception, choisir en leur sein un président qui serait habilité à présider à la vie de ces communautés et donc à y consacrer l'Eucharistie, sans avoir pour autant reçu l'ordination sacramentelle sur un mode classique. Cette position est condamnée par le cardinal Ratzinger dans une lettre du 13 juin 1984[44].
DansPlaidoyer pour le peuple de Dieu : histoire et théologie des ministères dans l'Église (1985, trad. Cerf, 1987), Schillebeekcx aborde la question de lasuccession apostolique (c’est-à-dire le fait que l’autorité des évêques repose sur la transmission de cette autorité, par consécration, de proche en proche depuis les apôtres). Schillebeeckx affirme qu’il y a là une donnée non essentielle pour l'exercice du ministère. Cette position est condamnée par le cardinal Ratzinger dans une notification du 15 septembre 1986[45].
Selon l'historien belge Jan Grootaers, spécialiste de l'histoire de l'Église catholique, du concileVaticanII et de l'œcuménisme, Joseph Ratzinger « ne supporte pas lepluralisme religieux, certainement pas à l’intérieur de l’Église (catholique), ni avec d’autres Églises chrétiennes, ni finalement avec les autres religions… »[46], s'opposant sur certains points aux théologiens qui incarnent ce courant, à l'instar du jésuiteJacques Dupuis[47].
La fin du pontificat de Jean-Paul II est marquée par l’émergence de scandales concernant desabus sexuels commis par des prêtres sur des mineurs. Plusieurs observateurs ont relevé que leSaint-Siège avait tardé à réaliser l’étendue de ces abus[48],[49],[50]. L'habitude de traiter ces affaires en interne, et une certaine mansuétude envers des prêtres coupables, n'ont pas favorisé la reconnaissance publique des souffrances subies par les victimes[48]. Dans ce contexte, le cardinal Ratzinger semble avoir participé, dans lesannées 1980, comme la plupart des évêques, à la culture de la discrétion sur ces affaires[51]. Il n’a pas immédiatement pris conscience de la gravité et de l’ampleur des faits[52]. Toutefois, il semble aussi avoir été un des premiers, au sein de la curie romaine, à avoir voulu faire preuve de plus de rigueur[51],[52].
Une plus grande transparence et des condamnations plus fermes sont ainsi préconisées[65].
Évoquant lesreligieuses abusées et victimes d'agressions sexuelles, le papeFrançois cite en exempleBenoîtXVI :« Le papeBenoîtXVI a eu le courage de dissoudre une congrégation féminine qui avait un certain niveau de problème parce que cet esclavage des femmes s’était installé, esclavage des femmes de la part des clercs et du fondateur. Parfois le fondateur prend la liberté, vide cette liberté à des sœurs et peut alors se produire ce genre de choses ». La congrégation évoquée par le pape est l’Institut des sœurs de Saint Jean et Saint Dominique[66].
En janvier 2022, alors que les théologiens Bernhard Sven Anuth et Norbert Lüdecke lui reprochent de ne pas avoir informé le Vatican, en 1980, de l'arrivée dans son diocèse du prêtre pédophilePeter Hullermann,BenoîtXVI adresse, selon le journal allemandBild, un document en défense aux avocats qui enquêtent sur les allégations de dissimulations d’abus sexuels dans le diocèse de Munich[68],[69]. Le 20 janvier 2022, le cabinet d’avocats Westpfahl Spilker Wastl remet son étude intitulée « Rapport sur les abus sexuels de mineurs et d’adultes vulnérables par des clercs, ainsi que par [d’autres] employés, dans l’archidiocèse de Munich et Freising de 1945 à 2019 ». Ce document met en avant quatre dossiers, y compris celui de Peter Hullermann, considérés comme mal gérés par le futur pape[70].
À l'été 2022, une poursuite dite déclaratoire, au civil, est déposée contreBenoîtXVI, l'archevêque de Munich et de Freising ainsi que le cardinalFriedrich Wetter pour avoir couvert les agissement d'un prêtre pédophile[71]. Le plaignant est la victime de l'affaire la plus médiatisée du rapport sur les abus sexuels dans l'archidiocèse de Munich et Freising, qui a été publié en janvier 2022. L'agresseur était un multirécidiviste transféré à chaque nouveau cas[72]. Selon le porte parole du tribunal de Traustein, Benoît XVI a décidé de se défendre devant la justice allemande par l'intermédiaire d'un cabinet d'avocats[73].En, cette poursuite est classée« faute de preuve ou en raison d’une prescription des faits »[74].
En janvier 1983, lors d'un voyage àLyon et àParis, il déclare que « ce fut une première et grave faute de supprimer lecatéchisme », dénonce « la grande misère de la catéchèse nouvelle », qui oublie « de distinguer le texte de son commentaire » et ajoute qu'« il faut oser présenter lecatéchisme comme un catéchisme », phrase qui semble alors s'appliquer directement au catéchisme françaisPierres vivantes. Lesévêques expliquent que lecardinal n'entend nullement « s'ingérer dans les affaires françaises mais traiter globalement de la situation de la catéchèse ». En 1983, il préside leVIesynode sur le thème « réconciliation et pénitence dans la mission de l'Église ».
Son ouvrageEntretien sur la foi (1985) expose sa vision du catholicisme aprèsVaticanII et notamment de ce qu'il considère comme les dérives politiques de certains courants, notamment lathéologie de la libération, qui justifient les mouvements révolutionnaires par des arguments religieux, ce qu'il réprouve sans appel : « Certains sont tentés devant l'urgence du partage du pain, de mettre entre parenthèses et de remettre à demain l'évangélisation : d'abord le pain, la parole plus tard[75]. » Cette théologie, qui fait du message évangélique le fondement d'une lutte aux côtés des plus pauvres en vue de l'amélioration de leurs conditions de vie matérielle, a souvent été perçue par le Vatican comme le résultat d'une infiltration des thèses marxistes au sein de l'Église catholique[76]. Il défend aussi les positions de l'Église sur le refus de la contraception, sur le célibat des prêtres et sur le non-accès des femmes au sacerdoce. Il a aussi développé l'idée qu'aucunœcuménisme ne saurait se construire sur la base du plus petit dénominateur commun.
Le, le cardinal Ratzinger participe au colloque2 000 ans après quoi ?[77] organisé par laSorbonne à l'occasion des festivités du passage auXXIe siècle. Les larges extraits de son discoursVérité du christianisme[78] reproduits dans le journalLa Croix suscitent une vive réaction dans les colonnes du même journal de la part du cardinal archevêque deBordeauxPierre Eyt, président de la Commission doctrinale de laconférence des évêques de France, qui lui reproche de ne pas assez tenir compte des problèmes structurels de l'Église.Le, il signe un document donnant l'interprétation officielle du message deFatima[79].
Le, il publie la déclarationDominus Iesus dans laquelle est affirmée la supériorité ducatholicisme sur les autres confessions chrétiennes et non chrétiennes[80],[81], semblant prendre ainsi le contre-pied des efforts d'œcuménisme mis en acte avec laDéclaration conjointe sur la doctrine de la justification cosignée l'année précédente par le conseil (du Saint-Siège) pour l'unité des chrétiens et laFédération luthérienne mondiale. Cinquante-trois théologiens catholiques belges protestent contre cette déclaration envisagée comme un véritable retour pré-conciliaire[82]. Une lettre envoyée en juin de la même année aux présidents des conférences épiscopales[83] présentant l'Église catholique comme l'« Église mère de toutes les Églises particulières » plutôt que comme « Église sœur », remettant en cause ladéclaration de Balamand[84] avait déjà troublé le dialogue œcuménique.
Le la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, décide de rédiger une notification, qu'il signe, « dans le but de sauvegarder la doctrine de la foi catholique d'erreurs, d'ambiguïtés ou d'interprétations dangereuses » qu'elle a relevées dans le livreVers une théologie chrétienne du pluralisme religieux[85].Lors d'une interview donnée à l'agence Zenit le[86], il réaffirme l'opposition du Vatican à laguerre d'Irak menée par lesÉtats-Unis, impossible d'après lui à justifier selon ladoctrine de la guerre juste.
En, à l'occasion d'un débat avec le philosopheJürgen Habermas à l'Académie catholique de Bavière, il reconnaît, à l'heure de la mondialisation, la « non-universalité de fait des deux grandes cultures de l'Occident, celle de la foi chrétienne et celle de la rationalité séculière[87] ».
Après avoir été perçu comme un théologien progressiste durant sa participation au concile, le cardinal Ratzinger est au moment de son élection réputé pour ses vues conservatrices sur la foi et les mœurs, sur des sujets comme l'interruption volontaire de grossesse ou l'œcuménisme. Il est parfois surnommé par les médias, de manière en réalité insultante pour lui-même et pour l'Allemagne moderne, « le Panzerkardinal »[88], allusion à son intransigeance supposée et à sa nationalité allemande[89]. Selon son biographePeter Seewald, ce cliché est d'autant plus absurde que le cardinal Ratzinger « se considérait tout sauf comme un persécuteur ». Ainsi, immédiatement après la prise de fonction de Ratzinger, les évêques, théologiens et prêtres contestés n’auraient plus été rabroués, comme c’était le cas auparavant, mais ont été invités à Rome dans les cas importants afin de se confronter personnellement à leurs divergences d’opinion. Ratzinger aurait renforcé les droits des auteurs et donné pour la première fois aux théologiens accusés de déviation dogmatique le droit de se défendre[90].
