Le noyau de ce groupe se forme à Liverpool avec lesQuarrymen fondés parJohn Lennon en1957. Il adopte son nouveau nom en1960 etJohn Lennon,Paul McCartney,George Harrison,Stuart Sutcliffe, qui quittera rapidement, etPete Best partent pourHambourg où ils acquièrent une solide expérience sur scène en reprenant des standards durock 'n' roll et des titres moins connus.Lennon et McCartney se sont également associés dès leur rencontre en 1957 pour écrire des chansons originales, affinant progressivement leur technique. À leur retour dans leMerseyside, les Beatles connaissent une popularité grandissante.
Fin 1961,Brian Epstein devient leurmanager, et les présente à des maisons de disques, sans succès dans un premier temps. L’année suivante, ils se séparent de Best et recrutent le batteur Richard Starkey, ditRingo Starr, après avoir signé un contrat avec le labelParlophone dont le directeur artistiqueGeorge Martin produit leur premier 45 tours,Love Me Do qui atteindra le top 20, et occupera une place prépondérante à leurs côtés tout au long de leur carrière. Une succession de chansons qui atteindront la première place du palmarès s’ensuit.
Après avoir débuté sous le signe duskiffle des années 1950, les Beatles ont rapidement fait évoluer leur style, se nourrissant de nombreuses sources pour inventer leur propre langage musical. Leurs expérimentations techniques et musicales, leur popularité mondiale et leur conscience politique grandissante au fil de leur carrière ont étendu l’influence des Beatles au-delà de la musique, jusqu’aux révolutions sociales et culturelles de leur époque.
Après l’essor de laBeatlemania au Royaume-Uni et ensuite enEurope, les Beatles connaissent le succès enAmérique du Nord à partir de 1964, puis rapidement dans le monde entier. À partir de l’albumRubber Soul, en 1965, le groupe expérimente davantage et produit des albums aujourd'hui classiques, d’abord avecRevolver (1966) puis, après avoir définitivement arrêté tournées et concerts pour entrer dans leur période appelée « les années studio »,Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (1967),The Beatles (l’« Album blanc ») (1968) etAbbey Road (1969). Aprèsleur séparation en 1970, les quatre membres poursuivent une carrière solo, et tous rencontrent le succès, particulièrement dans les années immédiates suivant la fin du groupe.
Tenant une place de premier plan dans la « bande-son » desannées 1960, les chansons des Beatles sont toujours jouées et reprises dans le monde entier, et leurs mélodies ont été adaptées à de nombreuxgenres musicaux, dont lejazz, lasalsa, lereggae ou lamusique classique.
John Lennon est un adolescent de Liverpool élevé par sa tante « Mimi » — Mary Elizabeth Smith de son vrai nom[5]. Son père, Alfred Lennon (dit « Alf »), marin, a rapidement délaissé sa mèreJulia Stanley ainsi que son enfant, John. Julia, qui n’a pas les moyens d’élever John seule, le confie à sa sœur Mimi. John joue de l’harmonica à partir de 1947[6] et dès qu’il découvre Elvis et lerock 'n' roll, John veut devenir musicien. Il apprend de sa mère les rudiments dubanjo, grâce auxquels il transpose les accords sur une guitare empruntée d’un copain[7]. Il se voit offrir par sa mère sa premièreguitare en 1957[8].
Aussitôt, en, alors âgé de seize ans, il forme un groupe deskiffle avec quelques amis de son lycée, leQuarry Bank High School. Initialement nommé The Blackjacks, le groupe change de nom après la découverte d’un autre groupe local se nommant déjà ainsi[9]. Le,the Quarrymen donnent un concert pour la fête paroissiale de l’église St. Peter de Woolton[10]. À la fin du concert,Ivan Vaughan, un ami commun, présentePaul McCartney à Lennon. McCartney prend alors une guitare et joueTwenty Flight Rock d’Eddie Cochran devant Lennon, un peu éméché, mais néanmoins très impressionné. Quelques jours plus tard,Pete Shotton, autre membre des Quarrymen, propose à Paul de se joindre au groupe. Celui-ci, qui n’a alors que quinze ans, accepte dans le rôle deguitariste soliste[11].
Le, lors de sa première prestation avec les Quarrymen au Clubmoore Conservative Men’s Club, Paul doit jouer le solo de la chansonGuitar Boogie(en) d'Arthur Smith and His Cracker-Jacks, qu’il joue avec aisance en répétition mais le trac l’empêche de le réussir sur scène[11]. Alors, dans les premières semaines de[12], McCartney invite son amiGeorge Harrison à assister à un concert des Quarrymen. Celui-ci joue de la guitare et est déjà doté d’une solide expérience, ayant formé son propre groupe, the Rebels, avec son frère Peter et deux amis[13]. Lennon lui fait passer une audition pour rejoindre le groupe et est impressionné par ses talents lorsqu’il joue le tout récent hit deBill Justis,Raunchy(en)[14]. Il estime, en revanche, qu’il est trop jeune ; il n'a alors que quatorze ans. Sur l’insistance de McCartney, au mois de mars, George Harrison intègre quand même le groupe comme guitariste soliste[15]. En, les amis de lycée de Lennon ont tous quitté le groupe pour se consacrer à leurs études auLiverpool College of Art[16].
À trois – guitaristes et chanteurs – au sein d’une formation à géométrie variable qui s’appelle tour à tour « Japage 3 »[17], « The Rainbows » et « Johnny and the Moondogs »[18], avec ou sans batteur[19], ils se produisent dans des clubs deLiverpool. Ils jouent notamment au Jaracanda, uncoffee-shop dirigé parAllan Williams(en), qui sert d’agent au groupe débutant. Ils se produisent également au Casbah, dirigé parMona Best, la mère de leur futur batteurPete Best. D’autres portes s’ouvrent ensuite, dont leCavern Jazz Club, alors que lerock 'n' roll et leMerseybeat, les styles des groupes de Liverpool, ont du succès dans la ville.
Autodidactes, influencés par lerock 'n' roll et leblues noir américain, ils jouent les morceaux de rock du moment « à l’oreille », sanspartition.Toutefois, John Lennon et Paul McCartney s’associent déjà pour écrire ensemble deschansons, assis face à face avec leurs guitares dans une parfaite symétrie (McCartney étant gaucher), affinant peu à peu leur technique[réf. nécessaire]. Quelques-unes d’entre elles, commeOne After 909, ressortiront sur les albums des Beatles des années plus tard[20]. Ils partagent également un drame qui les rapproche : Paul McCartney a perdu sa mère Mary, décédée des suites d’uncancer du sein en1956, tandis qu’en juillet1958, Julia, la mère de John, est happée mortellement par une voiture conduite par un jeune policier qui n'était pas en service. Celui-ci ne possédait qu’un permis d'apprenti conducteur et devait donc être accompagné lorsqu’il était au volant. Bien que le rapport de police n'en fasse pas mention, il était probablement ivre au moment de l’accident[21].
Un ami peintre de John Lennon,Stuart Sutcliffe, rejoint le groupe en. Alors qu’il a vendu un de ses tableaux, Lennon l’encourage à s’acheter uneguitare basse. Sutcliffe suggère d’adopter le nom de « Beatals », en hommage au groupe accompagnant le rockerBuddy Holly,The Crickets (« les criquets »)[22]. Ils utilisent ce nom jusqu’en mai, où ils adoptent celui de « Silver Beatles »[c] et, du 20 au, accompagnent le chanteur pop de Liverpool Johnny Gentle pour une tournée enÉcosse. Les membres du groupe se donnent pour l’occasion des noms de scène : Paul Ramon[d], Carl Harrison (en honneur deCarl Perkins), Stuart de Staël (pourNicolas de Staël) et Johnny Lennon. Tommy Moore est recruté pour jouer de la batterie[23]. En, ils adoptent définitivement lemot-valise « Beatles », formé à partir debeat (« rythme ») etbeetle (« scarabées »), avant d’honorer leur premier contrat dans un club de Hambourg[24]. Le 17 du même mois, cinq jours avant de partir pour l’Allemagne, ils auditionnent et engagentPete Best commebatteur[25].
L’Indra, un club deHambourg où les Beatles jouèrent à leurs débuts.
Les Beatles effectueront cinq séjours dans les clubs du côté de laReeperbahn deHambourg : du mois d'août à, de mars à, d’avril à, puis deux derniers passages, avec Ringo Starr cette fois, en novembre et ensuite en[26].
Bruno Koschmider, propriétaire de l’Indra Club et duKaiserkeller(en), deux clubs du quartier deSankt Pauli àHambourg, engage les Beatles sur les indications de leur agent Allan Williams[27]. Celui-ci conduit le groupe jusqu’à lacité hanséatique avec sa camionnette pour honorer un contrat de trois mois et demi[28]. Pour satisfaire le public des clubs hambourgeois, les Beatles élargissent leur répertoire, donnent des concerts physiquement éprouvants et, à l’exception de Pete Best, recourent auxamphétamines pour rester éveillés. Les jeunes gens sont par ailleurs logés dans des conditions difficiles, voire quasiment insalubres dans le cinémaBambi Kino, à deux pas de l’Indra Club.
D'autres groupes de Liverpool se produisent à Hambourg, notammentRory Storm and The Hurricanes, dont le batteur se nommeRingo Starr. Les Beatles envient sa notoriété et apprécient sa compagnie. Les deux groupes partagent l’affiche de très nombreuses fois à Liverpool[29] et se retrouvent au Kaiserkeller pendant plus d’un mois en octobre et[18].
Ce même mois, lorsque Koschmider apprend que les Beatles se sont produits dans un club rival, leTop Ten Club(en), il met fin à leur contrat et dénonce Harrison aux autorités allemandes[30] ; en effet, celui-ci a menti sur son âge et se fait expulser en Angleterre à la fin novembre[31]. En tentant de récupérer leurs effets dans leur ancienne chambre peu éclairée dans le cinémaBambi Kino, McCartney et Best enflamment un préservatif accroché à un mur pour produire de la lumière. Furieux, Koschmider les accuse d’avoir tenté d’incendier le local. Ils passent la nuit en prison et, le lendemain, se font expulser à leur tour[32],[33]. En compagnie de Sutcliffe, Lennon reste en Allemagne une semaine de plus avant de retourner en Angleterre où il se terre pendant encore une semaine avant de reprendre contact avec ses acolytes[34].
À Hambourg, le groupe se lie d'amitié avecKlaus Voormann, Jürgen Vollmer et surtoutAstrid Kirchherr, qui devient rapidement l’amoureuse de Stuart Sutcliffe[35]. C’est à cette époque qu’ils adoptent une coupe de cheveux caractéristique, lamoptop, qui se différencie de labanane ou des cheveux desrockers, gominés et peignés en arrière. Astrid Kirchherr (sous l’influence des existentialistes ou des étudiants en Beaux-Arts de cette ville[36]) a coiffé ainsi Sutcliffe, lorsqu’elle visite son amoureux à Liverpool après le premier séjour du groupe à Hambourg[37]. John Lennon et Paul McCartney l’ont ensuite adoptée, lors d’un court séjour àParis en[38], effectuée par Jürgen Vollmer devenu l’assistant du photographeWilliam Klein[39]. Harrison suivra le pas mais Best, bien qu’il tente le coup, préfère garder sa coiffure gominée[40].
C’est aussi à Hambourg qu’ils décrochent leur premier contrat d’enregistrement, chezPolydor, en tant qu’accompagnateurs du chanteur et guitaristeTony Sheridan[e],[41]. Le45 toursMy Bonnie /The Saints crédité à « Tony Sheridan andThe Beat Brothers » est publié en Allemagne en mais publié en Angleterre le cette fois au nom de « Tony Sheridan and the Beatles »[42].Cry for a Shadow est la première chanson originale du groupe à être publiée lorsqu’elle apparaît, en, sur lesuper 45 tours français de Sheridan intituléMister Twist[43]. Les huit chansons tirées de ces séances seront compilées en sur le disque allemandThe Beatles' First ![44] et du même coup éditées en singles un peu partout dans le monde.
LaBeatles-Platz(en) à Hambourg[f] : Sur uneplace circulaire représentant un 33 tours, cinq silhouettes honorent les membres du groupe. Les deux batteurs, Best et Starr, y sont identifiés.
