Calligraphie alevie-bektachi : l'amour du genre Humain est l'essence de l'alévisme-bektachisme qui croit en la manifestation du Créateur en l'Homme et donc en l'immortalité de l'Humanité.
Lebektachisme ou bektashisme (enturc :Bektaşilik ; enalbanais :Bektashizmi) est un ordre religieuxésotérique (batin), issu de la mouvancesoufie de l'islam à l'origine même de nombreux autres ordres batin (voir lesghulat) et considéré comme une branche duchiisme car ses adeptes montrent un intérêt particulier pour l'ImamʿAlī ibn Abī T̩ālib[1]. Beaucoup de ses rites sont spécifiques au bektachisme.
Haci Bektas Veli, saint homme et mystique philosophe de l'alévisme, est le fondateur éponyme de la confrérie des bektachis qui joua un rôle primordial dans l'islamisation de l’Anatolie et desBalkans.
Sceau du prophèteSüleyman (Salomon) à la fontaine des « Trois » au tombeau deHaci Bektas Veli. Ce motif est courant dans l'architectureseldjoukide etottomane.Salomon fait partie desprophètes de l'islam. Dans leCoran, c'est la27esourate qui parle le plus de Salomon (Sulayman), prophète et roi, tout comme de son père David (Daoud). Plusieurs sourates font allusion[4] aux épreuves et aux pouvoirs que Dieu lui aurait accordés, pouvoirs qui prennent dans les légendes populaires la forme magique dusceau de Salomon.Représentation deZulfikar, l'épée d'Ali. Pour le prophèteMahomet[5], « Il n'y a pas de héros commeAli, Il n'y a pas d'épée commeZulfikar (lā fatā ʾillā ʿalī, lā saīf ʾillā ḏū-l-fiqār, لا فتى إلا علي لا سيف إلا ذو الفقار) ».
En1826, le sultanMahmoud II ordonne la dissolution de l'ordre desjanissaires et la fermeture de tous lesTekkes, lieux de rassemblement des bektachis. Les janissaires sont traqués et exécutés ou exilés, représentant à eux seuls entre 120 000 et 140 000 fidèles.
Les rites bektachis semblent proches dusoufisme, dans le sens où il y a une vraie recherche d'un guide spirituel (un « baba »). Chacun des membres de la communauté peut être initié jusqu'à devenir underviche puis finalement, un « baba ».
Les bektachis pensent que leCoran doit être lu à deux niveaux : de l'extérieur (zahir,ظاهر) et de l'intérieur (batin,باطن), ce qui laisse la place à une interprétation ésotérique des textes. Cela conduit le fidèle à moins s'attacher à la forme qu'au fond.
Le bektachisme a ses propres rites hebdomadaires, dont les femmes ne sont pas exclues. La prière s'exprime par des poèmes chantés, comme ceux d'Achik Ibreti (1919-1976).
Le bektachisme et l'alévisme sont très proches en termes de culture et de philosophie et, de nos jours, les Turcs ne font plus vraiment la différence entre les deux mouvements qui sont considérés comme des branches duchiisme. Le bektachisme est d'ailleurs considéré comme une hérésie par les mouvances orthodoxes du sunnisme.
Par ailleurs, l'islam alevi-bektachi, en raison de son aspect ésotérique, est, par essence et de facto, incompatible avec les mouvements politico-religieux de l'islam tels lesalafisme ou lewahhabisme qui le considèrent comme hérétique.
Sous l'Empire ottoman, la confrérie des bektachis a une influence importante sur la vie spirituelle des Ottomans et de leur élite. Elle joue un rôle dans la création de l'ordre desjanissaires, l'infanterie de l'armée ottomane chargée des frontières extérieures. Lesjanissaires comme lesmehter étaient de confession bektachi[7]. Le sultanat s’appuie sur le bektachisme pour étendre son aire d'influence en Europe. En atteste la présence à Budapest du tombeau deGül Baba[8],derviche bektachi. Les bektachis sont à l'origine de l'organisation des métiers du commerce et de l'artisanat au sein de l'Empire Ottoman. LeAhilik[9] est une organisation permettant de former les apprenants aux métiers de l'artisanat et de leur inculquer un certain nombre de valeurs humaines : la morale, le sens de la justice, de la fraternité et de la solidarité.Ainsi, les bektachis ont joué un rôle important dans l'expansion militaire, scientifique et culturelle de l'Empire ottoman[7] et dans l'islamisation de l'Anatolie et des Balkans[10].
Après 1923 et lesréformes kémalistes, les instances dirigeantes du mouvement bektachi ont émigré vers l'Albanie, où le siège mondial est installé depuis 1929.
Aujourd’hui, laDiyanet (présidence des affaires religieuses) turque, organisme d'État dédié aux affaires religieuses, ne reconnaît pas la confession bektachite. Celle-ci n'est donc pas subventionnée par l'État turc et doit assurer un financement autonome, à l'inverse de l'islamsunnite majoritaire et reconnu[11]. Officiellement, les fidèles bektachis représentent entre 10 % et 15 % de la population nationale.
Interprétation du sceau du prophèteSüleyman ou Salmon (Salomon) à la fontaine des « Trois ».
↑HamidAlgar,The Hurufi Influence on Bektashism : Bektachiyya, Estudés sur l'ordre mystique des Bektachis et les groupes relevant de Hadji Bektach, Istambul, Les Éditions Isis,p. 39–53
Nathalie Clayer,« La Bektachiyya », dans Alexandre Popovic etGilles Veinstein,Les voies d'Allah. Les ordres mystiques dans le monde musulman des origines à aujourd'hui, Paris, Fayard,, 711 p.(ISBN978-2-213-59449-1),p. 468-474
Irène Mélikoff,Hadji Bektach, un mythe et ses avatars. Genèse et évolution du soufisme populaire en Turquie, Leiden, Brill,, XXVI, 317(ISBN9-004-10954-4)
Irène Mélikoff,Au banquet des quarante. Exploration au cœur du Bektachisme-Alévisme, Istanbul, Éd. Isis,, 158 p.(ISBN9-754-28184-X)
Thierry Zarcone (Poésies traduites du turc par T. Zarcone, suivies d'une étude sur le bektachisme),Poétesses soufies de la confrérie bektachie, Montélimar, Éd. Signatura,, 137 p.(ISBN978-2-915-36919-9)