Il est connu pour avoir une position traditionnelle vis-à-vis despratiques homosexuelles et de l'avortement direct. Il soutient le papeJean-PaulII contre l'avis d'une majorité d'évêques allemands, dans sa décision à la fin desannées 1990 de faire fermer quelque 260 centres de « conseil pour les grossesses conflictuelles » administrés par l'Église catholique allemande. Ces centres doivent se réorganiser sous une forme associative non reconnue par l'Église.
Selon le spécialiste de l'histoire de l'ÉglisePhilippe Levillain — membre duComité pontifical des sciences historiques et enseignant à l'université de Nanterre —,BenoîtXVI est un « pape de restauration »[91], suivant le terme qu'il avait déjà utilisé en 1985 tandis qu'il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, et qui avait été vivement critiqué alors par les défenseurs deVaticanII[92] dont, devenu pape, il appelle à une « relecture » qui vise à replacer le concile dans la continuité de la « tradition »[93].
Le,BenoîtXVI lance le premier compteTwitter du Vatican,@pontifex[94].
En, la revue de géopolitique italienneLimes publie un texte présenté comme leJournal du conclave d'un cardinal ayant pris part au vote[96],[97]. Ce texte affirme que le cardinalargentinJorge Mario Bergoglio aurait été son plus sérieux rival[98]. Ces chiffres auraient dû rester secrets, d'autant plus qu'avant d'entrer en conclave les cardinaux électeurs ont tous solennellement juré de ne jamais violer le secret de l'élection, sauf autorisation papale[99]. Or, dès la sortie du conclave, plusieurs cardinaux n'ont pas manqué de raconter quelques confidences et anecdotes, comme celle des difficultés de faire fonctionner le vieux poêle en fonte prévu pour brûler les bulletins, les feuilles de décompte et annoncer l'élection d'un nouveau pape grâce à une fumée blanche[100].
Au premier tour, le cardinalpapabileCarlo Maria Martini,jésuite de78 ans, ancienarchevêque deMilan et chef de file du camp dit « progressiste », connu pour sa rigueur doctrinale mais surtout pour ses positions novatrices sur les questions sociales et pastorales et donné favori par les journalistes vaticanistes, n'aurait recueilli que9 voix, lecardinal Jorge Mario Bergoglio, 10 et le cardinal Ratzinger, 47.
Au deuxième tour, le lendemain matin, le cardinal Carlo Maria Martini n'aurait recueilli aucune voix, le cardinal Jorge Mario Bergoglio en aurait recueilli 35 et le cardinal Joseph Ratzinger en aurait réuni 65. Au déjeuner, le cardinal Bergoglio, par des gestes, aurait fait comprendre à ses partisans qu'il ne voulait pas être élu. Au troisième tour, le cardinal Bergoglio n'aurait recueilli que40 voix et le cardinal Ratzinger 72, ce qui permettait d'obtenir la minorité de blocage (il faut deux tiers des voix pour être élu). Au quatrième tour, le cardinal Bergoglio, qui refusait ce blocage, n'aurait recueilli que26 voix et le cardinal Ratzinger aurait obtenu84 voix sur 115 cardinaux, soit 7 de plus que la majorité requise pour être élu pape. Selon le journal, l'annonce des résultats aurait été suivie d'un long silence puis saluée « d'un long et cordial applaudissement ».
Lors de sa première apparition publique ce 19 avril 2005, avant la première bénédictionUrbi et orbi de son pontificat, le nouveau pape, sous le nom deBenoîtXVI, prononce les mots suivants :
« Chers frères et chères sœurs, après le grand papeJean-PaulII, Messieurs les Cardinaux m'ont élu moi, un simple et humble travailleur dans la vigne du Seigneur. Le fait que le Seigneur sache travailler et agir également avec des instruments insuffisants me console et surtout, je me remets à vos prières, dans la joie du Christ ressuscité, confiant en son aide constante. Nous allons de l'avant, le Seigneur nous aidera et Marie, Sa Très Sainte Mère, est de notre côté. Merci[102]. »
BenoîtXVI lors de lamesse inaugurale de son pontificat le.
Au cours des mois qui ont suivi, le pape a mis en pratique undicton bavarois qui recommande à un évêque d'observer pendant au moins un an et de ne rien toucher à l'administration de son diocèse. Depuis lors, le pape a renvoyé le président duconseil pontifical pour le dialogue interreligieux,Michael Louis Fitzgerald, « promu »nonce apostolique enÉgypte, alors qu'on le donnait comme pouvant être promu au rang decardinal, et fusionné ce conseil avec celui de la culture[105].
Au cours de l'audience générale du mercredi, le pape a expliqué, en français, les raisons de son choix :« J'ai voulu m'appelerBenoîtXVI pour me rattacher en esprit au vénérépontifeBenoîtXV, qui a guidé l’Église au cours d'une période difficile en raison dupremier conflit mondial. […] C'est sur ses traces que je désire placer mon ministère au service de la réconciliation et de l'harmonie entre les hommes et les peuples »[106].
MaisBenoîtXVI se réfère également à saintBenoît de Nursie, patron de l'Europe, fondateur de l'ordre des Bénédictins :« Le nom deBenoît évoque aussi le père dumonachisme occidental, copatron de l'Europe, particulièrement vénéré dans mon pays et surtout en Bavière. Saint Benoît de Nursie avait inscrit dans sa règle de ne rien mettre au-dessus du Christ. Nous lui demanderons donc de nous aider à rester le regard fixé sur le Christ »[107].
Leblason figurant sur lesarmoiries papales, rendues publiques le, est une simplification de celui qu'il utilisait en tant qu'archevêque de Munich et de Freising, puis de préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi. Le reste du dessin présente cependant une innovation : latiare papale qui, en signe d'humilité, n'était plus portée par les papes depuis les premières années du règne dePaulVI, mais qui restait représentée sur les armoiries papales, est désormais remplacée par une simplemitre d'évêque. La dignité papale est représentée par l'ensemble de la mitre à trois bandes, des clés de saintPierre et dupallium archiépiscopal pendant sous le blason.
Sur certains ornements liturgiques portés par le pape et sur la bannière déployée à la fenêtre de son bureau pour l'angélus dominical à partir du, les armes papales sont représentées avec latiare au lieu de lamitre[109],[Note 5].
Lors de la messe inaugurale du,BenoîtXVI a longuement insisté sur le rôle donné aupallium[Note 6].
BenoîtXVI a choisi pourdevise une parole extraite de la troisième épître desaint Jean (3Jo 1. 8) :« Nos ergo debemus sublevare huiusmodi, ut cooperatores simus veritatis. » (« Nous devons servir de cette manière, et être coopérateurs de la vérité[1]. »).
Le, il crée 15 cardinaux et le lors d'un nouveauconsistoire, il ajoute 23 nouveaux cardinaux aucollège cardinalice. Le, il annonce la tenue d'un consistoire le pour créer 24 nouveaux cardinaux.
Le, il annonce pour le un consistoire pour la création de 22 nouveaux cardinaux, dont 18 âgés de moins de80 ans, portant à 125 le nombre des cardinaux électeurs et dépassant pour la première fois de son pontificat, de manière significative[Note 7], le nombre de 120 cardinaux électeurs qu'a fixéPaulVI. Le 24 octobre de la même année, au cours du synode sur laNouvelle évangélisation, il annonce un nouveau consistoire pour créer six cardinaux un mois plus tard, aucun de ces cardinaux n'étant européen.
Depuis le début de son pontificat,BenoîtXVI a renouvelé un grand nombre des responsables desdicastères (équivalent des ministères) de laCurie romaine. Il a manifesté une volonté de réduire la Curie[111], volonté qui s'est concrétisée par le rapprochement sous une présidence commune de plusieurs instances. Ainsi, le président duconseil pontifical pour la culture prend également la présidence des commissions pontificales pour l'héritage culturel de l'Église et pour l'archéologie sacrée.
BenoîtXVI place ainsi des hommes de confiance, mais selon le journaliste vaticaniste Sandro Magister, des secteurs entiers de la curie vont « à la dérive », notamment celui de la communication, « modèle d’improductivité[113] ». Certains analystes décrivent par ailleurs les nominations comme une prise de pouvoir des traditionalistes et des intransigeants[114] tandis que certains affirment queBenoîtXVI seraitincapable de gouverner, pointant les rapports avec les schismatiqueslefebvristes dont la gestion serait tombée aux mains de l'extrême droite de la curie[91].
BenoîtXVI nomme comme sous-secrétaire de la commission des ordres religieux, une femme, sœur Nicoletta Vittoria Spezzati, contribuant à féminiser la hiérarchie de l'Église catholique[115].