Stuart Sutcliffe,bassiste du groupe depuis le début de l’année 1960, maîtrise mal son instrument : il se produit généralement dos au public afin que cela ne se remarque pas et « joue » même parfois sans que son instrument soit branché à unampli[29]. Tombé amoureux de la photographeAstrid Kirchherr, qui prend les premières photos du groupe[45], il décide de rester à Hambourg lorsque ses camarades regagnent l’Angleterre, début[46]. Entre leurs différents voyages en Allemagne, ils continuent à se produire à Liverpool et dans ses environs, se constituant un solide noyau de fans, mais restent inconnus au-delà duMerseyside. En, ils jouent devant seulement dix-huit personnes àAldershot, dans la lointaine banlieue de Londres[29]. L’intérêt pour le groupe dans sa ville natale naît à leur retour de leur second séjour à Hambourg où ils ont acquis une solide expérience sur scène et étendu leur répertoire. Lors d’un concert, le, auLitherland Town Hall de Liverpool, salle municipale qui servait deux jours par semaine dedancing aux jeunes[47], au moment où le groupe, avec, pour l’occasion,Chas Newby(en) à la basse, se met à jouer, le plancher de danse se vide et l’assistance, abasourdie, se presse à la scène pour les écouter et les regarder[48].Paul McCartney, jusque-là guitariste au même titre que John Lennon etGeorge Harrison, devient ensuite le bassiste du groupe, ses deux camarades n’étant pas enthousiastes pour tenir ce rôle.
Tragiquement, Sutcliffe meurt à 21 ans le d’une congestion cérébrale[26], trois jours avant que les Beatles ne posent à nouveau le pied sur le sol allemand pour un nouvel engagement de sept semaines auStar-Club. Le groupe apprend la terrible nouvelle par Kirchherr, à l’aéroport de Hambourg[49].
« J’ai grandi à Hambourg, pas à Liverpool », dira plus tard John Lennon. Évoquant cette période des débuts, il racontera aussi :« Quand les Beatles déprimaient et se disaient : « On n’ira jamais nulle part, on joue pour des cachets merdiques, on est dans des loges merdiques », je disais : « Où va-t-on, les potes ? », et eux : « Au sommet, Johnny ! », et moi : « C’est où ça ? », et eux : « Au plus top du plus pop ! » (to the toppermost of the poppermost), et moi « Exact ! » Et on se sentait mieux »[50]. Par ailleurs, nostalgique de cette époque « cuir », on entend aussi John Lennon expliquer dans le disqueAnthology 1 :« Ce que nous avons fait de meilleur n’a jamais été enregistré. Nous étions desperformers, nous jouions du pur rock (straight rock) dans les salles de danse (dance halls), à Liverpool et à Hambourg, et ce que nous produisions était fantastique. Il n’y avait personne pour nous égaler en Grande-Bretagne (There was nobody to touch us in Britain) »[51].
En hommage au groupe, en2008, Hambourg a inauguré une place à leur nom sur l’avenueReeperbahn du quartier deSankt-Pauli[52].
Le, moins d’une semaine après la sortie du 45 toursMy Bonnie enAllemagne, Raymond Jones, un jeune client du North End Music Store (NEMS), visite la boutique de musique de Brian Epstein et veut acheter ce single en importation. Deux jeunes filles font de même les jours suivants. Epstein contacte doncPolydor et en commande deux cents exemplaires[53]. À leur retour d’Allemagne, après leurs deux premiers séjours formateurs àHambourg, les Beatles ont acquis la maturité qui leur manquait, techniquement d’abord, sur scène ensuite.Brian Epstein est intrigué par ce groupe local dont il a le 45 tours en magasin et qui figure souvent dans leMersey Beat, le journal musical local deBill Harry, lequel se vend comme des petits pains dans sa boutique. Le, accompagné de son assistant Alistair Taylor, il va voir les Beatles auCavern Club de Liverpool[53], le café souterrain où ils se produiront près de 300 fois jusqu’au[26]. Possédant une formation en théâtre mais maintenantdisquaire dans le commerce familial[54], Epstein n’a aucune expérience commemanager de formation musicale, mais connaît quelques-uns des à-côtés qui mènent à la popularité d’un artiste et rêve d’une carrière dans le monde du spectacle. Il propose au groupe de devenir leur manager et un contrat sera signé le[55],[g],[h], Epstein devient rapidement un mentor et un ami ; il les propulse au rang de musiciens professionnels. Afin de gommer leur image de sauvages, il leur fait abandonner les vêtements en cuir au profit decomplets-vestons, il leur suggère des’incliner en fin de spectacle pour saluer leur public et, sur scène, fini les repas, le langage trop familier et lacigarette[56].
En, Epstein apprend que le groupe a quelques chansons originales en poche mais tarde à les jouer régulièrement sur scène. Il n'est pas clair si c’est leur manager qui les a encouragé à les jouer, mais c’est à partir de ce moment que les Beatles intègrent ces chansons dans leur répertoire[57]. Le, le groupe organiseThe Beatles' Christmas Party au Cavern Club, invitantGerry and the Pacemakers etKing-Size Taylor and the Dominos à partager la scène. Pete Best est absent, malade à la maison, alors le groupe fait appel pour la première fois à leur amiRingo Starr afin de le remplacer. Les trois musiciens sentent aussitôt que le batteur complète bien le groupe à sa façon de jouer et à son attitude hors scène. s’ils sont tentés de se départir de Pete Best à ce moment, la décision devra attendre car Starr quitte les Hurricanes pour aller jouer dans le groupe deTony Sheridan à Hambourg jusqu’en février[58]. À son retour, Starr reprend sa place dans le groupe de Storm mais remplacera Best encore à quelques reprises : deux fois en mars et une troisième fois, un midi au Cavern Club, le mois suivant[59].
Dès 1961, Brian Epstein commence à prospecter auprès des maisons de disques de Londres, afin de tenter de leur faire signer un contrat d’enregistrement, multipliant sans succès les tentatives auprès des grandes compagnies discographiques. Il essuie des refus, entre autres de la compagnieEMI, mais réussit tout de même à obtenir, pour son groupe, uneaudition chez Decca. Le[26], les Beatles, très nerveux, enregistrent quinze titres dans ce studio très froid et le résultat est bien en deçà des attentes[60]. Ledirecteur artistique Dick Rowe refuse de les prendre en main, préférant faire signer le groupe localBrian Poole and the Tremeloes, en déclarant :« Rentrez chez vous à Liverpool, M. Epstein, les groupes à guitares vont bientôt disparaître »[61]. Rowe sera par la suite surnommé, dans le milieu,the man who turned down The Beatles, « l’homme qui rejeta les Beatles ». En revanche, Epstein obtient la permission de garder ces enregistrements de bonne qualité sonore, pour pouvoir les faire écouter à d’autres producteurs potentiels[62]. Il se rend au magasin de disquesHMV surOxford Street pour demander conseil à une connaissance qui y travaille et celui-ci lui suggère de faire presser desdisques 78 tours de ces chansons pour pouvoir facilement les faire écouter à des producteurs potentiels. Le technicien Jim Foy, qui s’occupe sur place de ce département, est impressionné par ce qu’il y entend et contacte Sid Colman, de l’agence de publication de musiqueArdmore and Beechwood associée à EMI, qui se situe dans le même immeuble, pour lui faire rencontrer Epstein[63].
Brian Epstein présente donc ces enregistrements à Colman, en veillant à lui mentionner qu’ils contiennent quelques compositions originales. L’éditeur reconnait le potentiel d’une publication des compositions signéesLennon/McCartney et Epstein promet de lui donner les droits s’il l’aide à décrocher un contrat d’enregistrement. Un rendez-vous est pris avecGeorge Martin le, pour lui faire écouterHello Little Girl etTill There Was You et ce malgré le refus préalable de la maison-mère. Mais Martin n’est pas particulièrement impressionné par ce qu’il entend[64].
Entre-temps, Kim Bennett — de son vrai nom Thomas Whippey, ancienchanteur de charme et assistant de Sid Colman —, persiste à dire à son patron que la chansonLike Dreamers Do pourrait être un succès. Ils décident de produire eux-mêmes l’enregistrement dans les studios d’EMI, mais se heurtent au refus de Len Wood, un des directeurs. Cependant, devant l’insistance de Colman, Wood se ravise et ordonne au producteur George Martin de procéder à l’enregistrement de la chanson, pour qu’Ardmore and Beechwood obtienne lecopyright[68].
Enfin, le, un télégramme envoyé par Epstein à Hambourg durant leur troisième passage, annonce au groupe qu’ils auront un contrat d’enregistrement avec EMI[69]. Aussitôt Lennon et McCartney achèvent l’écriture deLove Me Do et créentP.S. I Love You[70]. Le, exactement six mois après avoir vu les Beatles pour la première fois au Cavern Club, Brian Epstein rencontre George Martin pour valider le contrat. Il y est stipulé que six chansons seront enregistrées par EMI, qui financera le tout. Le label sera le propriétaire des enregistrements, mais ne donnera aucune avance sur les redevances (fixées à 1penny par 45 tours vendu, sur 85 % des ventes)[i]. Le contrat a une durée de 4 ans pour le groupe, mais d’un an pour EMI, renouvelable à chaque anniversaire, et est valable pour le monde entier, mais avec des redevances réduites de moitié par rapport à celles perçues en Angleterre. Dans les faits, si par « miracle » le groupe vendait un million d’exemplaires d’un single, sesroyalties seraient de 750£ au Royaume Uni, et de 375 £ auxÉtats-Unis[j],[71],[72] pour chaque membre du groupe et leur manager[73]. Le, Brian Epstein signe le contrat liant les « Beattles » à EMI (il fait une rature sur le second « t »). La date inscrite sur le contrat est le[74].
De cette époque « avant la gloire », des enregistrements rares et marginaux des Beatles ont été très recherchés, notamment ceux qu’ils ont réalisés à Hambourg, publiés parPolydor avecTony Sheridan, ainsi que les fameuses « bandes Decca ».My Bonnie etAin't She Sweet ont même atteint lescharts de part et d’autre de l’Atlantique pendant laBeatlemania[75],[76],[77]. Ces deux titres etCry for a Shadow ont été inclus, trois décennies plus tard, sur la compilationAnthology 1. Un enregistrementbootleg réalisé en 1962 sur la scène duStar-Club deHambourg, avec Ringo Starr à la batterie, a étépublié en 1977.
Le, en début d’après-midi, quatre jours après être revenus de Hambourg où ils honoraient un engagement au Star-Club (leur troisième séjour dans la ville allemande), Lennon, McCartney, Harrison et Best arrivent aux studios EMI deLondres, situés au 3,Abbey Road dans le quartier deSt. John's Wood pour leur test d’artistes[78]. C’est leur première visite dans ces studios, qu’ils vont rendre mondialement célèbres. Ron Richards sera le producteur lors de la séance et Martin interviendra de temps à autre. Ils enregistrentBésame mucho,Love Me Do,PS I Love You etAsk Me Why[79], mais pasLike Dreamers Do qui n’y sera finalement jamais réenregistrée par eux[k],[80]. Lorsque le groupe est invité pour la première fois dans la régie pour écouter les bandes, George Harrison raconte :« Les autres membres du groupe ont failli me tuer lorsque George Martin… nous a demandé : « Y a-t-il quelque chose qui ne vous plaît pas ? » Je l’ai regardé et j’ai dit : « Pour commencer, je n’aime pas votre cravate ». » Mais George Martin, qui avait lui aussi le sens de l’humour, est amusé par la réplique. « Ça a brisé la glace ! », note-t-on du côté du personnel technique des studios EMI[81].
Le jour même de cette première séance, George Martin et son assistant Ron Richards discutent encore du nom du groupe : « John Lennon and the Beatles » ou encore « Paul McCartney and the Beatles », bien que ce nom « entomologique » ne leur plaise pas. Comme le groupe est composé de trois chanteurs qui jouent leurs propres instruments, Martin réalise qu’avoir simplement le nom « The Beatles » est une nouveauté dans la musique populaire et que celui-ci fera parfaitement l’affaire[82].
