Carte de la Gaule avant la guerre des Gaules selonGustav Droysen[1] d'après les peuples définis parJules César. Le territoire desBelges est entouré d'orange.
Statère en or des Éburons :triskèle surmonté d'une croisette et au revers, cheval celtisé et roue de char, évocation de l’attelage figurant sur les monnaies dePhilippeII de Macédoine.
Le motbelge serait issu duceltique *bhelgh « se gonfler, être furieux » (voir legaulois *bulga « sac de cuir » et levieil irlandaisbolg « soufflet, ventre »). Il faudrait le comprendre soit comme « les furieux », « les belliqueux », « les belligérants », soit comme « les fiers, les vantards, ceux qui se gonflent comme une outre »[2],[3]. Le celtique *bhelgh dérive de la racineindo-européenne *bhel- « gonfler », « bomber » (angl.bulge « bosse » apparenté à bulle). LesFir Bolg (ou Fîr Bholg), dans lamythologie celtique irlandaise, sont un peuple de guerriers et d'artisans, troisièmes envahisseurs de l'Irlande, dont le nom signifie « hommes-sacs »[Note 1] ou « hommes-foudre »[Note 2]. Ils sont avant tout doués pour les arts du feu et de la forge.
Il existe un autre type de racines indo-européennes *bh(e)legh « briller, enflammer » ou *bhel « brillant, luisant, blanc » qui peuvent expliquer le nom de fédérations de peuplades, nommées en latin classiqueBelgae. La dévotion liée au dieu Bel ou Belenos semblerait attester de cette autre étymologie. Bavay, ancienne capitale de la Belgique Celtique aurait eu en son centre une statue dévolue au dieu Bel. Les monts sommetsBelchen présents dans lesVosges et enForêt-Noire, souvent placés sous le patronage du dieu celteBelenos, pourraient être le lieu d'attachement des ancêtres migrants. Ce dieu solaire organisateur et rassembleur, correspondant dans le ciel au dieu du peuple et de la guerre sur la terre, ainsi que les sommets massifs et arrondis qui, depuis leXVIIIe, sont dénommés ballons en français, possèderaient une racine commune avec le nom ethnique ou fédérateur. Les Belges sont nés sur les bords duRhin, comme le rappellent leurs multiples légendes[4].
Il est à noter que le termebalkan oubalkô est aussi un mot proto-germanique désignant une crête, une chaîne ou une arête qu'on retrouvait dans le norroisbalkr, le vieux haut-allemandbalcho et le vieil anglaisbalca ayant produitbalk (obstacle, entrave, bloc) en anglais moderne, tous ultimement du proto-indo-européen*bhelg[5]. « Belges » pourrait donc être un exonyme des Germains cisrhénans pour désigner les Gaulois habitant le nord de la Gaule transalpine.
Belges ouBelgis est aussi le nom encore cité auMoyen Âge par certains chroniqueurs (ex :Jacques de Guyse[6]) d'une ville de laprovince de Hainaut, qui pourrait être devenueBavay selon la plupart des chroniqueurs de l'époque ; Jacques de Guyse, après d'autres, attribue à cette ville une fondation ensuite considérée commemythique parBavo, prince dePhrygie et cousin dePriam qui aurait abouti dans le territoire de l'ancienneGaule belgique avec une partie de son armée, après laguerre de Troie (épisode rapidement considéré par de nombreux auteurs comme une fable, qui aurait par exemple pu être copiée par Lucius auXIIIe siècle, peut-être dans un roman latin duXIIe siècle)[7].
César, dans laGuerre des Gaules décrit ainsi les populations habitant la Gaule :
« Gallia est omnis divisa in partes tres, quarum unam incolunt Belgae, aliam Aquitani, tertiam qui ipsorum lingua Celtae, nostra Galli appellantur. Hi omnes lingua, institutis, legibus inter se differunt. »
« La Gaule tout entière est divisée en trois parties : les Belges habitent l'une, les Aquitains l'autre et ceux qui s'appellent Celtes dans leur propre langue et que nous appelons Gaulois dans la nôtre occupent la troisième. Ces nations diffèrent par le langage, les institutions et les lois. »
Il poursuit en précisant, dans son célèbre « éloge » du peuple belge, queles Belges sont les plus braves parmi ces trois peuples car les plus éloignés de la culture et de la civilisation deRome. Il explique aussi que les Belges descendent de population ayant traversé leRhin longtemps auparavant. Selon lui, les Belges avaient acquis une rude réputation en combattant les Germains. L'archéologie moderne pourtant contredit César : les Belges n'étaient nullement retardés, ils ont même introduit les premières pièces de monnaie en (Grande) Bretagne[17]. Et c'est chez lesTrévires qu'apparaît la premièremoissonneuse connue à travers l'histoire (poussée par un bœuf ou un âne, c'est une caisse sur roues munie de dents à l'avant qui arrache les épis qui tombent dans une caisse[18][réf. non conforme].
Casque gaulois en bronze de type Coolus-Manheim provenant de la région deTongres. Musée du Cinquantenaire, Bruxelles (Belgique).