L'homosexualité est réprouvée dans lejudaïsme comme dans lechristianisme, en raison de laBible (Lévitique). L'attitude de l'Église, surtout depuisVaticanII, consiste à écarter du sacerdoce de futurs prêtres éventuellement homosexuels tout en évitant d'avoir une attitude de rejet à l'égard des homosexuels.
BenoîtXVI a entériné le les dispositions de la lettre de la Congrégation pour l'Éducation et les a rendues effectives à la date du. Ce texte, tout en réitérant la nécessité d'éviter « à l'égard des homosexuels toute marque de discrimination injuste », stipule que les séminaristes se verront dorénavant soumis, au cours de leurs études, à une enquête en vue de déceler s'ils « pratiquent l'homosexualité, ou s'ils présentent des tendances homosexuelles profondément enracinées ou s'ils soutiennent ce qu'on appelle laculture gay[116] ». Cette enquête sera réalisée sous l'autorité de la hiérarchie[117],[118].
Le,BenoîtXVI fait une distinction nette entrepédophilie et homosexualité[119].
Pourtant, le,Tarcisio Bertone,cardinal secrétaire d'État duSaint-Siège, déclare que les scandales de pédophilie qui secouent l'Église sont liés à l'homosexualité :« De nombreux psychologues et psychiatres ont démontré qu'il n'y avait aucun lien entre le célibat et la pédophilie, et beaucoup d'autres, m'a-t-on dit récemment, qu'il y avait une relation entre l'homosexualité et la pédophilie ». Il précise que« le pape prendrait bientôt des initiatives audacieuses sur les affaires de pédophilie dans l'Église »[120]. Le 14 avril, le Vatican indique qu'il n'est « pas compétent pour faire des affirmations psychologiques ou médicales[121],[122] », mais publie dans le même temps des chiffres appuyant la position deTarcisio Bertone[121].
Le, il annonce le début du procès enbéatification deJean-PaulII, en exerçant sa prérogative de ne pas tenir compte du délai de cinq ans après la mort normalement requis par le droit de l'Église.
Contrairement à Jean-Paul II, mais conformément à l'usage ancien,BenoîtXVI ne préside pas lui-même les cérémonies de béatifications, à l'exception de celles deJean-PaulII et deJohn Henry Newman. Dans la lignée de son prédécesseur, le papeBenoîtXVI continue, mais à un rythme beaucoup plus lent, de canoniser les chrétiens et chrétiennes qui peuvent être considérés comme modèles de vie évangélique.
Le, il publie uneexhortation apostolique post-synodale du nom deSacramentum Caritaris qui vise à défendre la beauté et la nécessité du culte eucharistique, central dans la liturgie chrétienne.
En juin 2008, d'après une dépêche de l'AFP[124], reprise par certains journaux[125], le pape lance un mouvement de réhabilitation de lacommunion à genoux, dans les mots comme dans les faits, déclarant[124] vouloir « revenir à la génuflexion » et évoquant « l'urgence de donner à nouveau l'hostie aux fidèles directement dans la bouche », ce qu'il a effectué lors d'une messe àBrindisi le[126]. Il apparaît toutefois, d'après le journalLa Croix, que les propos « l'urgence de donner à nouveau l'hostie aux fidèles directement dans la bouche » n'ont pas été tenus en juin 2008 par le pape, mais ont été prononcés en février 2008 par Malcolm Ranjith, secrétaire de la Congrégation pour le culte divin. Quant au passage sur la génuflexion, il ne concernait pas la communion mais l'adoration du Saint-Sacrement (homélie deBenoîtXVI du)[127].
Le, il signe l'exhortationVerbum Domini dont le but est de réaffirmer le lien profond entre l’Esprit saint et laparole de Dieu ainsi que de clarifier la position de l'Église face à celle-ci[128]. Le paraît l'exhortation apostolique post-synodaleAfricae munus, dans laquelle le papeBenoîtXVI insiste sur le rôle de chaque membre de la famille, mais aussi et surtout sur le rôle de l'Église en Afrique et sur la vision africaine du monde et de la religion[129].
Après la disparition deJean-PaulII, plusieurs commentateurs doutent du fait que son successeur maintienne ce type de rencontres, dont le format paraissait taillé sur mesure pour le pape défunt.BenoîtXVI participe cependant aux JMJ deCologne en 2005, puis établit de nouveaux rendez-vous en 2008, 2011 et 2013. Il introduit ses propres innovations :adoration eucharistique à partir de 2005, etconfession sacramentelle de quelques jeunes par le pape en personne à partir de 2011[133].
Le pontificat deBenoîtXVI est marqué par la révélation de plusieurs scandales concernant desabus sexuels commis par des prêtres sur des mineurs. Si la plupart de ces faits se sont surtout produits dans les décennies précédentes, leur mise au jour a lieu essentiellement dans les années 2000. En 2002, ces affaires avaient déjà fait grand bruit aux États-Unis et amené les évêques américains à prendre des mesures importantes pour limiter les risques d’abus[61].
D'aprèsHenri Tincq, le papeBenoîtXVI a, à plusieurs reprises, manifesté son intransigeance concernant les affaires d'abus sexuels[134]. Peu avant son élection en 2005, il dénonce les « souillures dans l'Église » et particulièrement parmi les prêtres[135],[134]. Dès le début de son pontificat, il a des mots de compassion à l'égard des victimes[134]. À bord de l'avion qui le conduit à Washington, le 15 avril 2008, le pape se dit particulièrement honteux de tous les cas relevés dans l'Église, ajoutant « qu'un pédophile ne peut pas être prêtre »[134]. Au cours de ce voyage aux États-Unis, il rencontre des victimes de prêtres, geste qu'il renouvellera en Australie, en juillet 2008[134], au Vatican, en avril 2009, où il reçoit des Amérindiens venus du Canada[136] et à Malte, en avril 2010[64]. Pour le journalistevaticaniste Giancarlo Zizola,BenoîtXVI « a prôné la tolérance zéro, engagé les évêques à dénoncer les prêtres fautifs et permis une assistance matérielle aux victimes »[65].
En 2009 et en 2010, c’est en Europe que les affaires sont révélées, essentiellement en Irlande, en Allemagne, Autriche, Pays-Bas et en Belgique[61],[137].BenoîtXVI remet en cause collectivement les épiscopats des pays concernés par les scandales[134]. En février 2010, il convoque, de manière exceptionnelle, l'ensemble des évêques catholiques irlandais, ceux-ci étant accusés par lesrapports Murphy et Ryan[134]. Le mars 2010, le pape rend publique laLettre pastorale aux catholiques irlandais[138], où il aborde ces questions douloureuses[139],[135],[60]. Il y redit sa compassion pour les victimes. Il comprend qu'il leur soit difficile de pardonner ou de se réconcilier avec l'Église[138]. Le pape reconnaît la responsabilité des évêques et condamne vivement les prêtres coupables[139],[138].BenoîtXVI identifie plusieurs facteurs à cette crise : des procédures inadéquates pour évaluer les candidats au sacerdoce et à la vie religieuse, des manquements dans la formation des séminaristes, une tendance à favoriser, dans la société, le clergé et d'autres figures d'autorité, une « préoccupation déplacée » pour la réputation de l'Église, la non-application des peines canoniques en vigueur[138],[Note 8]. Il demande aux évêques « d'appliquer les normes du droit canonique en affrontant les cas d'abus sur les enfants » et de « continuer à coopérer avec les autorités civiles »[138]. Il encourage les prêtres et les religieux innocents qui sont parfois perçus comme « coupables par association » en raison de la faute de leurs confrères[138].
En mai 2010, lors de son voyage vers le Portugal, le pape répond à une question d'un journaliste à propos des abus sexuels commis par des prêtres et religieux.BenoîtXVI déclare « que la plus grande persécution de l'Église ne vient pas d'ennemis extérieurs mais naît du péché de l'Église. » Pour le pape, l'Église a donc un profond besoin de réapprendre la pénitence et d'accepter la purification. Il rappelle l'importance du pardon dans l'Église, tout en insistant sur la nécessité de la justice, soulignant que « le pardon ne remplace pas la justice »[140],[Note 9].
BenoîtXVI a été l'un des acteurs duconcileVaticanII. Il déclare : « J’ai vécu, moi aussi, l’époque du concileVaticanII. J’étais dans labasilique Saint-Pierre avec beaucoup d’enthousiasme ». Il raconte ainsi sa vision de l’après-concile, qui est selon lui toujours difficile et faite de crises, dans un entretien avec des prêtres lors de ses vacances le 24 juillet 2005[141].