La chansonLove Me Do plaît à Richards, mais il n’aime pas le jeu de Pete Best qui peine à garder untempo constant[83]. Martin est d’accord et écrit à Epstein qu’à la prochaine séance, il y aura unbatteur studio. Craignant de devoir toujours enregistrer avec des batteurs inconnus[84], les trois autres membres saisissent l’occasion et se séparent de Best en[85], pour le remplacer parRingo Starr, qu’ils considèrent être« unmétronome »[86] et avec qui les affinités sont plus grandes. Le 18 août, Starr prend officiellement son poste à la batterie au Hulme Hall dans le village dePort Sunlight[87]. Cette éviction abrupte, assumée par un Brian Epstein très nerveux et déçu[18], n’est pas sans conséquence.
« On avait joué auCavern Club et les gens hurlaient « Pete is best » (« Pete est le meilleur ! », jeu de mots avec « best » en anglais), « Ringo never, Pete forever! » (« Ringo jamais, Pete à jamais ! »). C’était devenu lassant, et je me suis mis à les engueuler. Après le concert, nous sommes sortis des loges, nous sommes entrés dans un tunnel tout noir, et quelqu’un m’a balancé un coup de poing au visage. Je me suis retrouvé avec un œil au beurre noir. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas faire pour Ringo ! »
La seconde séance d’enregistrement s’effectue le. Martin décide de ne pas inviter de batteur studio pour pouvoir entendre le nouveau venu. À sa toute première séance dans un studio professionnel, Starr est très nerveux et ne l’impressionne pas. Le groupe enregistreHow Do You Do It? — chanson imposée par le producteur et que le groupe n’aime guère — puis réenregistreLove Me Do[88]. Une semaine plus tard, le 11, le groupe revient en studio mais ce seraAndy White qui officiera à la batterie. Le groupe reprend une troisième foisLove Me Do, enregistre ce qui deviendra la face B de leur premier single,P.S. I Love You, et présente à Martin une nouvelle chanson,Please Please Me[89]. C’est un Ringo Starr dépité qui joue dutambourin surLove Me Do et desmaracas surPS I Love You ; il n'a jamais oublié cette « humiliation »[18],[50],[l]. Malgré les réticences de Martin, c’est l’enregistrement avec Ringo Starr à la batterie qui est publié en face A du 45 tours réunissant ces deux titres[m],[90], tandis que la version figurant sur l’album est celle enregistrée avec Andy White[91], qui joue également du « cross-stick » surPS I Love You, après qu’il a été convenu qu’une batterie complète n’était pas nécessaire pour cette chanson[92]. À l’écoute dePlease Please Me, qui est effectuée avec un tempo lent dans le style deRoy Orbison, le producteur suggère de l’accélérer[n] et sera reprise plus tard.
Amer de son éviction des Beatles, Best refuse l’aide d’Epstein pour se trouver un nouveau groupe et intègre leLee Curtis and the All Stars. En 1965, il sort son propre album au titre mensonger en forme de clin d’œil grinçant :Best of The Beatles, avec lePete Best Combo ; sur la photo de la pochette, prise parAstrid Kirchherr au « Hugo Haase Fun Fair » à Hambourg en 1960[93], il est entouré de ses ex-camarades. Ce disque n’a pas le succès escompté et Best quitte le monde musical et devient boulanger pour ensuite travailler dans la fonction publique à Liverpool[94].
Leur deuxième 45 tours,Please Please Me /Ask Me Why, est mis en boîte le, cette fois avec Starr derrière sa batterie. Le groupe doit quitter l’Angleterre pour un dernier séjour à Hambourg où un enregistrementbootleg sera effectué et publié en 1977 sous le titreLive! at the Star-Club in Hamburg, Germany; 1962[95]. Leur second 45 tours est publié le et la face A, malgré un titre et des paroles osées pour l’époque (« You don't need me to show the way, love », que l’on peut traduire par « tu n’as pas besoin que je te montre comment faire, chérie »), est propulsé au premier ou au second rang, dépendamment des listes consultées[o]. Quoi qu’il en soit, le succès est indéniable, et les Beatles obtiennent ainsi l’occasion d’enregistrer un album complet. Ce disque inclura les quatre chansons publiées en single et dix autres qui seront enregistrées lors d’une seule séance de 585 minutes (9 heures et 45 minutes), le[96]. Reprenant le titre du dernier single, l’albumPlease Please Me sort le et atteint la première place duhit-parade, qu’il conserve durant 30 semaines (ou sept mois)[97].
L’image soignée et professionnelle du groupe passe aussi par la création d’un logo rapidement reconnaissable. Un premier logo des Beatles, en lettres cursives avec des antennes d’insecte sur un « B » stylisé, dessiné par Terry « Tex » O'Hara[p],[98], suivant les indications de Paul McCartney[99], est momentanément utilisé sur la grosse caisse de la batterie[100], puis pour la page d’introduction deThe Beatles Book, le journal mensuel dufan club officiel, tout au long de son existence (1963-1972)[101]. Ce logo, adapté en « les Beatles », se retrouve sur les pochettes françaises de plusieursEP et de quatre albums (Les Beatles,N° 1,Quatre garçons dans le vent et la compilationLes Beatles dans leurs 14 plus grands succès)[q].
Le logo du groupe est utilisé pour la pochette de la compilationPast Masters.
En, Brian Epstein et Ringo Starr visitent la boutique Drum City de Londres pour remplacer la batteriePremier du batteur. Epstein, qui ne veut pas débourser les 238 £ de laLudwig Downbeat perlée que Starr désire (une valeur de 5 017 £ en 2020[102]), négocie avecIvor Arbiter(en), le propriétaire de la boutique. Ce dernier accepte finalement d'offrir la batterie, à condition que le logo de Ludwig — dont il est le distributeur britannique exclusif — reste visible sur la grosse caisse. Epstein accepte, tout en demandant qu’un logo du groupe soit ajouté. Arbiter esquisse sur le champ le logo le plus connu, en lettres capitales avec un « B » majuscule et un « T » abaissé pour mettre en évidence le mot « Beat » (rythme). Le logo sera finalisé et peint sur la membrane par Eddie Stokes, unpeintre en lettres local. Le, la nouvelle batterie est directement livrée auxAlpha Television Studios deBirmingham, où les Beatles se produisent dans l’émissionThank Your Lucky Stars. Entre 1963 et 1969, sept membranes avec ce logo sont produites pour la batterie de Ringo Starr, peintes à la main (dont les quatre premières par Stokes[99]), chacune possédant des différences notables[103],[r],[99].
Partie de Liverpool — où ils continuent jusqu’en à enflammer le Cavern Club —, la popularité des Beatles se répand dans tout leRoyaume-Uni, qu’ils sillonnent inlassablement, y effectuant quatre tournées cette année-là (avecHelen Shapiro,Chris Montez/Tommy Roe etRoy Orbison)[104],[s]. Le disqueFrom Me to You /Thank You Girl sort en avril et marque le début d'une stratégie de Martin et d'Epstein d'offrir un single tous les trois mois et un album tous les six mois, chaque album étant composé de chansons originales et excluant celles déjà lancées en single, ce qui équivaut pour le groupe à fournir 36 enregistrements par année[66].
À cinquante-deux reprises, entre le et le, le groupe est invité dans les studios de laBBC afin d'y interpréter, en direct sur ruban, ou même quelques fois en direct en ondes, des chansons de leur répertoire[106]. Par exemple, lors d'une séance de près de huit heures le 16 juillet 1963, le groupe a interprété dix-huit titres, pour trois épisodes dePop Go the Beatles(en) qui seront diffusés durant l’été. Huit de ces chansons ne seront pas placées sur des albums à l’époque[107]. Au total, quatre-vingt-huit différentes chansons en près de 250 prestations y ont été jouées et certaines ont été placées, entre autres, sur les albumsLive at the BBC etOn Air - Live at the BBC Volume 2 qui comprennent une trentaine de titres inédits[106].
Le[26], les quatre musiciens de Liverpool se produisent devant la famille royale auPrince of Wales Theatre de Londres, pour leRoyal Command Performance, où un John Lennon irrévérencieux, avant de se lancer dans l’interprétation deTwist and Shout, dit au public dans l’hilarité générale : « On the next number, would those in the cheaper seats clap your hands? All the rest of you, if you'll just rattle your jewelry! » (« Pour notre prochain titre, est-ce que les gens installés aux places les moins chères peuvent frapper dans leurs mains ? Et tous les autres, veuillez agiter vos bijoux[18] ! »).
En 1963, John Lennon et Paul McCartney écrivent tout le temps, en n’importe quel endroit, dans le bus qui les amène d’un lieu de concert à l’autre, dans leurs chambres d’hôtel, dans un coin des coulisses avant de monter sur scène, dans l’urgence avant d’enregistrer, quelquefois en une seule prise, autant de titres qui vont marquer leur histoire et celle de la musique rock[108].
En tête des ventes d’albums,Please Please Me n’est remplacé à la première place que par le deuxième album du groupe,With the Beatles, publié le. Ces deux disques sont exportés auxÉtats-Unis respectivement sous les noms deIntroducing… The Beatles, paru chezVee-Jay Records[t], etMeet The Beatles, publié par Capitol Records. Dans un premier temps, la maison de disques américaine associée à EMI affiche un mépris pour ce qu’elle pense n’être qu’un phénomène passager : Capitol tarde à publier les disques du groupe, raccourcit la liste des chansons, modifie l’ordre des pistes, invente de nouvelles pochettes, et va jusqu’à modifier le son de certaines chansons (ajout deréverbération, mixagesstéréo inédits). Le 45 tours,I Want to Hold Your Hand, est leur premierno 1 sur le marché américain et y reste du1er février au. Il sera détrôné parShe Loves You du 21 au, suivi deCan't Buy Me Love du au. Le classement duBillboard Hot 100 du auxÉtats-Unis fait apparaître cinq titres des Beatles aux cinq premières places : la « Beatlemania » qui avait débuté au Royaume-Uni et traversé laManche se propage de l’autre côté de l’Atlantique, et dans le monde entier.
La « Beatlemania » est un phénomène d’ampleur considérable et à plusieurs facettes. La jeunesse prend goût à se coiffer et s’habiller « à la Beatles », comme en témoignent les photos de l’époque prises dans les rues. Ils deviennent destrend-setters, expression anglophone que l’on peut traduire en français par « faiseurs de mode » ou « meneurs de tendances ». Les disquaires se spécialisent sur la discographie des Beatles, et pour mieux gérer ses stocks, la société EMI / Parlophone propose la pré-souscription des albums et dessingles à suivre, même s’ils sont encore à l’état de projet. Les pré-commandes atteignent dès lors des sommets inouïs : par exemple, 2,1 millions pourCan't Buy Me Love en 1964[109].
Des magazines spécialisés fleurissent, comme le célèbreBeatles Monthly (aussi connu sous le nom deBeatles Book, 77 éditions de 1963 à 1969, intégralement republiées de 1977 à 1982) et se vendent comme des petits pains. L’atmosphère hystérique des concerts rend parfois ceux-ci presque inaudibles[110]. Le premier ministre britannique,Harold Wilson, remarque néanmoins que ces artistes constituent pour le pays une excellente exportation, notamment en termes d’image : celle de jeunes gens souriants, polis, bien habillés, et pleins d’un humour très britannique lors desinterviews. Ils sont décorés par la reine du Royaume-Uni, le à Buckingham Palace, de la médaille de membre de l’Empire britannique (Member of the British Empire, ouMBE). Certains MBE — dont plusieurs sont des vétérans et des chefs militaires —, froissés, renvoient par dépit leur propre croix à la Reine. John Lennon réplique qu’il préfère recevoir cette distinction en divertissant[18]. Il s’agit en fait de la plus basse des décorations, les vrais honneurs officiels arriveront beaucoup plus tard, quand James Paul McCartney sera fait chevalier en1997 et Richard Starkey, alias Ringo Starr, en2018. Extrêmement liés, par le simple fait qu’ils sont les seuls à « vivre laBeatlemania de l’intérieur », considérant se trouver dans l’œil du cyclone, et voyant tout le monde s’agiter frénétiquement autour d’eux, se soudant autant que possible, très amis, les Beatles se voient affublés, parMick Jagger[111], du surnom de « monstre à quatre têtes »[50].