Par ailleurs, selonStrabon, leurs territoires se situaient entre leRhin et laLoire et selonJules César ils sont séparés desCeltes ouGaulois par laMarne et laSeine, délimitation quelque peu arbitraire de César puisqu'il connaissait très peu les peuples du nord-ouest de la Gaule, ayant principalement délégué ses légats pour soumettre les peuples d'Armorique. Ainsi, les nations belges des Morins et des Ménapiens sont alliées à d'autres du littoral dont les Osismes et les Lexoviens lors de la campagne maritime romaine contre les Vénètes[19]. César signale aussi que ce seraient des Belges qui occupaient à l'époque de laGuerre des Gaules les territoires maritimes de laBretagne insulaire, ce que semble confirmerDion Cassius en mentionnant toutefois : « Les Belges, qui habitaient à proximité du Rhin dans de nombreuses nations mixtes et s'étendaient jusqu'à l'Océan en face de la (Grande) Bretagne »[20].Zosime etProcope font desArmoricains (Arboriques) les habitants des territoires belges qui ont pour voisins desFrancs qui tentent régulièrement de guerroyer contre eux sans succès et finirent ainsi par s'introduire pacifiquement parmi eux. Il apparait alors que la dénomination des 'Belges' ne s'appliquera dorénavant (vers 220apr. J.-C.) qu'à l'ensemble des Germains cisrhénans (ce dernier attribut n'est d'ailleurs plus mentionné) occupant les Germanies supérieure et inférieure et les côtes normandes (Côte saxonne) jusqu'à l'Atlantique (Océan), ce queEutrope relève également. Une mention de Strabon (Géographie livre IV, 1) nous informe que les Belges et d'autres peuples (Germains, Armoricains ?) occupaient les contrées maritimes au nord de la Garonne : « Ainsi dans le principe, tandis que le nom d'Aquitains s'appliquait aux peuples qui occupent, avec la partie septentrionale du mont Pyréné, tout le versant du Cemmène (Massif Central) en deçà du fleuve Garounas et jusqu'aux bords de l'Océan, le nom de Celtes désignait ceux qui s'étendent à l'opposé, d'un côté, jusqu'à la mer de Massalia et de Narbonne, et, de l'autre, jusqu'aux premières pentes des Alpes, et le nom de Belges comprenait, avec le reste des peuples habitant le long de l'Océan jusqu'aux bouches du Rhin, une partie de ceux qui bordent le Rhin et [la haute chaîne] des Alpes. »Certains Belges semblent ensuite avoir migré vers lesBalkans : on les signale en Bulgarie en-298, ils traversent l'Illyrie et attaquent laMacédoine (-260) et sont défaits parAttaleIer. Des éléments belges s'intègrent par la suite avec lesGalates[21].
Une partie des peuples belgae entament une migration vers les îles Britanniques dès les années 200 av. J.C. et s’y installent durablement. César écrit au sujet de la Bretagne : « La partie maritime est occupée par des peuplades que l'appât du butin et la guerre ont fait sortir de la Belgique ; elles ont presque toutes conservé les noms des pays dont elles étaient originaires, quand, les armes à la main, elles vinrent s'établir dans la Bretagne, et en cultiver le sol » (Guerre des Gaules, V, 12). Le lien continuera d’exister entre ces « deux » peuples belgae : le roi Commios, fuyant les Romains, se réfugie en Bretagne chez les Belgae bretons. Les Fir Bolg (ou Fîr Bholg), dans la mythologie celtique irlandaise, sont un peuple de guerriers et d'artisans, ayant constitué la troisième vague d'envahisseurs de l'Irlande. Les Ménapiens marins étaient des commerçants. Ils ont quelquefois été qualifiés de "Phéniciens du Nord". Ils disposaient aussi d'une flotte conséquente issue de techniques équivalentes (construction en chêne) à celles de leurs alliés Vénètes leur permettant d'établir des colonies commerciales jusqu'en mer d'Irlande et en Écosse (dont Menapia mentionné par Ptolémée dans le sud-est de l'Irlande). La nation des Ménapiens est la seule nation celtique connue qui soit spécifiquement nommée sur la carte de Ptolémée en Irlande, où elle a implanté sa première colonie - Menapia - sur la côte de Leinster vers 216 av. J.C.. Ils s'installèrent plus tard autour du Lough Erne et devinrent connus sous le nom de Fir Manach et donnèrent leur nom à Fermanagh et à Monaghan.[réf. nécessaire]
En-57,Jules César, ayant appris que les Belges ont conclu une alliance contreRome, se dirige vers leur territoire à la tête de huitlégions. L'armée belge s'unit sous la direction d'un certainGalba (ouAdra selonDion Cassius), roi desSuessions, qui est rejoint par quelques troupes germaines[24]. César fournit une liste détaillée des peuples ayant pris part à cette coalition, pour un total de 306 000 guerriers selon lui, répartis comme suit : lesBellovaques (60 000), lesSuessions (50 000), lesNerviens (50 000), lesMorins (25 000), lesAduatuques (19 000), lesAtrébates (15 000), lesAmbiens (10 000), lesCalètes (10 000), lesVéliocasses (10 000), lesViromanduens (10 000), lesMénapiens (9 000), en plus de 40 000Germains (lesCondruses,Éburons,Caeroesi etPémanes), nombres à prendre avec précautions. LesRèmes s'allient à César, qui installe son camp sur l'Aisne. La première confrontation a lieu le long de ce cours d'eau et s'achève par la retraite des Belges (bataille de l'Aisne). César assiège alors l'oppidum desSuessions, qui se soumettent finalement sans combattre. LesBellovaques et lesAmbiens font de même. LesNerviens, lesAtrébates, lesViromanduens et lesAduatuques forment alors une nouvelle coalition contre les Romains, mais César les défait lors de labataille du Sabis. Les Aduatuques sont soumis peu après. Au terme de cette campagne, la Belgique est conquise. À la fin de l'été-56, César attaque lesMorins et lesMénapiens. Il ravage leur terre, mais ne peut les soumettre. En-55, seslégats soumettent enfin Morins et Ménapiens et les légions romaines hivernent en Gaule belgique.