Le lendemain de son élection en tant que pape, il affirme que « la mise en œuvre duconcileVaticanII » est sa priorité « en continuité fidèle avec la tradition bimillénaire de l’Église », phrase qui a été très commentée.BenoîtXVI critique ainsi la vision du concileVaticanII qui serait une rupture dans l’histoire de l’Église. Il y voit au contraire non pas une rupture radicale, mais un « renouveau dans la continuité » de l’Église.BenoîtXVI dans une intervention du 22 décembre 2005 s'explique plus longuement[142] ; il dénonce une vision du concileVaticanII qu’il nomme un certain « esprit du concile », qui opposerait « la lettre et l’esprit du Concile », un débat central qui divise l’intérieur de l’Église depuis quarante années entre ceux qui se réjouissent de voir que l’Église catholique romaine s’est « ouverte au monde » (l'esprit du concile) et ceux qui déplorent sa perte de substance et appellent à un nouvel enracinement (ceux qui ne voient que la lettre du concile).BenoîtXVI considère donc que l'Église a, avec le concileVaticanII, « maintenu et approfondi sa nature intime et sa profonde identité ». Il affirme ainsi que « Ceux qui attendaient avec ce ‘‘oui’’ fondamental à l’époque moderne (du concileVaticanII) que toutes les tensions disparaissent, et que l’ouverture au monde se transforme en une pure harmonie ont sous-évalué les tensions intérieures et aussi les contradictions de cette époque moderne[143] ».
Le théologienHans Küng, qui fut une cheville ouvrière du concile en même temps que Joseph Ratzinger, estime en 2009 que les enseignements du concile sont mis à mal par ce qu'il considère comme étant différentes erreurs deBenoîtXVI, notamment dans les relations interreligieuses en soulignant que les dignitaires juifs ou musulmans ont perdu confiance à ce sujet. Il estime par ailleurs que le type de gouvernement absolutiste de l'Église est anachronique et que celle-ci s'engage à nouveau dans la voie de la « réaction », de l'anti-modernisme et du retour « vers le Moyen Âge »[144].
BenoîtXVI revient une dernière fois sur sa vision des difficultés de réception du concile, peu après avoir annoncé sarenonciation. Selon lui, les médias ont véhiculé une image déformée, une « traduction banalisante » de la réalité du concile, ramenée à des questions de luttes de pouvoir (par exemple à sa répartition entre pape, évêques et laïcs), ou à des lectures purement profanes, comme dans le cas des questions de liturgie. SelonBenoîtXVI, cette « herméneutique politique », sans rapport avec le « concile réel » vécu par les Pères, est celle qui s'est longtemps imposée. Il conclut cependant : « 50 ans après le concile, nous voyons ce concile virtuel se perdre et le vrai concile apparaître avec toute sa force spirituelle »[145],[146],[147].
Le, il publie sa premièreencycliqueDeus Caritas Est,Dieu est amour. Dans cette encyclique le pape tente d'expliquer le sens chrétien de l'Amour, critiquant le fait que le nom de Dieu soit associé à la vengeance ou la violence. Pour cela il parle de l'Amour que l'Église doit transmettre. L'encyclique obtient un succès éditorial (vendue à plus de 1,45 million d'exemplaires).
Le,BenoîtXVI publie sa seconde encyclique :Spe Salvi (Sauvés par l'Espérance) qui est une réflexion sur le thème de l'espérance chrétienne, prenant comme référence la Lettre de Saint Paul aux Romains, « c’est en espérant que nous avons été sauvés » (chapitre VIII verset 24).
Uneencyclique consacrée aux problèmes sociaux[148] intituléeCaritas in Veritate (L'amour dans la Vérité) signée par le pape le a été rendue publique le 7 juillet[149]. Elle traite dudéveloppement humain intégral, et aborde notamment la question de la fraternité et du développement économique en liaison avec lasociété civile, ainsi que le développement des peuples et le respect de l'environnement.
Ces questions sont abordées d'une façon globale, comme le montre cet extrait de l'encyclique :
« Lafaim ne dépend pas tant d’une carence de ressources matérielles, que d’une carence de ressources sociales, la plus importante d’entre elles étant de nature institutionnelle. Il manque en effet une organisation des institutions économiques qui soit en mesure aussi bien de garantir un accès régulier et adapté du point de vue nutritionnel à lanourriture et à l’eau, que de faire face aux nécessités liées aux besoins primaires et aux urgences des véritablescrises alimentaires, provoquées par des causes naturelles ou par l’irresponsabilité politique nationale ou internationale. Le problème de l’insécurité alimentaire doit être affronté dans une perspective à long terme, en éliminant les causes structurelles qui en sont à l’origine et en promouvant ledéveloppement agricole despays les plus pauvres à travers desinvestissements en infrastructures rurales, en systèmes d’irrigation, de transport, d’organisation des marchés, en formation et en diffusion des techniques agricoles appropriées, c’est-à-dire susceptibles d’utiliser au mieux les ressources humaines, naturelles et socio-économiques les plus accessibles au niveau local, de façon à garantir aussi leurdurabilité sur le long terme. Tout cela doit être réalisé en impliquant les communautés locales dans les choix et les décisions relatives à l’usage des terres cultivables »[150].
En 2011, une délégation orthodoxe offre cettetiare au papeBenoîtXVI, geste symbolisant l'unité des chrétiens.
Le,BenoîtXVI prend la décision de renoncer au titre de « patriarche de l'Occident »[151]. Ce renoncement a deux objectifs, le premier est de ne retenir que le titre universel du pape et non plus que celui de patriarche de l'Occident, la deuxième raison vise à se rapprocher des chrétiens orthodoxes, car le titre de patriarche de l'Occident a été créé en grande partie par opposition au patriarche d'Orient, et donc orthodoxe[152].
Des échanges de lettres entreBenoîtXVI et le patriarche de MoscouAlexis II sont publiés le. Cet échange montre un début de rapprochement,BenoîtXVI voulant « une collaboration plus intense dans un esprit de vérité et de charité » ; le patriarche quant à lui affirme que l’Occident « est confronté à de graves défis qui exigent des engagements communs ». Les relations entre Jean-Paul II et Alexis II étaient beaucoup plus tendues[153].
Le 23 novembre 2006, le pape et l'archevêque de CanterburyRowan Williams, chef de l'Église anglicane, ont reconnu l'existence dans une déclaration commune de « sérieux obstacles au progrès œcuménique ». Ils s’engagent cependant à « poursuivre le dialogue ». Les deux chefs religieux ont aussi appelé leurs fidèles à témoigner et agir ensemble pour « la paix au Proche-Orient et dans d'autres parties du monde »[155].
Durant le pontificat se poursuit le dialogue avec laCommunion anglicane traditionnelle, fondée en 1991 à la suite de divergences au sein de la Communion anglicane. Elle revendique plusieurs centaines de milliers de fidèles[156] répartis en 33 évêchés dans44 pays, parlant plus de sept langues. La Communion anglicane traditionnelle formule, le 5 octobre 2007, une demande de « rattachement » à l’Église catholique romaine sur le principe d’une communion « pleine, entière et sacramentelle »[157]. Cette demande a été prise en considération par le Saint-Siège, en octobre 2009[158], avec l'annonce de la publication de laconstitution apostoliqueAnglicanorum Coetibus destinée à faciliter la communion entre Rome et les groupes anglicans[159].
Le 4 novembre 2009,BenoîtXVI signe la constitution apostoliqueAnglicanorum Coetibus (À des groupes d’anglicans)[160] qui fournit un cadre dans lequel des groupes de fidèles anglicans peuvent rejoindre la communion catholique. Cette constitution crée une structurecanonique spécifique destinée à accueillir et intégrer des institutions et groupes anglicans au sein de l'Église catholique romaine, tout en assurant « que soient maintenues au sein de l’Église catholique les traditions liturgiques, spirituelles et pastorales de laCommunion anglicane, comme un don précieux qui nourrit la foi des membres de l’ordinariat et comme un trésor à partager » (AC, iii). La Constitution est signée par le papeBenoîtXVI le, et publiée le[161]. Elle avait été annoncée conjointement le 20 octobre 2009[162], à Rome, par le cardinalWilliam Levada, et à Londres, parRowan Williams (archevêque de Canterbury) etVincent Nichols (archevêque catholique de Westminster). Le 15 janvier 2011, pour permettre l'application de la constitution apostoliqueAnglicanorum Coetibus, la congrégation pour la doctrine de la foi érigel'ordinariat personnel de Notre-Dame de Walsingham destiné aux anglicans qui veulent entrer dans la communion catholique. Son territoire correspond à celui de la Conférence épiscopale d'Angleterre et du Pays de Galles. Cette structure canonique donne la possibilité aux ex-anglicans d'être en pleine communion avec l'Église catholique tout en conservant au sein de celle-ci des traditions liturgiques, spirituelles et pastorales anglicanes[163].
Le 29 mai 2006, au cours d'un voyage en Pologne, pays de son prédécesseur, le papeBenoîtXVI se rend àAuschwitz, visite hautement symbolique du fait de sa nationalité allemande[164]. En février 2008, le papeBenoîtXVI, dans sa volonté depermettre l'ancien rite de la messe en latin, a décidé de maintenir, avec quelques modifications, uneprière pour la « conversion des juifs » contenue dans lemissel en latin pour leVendredi saint. Cette autorisation suscite alors des protestations de la part de membres de la communauté juive[165]. En avril 2008, lors de son voyage auxÉtats-Unis, le pape — lors d'une visite initialement non prévue — a rencontré lacommunauté juive, et visité unesynagogue àNew York, adressant un message à la communauté juive[166]. À cette occasion, il a affirmé vouloir « réitérer l'engagement de l'Église au dialogue qui, en quarante ans, a conduit à changer fondamentalement, et à améliorer, nos relations ».