Dans lesannées 1960, l’industrie musicale est en pleine expansion. Désormais, il est possible de donner des concerts dans des salles de plus en plus grandes. À la télévision, les émissions sont de plus en plus regardées par un public familial. Les Beatles participent dès 1963 à de nombreuxshows avec les animateurs les plus populaires de la télévision britannique et bientôt nord-américaine. Ils seront les premiers musiciens à passer dans une émission diffusée enmondovision, le, avec la chansonAll You Need Is Love. À partir de 1965, lesBeatles ne chantent pratiquement plus qu’enplayback à la télévision. McCartney s’en explique :« Nous faisons un très important travail de studio, corrigeant inlassablement la moindre imperfection avec une précision maniaque. Pas question d’offrir aux téléspectateurs, alors que ce son existe, un autre son déformé par les mauvais studios des plateaux de télévision ». Toujours en 1965, lesBeatles prennent la résolution de ne plus donner d’autographes :« Nous n’avons tout simplement pas assez de bras, et nous devons tout de même pouvoir utiliser nos guitares de temps en temps ! ».
LesBeatles mêlent aux standards du rock commeKansas City des chansons susceptibles de plaire à la génération précédente :Till There Was You,You've Really Got a Hold on Me ouBésame mucho (qui reste dans les cartons). Ces chansons font d'ailleurs partie du répertoire des Beatles depuis Hambourg. Pour que le groupe ne soit pas catalogué comme « mods » et perde le public des « rockers », Brian Epstein a une idée : retrouvant un moment le cuir de leurs débuts, lesBeatles sortent unEP de quatre titres de rock pur et dur (Matchbox,I Call Your Name,Long Tall Sally etSlow Down), qui devient le « disque des initiés » et montre « ce que lesBeatles savent vraiment faire quand ils le veulent ». Satisfaits par cet « os à ronger », lesrockers ne dénigrent plus lesBeatles eux-mêmes, mais les fans qui achètent leurs autres disques en ne sachant pas ce qu’est la « vraie » musique des Beatles. Pour se concilier ce public — mais aussi pour se faire plaisir — la présence d’un « standard du rock » devient un « incontournable » des albums suivants[112].
Dans le filmA Hard Day's Night, tourné en noir et blanc — pour économiser sur les coûts mais aussi pour masquer le fait qu’ils n’ont pas la même couleur de cheveux — et réalisé parRichard Lester, lesBeatles orchestrent habilement leur propre légende, avec un humour très britannique. Cet humour devient délirant avec le film suivant,Help!, sorti à l’été 1965, en couleurs, où lesBeatles se moquent d’eux-mêmes. On va jusqu’à les comparer auxMarx Brothers, ce que John estime excessif. Plus tard,George Harrison, quant à lui, noue une solide amitié avecEric Idle et l’ensemble desMonty Python, allant jusqu’à financer leur filmLa Vie de Brian. L’humour britannique est par ailleurs une composante majeure des Beatles. Ceux-ci, notamment dans le filmA Hard Day's Night, n’hésitent pas à rivaliser de bons mots. À la question : « Comment avez-vous trouvé l’Amérique ? », les membres du groupe répondent : « Tournez à gauche au Groenland ! ».
John Lennon avait soigné son personnage avant-gardiste en écrivant en 1964 et 1965 deux livres de courtesnouvelles dans un style imagé et surréaliste,In His Own Write, puisA Spaniard in the Works. La critique de l’époque ne leur fait pas bon accueil. Le premier a été traduit en français parChristiane Rochefort sous le titreEn flagrant délire, publié en 1965.
Entre-temps, lefan club des Beatles travaille à fidéliser un réseau de fans auxquels on concède dans leBeatles Book des bonus, notamment des photos inédites, et des disques hors commerce offerts à Noël. Undisque de Noël sortira ainsi chaque année durant les fêtes, de 1963 à 1969.
Passage à Paris (1964)
Programme des shows de l’Olympia en janvier et février 1964.
À l’avènement de leur gloire internationale, c’est à l’Olympia deParis et durant trois semaines du16 janvier au, à raison d’un, deux ou trois shows quotidiens, soit 41 apparitions en tout[113], que lesBeatles ont joué le plus longtemps au même endroit (en excluant leurs prestations auStar-Club deHambourg et au Cavern Club deLiverpool). Après un « tour de chauffe » au cinéma Cyrano àVersailles le, ils donnent leur premier spectacle à l’Olympia le lendemain. L’affiche est imposante et donne tout son sens au mot « Music-hall ».Daniel Janin et son orchestre, les Hoganas,Pierre Vassiliu, Larry Griswold, Roger Comte, Gilles Miller et Arnold Archer, acrobates, jongleurs, humoristes, chanteurs se succèdent sur la scène avant la deuxième partie du spectacle avec les trois têtes d’affiche au fronton duBoulevard des Capucines :Trini Lopez,Sylvie Vartan et lesBeatles, passant à chaque fois en dernier.
Les passages des Beatles sont assez courts puisqu’ils ne jouent à chaque fois que dix titres (parfois réduit à huit) :From Me to You,Roll Over Beethoven,She Loves You,This Boy,Boys,I Want to Hold Your Hand,Twist and Shout,Long Tall Sally,I Saw Her Standing There,Till There Was You[114]. La surprise pour eux, c’est que la salle est composée en majorité de garçons, et qu’ils n'entendent pas, pour une fois, les cris féminins stridents qui les accompagnent d’habitude[50]. Au fur et à mesure, et malgré quelques incidents techniques au début, lesBeatles conquièrent leur public. Durant leur séjour à Paris, les jours de relâche leur permettent d’aller faire un tour aux studios Pathé-Marconi deBoulogne-Billancourt. Le29 janvier, ils y enregistrent leurs deux titres en langue allemande :Komm, gib mir deine Hand / Sie liebt dich (adaptés deI Want to Hold Your Hand etShe Loves You). Le premier est entièrement réenregistré, voix et instruments (en 14 prises) ; le second n’est qu’un ajout vocal sur leurs propres pistes instrumentales. Le même jour, ils mettent également en boîte un nouveau tube composé par Paul :Can't Buy Me Love[115].
C’est aussi à Paris que lesBeatles apprennent qu’ils viennent de décrocher leur premierno 1 aux États-Unis :I Want To Hold Your Hand. Cette nouvelle provoque une grande scène de joie collective dans leur chambre duGeorge-V ;Mal Evans raconte :« Quand je suis rentré dans la pièce je suis resté stupéfait. Debout sur un fauteuil, John prononçait une sorte de discours dont je n’arrivais pas à saisir un mot. George donnait des bourrades à Ringo et je me demandais encore ce qui se passait quand Paul me sauta sur le dos ! Ils étaient heureux comme des collégiens en vacances et, à la réflexion, je reconnais qu’il y avait de quoi »[50]. Pendant ce séjour,John Lennon etPaul McCartney poursuivent par ailleurs le travail de composition pour leur futur album,A Hard Day's Night ; un piano a spécialement été installé à cet effet dans leur chambre de l’Hôtel George-V[116].
Le groupe pose également pour lesculpteurDavid Wynne(en) qui créera deux œuvres : leurs têtes, qu’il place une par-dessus l’autre, et des figurines du quatuor en spectacle avec leurs instruments. C’est la seule occasion où ils seront modèles pour un sculpteur[117] et celui-ci, qui deviendra rapidement un ami, présentera plus tard George Harrison auMaharishi Mahesh Yogi[118]. Les œuvres sont achetés par Sir Edward Beddington-Behrens pour 4 200 $US[119],[u].
Trois jours après leur dernière prestation à l’Olympia, une foule immense est à leurs côtés à l’aéroport londonien deHeathrow, au moment où ils s’embarquent pour le Nouveau Monde. De l’autre côté de l’Atlantique, c’est encore la foule — plus de 10 000 fans — qui les attend lorsque lePan Am Yankee Clipper, vol 101, se pose sur le tarmac de l’aéroport international John-F.-Kennedy deNew York, à 13h20, le. Un événement majeur va secouer l’Amérique moins de 48 heures plus tard : plus de 73 millions de personnes (soit 40 % de la population) assistent en direct à leur première prestation télévisée, lors duEd Sullivan Show diffusé surCBS le9 février. Une audience record pour l’époque, qui reste encore de nos jours une des plus élevées de l’histoire, hors retransmissions sportives. Certains médias iront jusqu’à affirmer que cet événement télévisuel a redonné le moral au pays, encore profondément traumatisé, 77 jours après l’assassinat du Président Kennedy[121],[122],[123].
Affiche qui annonce les concerts des Beatles des 28 et auForest Hills Festival à New York.
Dans le train qui les amène de New York à Washington, où ils vont donner le auColiseum leur premier concert public sur le sol américain, un journaliste interroge Paul McCartney. Il lui dit :« Quelle place à votre avis vont prendre les Beatles dans la culture occidentale ? » Après lui avoir demandé si c’était une blague, le bassiste des Beatles, loin de se prendre au sérieux, lui répond« Ce n’est pas de la culture. C’est juste une grande rigolade »[124]. Après un premier concert au Coliseum dans des conditions difficiles — la scène est au milieu de la salle, comme un ring, Starr doit pivoter lui-même sa batterie et les musiciens, se retourner pour faire face à une partie ou à l’autre du public, le matériel fonctionne mal, etc. —, un autre le lendemain auCarnegie Hall de New York, et un nouveau passage auEd Sullivan Show cette fois en direct deMiami le16 février, les « Fab Four » (en français les « quatre fabuleux ») rentrent au pays. L’Amérique du Nord est emportée par laBeatlemania : on organise unepremière tournée de 26 dates à travers le pays, qui se déroulera à guichets fermés, du au[125].
C’est pendant cette tournée estivale des États-Unis que lesBeatles rencontrentBob Dylan, et que ce dernier leur fait essayer lamarijuana pour la première fois[18]. Une découverte qui a une importance incontestable dans l’évolution de leur musique. La légende veut que Dylan ait pris le« I can't hide » (« je ne peux le cacher ») deI Want to Hold Your Hand pour « I get high » (« je plane ») et qu’il ne se soit ainsi pas gêné pour proposer un « reefer » aux Beatles[50].
Le costume porté par le groupe lors du concert au Shea Stadium.
L’histoire d’amour entre lesBeatles et les États-Unis, où ils enchaînent lesno 1 en1964 et1965, trouve un point d’orgue le en ouverture de leur seconde tournée de ce côté de l’Atlantique. Ce jour-là, ils sont le premier groupe de rock à se produire dans unstade, leShea Stadium de New York, devant 56 000 fans déchaînés et dans des conditions singulières pour ce genre de spectacle, dans une telle arène, sous les hurlements de la foule. LesBeatles se produisent munis seulement de leurs amplisVox, et sont repris par la sono du stade, c’est-à-dire les haut-parleurs utilisés par les « speakers » des matches debaseball. Il en résulte que ni eux ni le public n’entendent clairement une note de cette prestation historique. Les documents filmés ce jour-là montrent cependant que lesBeatles arrivent à jouer, et que c’est John Lennon qui empêche ses partenaires de se retrouver paralysés par l’événement, en multipliant les pitreries, comme parler façon charabia en agitant ses bras pour annoncer un titre en se rendant compte que personne ne peut l’entendre, ou maltraiter un clavier avec ses coudes lors de l’interprétation deI'm Down[50].
Les contrats signés en 1965 par lesBeatles pour qu’ils se produisent dans les arènes nord-américaines stipulent qu’ils refusent de jouer devant un publicségrégationniste. Déjà, le, le groupe avait publiquement déclaré son refus de se produire àJacksonville, enFloride tant que le public noir ne serait pas en mesure de s’asseoir n’importe où sans restriction[126],[127],[128].
Pionniers de laBritish Invasion, terme utilisé aux États-Unis pour y décrire la prédominance des groupes depop rock anglais — parmi lesquels lesRolling Stones, lesWho ou encore lesKinks — au milieu desannées 1960, lesBeatles seront abonnés aux premières places des charts américains jusqu’à la fin de leur carrière. Ils détiennent d’ailleurs toujours, aujourd'hui, un record absolu avec 209 millions d’albums vendus sur ce seul territoire[129]. « La musique n’a plus jamais été la même depuis lors » affirme laRIAA (Recording Industry Association of America)[130].
La maison de disques EMI félicite son groupe vedette, en tête de tous les classements en 1964.