La province romaine deGallia Belgica du début de lapériode impériale correspondait pratiquement à l'ensemble des cités de l'ancienne fédération belge, c'est-à-dire les territoires sis entre le Rhin et la Seine, qu'il ne faut pas confondre avec le territoire auquel César donnait le nom deBelgium[25], partie de la Gaule belgique située entre l'Oise et l'Escaut. Au départ, la capitale de la grande province est Durocortorum (Reims) puis, à une date indéterminée (mais probablement pas avant la fin du Haut-Empire), la capitale est transférée à Augusta Treverorum (Trèves).
Reconstitution d'un habitat ménapien à Destelbergen (Belgique).
La nature de la langue (ou des langues) parlée(s) par les Belges est incertaine, étant donné qu'ils n'ont pas laissé d'écrit. Les hypothèses dans ce domaine se fondent principalement sur les témoignages des auteurs antiques ; sur l'étude des noms propresde leurs nations,de leurs aristocrates etde leurs dieux, cités dans les textes antiques ; ainsi que sur l'analyse de latoponymie de la région qu'ils occupaient.
Enfin, Bernard Sergent distingue parmi les Belges à la fois des Celtes (Atrébates,Bellovaques,Morins,Rèmes,Trévires), des Germains celtisés (Aduatuques, Condruses, Nerviens) et des peuples appartenant au « bloc du nord-ouest » de Kuhn (Pémanes,Ménapiens,Sunuques)[28].
Les découvertes du sanctuaire de Ribemont-sur-Ancre (Somme) dans les années 1960 et de Gournay-sur-Aronde (Oise) a permis de connaître plus précisément des rites sacralisant les espaces naturels autour d'enclos sacrés. Le Menhir deMacquenoise, pierre polie et sculptée préservée au Musée archéologique de Charleroi, représentant l’effigie du dieuIverix, roi If, est le seul menhir anthropomorphe de Wallonie. Un dépôt humain situé àBlicquy et daté au 14C entre 200 av. J.-C. et 50 av. J.-C., évoque les pratiques rituelles celtiques[29]. Unex-voto de la déesseViradectis a été retrouvé àStrée-lez-Huy.
↑Le termegauloisbulga signifie « sac de cuir », d'où l'ancien françaisbouge « bourse » > « lupanar », diminutifbougette > anglaisbudget. L’équivalent enceltique insulaire estbolg, qui peut avoir 2 sens : « sac » ou « crevasse » (La « lance de Cuchulainn », laGae bolga). Cf. Xavier Delamarre,Dictionnaire de la Langue gauloise, page 94, éditions Errance, Paris, 2003,(ISBN2-87772-237-6).
↑D'autres auteurs, dont Marcel Brasseur inLes Celtes, les guerriers oubliés, (1997, Rennes) donnent au termebolg <bolga le sens de « Belges » mais cette thèse n'est pas étayée, voir Guyonvarc'h et Le Roux (Les Druides, page 391) et Kruta (Les Celtes, histoire et dictionnaire, page 622).
↑Annales historiae illustrium principum Hannoniae (Annales historiques des nobles princes du Hainaut), ouvrage rédigé en latin et dédié au comteAlbertIer de Hainaut.Jean Wauquelin en fera, sous le titreChroniques de Hainaut, une traduction simplifiée mais richement illustrée pour la cour dePhilippe le Bon (vers1446-1450).
↑M. Raynouard,Le Journal des savans, juillet1831, et le marquis De Fortia à propos de Jacques De Guyse Vol III, X, 213 (Lien vers Google livre)
↑E. Gillet, N. Paridaens et L. Demarez,« Le sanctuaire de Blicquy – « Ville d’Anderlecht » (Prov. Hainaut, Belgique) », dans M. Dondin-Payre etM-TH. Raepsaet-Charlier,Sanctuaires, pratiques cultuelles et territoires civiques dans l'Occident romain, Bruxelles,, p.188-189.