Au printemps 2009,BenoîtXVI s'est rendu enIsraël et enJordanie. Au mémorial deYad Vashem, il a prononcé le mot de « Shoah » dans son discours et parlé sans ambiguïté des « six millions de Juifs » assassinés par lesnazis. En août 2009,BenoîtXVI affirme que lescamps d'extermination nazis sont des « symboles de l'enfer sur la terre »[167].
Le, dans sondiscours à l'université de Ratisbonne, le pape déplore énergiquement toute violence commise pour des desseins religieux. Dans son discours, le pape signifie que Dieu est le Verbe, leLogos, la Raison primordiale. Or, la raison s'oppose à la violence et aux passions.
Dans ce discours, il cite notamment l'empereur byzantinManuel II Paléologue (1391-1425) : « (…) l’empereur, avec une rudesse assez surprenante qui nous étonne, s’adresse à son interlocuteur simplement avec la question centrale sur la relation entre religion et violence en général, en disant : « Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait ». L’empereur, après s’être prononcé de manière si peu amène, explique ensuite minutieusement les raisons pour lesquelles la diffusion de la foi à travers la violence est une chose déraisonnable. La violence est en opposition avec la nature de Dieu et la nature de l’âme. »[171]. Cette citation des propos de Manuel II dans son discours déclenche de vives réactions politiques et religieuses dans le monde, majoritairement négative dans lespays à majorité musulmane, plutôt positive dans lespays occidentaux prenant la défense du pape au nom dudialogue religieux et de laliberté d'expression. Les réactions prennent la forme de manifestations populaires et parfois d'actes violents allant jusqu'aux meurtres de chrétiens dans des pays à majorité musulmane comme l'Irak et laSomalie[172],[173].
Le 20 septembre, lors de l'audience générale à Rome, le pape revient à nouveau sur le discours qu'il a tenu à Ratisbonne. Il rappelle son « profond respect » pour les grandes religions, « et donc aussi pour les musulmans qui "adorent le Dieu unique". » Il insiste sur l'idée centrale de son discours : « Ce ne sont pas la religion et la violence qui vont ensemble, mais la religion et la raison ». Il souhaite aussi que ce discours et le débat qui a suivi puissent « constituer une impulsion et un encouragement à un dialogue positif, même autocritique, aussi bien entre les religions qu’entre la raison moderne et la foi des chrétiens »[177]. Cette invitation au dialogue est entendue par des personnalitésmusulmanes. Un mois après le discours de Ratisbonne, 38 savants musulmans écrivent une lettre ouverte au pape, en vue « de parvenir à une compréhension mutuelle »[178]. En octobre 2007, 138 personnalités musulmanes envoient au pape, et aux responsables des autres confessions chrétiennes, une lettre ouverte intituléeUne parole commune entre vous et nous[179],[180]. Cette initiative est suivie de la création d’unforum permanent de dialogue catholico-musulman dont la première session se tient à Rome, du 4 au 6 novembre 2008[179].
Le 6 novembre 2007, le pape reçoitAbdallah Ier, roi d'Arabie saoudite. C'est la première fois qu'une rencontre a lieu entre un pape et un souverain de ce pays, gardien deslieux saints de l’islam. L'entrevue a pour objet le dialogue interreligieux, avec en toile de fond la question de laliberté religieuse pour les chrétiens présents en Arabie saoudite[181].
Dans l'exhortation apostolique post-synodaleVerbum Domini, parue en novembre 2010, le pape souhaite que « les rapports inspirés par la confiance, qui se sont instaurés depuis plusieurs années entre chrétiens et musulmans, se poursuivent et se développent dans un esprit de dialogue sincère et respectueux ». Il retient aussi les pistes de dialogue proposées par les évêques présents au Synode comme « le respect de la vie en tant que valeur fondamentale, et celui des droits inaliénables de l’homme et de la femme et de leur égale dignité » et la « contribution des religions au bien commun ». Le Synode envisage aussi de favoriser des rencontres entre chrétiens et musulmans afin qu'ils se connaissent mieux mutuellement[182].
Les conditions de ce dialogue sont celles qui, pour le pape, prévalent dans le dialogue entre les différentes religions, comme « la nécessité que soit assurée de manière effective à tous les croyants la liberté de professer leur propre religion en privé et en public, ainsi que la liberté de conscience ».BenoîtXVI rappelle ainsi les paroles de Jean-Paul II aux musulmans àCasablanca, lors de son voyage au Maroc en août 1985 : « le respect et le dialogue requièrent la réciprocité dans tous les domaines, surtout en ce qui concerne les libertés fondamentales et plus particulièrement la liberté religieuse. Ils favorisent la paix et l’entente entre les peuples »[182].
Le, le papeBenoîtXVI reçoit le14e dalaï-lama, chef spirituelbouddhiste du Tibet dans le cadre d’une « rencontre privée, de courtoisie, aux contenus religieux »[183]. Le, il devait également recevoir ledalaï-lama auVatican[184]. Cependant, à la suite d'une pression du gouvernement chinois, le Vatican déclare que le pape n'envisage pas de rencontrer le dalaï-lama à cette date, soulevant une critique[185]. Le dalaï-lama a déclaré qu'il était désolé de ne pas voir le pape pendant sa visite de10 jours en Italie[186].
Le, dans son discours d'ouverture de laCinquième Conférence générale de l’épiscopat latino-américain et caribéen, àAparecida, au Brésil,BenoîtXVI nie que « l'annonce de Jésus et de sonÉvangile ait comporté une aliénation descultures précolombiennes ou cherché à imposer une culture étrangère ». Il affirme ensuite que « sans le savoir, les Indiens cherchaient le Christ dans leurs riches traditions religieuses. Le Christ était le sauveur auquel ils aspiraient silencieusement. Avec l'eau dubaptême (…), l'Esprit saint est venu féconder leurs cultures, les purifiant et développant les nombreuses semences que le Verbe incarné avait mises en eux »[187]. Il cite alors la doctrine catholique sur les religions non chrétiennes, provoquant la protestation de responsables religieux ainsi que d'historiens, de théologiens, d'associations et d'experts des communautés amérindiennes[188]. Plus tard, il déclare que lesConquistadores ont commis de graves crimes que l'Église a déjà dénoncés par le passé[189].
Dans l'encycliqueCaritas in veritate sur le développement humain intégral (2009), il consacre un chapitre entier aux « devoirs des peuples, droits et devoirs, environnement » (chapitre IV). Il alerte sur les devoirs qu'engendre le rapport de l'homme avec l'environnement naturel : « Le thème du développement est aussi aujourd’hui fortement lié aux devoirs qu'engendre le rapport de l'homme avec l’environnement naturel. Celui-ci a été donné à tous par Dieu et son usage représente pour nous une responsabilité à l’égard des pauvres, des générations à venir et de l’humanité tout entière » (§ 48). Il identifie les relations entre l'environnement et le social : « Toute atteinte à la solidarité et à l’amitié civique provoque des dommages à l’environnement, de même que la détérioration de l’environnement, à son tour, provoque l’insatisfaction dans les relations sociales » (§ 51)[192].
Dans son message pour lajournée mondiale de la paix 2010, il a exprimé sa préoccupation pour la destruction de l'environnement de nombreuses régions de la planète du fait de l'action de l'homme, d'une façon qui compromet sérieusement l'écosystème. Le pape a relié un appel moral fort à la solidarité, sur la base de la reconnaissance de ladestination universelle des biens de la Création, qui concerne aussi les pauvres et les générations à venir. Lors desJournées mondiales de la jeunesse de Sydney en juillet 2008,BenoîtXVI a expliqué quels sont les fondements d'uneécologie humaine qui tienne compte aussi bien de l'environnement naturel que social. Il a affirmé que cette crise de l'écologie naturelle et de l'écologie sociale est due au fait que « la liberté et la tolérance sont très souvent séparées de la vérité »[193]
La notion d'écologie humaine (ou écologie de l'Homme), énoncée lors des vœux de Noël 2008 du pape, a provoqué selonLe Journal du dimanche « la colère des associations homosexuelles »[194].
Un ouvrage rassemblant les textes clés de Benoît XVI sur l'écologie intégrale est paru en 2024 :L'homme au cœur de la création[195].
D'une façon générale, le pape n'a pas pris autant que son prédécesseur part au débat politique. Certains choix religieux ont cependant des échos politiques lisibles – ainsi, la canonisation de religieux espagnols tués au cours de laguerre d'Espagne au moment où le gouvernement socialiste deJosé Luis Zapatero reconnaissait les combattants républicains.
Son enfance et l'arrivée d'Hitler au pouvoir démocratiquement sont analysées par Joseph Ratzinger comme la perte en Allemagne des convictions chrétiennes, qui disparaissaient et n'ont pas su faire face à l'idéologie nazie. La foi d'une communauté robuste et orthodoxe, comme celle de son père, est, selon lui, plus à même de résister auxidéologies[A 27]. La faiblesse de la démocratie malgré larépublique de Weimar conduit à développer une conception de la démocratie à qui il faut, pour bien fonctionner, de la vertu[A 28].