Le filmA Hard Day's Night (dont le titre français estQuatre garçons dans le vent) permet d’aborder et comprendre ce qu’était laBeatlemania en 1964. Ce film humoristique est réalisé en noir et blanc parRichard Lester et connaît un succès international. Le troisième disque des Beatles, qui porte le même nom, est sorti en Angleterre le chez Parlophone avec quatorze chansons mais le surUnited Artists Records en Amérique du Nord, possédant onze titres dont quatre orchestrations tirées du film. Son titre a été accidentellement créé par Ringo Starr : sortant à une heure avancée des studios, il a dit « It's been a hard day » (« cela a été une dure journée »), puis s’apercevant que c’était la nuit, a ajouté« …'s night » (« …de nuit[26] »). Il représente un tour de force de John Lennon, auteur et chanteur principal de 10 des 13 chansons. Il est à cette époque au sommet de sa prédominance dans le groupe[26]. C’est le premier album des Beatles à ne comporter aucune reprise, tous les titres étant signésLennon/McCartney. Il inclut notamment la première ballade portant réellement « la patte » de Paul McCartney,And I Love Her, ainsi que de nombreux futursno 1. Les trois reprises enregistrées lors de ces séances sortiront sur le E.P.Long Tall Sally.
Pressés de toutes parts, littéralement poussés vers les studios au milieu d’incessantes tournées, lesBeatles sortent dans la foulée, le,Beatles for Sale (titre évocateur : « lesBeatles à vendre »), où ils se contentent de reprendre en studio leur répertoire scénique du moment en y incluant quelques nouvelles chansons, commeEight Days a Week,I'm a Loser,Baby's in Black etNo Reply ou une très ancienne commeI'll Follow the Sun. Le disque comprend donc six reprises derock 'n' roll et sera livré avec une pochette qui comme celle deWith the Beatles[131] (et d’autres à venir) sera parmi les pluspastichées au cours des décennies suivantes[132]. Au même moment, le titreI Feel Fine de John Lennon, publié ensingle le27 novembre, estno 1 durant cinq semaines. Il démarre par un « feedback » de guitare oueffet Larsen, le premier du genre dans le rock, que l’on pourrait croire accidentel, alors que cet étonnant effet est délibéré. « Je défie quiconque de trouver la présence d’unfeedback sur un disque avantI Feel Fine, à moins que ce soit un vieux disque de blues de 1922 » assure John Lennon[50].
La « Beatlemania » bat toujours son plein en 1965, lorsque sortent le filmHelp!, dont Ringo Starr est la vedette, — tourné par lesBeatles dans les volutes de fumée decigarettes très spéciales[50] — et ledisque du même nom. Seule la moitié des titres de l’album fait partie de la bande-son du film et trois chansons vont marquer l’histoire du groupe, autant deno 1 dans les charts.Help! d’abord, où John Lennon — comme il l’avouera plus tard — se met à nu en appelant au secours. Le succès, la célébrité, ne lui apportent aucune réponse, il est — dira-t-il — dépressif et boulimique, dans sa période « Elvis gras »[50].Ticket to Ride ensuite, considéré par Lennon comme le titre précurseur duhard rock[50] avec ses effets de guitare, ses roulements de toms et sa basse insistante.Yesterday enfin, la chanson mythique de Paul McCartney qu’il joue à tout son entourage, une fois composée sous le titre de travailScrambled Eggs (« œufs brouillés »), se demandant sincèrement et interrogeant à la ronde pour savoir s’il a bien inventé cette mélodie — qui lui serait venue tout entière lors d’un rêve — ou si elle ne vient pas de quelque part, tant elle paraît évidente[133]. Elle deviendra la chanson la plus diffusée et la plus reprise duXXe siècle (près de 3 000reprises).Yesterday et son fameux arrangement pour quatuor à cordes, suggéré et composé par George Martin en compagnie de l’auteur de la chanson qui, pour la première fois, l’enregistre seul à laguitare acoustique, sans les autres membres du groupe.
Plus de 40 ans après, Paul mesure encore sa chance d’avoir rêvé cette chanson, de s’en être souvenu au réveil, qu’elle fût bien de lui, et qu’elle ait connu cet incroyable succès[134].
George Harrison, après avoir découvert la musique deRavi Shankar, fait l’acquisition d’unsitar et en joue dans plusieurs chansons du groupe.
Un soir d’, un ami dentiste de George et de John charge leur café, ainsi que ceux dePattie Boyd et de Cynthia Lennon (respectivement compagne et épouse des deux musiciens), avec une substance pas encore illicite : leLSD[18],[135]. George et John découvrent donc cette drogue à leur insu, mais John va en devenir un gros consommateur pour au moins les deux années suivantes. Les quatre membres vont l’essayer (McCartney, très réticent, est le dernier à en prendre, en 1966, mais sera le premier à en parler à la presse), et d’une façon générale, la musique et les paroles des Beatles vont encore évoluer sous l’influence de cette substancehallucinogène[18]. À l’automne1965, ils enregistrent un album charnière dans leur carrière :Rubber Soul. Le titre est un jeu de mots à partir derubber sole — semelle en caoutchouc,soul music — la musique de l’âme, etplastic soul — âme influençable. Les textes sont plus philosophiques, plus fouillés (la poésie de Lennon, l’influence deBob Dylan déjà présente dansYou've Got to Hide Your Love Away de l’albumHelp!), abordant des thèmes plus sérieux. Devant sortir pour Noël, le disque est enregistré dans l’urgence, en quatre semaines, du au[108].
Leur musique est devenue plus élaborée ; les techniques d’enregistrement en studio sont en progression, le temps qui y est passé également. Leur immense succès est la garantie pour eux d’une liberté de plus en plus grande dans la création et la possibilité de bousculer les codes en vigueur (par exemple les horaires, ou le simple fait de pouvoir se déplacer de la salle d’enregistrement à la cabine, devant la table de mixage) dans les austères studios d’EMI. « C’est à cette époque que nous avons pris le pouvoir dans les studios » note John Lennon[50].
Les locaux de ce qui s’appelle encore « studios EMI » (ils deviendront « Abbey Road » plus tard) fourmillent d’instruments en tous genres, jusqu’aux placards, et les jeunes musiciens, désormais intéressés par toutes les formes de musique, commencent à tester et à intégrer les sons les plus divers dans leurs chansons.« On aurait pu emmener un éléphant dans le studio pour peu qu’il produise un son intéressant » raconteRingo Starr[50].Rubber Soul se caractérise par deux ruptures :Nowhere Man est la première chanson des Beatles ne parlant pas de filles et d’amour ; il n’y a pas une seule reprise d’un quelconque standard durock 'n' roll ou autre sur ce sixième disque des Beatles, et il n’y en aura plus jamais.George Harrison, qui vient de s’acheter unsitar car il est tombé amoureux de la musique indienne en écoutant les disques deRavi Shankar, est amené à l’utiliser spontanément sur la chansonNorwegian Wood (This Bird Has Flown) deJohn Lennon. Grande première dans le rock, l’initiative de Harrison inspireBrian Jones dans la composition duriff duPaint It, Black desRolling Stones, sorti quelques mois plus tard.
LesBeatles étaient au départ un groupe basé sur sa maîtrise de l’harmonie vocale — leur maîtrise de la polyphonie n’a pas été étrangère à leur succès et a presque fait oublier les précédents représentants américains du genre, lesFour Seasons[v] —, œuvrant dans la plus grande économie de moyens ; en 1965, la recherche instrumentale devient prépondérante. Les harmonies vocales restent toutefois très présentes (Drive My Car,Nowhere Man,If I Needed Someone,The Word,Wait), tout comme diverses facéties, comme sur le pont de la chansonGirl de John Lennon, que McCartney et Harrison ponctuent par des « Tit tit tit tit » (« nichon » en anglais).
La compétition et l’émulation battent leur plein entre les deux auteurs principaux du groupe : le jour de la publication deRubber Soul (le), sort également le 45 toursDay Tripper /We Can Work It Out. Le premier titre est de John (avec l’aide de Paul), le second de Paul (avec l’aide de John), et les deux compères se bagarrent pour figurer sur la face A du single, qui est le tube assuré. Il est alors décidé que ce seront « deux faces A », lesquelles atteignent la première place des charts, et ce pour cinq semaines consécutives[w].
À l’époque, hors de leur « compétition interne », la plus sérieuse émulation pour lesBeatles vient d’outre-Atlantique. En effet, si lesRolling Stones commencent tout juste à émerger en adoptant volontairement une attitude antagoniste de « mauvais garçons », et un son plus brut, en dépit des apports éclectiques de Brian Jones (qui s’amenuiseront à mesure que son état de santé se dégradera), ce sont lesBeach Boys qui leur opposent les qualités les plus grandes en termes d’harmonies vocales, de recherches mélodiques et de techniques d’enregistrement, sous l’influence grandissante deBrian Wilson — jeune homme au génie éclatant mais fragile psychologiquement, jouant tout à la fois les rôles de compositeur, producteur, chef d’orchestre, bassiste et chanteur principal. L’albumPet Sounds (), conçu par Wilson comme une réponse aux innovations deRubber Soul (), est d’ailleurs une source d’inspiration majeure pourRevolver (), et les techniques de production révolutionnaires employées pour le titreGood Vibrations ( — préfigurant ce qu’aurait dû être l’albumSmile abandonné lorsqu’il eut connaissance de la chansonStrawberry Fields Forever en 1967[136]) ont un impact décisif sur l’évolution ultérieure des Beatles. Les musicologues s’accordent généralement à dater la naissance de la « pop » de cette émulation entre les deux groupes en 1965-1966.
À l’été1966, leur album suivant,Revolver, sorti le en Angleterre, est de la même veine, repoussant encore les limites de l’expérimentation. John Lennon est au meilleur de sa forme, inspiré, innovant avecDoctor Robert,Tomorrow Never Knows,She Said She Said et dansI'm Only Sleeping, où le solo de guitare est passé à l’envers. Paul McCartney s’affirme en mélodiste talentueux avecEleanor Rigby,For No One etHere, There and Everywhere. Il a aussi l’idée de la chansonYellow Submarine pour Ringo Starr.And Your Bird Can Sing reprend et développe des effets de guitare qui n’apparaissaient que discrètement à la fin deTicket to Ride. Lesitar indien, déjà entendu dansNorvegian Wood, a séduitGeorge Harrison ; son admiration pour l’Inde — dont il ne se départira plus — devient évidente avecLove You To. Une autre chanson de George Harrison ouvre le disque,Taxman. La galerie de thèmes et de personnages s’élargit : un percepteur, une bigote solitaire, le sommeil et la paresse, le capitaine d’un sous-marin jaune, un docteur douteux, leLivre des morts tibétain, lespsychotropes sous forme détournée[138],[139]… La pochette du disque est dessinée par leur amiKlaus Voormann[140].
Tomorrow Never Knows (« Demain ne sait jamais », encore un accident de langage signé Ringo Starr[26]), dernier titre deRevolver, est un cas particulier : joué sur un seul accord (ledo), incluant des boucles sonores préparées par Paul, des bandes mises à l’envers, accélérées, mixées en direct avec plusieurs magnétophones en série actionnés par autant d’ingénieurs du son — une dizaine — envoyant les boucles à la demande vers la table de mixage, il ouvre l’ère durock psychédélique (et peut aussi être considéré comme le titre précurseur de latechno). Les prouesses deGeorge Martin et des ingénieurs du son des studios EMI — à commencer parGeoff Emerick — permettent de répondre aux demandes les plus extravagantes de John Lennon : celui-ci désirant que sa voix évoque celle « duDalaï-lama chantant du haut d’une montagne », ils élaborent cet effet en faisant passer sa voix dans le haut-parleur tournant d’unorgue Hammond, le « Leslie speaker » ; celui-ci tourne sur lui-même pour donner au son de l’orgue un effet tournoyant, et le résultat donne l’impression que la voix de John « surgit de l’au-delà »[50].
