Benoît IX (Teofilatto dei conti di Tuscolo), né vers 1012 dans leLatium et mort entre le et le àGrottaferrata, est pape à trois reprises : du à comme145e pape de l'Église catholique, du au comme147e pape puis du au en tant que150e pape, pour une durée totale de douze ans.
Issu de la puissante famille desThéophylactes, il est le fils d'Albéric III de Tusculum, l'influentcomte de Tusculum, et le neveu des papesBenoît VIII etJean XIX, lesquels étaient frères. À la mort de ce dernier, Albéric III fait élire son fils pape. Laïc, Théophylacte est également très jeune. SelonRaoul Glaber (Histoires, IV, 5), il aurait douze ans à sa montée sur le trône pontifical. L'affirmation est acceptée parLouis Duchesne (1843–1922)[1] mais est mise en doute par la plupart des historiens contemporains : les mœurs dont l'accusent les chroniqueurs ultérieurs supposent qu'il a au moins atteint la puberté[2]. Quoi qu'il en soit, Benoît IX est certainement l'un des plus jeunes papes de l'histoire avec son lointain parentJean XII, devenu pape aux alentours de 18 ans. Il est couronné dès le lendemain de son élection.
Benoît continue lapolitique d'apaisement ébauchée par son prédécesseur vis-à-vis de la noblesse : son père se retire partiellement de la vie politique, peu à peu remplacé par son frère, Grégoire II, comte de Tusculum. Les contacts avec l'empereur du Saint-Empire ne commencent pas avant la décision deConrad II le Salique, en 1037, de déposerAribert d'Intimiano,archevêque de Milan. Contrairement aux espoirs impériaux, Benoît n'approuve pas immédiatement cette décision, mais attend l'année suivante pourexcommunier Aribert, comme demandé. Il fait également preuve de son indépendance en cassant en 1044 la décision imposée par Conrad II à Jean XIX au sujet dupatriarcat d'Aquilée.
En, une émeute contre lesThéophylactes, menée par les Stephani — une branche des puissantsCrescentii, rivaux des Théophylactes — le force à fuirRome. Poussés par les Stephani, les Romains élisent Giovanni de Crescenzi Ottaviani,évêque de Sabine en au terme d'une lutte féroce. Il est intronisé le sous le nom deSylvestre III. Benoît IX réagit par une excommunication immédiate.
Trois mois plus tard, Benoît IX parvient à prendre Rome et retrouve le trône pontifical le. Il devient alors un simple pion dans l'échiquier politique romain, où s'affrontent les grands clans familiaux. Le, il se démet en faveur de son oncle, Giovanni Graziano (Jean Gratien), qui est élu sous le nom deGrégoire VI. Les raisons de cette démission restent obscures : Benoît IX aurait été pris de remords après avoir été poussé à la papauté par sa famille, ou aurait voulu épouser l'une de ses cousines[3]. De larges sommes sont également échangées à cette occasion pour dédommager le clan desThéophylactes[4]. Benoît IX se retire sur ses terres familiales et ne paraît plus en public.
En 1046, l'empereur du Saint-EmpireHenri III, appelé à mettre fin à l'anarchie, se rend enItalie. Grégoire VI convoque lesynode de Sutri. Sylvestre III est condamné mais Grégoire VI ne peut pas nier qu'il a acquis sa tiare parsimonie : il se voit contraint d'abdiquer le 20 décembre.
Sous la pression d'Henri III, le synode élit le pape, le 24 décembre 1046, Suidger von Morsleben und Hornbur,évêque de Bamberg, qui prend le nom deClément II. Ce dernier meurt moins d'un an plus tard, le. Les Théophylactes profitent de l'occasion pour réinstaurer Benoît IX sur le trône dePierre.
Il accède ainsi une troisième fois au siège pontifical, du au. Un parti romain proteste auprès de l'Empereur, qui se prononce contre Benoît IX et fait élire à la fin de 1047 le Bavarois Poppo von Brixen, qui prend le nom deDamase II. Ce dernier ne sera pape que 23 jours : il meurt àPalestrina de lamalaria.
Cependant, Benoît IX a pris la fuite après qu'Henri III a envoyé à Rome le marquis Boniface de Canossa. Celui-ci fait alors élire lelorrain Bruno von Eguisheim-Dagsburg qui prend le nom deLéon IX. Avec l'aide de l'Empereur, le nouveau pape combat les Théophylactes et ravage leurs fiefs. Refusant de répondre aux accusations de simonie pesant contre lui, Benoît IX est excommunié, de même que ses proches.
À la mort de Léon IX, le 19 avril 1054, Benoît IX tente une nouvelle fois de monter sur le trône pontifical, en vain. Après cet ultime échec, il se retire dans l'abbaye territoriale Sainte-Marie de Grottaferrata, qui appartient à la sphère d'influence des Théophylactes. Il y meurt entre le et le, et est inhumé dans l'église abbatiale.
La réputation de ce pontife est une des pires de celles que nous ont transmis les chroniqueurs contemporains. Saint Bonizóne[5], évêque de Sutri, dit qu'il avait l'habitude de commettre des« lâches adultères et des homicides ». Dans le troisième livre de ses dialogues, le papeVictor III (1086–1087) écrit que Benoît« … se consacrait au plaisir et était beaucoup plus enclin à vivre comme épicurien que comme un pontife », et il le peignait comme un des pires pontifes qui aient jamais existé. La critique moderne ne peut pas s'écarter beaucoup de cette image. LaCatholic Encyclopedia le décrit par exemple comme« … un malheur pour la chaire de saint Pierre », etFerdinand Gregorovius, protestant par ailleurs très critique de la papauté, écrit que c'est avec Benoît IX que la papauté toucha le fond de la décadence morale« … il menait tranquillement auLatran la vie d'unsultan oriental[6] ».
En ce qui concerne son aspect physique,Raffaello Giovagnoli le déduit, dans son roman Benoît IX[7], de gravures dues à Bartolomeo Platina :« … le visage oblong, la peau de la plus grande blancheur, des pupilles turquoise, des cheveux blonds, bouclés et un peu dégarnis, souffrant d'un léger strabisme et avec un nez aquilin, bien rasé. Il revêt de préférence une tunique de soie blanche, toute travaillée avec des ornements d'or et serrée à la taille au moyen d'une large ceinture de cuir constellée de pierres précieuses […], un caleçon étroit de soie de Reims très fin et de couleur bleu clair […], un petit bonnet de soie fort gracieux, d'une couleur bleue rappelant celle de son caleçon et sur lequel s'agitait une plume blanche ».
Si des sources postérieures dépeignent Benoît IX comme un homme de mœurs dissolues, selon Luc, septièmeabbé de Grottaferrata, il aurait fait pénitence sur la fin de ses jours et se serait fait moine.