Le, au cours de la messe célébrée auVatican, à l'occasion de la Journée mondiale de la paix,BenoîtXVI a appelé l'Organisation des Nations unies (ONU) à une conscience renouvelée de ses responsabilités pour promouvoir la justice, la solidarité et la paix dans le monde.
Le, dans l'avion qui l'amène enAfrique[196],BenoîtXVI déclare :« Je dirais qu’on ne peut pas vaincre ce problème du sida uniquement avec de l’argent, qui est nécessaire. S’il n’y a pas l’âme, si les Africains ne s’aident pas, on ne peut le résoudre en distribuant des préservatifs. Au contraire, ils augmentent le problème[Note 10]. »[197]. Il ajoute que la solution au problème de l'épidémie ne peut se trouver que dans l'« humanisation de la sexualité » et un « renouveau spirituel » des relations humaines d'une part, et d'autre part dans un dévouement total envers les personnes qui souffrent[198].
Ces propos sont très critiqués par des organisations s'occupant de la lutte contre le sida, à l'instar duFonds mondial de lutte contre le sida et d'ONUSIDA[199], et par divers gouvernements ou personnalités politiques, notamment enBelgique, auxPays-Bas et enFrance[200],[201]. L'immunologiste Quentin Sattentau, de l'université d'Oxford, parle d'un « grand pas en arrière en matière d'éducation sanitaire » et redoute une augmentation des contaminations[200] tandis qu'un chercheur,Edward Green, directeur du AIDS Prevention Research Project Harvard Center for Population and Development Studies de l'université Harvard, affirme dans un éditorial[202] que des « preuves empiriques » donnent raison au pape, mettant en exergue que l'usage du préservatif n'est pas efficace lorsque l'épidémie de sida touche l'ensemble de la population, tout en confirmant son efficacité dans d'autres situations[203],[204].
Plusieurs personnalités de l'Église catholique relativisent les propos deBenoîtXVI, tel l'évêque françaisJean-Michel di Falco qui affirme qu'« on ne doit être ni criminel, ni suicidaire, et on doit utiliser le préservatif », le prêtreGuy Gilbert exprimant son sentiment d'avoir sauvé plusieurs vies en distribuant des préservatifs, ou l'évêque auxiliaire deHambourg expliquant que toute personne séropositive ou sexuellement active « doit protéger les autres et [elle-même][200] ».
Plusieurs évêques français[205] et africains appuient quant à eux les propos du pape, affirmant, comme l'archevêque deKinshasa,Laurent Monsengwo, que le préservatif aggrave le problème en « donnant une fausse sécurité[199] ».
Peu après, l’Osservatore Romano reconnaît une « certaine efficacité » au préservatif dans le cadre de campagnes de lutte contre le sida fondées prioritairement sur la fidélité et l'abstinence (Stratégie ABC), par exemple enOuganda[206].
À la suite de ce discours à l'arrivée à l'aéroport de Yaoundé, le pape demande la gratuité des soins et la facilitation de l'accès aux hôpitaux pour les personnes atteint de cette maladie[207],[208].
En, dans un livre d'entretiens avec Peter Seewald(Lumière du monde)[209],BenoîtXVI revient sur son discours prononcé un an et demi plus tôt[210]. Il dit avoir alors voulu affirmer avec force que le problème du sida ne pouvait se résoudre par la seule distribution de préservatifs. La prévention, par l'abstinence et la fidélité, ainsi que le refus de la banalisation de la sexualité sont à ses yeux beaucoup plus déterminants pour la lutte contre le sida. Toutefois, le pape tient compte aussi dans cet entretien avec Peter Seewald de situations exceptionnelles où des relations sexuelles peuvent s'avérer dangereuses pour la vie de l'autre. Sans approuver ces relations et l'exercice désordonné de la sexualité, le pape estime que l'utilisation du préservatif pour diminuer le danger de contagion est, dans ces situations, « un premier acte de responsabilité », « un premier pas sur le chemin vers une sexualité plus humaine »[211],[212]. D'après le père Lombardi, directeur duBureau de presse du Saint-Siège, des théologiens et des membres du clergé ont déjà soutenu des analyses similaires. Le père Lombardi observe cependant, comme l'ont fait de nombreux observateurs, que c'est la première fois qu'un pape donne son avis de cette façon sur ce sujet[211]. Enfin, à la suite des diverses interprétations erronées qui ont été diffusées à l'occasion de la publication du livre, laCongrégation pour la doctrine de la foi a publié une note qui précise : « En réalité, les paroles du Pape qui font allusion en particulier à un comportement gravement désordonné, en l’occurrence la prostitution (cf.Lumière du monde,p. 159-161), ne modifient ni la doctrine morale ni la pratique pastorale de l’Église. Comme il ressort de la lecture du passage en question, le Saint-Père ne parle ni de morale conjugale, ni même de norme morale sur la contraception. […] L’idée qu’on puisse déduire des paroles deBenoîtXVI qu’il est licite, dans certains cas, de recourir à l’usage du préservatif pour éviter les grossesses non désirées, est tout à fait arbitraire et ne correspond ni à ses paroles ni à sa pensée. […] le Saint-Père se référait au cas totalement différent de la prostitution »[213].
Le pape déclare dans sa lettre que la messe de 1962 et celle de 1970 ne sont qu'un seul et même rite ayant deux expressions différentes (cette appréciation est critiquée par les traditionalistes et les progressistes). De plus, il dénonce les excès « insupportables » de la réforme liturgique post-conciliaire et appelle à « une réconciliation interne » au sein de l'Église catholique, ainsi qu'àl'unité des chrétiens ayant suivi Marcel Lefebvre après les sacres de 1988[pas clair]. Ce texte a été salué comme une victoire pour ces fidèles[216], maisBenoîtXVI réaffirme la validité de lamesse dePaulVI comme expression ordinaire du rite, alors que la messe dePie V est reconnue mais comme l'expression extraordinaire[215].
En effet la publication dumotu proprio est apparue dans le contexte d'une tentative de « réintégration » de laFraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) dans lapleine communion ecclésiale. Fellay avait présenté deux conditions préalables : a) la reconnaissance du droit de tout prêtre catholique de célébrer la messe tridentine, et b) la levée de l'excommunication des quatre évêques de la Fraternité[réf. nécessaire]. Par un décret du, le préfet de la Congrégation pour les évêquesGiovanni Battista Re, agissant au nom du papeBenoîtXVI, lève l'excommunication des quatre évêques de la FSSPX. Parmi eux se trouveRichard Williamson, qui a fait publiquement des déclarationsnégationnistes[217].
Au sein de la FSSPX, une forte opposition au projet de rapprochement avec le Saint-Siège s'est manifestée et aucun accord n'a été trouvé, mais après l'annonce de la démission deBenoîtXVI, le, Fellay lui a déclaré sa gratitude pour avoir affirmé que la « messe traditionnelle » n'avait jamais été abrogée et pour avoir levé l'excommunication des évêques[218].
Quelques mois avant la levée de l'excommunication,Richard Williamson a en effet tenu des proposnégationnistes dans un entretien diffusé par une chaîne de télévision suédoise. Il reprenait ainsi des affirmations qu'il avait faites àSherbrooke, auQuébec, en avril 1989[222], déclarant alors que les Juifs étaient les « ennemis du Christ » et que la Shoah était une falsification mise en œuvre par lessionistes en vue de la création de l'État d'Israël[223].
La levée de l'excommunication de ces quatre évêques suscite alors une vive polémique médiatique[224]. Quelques centaines de catholiques allemands, hostiles à ce décret, engagent une procédure officielle pour se faire radier des registres de l'Église[224]. Dans un entretien au journalLe Monde, le grand rabbin de France,Gilles Bernheim s'interroge :
Face à la polémique, le Vatican précise que le pape ignorait les déclarations négationnistes de Richard Williamson et que l'évêque devra prendre « sans équivoque et publiquement ses distances » avec les propos précédemment tenus pour « être admis aux fonctions épiscopales dans l'Église[224] ». Dans le même document[226], le Vatican indique que « la pleine reconnaissance du concileVaticanII » est « indispensable à la reconnaissance future de la FSSPX ». PourAngela Merkel, ces demandes du pape à l'encontre de l'évêque négationniste sont saluées comme« un signal important et positif »[227].
Dans sa réponse, le rabbin Arthur Schneier indique que ces relations, « basées sur les solides fondations deVaticanII », « peuvent survivre à des rechutes périodiques » d'où juifs et chrétiens ressortiront « plus forts pour travailler ensemble ». Il exprime la « souffrance » causée aux Juifs par les propos négationnistes de Williamson et souligne que la « fermeté » de la condamnation de la Shoah parBenoîtXVI représente un « encouragement »[228].
Le,BenoîtXVI publie uneLettre aux évêques de l'Église catholique[229], dans laquelle il exprime ses regrets à propos des maladresses de communication ayant entouré cette affaire, et expose les raisons qui l'ont conduit à prendre cette mesure de levées d'excommunication et les raisons doctrinales qui, selon lui, empêchent la FSSPX d'accéder à un statut canonique dans l'Église et ses ministres d'y exercer légitimement un ministère.