« De tous les morceaux des Beatles, c’est celui qui ne pourrait pas être reproduit : il serait impossible de remixer aujourd’hui la bande exactement comme on l’a fait à l’époque ; le « happening » des bandes en boucle, quand elles apparaissent puis disparaissent très vite dans les fluctuations du niveau sonore sur la table de mixage, tout cela était improvisé. »
— George Martin,Summer of Love, The Making of Sgt Pepper's
Chaque membre du groupe se prête au jeu d’une série d’interviews intituléesHow Does a Beatle Live? (« Comment vit un Beatle ? ») réalisée par la journalisteMaureen Cleave, une proche du groupe, qui sont publiées dans leLondon Evening Standard. LesBeatles sont alors au sommet de leur popularité mondiale. Dans l’article avec Lennon, qui paraît le, celui-ci déclare :
« Le christianisme disparaîtra. Il s’évaporera, décroîtra. Je n’ai pas à discuter là-dessus. J’ai raison, il sera prouvé que j’ai raison. Nous sommes plus populaires queJésus, désormais. Je ne sais pas ce qui disparaîtra en premier, lerock 'n' roll ou le christianisme […][141],[142]. »
Ce qui passe complètement inaperçu auRoyaume-Uni — et même ailleurs, dans un premier temps — finit par devenir un véritable scandale, quelques mois plus tard, auxÉtats-Unis, lorsque l’article est repris dans le magazine pour adolescentesDatebook, ces propos sont amplifiés et déformés sur une station de radio de l’Alabama ; il y est suggéré que les disques des Beatles soient brûlés, en représailles de ces paroles jugéesblasphématoires. La « Bible Belt » américaine ne tarde pas à mettre ces propos en application[143].
Paul McCartney tente bien de tourner l’affaire en dérision, en déclarant : « Il faut bien qu’ils les achètent avant de les brûler[18] ! », mais le mal est fait, et le malaise profond. Ainsi, à l’aube de leur ultime tournée, le àChicago, John Lennon est obligé de se justifier devant les médias américains :
« Si j’avais dit que la télévision était plus populaire que Jésus, j’aurais pu m’en tirer sans dommage […]. Je suis désolé de l’avoir ouverte. Je ne suis pas anti-Dieu, anti-Christ ou anti-religion. Je n’étais pas en train de taper dessus ou de la déprécier. J’exposais juste un fait, et c’est plus vrai pour l’Angleterre qu’ici [aux États-Unis]. Je ne dis pas que nous sommes meilleurs, ou plus grands, je ne nous compare pas à Jésus-Christ en tant que personne, ou à Dieu en tant qu’entité ou quoi qu’il soit. J’ai juste dit ce que j’ai dit et j’ai eu tort. Ou cela a été pris à tort. Et maintenant, il y a tout ça… »
Arrêt des tournées
Jusqu’en1966, lesBeatles enchaînent, à un rythme très soutenu, les tournées, les apparitions médiatiques, l’écriture, les séances d’enregistrement de leurssingles et albums. Mais plus leur succès grandit, plus leurs prestations publiques se déroulent dans des conditions impossibles. Ne voulant ou ne pouvant pas contrôler des foules à l’extérieur pendant que le groupe joue dans une salle trop petite, les autorités, particulièrement américaines, insistent qu’ils se produisent dans des salles ou des espaces en plein air de plus en plus grands, réunissant des dizaines de milliers de spectateurs[144]. Mais les moyens de sonorisation sont encore balbutiants, et surtout, les quatre musiciens se produisent sous lescris stridents de la gent féminine, qui couvrent complètement leur musique. Au point qu’ils ne s’entendent pas jouer et se rendent compte finalement que le public ne les entend pas non plus.
De plus, la différence entre leur production en studio, de plus en plus complexe, faisant appel à de plus en plus d’instruments divers et de nombreuxoverdubs, et ce qu’ils arrivent à délivrer sur scène dans leur configuration du départ (batterie, deux guitares, basse), devient flagrante. Leur répertoire scénique reste quasiment le même au fil des années — des standards durock 'n' roll commeRock 'n' Roll Music ouLong Tall Sally seront notamment joués jusqu’au bout —, et ils constatent les dégâts dès qu’ils s’attaquent à des titres plus récents, par exempleNowhere Man ouPaperback Writer : auBudōkan deTokyo, fin juin, on voit George Harrison agiter la main en saluant le public pour le faire hurler, afin de couvrir le chœura cappella dePaperback Writer qui sonne nettement faux… Ces concerts à Tokyo ayant déclenché une demande de 209 000 billets[145] se passent d’ailleurs dans une ambiance étouffante. Leur prestation au Budōkan, lieu considéré comme sacré par plusieurs, soulève de nombreuses protestations[66]. Par précaution, lesBeatles doivent demeurer cloîtrés dans leur hôtel et bénéficient de la plus grande protection policière jamais vue auXXe siècle pour un groupe ou un artiste, avec un dispositif (35 000 fonctionnaires mobilisés) de même ampleur que celui mis en place deux ans plus tôt pour lesJeux olympiques[146],[147].
Après cette série de concerts dans la capitale japonaise, les événements vont précipiter leur décision de mettre un terme définitif à ce que John Lennon considère comme « de foutus rites tribaux[50] ». ÀManille, auxPhilippines, ils passent tout près d’un lynchage, pour avoir malencontreusement snobé, à leur arrivée, une réception donnée en leur honneur parImelda Marcos, épouse du dictateurFerdinand Marcos, la veille de leurs concerts du4 juillet. Le groupe répondra qu’il n’avait reçu aucune invitation, ce qui n’empêchera pas la presse locale de se déchaîner ni les Philippins d’envoyer des menaces d’attentat et de mort. Toute protection policière leur est retirée lorsqu’ils repartent, une foule hostile les attend à l’aéroport, ils sont agressés, parviennent difficilement jusqu’à leur avion qui va rester bloqué sur la piste, le temps que leur managerBrian Epstein en soit débarqué pour aller se faire délester de la recette des quelque 100 000 billets vendus pour leurs deux concerts[50],[148],[149].
Cette énorme frayeur les décide déjà à tout arrêter, mais il leur reste des dates estivales à honorer aux États-Unis. Là-bas, ils subissent les conséquences de la tempête provoquée par les paroles de John Lennon à propos duchristianisme. Ils reçoivent des menaces, notamment duKu Klux Klan, et craignent réellement pour leur sécurité, alors qu’ils se produisent dans des stades dans des conditions qui restent détestables. Ils n'en peuvent plus. La dernière date de cette tournée, le lundi, auCandlestick Park deSan Francisco, onze titres interprétés en un peu moins de 35 minutes, sur une scène entourée de grillages, au milieu d’une pelouse où la chasse policière aux fans déchaînés bat son plein, devient leur dernier concert tout court. Seulement 25 000 billets ont été vendus pour 31 000 disponibles, ce qui a conduit la radio rock KYA, partenaire de l’opération, à organiser des concours pour distribuer les billets restants[150].
« À Candlestick Park, on s’est sérieusement dit que tout ça devait s’arrêter. On pensait que ce concert à San Francisco pourrait bien être le dernier, mais je n’en ai été vraiment certain qu’après notre retour à Londres. John voulait laisser tomber plus que les autres. Il disait qu’il en avait assez. »
— Ringo Starr
« Je suis sûr qu’on pourrait envoyer quatre mannequins de cire à notre effigie, et que les foules seraient satisfaites. Les concerts des Beatles n’ont plus rien à voir avec la musique. Ce sont de foutus rites tribaux. »
— John Lennon
« C’était trop, toutes ces émeutes et ces ouragans. La « Beatlemania » avait prélevé sa dîme, la célébrité et le succès ne nous excitaient plus[50]. »
— George Harrison
L’arrêt des tournées marque une première fissure dans la carrière des Beatles, partant du principe qu’un groupe derock 'n' roll qui ne joue plus sur scène n’est plus vraiment un groupe. D’ailleurs, tandis que John s’exclame : « Mais qu’est-ce que je vais faire maintenant ? » — il partira tourner le filmHow I Won the War àAlmería enAndalousie, avecRichard Lester —, George déclare tout de go : « Je ne suis plus un Beatle désormais ». Afin de donner un second souffle au groupe, après une pause de trois mois,Paul McCartney entraîne ses partenaires dans un nouveau projet, un nouveau départ, loin des foules hystériques. Un projet qui consiste à envoyer une autre formation, imaginaire, en tournée à leur place ; laLonely Hearts Club Band du Sergent Pepper.
La rencontre de Yoko Ono
Sur un tout autre plan, le 9 novembre 1966 va constituer pour les Beatles un événement majeur, avec la première rencontre de John Lennon etYoko Ono, alors que celle-ci présente une exposition dans le cadre de son projet intituléUnfinished Paintings and Objects. Yoko est alors une artiste japonaise d’avant-garde, membre du mouvementFluxus (un mouvement d’art international et transdisciplinaire émergé à New York dans les années 1960 ; fondé sur l’héritage du mouvementDada deMarcel Duchamp, il prône le non-art, l’anti-art, ce qui signifie pour les membres du mouvement l’abolition de la frontière qu’ils considèrent comme « élitiste » entre l’art et la vie)[151].
En ce mois de novembre 1966, Yoko expose ses dernières œuvres à l’Indica Gallery, une galerie d’art londonienne. Un de ses propriétaires,John Dunbar(en), qui est un ami de John, l’invite à venir voir l’exposition la veille de son inauguration. Les attentes de John, comme il le déclara plus tard à la BBC, furent très déçues après cette première visite.
Malgré son manque d’intérêt initial pour l’exposition et pour les œuvres présentées par Yoko, l’attention de John est attirée, lors d’une deuxième visite, par une salle où Yoko Ono avait dressé une échelle menant à une toile disposée au plafond, sur laquelle elle avait simplement écrit le seul mot :Oui. Son attention dès lors captivée, John demande à Yoko s’il pouvait voir une seconde œuvre.
Et c’est ainsi que l’existence de John Lennon connut une bifurcation majeure. Et celle des Beatles aussi, sur le plan musical comme sur celui des relations personnelles entre les membres du groupe.
Adieu les tournées et les costumes « uniformes ». À la fin de l’année 1966, lesBeatles s’installent quasiment à plein temps dans lesstudios EMI d’Abbey Road, et vont en exploiter toutes les possibilités. C’est le début de la période qui sera définie comme « les années studio » du groupe, caractérisées par une considérable progression de sa créativité. Les quatre musiciens s’amusent à coller des bouts des chansons, à lancer des bandes de musique par terre et à les recoller au hasard, à passer des morceaux à l’envers (comme sur la chansonRain), en accéléré, à mélanger de nombreux instruments atypiques dans lerock 'n' roll : desviolons, des instruments traditionnels, indiens, toutes sortes de claviers, ou même un orchestre symphonique complet ; à tenter tout ce qui est artistiquement possible en s’affranchissant du fardeau de leur image publique (ils sont lesBeatles et doivent en permanence se mesurer à l’image que leur public a d’eux) pour prendre l’identité d’une fanfare à la fois « Edwardienne » et complètement dans l’air du temps, qui souffle depuis laCalifornie. Ce concept est signé Paul McCartney.
L’albumSgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band est publié le : ce disque est considéré par beaucoup comme leur chef-d’œuvre, et sera reconnu comme la meilleure œuvre rock de tous les temps dans plusieurs listes établies par des revues spécialisées (notammentcelle deRolling Stone en 2003). D’autres y voient au contraire un album d’adieu (illustré sur la pochette par un massif fleuri où quatre Beatles tristes du musée de cire deMadame Tussauds semblent assister à leur propre enterrement, tandis que les quatre vrais Beatles sont donc devenus des musiciens de fanfare moustachus, et où une poupée chiffon à l’effigie deShirley Temple[152] annonce « Welcome theRolling Stones »). Cet album marque en tout cas leur carrière et toute une génération.
Pour répondre aux demandes et besoins des musiciens, George Martin et son équipe doivent aller de plus en plus loin au niveau des innovations techniques. Ils inventent ainsi le « vari speed » qui permet de faire varier la vitesse de défilement de la bande (procédé notamment utilisé surStrawberry Fields Forever pour fondre deux prises différentes en une seule, ou surLucy in the Sky with Diamonds pour la voix de John Lennon) et le « reduction mixdown » : les quatre pistes d’un magnétophone — le maximum dont ils disposent à l’époque — sont réduites en une seule sur un autre appareil identique synchronisé, et trois nouvelles pistes sont ainsi libres. On peut multiplier ce procédé et obtenir jusqu’à seize pistes[153], capacité qui ne sera disponible par défaut qu’au début des années 1970. Pour la première fois dans l’histoire du rock, un groupe va passer un peu plus de cinq mois en studio, de fin à, pour construire son album.
Les fructueuses séances deSgt Pepper's ont débuté par les enregistrements des titresPenny Lane — de Paul McCartney — etStrawberry Fields Forever — de John Lennon — où chacun traite de la nostalgie de son enfance àLiverpool. La maison de disquesEMI etBrian Epstein pressentGeorge Martin de sortir unsingle pour l’hiver, et ce dernier livre, à contrecœur, ces chansons, qui sont tout simplement celles qui sont les plus avancées[154]. En conséquence, ces deux titres (publiés enAngleterre le) ne sont pas inclus dans l’album à venir. De manière anecdotique, ils n’atteignent pas leno 1 dupalmarès britannique, et le producteur considère aujourd’hui la décision de les avoir isolés sur un single « double face A » comme une « épouvantable erreur[50] ». Toujours à l’avant-garde, lesBeatles se mettent en scène pour le titre de John Lennon,Strawberry Fields Forever, cet hiver-là, dans un mini-film tellement innovant qu’on peut en faire un des précurseurs desvidéo-clips musicaux tels qu’on les connaît aujourd’hui[155]. L’écriture et la réalisation deSgt Pepper's se poursuit intensément durant les quatre premiers mois de 1967. La collaborationLennon/McCartney atteint encore des sommets. Ensemble, ils écriventWith a Little Help from My Friends pour Ringo Starr, créentShe's Leaving Home à partir d’un fait divers, concoctentGetting Better, où l’optimisme de l’un (« It's getting better all the time / Ça va de mieux en mieux tout le temps ») est contrebalancé par le pessimisme de l’autre (« Can't get no worse / Ça ne peut pas être pire »). Enfin, un bout de chanson de John (« I read the news today oh boy… »), où il met en paroles une série de nouvelles lues dans la presse, accolé à une « ritournelle » de Paul (« Woke up, fell out of bed… »), les deux sections étant séparés par 24 mesures contenant un fameux glissando d’orchestre symphonique (clairement repris deKrzysztof Penderecki (Thrène à la mémoire des victimes d’Hiroshima, 1960) et deIannis Xenakis (Metastasis, 1955)), donnent le titreA Day in the Life, qui clôt le disque en apothéose. Ils écrivent ensemble la phrase « I'd love to turn you on » (« J’aimerais te brancher » ou « J’aimerais t’exciter » ou « J’aimerais te faire planer ») qui fait scandale pour son possibledouble senssexuel oustupéfiant, provoquant l’interdiction de la chanson sur la radio britannique.
Il est encore question de drogue, pour la plupart des observateurs de l’époque, avec le texte surréaliste — et surtout ses initiales (LSD) — de la chansonLucy in the Sky with Diamonds. Mais John Lennon explique qu’il est parti d’un dessin que son filsJulian, alors âgé de quatre ans, a ramené de sa classe de maternelle en lui expliquant que c’était sa copine Lucy O'Donnell, « dans le ciel avec des diamants »[26]. Le compositeur, qui cite aussiLewis Carroll et sonAlice au pays des merveilles[50] comme source d’inspiration, est le premier étonné de l’interprétation qui est faite de son titre. Cependant, Paul McCartney a révélé trois décennies plus tard que l’allusion au LSD était intentionnelle[156].
L’affiche qui inspira les paroles deBeing for the Benefit of Mr Kite!.
L’héroïne joue un rôle dans le bannissement, à l’antenne, de deux autres chansons de l’album, troisième et quatrième chansons du groupe à être interdites de radio. D’abordFixing a Hole, dont le titre peut laisser supposer que le chanteur se fait un « fix », puisBeing for the Benefit of Mr. Kite!, entièrement composée par John Lennon à partir d’une affiche de spectacle de cirque duXIXe siècle[26], à cause du personnage « Henry the horse », « horse » signifianthéroïne en argot anglais. Ce sont bien sûr des interprétations totalement erronées de la part des « autorités compétentes »… Pour répondre aux demandes de Lennon, la production de cette dernière chanson entraîne de nouvelles prouesses techniques de la part de George Martin et de son équipe.
George Martin et lesBeatles ont voulu faire deSgt Pepper's unalbum-concept, en reliant certains morceaux, bien que les chansons n’aient aucun rapport thématique entre elles, hormis les deux du début (la chanson-titre etWith a Little Help From My Friends). Pour unifier le tout, c’estNeil Aspinall, l’assistant du groupe, qui a l’idée de faire une reprise du morceauSgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band comme avant-dernière piste de l’album. Ainsi, lafanfare du club des cœurs esseulés du Sergent Pepper accueille son public au début du spectacle — de l’album —, puis le salue à la fin, à travers le même morceau joué plus vite et dans une tonalité différente, en espérant que le spectacle lui a plu. Quarante ans plus tard,Paul McCartney reprend l’idée lors de sa tournée « Back in the U.S. » en2002, en jouant la reprise deSgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band en avant-dernier morceau.
la longue décroissance — de 47 secondes — d’un accord depiano[157] ;
un sifflement à 20 000 Hz, inaudible par l’homme et impossible à reproduire sur la plupart des électrophones de l’époque, mais dontJohn Lennon espère qu’il fera aboyer les chiens de ceux qui possèdent une bonnechaîne hi-fi[157] (à noter que l’albumPet Sounds desBeach Boys, source d’inspiration majeure des Beatles pourSgt. Pepper's, se clôt sur des aboiements de chiens) ;
unjingle sans fin sur le sillon intérieur[157], que ne pourront découvrir que les puristes de la Hi-Fi, ceux qui refusent d’avoir une platine à arrêt automatique en fin de disque — pour les autres, le bras se lèvera avant, ou juste au début (ce segment sera simplement ajouté à la suite deA Day in the Life sur la réédition en CD).
Sgt Pepper's fait école et tous les autres groupes majeurs de l’époque (lesRolling Stones, lesWho, lesKinks, lesMoody Blues,Aphrodite's Child,The Clouds, et bien d’autres) voudront aussi sortir leur « album-concept » — quand bien mêmeSgt Pepper's n’en est pas vraiment un, d’un point de vue strictement musical ou thématique ; il aura suffi que ses auteurs l’affirment pour que cela soit une réalité. L’album fait date dans l’histoire de la musiquepop rock : jamais un groupe n’avait disposé d’autant de temps, de moyens et de liberté pour enregistrer un album. LesBeatles exploitent donc pleinement cette opportunité etGeorge Martin joue bien sûr un rôle-clé dans l’exploration de nouvelles techniques. La pochette, très soignée et débordante de couleurs, a nécessité une centaine de lettres envoyées aux personnalités vivantes représentées, afin d’obtenir leur accord. Trois personnages en sont retirés « in extremis » :Hitler etGandhi, au motif qu’ils risqueraient d’indisposer le public britannique, au grand désespoir du très provocateur John Lennon ; et un troisième personnage, l’acteurLeo Gorcey, qui voulait bien figurer sur la pochette mais à condition d’être rétribué, on juge plus simple de le faire disparaître. Cette pochette est, elle aussi, un événement. C’est la première fois qu’autant de soin est apporté au conditionnement du disque. Les paroles des chansons y sont incluses, pour la première fois également. Jusqu’ici, les pochettes se résumaient le plus souvent à une photo de l’artiste ou du groupe ; à partir deSgt. Pepper's, la conception de la pochette devient un élément-clé (à la fois « marketing » et artistique) de la production d’un disque.
Le, lesBeatles se produisent devant plus de 400 millions de téléspectateurs à travers le monde, à l’occasion de la toute première émission diffusée par satellite,Our World. En direct du studio 1 d’Abbey Road et en « Mondovision », ils interprètent une chanson spécialement composée par John Lennon pour l’occasion :All You Need Is Love[158]. Le triomphe est total. Le 45 tours publié le7 juillet s’installe directement à la première place descharts et y reste trois semaines.
Le, paraît en pleine page dansThe Times une pétition financée et signée par les quatre Beatles et leur manager intitulée « La loi interdisant laMarijuana est immorale en principe et inapplicable en pratique », un appel contre la prohibition en vigueur depuis l’instauration duDangerous Drug Act en 1965[159],[160]. Mais c’est durant ce fameux « Summer of Love » (« l’été de l’amour ») sur fond deSgt Pepper's queBrian Epstein est retrouvé sans vie dans sa maison, à 32 ans, à la suite d’unesurdose debarbituriques, le. LesBeatles apprennent sa mort pendant un séminaire d’initiation à laméditation transcendantale avecMaharishi Mahesh Yogi àBangor, auPays de Galles, où chacun s’est vu délivrer unmantra. La disparition de leur manager les laisse totalement désemparés et marque une nouvelle fissure dans leur carrière[161],[18]>.
L’année 1967 se termine par l’éreintement critique de leur film à saveurpsychédélique,Magical Mystery Tour, considéré à sa sortie comme leur premier véritable échec; sa diffusion télévisée ennoir et blanc sur laBBC à Noël a déconcerté les spectateurs et déçu les critiques. Ce film est tourné sans réel scénario — « mystérieux » même pour ses acteurs — où les séquences filmées des titresI Am the Walrus etYour Mother Should Know constituent sans doute les meilleurs moments. Le fait que les téléspectateurs britanniques l’aient vu sans ses vives couleurs ne sert assurément pas sa cause. La bande-son, publiée sous forme d’un « doubleEP » composé de 6 titres et sorti le, contient toutefois ces nouvelles perles que sont le très élaboréI Am the Walrus de John Lennon etThe Fool on the Hill de Paul McCartney. Aux États-Unis,Magical Mystery Tour sort le en 33 tours. On y retrouve, compilées sur la face 2, les chansons tirées des 45 tours publiés en 1967, dont les indissociablesStrawberry Fields Forever /Penny Lane ainsi queAll You Need Is Love /Baby, You're a Rich Man. On y inclus aussiHello, Goodbye, entendu lors du générique final et publié en 45 tours promotionnel pour le téléfilm. Populaire en importation, ce 33 tours sera finalement publié au Royaume-Uni en 1976[162] et, à partir de la réédition de leur catalogue enCD au milieu des années 1980, il intègre leur discographie officielle.
Les personnages duWalrus (tiré du livreDe l’autre côté du miroir deLewis Carroll), deLady Madonna et duFool on the Hill, ainsi queStrawberry Fields, réapparaissent sous forme de références dansGlass Onion dudouble album blanc en1968 — « The Walrus was Paul » (« le morse, c’était Paul ») chante John Lennon, ironisant sur les folles interprétations suscitées par ses textes…
Lorsque lesBeatles, désormais « orphelins » deBrian Epstein, apprennent que leur capital peut être soit investi dans la création d’une entreprise, soit dilapidé en impôts divers, ils choisissent la première solution, débouchant sur la naissance de leur compagnieApple Corps.
Le nom, comme le logo, proviennent d’un célèbre tableau deRené Magritte acquis par Paul McCartney. Apple est créée le, et ses premiers locaux ouvrent le, avec ses divisionsApple Records (label sur lequel leurs disques seront désormais publiés),Apple Electronics,Apple Publishing,Apple Films etApple Retail. En plus de couvrir les finances et les activités des Beatles, la compagnie est censée apporter de l’aide à tout artiste dans le monde qui voudrait lancer un projet artistique de valeur. Durant les deux dernières années d’existence du groupe, le résultat sera pour le moins contrasté. Des rêveurs et des utopistes tels que « The Fool », un groupe de jeunes dessinateurs de mode néerlandais, et Alexis Mardas, alias « Magic Alex », feront perdre des milliers delivres aux Beatles[18].
Mi-février, c’est le grand départ. LesBeatles intègrent l’âshram du Maharishi. Ringo Starr reste deux semaines, Paul McCartney quatre, John Lennon et George Harrison huit[163]. Ce séjour se traduit notamment par une des plus fécondes périodes créatives de l’histoire du groupe, puisqu’une quarantaine de chansons sont composées sur place, qui rempliront la quasi-totalité de leurprochain album, et jusqu’à leurs disques en solo, après leur séparation[26]. Avec des années de recul, chacun des quatre Beatles soulignera tout le bien que leur a fait cette expérience, ce repos spirituel loin de la folie qui les entourait dans le monde entier, et tout ce qu’ils en ont retiré[163], et tous resteront à long terme des adeptes de la méditation transcendantale. Sur le moment en revanche, leurs réactions sont mitigées et vont jusqu’au terrible ressentiment de John Lennon.