PourBenoîtXVI, le différend de la FSSPX avec Rome est d'ordre « essentiellement doctrinal »[230] et porte notamment sur l'acceptation par la FSSPX « du concileVaticanII et du magistère post-conciliaire des papes ». Tant que cette question n'est pas résolue, la FSSPX « n'a pas de statut canonique dans l'Église », « ses ministres ne peuvent exercer légitimement aucun ministère » et elle n'est pas dans lapleine communion de l'Église catholique[231].
Les négociations durent trois ans. Quand le cardinalWilliam Levada atteint l'âge de la retraite,BenoîtXVI le remplace, le, par l'un de ses proches collaborateurs,Gerhard Ludwig Müller, évêque deRatisbonne. Celui-ci devient donc préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi[232]. En tant que tel, il est également président de la Commission pontificaleEcclesia Dei, de laCommission biblique pontificale et de laCommission théologique internationale. C'est Gerhard Ludwig Müller qui déclare, en septembre 2012, que, après une dernière discussion avec les traditionalistes, les négociations ont abouti à un échec ; elles ne reprendront pas[233].
Le 11 février 2013, à l'issue d'unconsistoire public ordinaire convoqué pour valider des propositions decanonisations, le pape annonce, enlatin, sarenonciation pour le 28 février à20 heures (heure de Rome), la justifiant par la« vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié. »[234],[235],[236]. Il se retirera aumonastère Mater Ecclesiae. Selon le quotidienLa Repubblica, cette renonciation serait liée aurésultat de l'enquête interne dontBenoîtXVI avait chargé les cardinauxJulián Herranz Casado,Jozef Tomko etSalvatore De Giorgi[237]. Jean-Marie Guénois, chroniqueur religions du journal françaisLe Figaro, démonte les allégations deLa Repubblica,« construction […] aussi absurde que fausse ». Selon lui, le pape a pris la décision de démissionner en avril 2012, à l'issue d'un voyage au Mexique et à Cuba dont il est sorti épuisé, et n'en a informé qu'un cercle extrêmement restreint pour se ménager le temps de mener à bien certains chantiers[238].
Sa renonciation est conforme auCode de droit canonique de 1983 régissant les activités du Saint-Siège :« S'il arrive que le Pontife romain renonce à sa charge, il est requis pour la validité que la renonciation soit faite librement et qu'elle soit dûment manifestée, mais non pas qu'elle soit acceptée par qui que ce soit »[239].
Le pape lors de sa dernièreaudience générale, le, veille de sa renonciation.
Dans une lettre de 2014 adressée à l'évêqueNicola Bux(it) et rendue publique en 2025, Benoît XVI rejette catégoriquement l'interprétation selon laquelle il aurait renoncé seulement à l'exercice du ministère pétrinien et conservé la charge[246].
Les derniers messages deBenoîtXVI portent notamment sur l'intégrité morale et religieuse de l'Église. Il dénonce ainsi dans un sermon l'hypocrisie religieuse et les divisions au sein du corps ecclésiastique[247],[248],[249]. Lors de l'angélus du premier dimanche deCarême, il rappelle que l'Église appelle chacun de ses membres à « se renouveler dans l'Esprit et à se réorienter vers Dieu en reniant l'orgueil et l'égoïsme »[250],[251].
Le lendemain, après une cérémonie de congé en présence des cardinaux présents à Rome en fin de matinée,BenoîtXVI se rend àCastel Gandolfo où son salut à la foule depuis le balcon du palais apostolique constitue le dernier geste du pontificat. À20 heures, les gardes suisses ferment les portes du palais. Le pontificat est terminé et commence la période devacance du siège apostolique.
Le à11 heures, l’anneau du pêcheur, symbole du pouvoir pontifical, est biffé par lecardinal camerlingueTarcisio Bertone. À16 heures, après avoir salué une dernière fois les cardinaux, les employés du Vatican et lesGardes suisses dans la cour San Damaso,BenoîtXVI embarque à bord d'un hélicoptère blanc de l'armée de l'air italienne à destination deCastel Gandolfo où il s'installe pour une durée de deux mois[256], tandis que les appartements pontificaux du Vatican sont scellés[257]. À partir de20 heures, il devient officiellement « Sa SaintetéBenoîtXVI,pape émérite » ou « Sa SaintetéBenoîtXVI,pontife romain émérite »[258], bien que, lors de sa première apparition publique après leconclave sur le balcon deSaint-Pierre de Rome, son successeurFrançois, se nommant lui-mêmeévêque de Rome plutôt que pape, appelle à prier pour son prédécesseur qu'il qualifie d'« évêque émérite ». Lepape émérite conserve sa soutane blanche, mais abandonne la ceinture et lecamail[259], symbole des responsabilités pesant sur les épaules du souverain[260] et remplace leschaussures rouges, rappelant le sang des martyrs, par de simples mocassins marron que lui ont offerts des artisans mexicains lors de sa visite au Mexique en 2012[261].
Relations avec le pape François et retraite au Vatican
Bien que sa santé s'amenuise, le pape émériteBenoîtXVI continue de recevoir des visites ; d'après l'agence en ligneZenit, qui publie ces propos le 19 août, il aurait évoqué à un visiteur anonyme une « expérience mystique » à l’origine de son départ, et qui se serait poursuivie au cours des mois suivants, le confortant dans son choix. Il aurait ajouté que, plus il constatait le grand « charisme » de son successeur, le pape François, plus il se rendait compte que sa décision avait été la « volonté de Dieu »[267]. Cette information est ensuite démentie le25août, à la télévision italienne, par son secrétaire personnelGeorg Gänswein[268].
Quelques mois après le conclave qui l'a élu, dans l'avion le ramenant à Rome après lesJournées mondiales de la jeunesse à Rio, lepape François (qui n'a que9 ans d'écart avec lui) affirme queBenoîtXVI est comme un « grand-père à la maison », qu'il consulte régulièrement et que, s'il avait une difficulté ou une chose qu'il n'aurait pas comprise, il lui demanderait conseil[269]. Le pape François rend d'ailleurs visite à son prédécesseur au monastère Mater Ecclesiae où celui-ci vit depuis sa renonciation, à l'occasion des fêtes de fin d'année, puis l'invite le 27 décembre 2013 pour un déjeuner à sa résidence de Sainte-Marthe.
En 2015,BenoîtXVI est convié au deuxième consistoire du pape François qui voit la création de 20 nouveaux cardinaux le. Il reçoit la visite du pape François au monastère Mater Ecclesiae le, avant d'aller se reposer quelques semaines dans la résidence d'été de Castel Gandolfo[276]. C'est pendant ce séjour estival en dehors de Rome qu'il reçoit un doctorat honoris causa de l'Université pontificale Jean-Paul-II et de l'Académie de musique deCracovie, le, des mains du cardinalStanisław Dziwisz[277]. Il est présent ensuite à la cérémonie d’ouverture de laPorte Sainte marquant le début duJubilé de la Miséricorde[278] le, la franchissant immédiatement après le Pape François. C'est la dernière apparition publique officielle du pape émérite.
À partir de l'année 2016, les célébrations ou rencontres avecBenoîtXVI se font en privé. Il célèbre ses65 ans de sacerdoce le en présence du pape François[279] dans la salle clémentine dupalais apostolique. Le, le pape François et les 16 nouveaux cardinaux du troisième consistoire se rendent auprès du pape émérite aumonastère Mater Ecclesiae[280], ce qui signifie que contrairement aux deux précédents consistoires de 2014 et 2015,BenoîtXVI n'assiste pas à leurs créations dans la basilique Saint-Pierre. Il fait de même pour les consistoires suivants du[281], du[282], du[283], du[284] et du[285].
BenoîtXVI publie un livre entretien le, intituléDernières conversations, avec le journaliste allemandPeter Seewald. Il revient sur son pontificat, sarenonciation et le pontificat de son successeur, le papeFrançois[287].
En 2017, il préface les versions allemande et italienne du livre d'entretienLa Force du silence du cardinalRobert Sarah, ce qui est analysé comme un soutien discret à cet ecclésiastique conservateur[288].
En janvier 2020, en collaboration avec le cardinalRobert Sarah,BenoîtXVI s'exprime dans le livreDes profondeurs de nos cœurs sur le maintien du célibat du clergé au sein de l'Église catholique, précisément à la lumière du récent débat sur la question[289].
Le pape émérite recevait régulièrement la visite de son frère aîné,Georg Ratzinger, qui restait au Vatican quelques semaines à chacune de ses venues.
Du au,BenoîtXVI se rend àRatisbonne pour rendre une dernière visite à son frère qui est gravement malade. Lors de ce premier voyage international du pape émérite depuis son abdication, il est notamment accompagné par son secrétaire particulierGeorg Gänswein, un médecin, une infirmière, et le commandant adjoint de la gendarmerie vaticane.
Le corps de Benoît XVI est exposé à partir du 2 janvier 2023 dans labasilique Saint-Pierre de Rome, afin que les fidèles puissent venir lui rendre hommage avant ses funérailles[297]. La messe de ses obsèques se déroule le 5 janvier sur laplace Saint-Pierre, sous la présidence du pape François. Plusieurs observateurs notent une« volonté évidente de rendre la cérémonie discrète », et une homélie impersonnelle du pape François[298].
Une journée de deuil national est décrétée au Portugal le 5 janvier, jour des funérailles de Benoît XVI[299].
Ce chapitre ainsi que celui d'Hans Urs von Balthasar sont la traduction (respectivement par Pierre Chambard et Gérard Baudry) deZwei Pladoyers (Deux plaidoyers), Kösel-Verlag GmbH und Co., 1971.
Les trois chapitres sont des versions revues et corrigées d'homélies prononcées en 1973, de considérations sur l'Avent exposées en, d'un sermon prononcé à Ratisbonne en 1975 et d'une conférence sur Pâques donnée à la radio bavaroise (cf. préface).
Un tournant pour l'Europe ? : Diagnostics et pronostics sur la situation de l'Église et du monde, Saint-Maurice, Saint-Augustin,(ISBN978-2-88011-043-7).
↑Le titre depape n'apparaît en effet qu'au cours duIIIe siècle et n'est pas attesté pour l'évêque de Rome avant le début duIVe siècle. Philippe Levillain,Dictionnaire historique de la papauté, Fayard, 2003, s. v. « Pape ».
↑Dans lesSouvenirs qu'il a publiés en 1997, Joseph Ratzinger a retracé l'atmosphère de ses dix ans, alors que la famille, éclairée par un père de famille viscéralement hostile auTroisième Reich et aunazisme, relevait les signes angoissants de la militarisation du pays sans pouvoir imaginer le cataclysme qui allait être déclenché par le régime hitlérien.
↑Interrogé sur ce qu'il voulait faire plus tard, Joseph Ratzinger affirma vouloir devenir curé de paroisse. Walter Fried qui a fait son service militaire avec Joseph Ratzinger affirma qu'« il fallait du courage pour répondre cela » dans le climat d'anticléricalisme ambiant du régime nazi. Ce témoignage est repris par le livreBenoîtXVI, Le Choix de Dieu, dont la source provient de l'édition en ligne duSpiegel du.
↑Selon une légende médiévale,saint Augustin rencontre un enfant sur une plage qui s'applique à épuiser l'eau de la mer avec une coquille. L'évêque note la vanité de ce projet, mais l'enfant lui répond qu'il aura fini avant que le saint ait fini de comprendre les mystères de la Trinité. Ce dernier décide d'adopter le coquillage dans son blason. Cf.Aldo Maria Valli,Le Petit Monde du Vatican, Tallandier,,p. 127.
↑Dans cette composition, la partie extérieure est inspirée par les armoiries du pape Barberini,UrbainVIII, pape de 1623 à 1644, que l'on voit sur les piliers du baldaquin du Bernin dans la basilique Saint-Pierre.
↑« Le pallium, tissu en pure laine placé sur mes épaules […] peut être considéré comme une image du joug du Christ. […] Et cette volonté n'est pas pour moi un poids extérieur, qui nous opprime et nous enlève notre liberté. […] En réalité le symbolisme du pallium est encore plus concret : la laine d'agneau entend représenter la brebis perdue ou celle qui est malade ou celle qui est faible, que le pasteur met sur ses épaules et qu'il conduit aux sources de vie. […] Le fils de Dieu […] ne peut abandonner l'humanité à une telle condition misérable. Il se met debout, il abandonne la gloire du ciel, pour retrouver la brebis et pour la suivre, jusque sur la croix. Il la charge sur ses épaules, il porte notre humanité, il nous porte nous-mêmes. ».
↑Un premier dépassement, d'une unité, pendant quelques semaines, avait déjà eu lieu à l'occasion du consistoire précédent
↑« Ce n'est qu'en examinant avec attention les nombreux éléments qui ont donné naissance à la crise actuelle qu'il est possible d'entreprendre un diagnostic clair de ses causes et de trouver des remèdes efficaces. Il est certain que parmi les facteurs qui y ont contribué, nous pouvons citer : des procédures inadéquates pour déterminer l'aptitude des candidats au sacerdoce et à la vie religieuse ; une formation humaine, morale, intellectuelle et spirituelle insuffisante dans les séminaires et les noviciats ; une tendance dans la société à favoriser le clergé et d'autres figures d'autorité, ainsi qu'une préoccupation déplacée pour la réputation de l'Église et pour éviter les scandales, qui a eu pour résultat de ne pas appliquer les peines canoniques en vigueur et de ne pas protéger la dignité de chaque personne. » (BenoîtXVI,Lettre aux catholiques d'Irlande, 20 mars 2010)
↑« (…) les attaques contre le pape et contre l'Église ne viennent pas seulement de l'extérieur, mais les souffrances de l'Église viennent proprement de l'intérieur de l'Église, du péché qui existe dans l'Église. Ceci s'est toujours su, mais aujourd'hui nous le voyons de façon réellement terrifiante : que la plus grande persécution de l'Église ne vient pas de ses ennemis extérieurs, mais naît du péché de l'Église et que donc l'Église a un besoin profond de réapprendre la pénitence, d'accepter la purification, d'apprendre d'une part le pardon, mais aussi la nécessité de la justice. Le pardon ne remplace pas la justice. En un mot, nous devons réapprendre cet essentiel : la conversion, la prière, la pénitence et les vertus théologales. »BenoîtXVI, 11 mai 2010,Ag. Zénit ZF10051211 - 12-05-2010.
↑Isabelle de Gaulmyn,« Ce que le pape a vraiment dit sur le préservatif… »,La Croix, 19 mars 2009 ; la version de sa réponse diffusée 48 heures plus tard par le service de presse du Vatican diffère des propos tenus : « On ne peut vaincre [le] problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. S’il n’y a pas l’âme, si les Africains ne s’aident pas, on ne peut résoudre ce fléau en distribuant des préservatifs : au contraire, cela risque d’augmenter le problème »
↑ab etcFrédéric Lenoir, « Aux États-Unis, peu de procès contre des prêtres pédophiles ont abouti »,Le Monde,(lire en ligne, consulté le).
↑Emmanuel Pellat et Samuel Pruvot, « Bernard Lecomte : « BenoîtXVI est le premier pape à affronter avec autant de courage le problème de la pédophilie » »,Famille Chrétienne,no 1679,(lire en ligne, consulté le).
↑Loup Besmond de Senneville, « Abus sexuels dans le diocèse de Munich : Benoît XVI prêt à se défendre devant les juges. »,La Croix,(lire en ligne, consulté le).
↑Delphine Nerbollier, « Benoît XVI : la justice allemande abandonne son enquête sur le pape émérite »,La Croix,(lire en ligne, consulté le).
↑ « Concepts uncritically borrowed from Marxist ideology and recourse to theses of a biblical hermeneutic marked by rationalism are at the basis of the new interpretation which is corrupting whatever was authentic in the generous initial commitment on behalf of the poor. » (Libertatis Nuntius, VI, 5).
↑Actes du colloqueChristianisme : héritage et destins, Cyrille Michon, livre de poche, 2002(ISBN978-2-253-94318-1).
↑Jacques-O. Pidoux,Dominus Iesus : les mots qui blessent, inProtestInfo, 27/11/200,article en ligne
↑Art. 91 de la déclarationDominus Iesus :« S’il est vrai que les adeptes d’autres religions peuvent recevoir la grâce divine, il n’est pas moins certain qu’objectivement, ils se trouvent dans une situation de grave indigence par rapport à ceux qui, dans l’Église, ont la plénitude des moyens de salut ».
↑abc etd(de)kath.net, « Der Dammbruch! », surkath.net,katholische Nachrichten,(consulté le) :« Sofort nach seiner Amtsübernahme wurden beanstandete Bischöfe, Theologen und Priester nicht mehr abgekanzelt, wie das zuvor üblich war, sondern in bedeutenden Fällen nach Rom eingeladen, um sich persönlich mit den unterschiedlichen Auffassungen auseinanderzusetzen. Ratzinger stärkte die Rechte von Autoren und gab den der dogmatischen Abweichung beschuldigten Theologen erstmals das Recht auf Verteidigung. ».
↑« Afrique – Nombreuses condamnations après les propos du pape sur le préservatif »,Le Monde, 18 mars 2009[lire en ligne].
↑Edward C. Green,The Pope May Be Right, inWashington Post, 29/03/2009,article en ligne
↑Comme enThaïlande ou auCambodge, où le HIV était transmis par la prostitution et où une distribution massive de préservatifs dans les maisons closes a endigué l'épidémie.Some Research Might Back Pope On Comments Against Condom Distribution In Africa, Opinion Piece Says, inMedical news Today, 31/03/2009,article en ligne
↑a etbLettre du papeBenoîtXVI aux évêques qui accompagne la lettre apostoliquemotu proprio data sur l'usage de la liturgie romaine antérieure à la réforme de 1970 sur le site du Vatican
Stéphanie Le Bars, « Benoît XVI, premier « pape émérite », théologien conservateur devenu pontife malgré lui, est mort »,Le Monde.fr,(lire en ligne, consulté le)