« Je ne suis resté que deux semaines », raconte Ringo Starr, qui compare l’āshram du Maharishi aux camps de vacances de son enfance[163]. « Je ne retirais pas ce que j’en espérais et la nourriture était impossible »[163]. Second membre du groupe à quitter Rishikesh, au bout d’un mois, Paul McCartney explique : « J’étais ravi, mais je me demandais comment les autres (John et George) allaient sortir de là. Ils sont revenus en racontant que le Maharishi avait dragué une jolie américaine blonde à cheveux courts »[163]. Il s’agit d’une rumeur concernant la sœur de l’actriceMia Farrow, présente, comme une importante troupe d’occidentaux et d’amis du groupe, à ce séminaire au pied de l’Himalaya. À Rishikesh, en, la possibilité que le « maître » ait des faiblesses coupables met John Lennon hors de lui. Il pense avoir « percé le bluff »[163] du Maharishi, quitte l’endroit sur-le-champ en compagnie de George Harrison[50] et compose la chanson accusatriceSexy Sadie : « You made a fool of everyone / Tu t’es moqué de tout le monde ») où il présente leguru indien comme un imposteur[163].
Plus tard, le ressentiment envers le Maharishi s’estompe, George Harrison qualifiant« ces bruits, que les médias ont repris pendant des années au sujet du Maharishi, toutes ces conneries » de« pure invention »[163]. Quant à Lennon, il explique rester totalement favorable à la méditation, ajoutant : « Je ne sais pas à quel niveau se situe le maître, mais on a passé de chouettes vacances, on est revenus frais et dispos pour jouer les hommes d’affaires. (…) Je ne regrette rien à propos de la méditation. J’y crois encore et la pratique à l’occasion »[163]. Cet épisode a ouvert, du jour au lendemain, l’Occident à la méditation, au yoga et à la philosophie orientale, quasiment inconnus auparavant[164], et a eu une influence considérable sur les mouvementshippie à la fin des années 1960.
Pochette toute blanche de l’albumThe Beatles, plus connu sous le nom d’« Album blanc » (The White Album).
Cet hiver-là, John Lennon se rapproche de l’artiste d’avant-garde japonaiseYoko Ono, qui lui écrit quotidiennement lorsqu’il se trouve à Rishikesh, avec son épouse Cynthia.« J’ai rencontré Yoko avant de partir, j’ai eu beaucoup de temps là-bas pour réfléchir. Trois mois[sic] à ne rien faire d’autre que méditer et réfléchir. Je suis rentré à la maison et je suis tombé amoureux de Yoko. Cela a mis un point final à tout ça. Et c’est magnifique »[50] raconte Lennon. À son retour, le fondateur des Beatles consomme son amour avec Yoko et ne s’en sépare plus, délaissantCynthia, la mère de son filsJulian qui n’a que cinq ans. Ils ne reverront quasiment plus John.
En mai, lesBeatles entrent en studio pour enregistrer ce qui deviendra l’« Album blanc », un des premiersdoubles albums de l’histoire de la musique populaire : sa pochette étant entièrement blanche avec pour seule inscriptionThe Beatles, cetopus n’a pas de titre à proprement parler et est désigné par le nom du groupe, parmétonymie, mais habituellement par référence à sa couleur. Les premières éditions britanniques sont numérotées individuellement. Le contenu musical est conçu majoritairement à partir du matériel composé en Inde, sur le seul instrument dont disposaient les musiciens, laguitare acoustique. Plusieurs chansons créées et jouées durant leur séjour, commeDear Prudence etJulia de Lennon — sur lesquelles John met en pratique une nouvelle technique depicking, apprise deDonovan[165] — ainsi queBlackbird,Mother Nature's Son,I Will etRocky Raccoon, de McCartney, apparaîtront sur le disque, jouées en solo par leur auteur ou enregistrées en formation réduite.
Selon leur habitude — publier des titres sur 45 tours qui ne sont pas inclus dans les albums — lesBeatles sortent en août le singleHey Jude /Revolution enregistré durant les séances de l’« Album blanc », qui connaît de nouveau un grand succès, malgré la longueur tout à fait inhabituelle deHey Jude : 7 minutes dont quatre sont une répétition en chœur et crescendo de « Na na na nananana, nananana, Hey Jude ». C’est une chanson de McCartney, divisée en deux parties distinctes, destinée au fils de John,Julian, qui est unanimement saluée. Lennon quant à lui a tenu à délivrer un message politique en plein bouillonnement de la jeunesse occidentale —mai 1968 en France, notamment — avec le titreRevolution. Dans la version rock — celle qui figure en face B du 45 tours — il dit : « But when you talk about destruction, don't you know that you can count me out / Si tu parles de destruction, ne compte pas sur moi », alors que dans la versionblues, plus lente, enregistrée plus tôt, et qui figure sur l’album, il avait répété la deuxième partie de la phrase en rajoutantin à la suite duout (« ne compte pas sur moi / compte sur moi »). Lennon a expliqué que, encore indécis sur ce sujet, il avait préféré, dans un premier temps, considérer les deux options…Rock & Folk, dans son numéro consacré à cet album[166], qualifiera la version rapide d’un peu « réactionnaire » et se félicitera de la version lente, considérée comme tournant selon lui endérision le dénigrement de l’idée de révolution.
Ces séances à Abbey Road sont tendues, la présence deYoko Ono dans le studio, aux côtés de John, perturbe ses camarades. L’ambiance se dégrade. Chacun enregistre souvent séparément et se sert des autres comme « musiciens de studio » sur ses propres compositions. D’ailleurs, avant de coucher sur bande le titre qui ouvre cet album,Back in the U.S.S.R., Ringo Starr se met en congé du groupe. Les « Fab Four » continuent à enregistrer : Paul McCartney se met à la batterie — il en joue donc surBack in the U.S.S.R. mais aussi surDear Prudence — et George Harrison à la basse.
Ce qu’en dit Ringo témoigne bien de l’atmosphère qui régnait lors de ces séances :« Je suis parti parce que j’éprouvais deux sentiments : celui de ne pas très bien jouer et celui que les trois autres étaient vraiment heureux, et que j’étais un étranger. Je suis allé voir John. […] Je lui ai dit : « Je quitte le groupe parce que je ne joue pas bien. Parce que j’ai l’impression de ne pas être aimé, d’être exclu. Alors que vous êtes tellement proches tous les trois ». John m’a répondu : « Je croyais que c’était vous trois qui étiez très liés ! » Je suis ensuite allé voir Paul et je lui ai dit la même chose. Paul m’a répondu « Je croyais que c’était vous trois ! » Je n’ai pas pris la peine d’aller voir George, j’ai dit : « Je pars en vacances ». J’ai pris les gosses et je suis parti pour laSardaigne[50]. »
Lorsque Ringo Starr revient de Sardaigne, il découvre sa batterie couverte de fleurs dans le studio d’Abbey Road. Les quatre musiciens se resserrent dans un tout petit espace pour enregistrer en direct leYer Blues de John Lennon[50], se déchaînent en interprétantHelter Skelter de Paul McCartney : on entend même Ringo hurler « J’ai des ampoules aux doigts ! » (« I've got blisters on my fingers »), à la fin du morceau. L’origine de cette chanson est à chercher dans un article d’un magazine musical, à propos du titreI Can See for Miles desWho : l’article disait que ce titre était d’une « violence » inouïe. Paul décide, avant même d’avoir entendu la chanson en question, d’écrire un titre encore plus violent — il se rend compte plus tard, à l’audition deI Can See For Miles, que la revue exagérait quelque peu… Ce titre aura une sinistre influence, puisqu’il sera cité en référence parCharles Manson (ainsi que d’autres titres telsPiggies,Revolution etBlackbird[167]), qui en fera une interprétation délirante et paranoïaque, servant de fil rouge dans ses discours auprès de ses adeptes.
Publié le,The Beatles est salué comme une grande réussite et connaît un immense succès commercial. Le public est cependant déconcerté parRevolution 9, un long collage sonore expérimental de neuf minutes, réalisé par John Lennon et Yoko Ono.George Martin et les trois autres Beatles supplient John de retirer ce titre du disque, en vain. Dans le genre expérimental, Lennon et Ono font encore plus fort en publiant, le même mois, leur albumUnfinished Music No.1: Two Virgins, enregistré en, le soir où ils consommèrent leur amour pour la première fois, et sur la pochette duquel tous deux apparaissent entièrement nus.
Lefilm d’animationYellow Submarine sort en salles le. Conçu à partir de la chansonYellow Submarine, il constitue le troisième film que les Beatles devaient fournir par contrat à la United Artists. Occupés ailleurs, les membres du groupe s’investissent peu dans le projet — les voix de leurs propres personnages sont enregistrées par des comédiens. L’album issu du film paraît le, seulement deux mois après l’« Album blanc », avec six chansons, dont seulement quatre inédites, et une trame instrumentale de George Martin sur la face deux.
Le, lesBeatles se retrouvent autour d’un nouveau projet initié par Paul McCartney : filmer et enregistrer des répétitions pour aboutir à une prestation en public, manière de revenir aux origines, jouer « live » comme un vrai groupe derock 'n' roll, bannir tout ajout en studio, interdire le motoverdub ou les trucages en tous genres. De plus, le tout devra déboucher sur une émission de télévision. Mais le groupe a du mal à se mettre d’accord sur les tenants et aboutissants du projet. Effectuer une concert télévisé ? Montrer des répétitions avant ce concert ? Et si celui-ci doit être organisé, où et dans quelles conditions ? Finalement, on aboutira avec unfilm documentaire montrant lesBeatles en train de créer un album[50].
Les séances du projet « Get Back » — ainsi nommé d’après lachanson homonyme créée sur place, qui aurait dû donner son titre à l’album en préparation — se passent mal. Les tensions initiées lors des séances de l’« Album blanc » renaissent dans les froids studios de cinéma deTwickenham, à des heures matinales. La présence constante deYoko Ono, n’arrange pas l’ambiance, tout comme le « dirigisme » de Paul. Devant l’équipe de tournage deMichael Lindsay-Hogg, ils jouent beaucoup et de façon souvent désordonnée — une centaine de titres sont abordés, en quelques notes seulement pour certains — au cours de séances non dirigées qui s’apparentent plutôt à dubœuf, jouent souvent mal et sans conviction[168]. John Lennon apparaît largement démobilisé, tandis que George Harrison est de plus en plus excédé : après Ringo, c’est lui qui quitte le groupe, le10 janvier, revenant toutefois une semaine plus tard. Son ressentiment, sa frustration de rester, en tant que compositeur, à l’ombre du tandemLennon/McCartney et de se voir fréquemment refuser des chansons qu’il aimerait voir placées sur les disques du groupe, ne cessent de s’accentuer[168].
LesBeatles se rabattent ensuite sur leur propre studio, au 3Savile Row, où est situé le siège de leur compagnieApple. À l’initiative de George Harrison[169], ils s’adjoignentBilly Preston auxclaviers et finissent par donner leur ultimeprestation publique sur le toit de l’immeuble, le. Mais elle est interrompue au bout de 42 minutes par la police, à la suite de plaintes pour cause de vacarme[170]. Les événements de ce mois de figureront, un an plus tard, dans le filmLet It Be, chronique de la dissolution d’un groupe. On y voit notamment George Harrison interpeller Paul McCartney :« OK, bon, je m’en fous. Je jouerai ce que tu veux que je joue, ou je ne jouerai pas du tout si tu ne veux pas que je joue. Je ferai tout ce qui pourra te faire plaisir. » Les kilomètres de bandes enregistrées en un mois sont, dans un premier temps, rangées dans un placard, tant les membres du groupe s’en montrent insatisfaits.
L’ingénieur du sonGlyn Johns, sur place depuis le début de ces séances, est appelé par le groupe pour mixerun album à partir des bandes existantes, enregistréeslive en studio et sur le toit de l’immeuble de leur compagnie. Johns réalise trois versions de ce disque mais lesBeatles, bien qu’ils se montrent plutôt satisfaits des deux dernières tentatives, ne la publieront pas. Il en résultera tout de même le singleGet Back /Don't Let Me Down, publié le. Le reste des bandes retourne sur les étagères et ne sera exploité qu’un an plus tard.
Avec l’idée de ne pas rester sur cet échec, Paul McCartney contacte George Martin en lui proposant de faire un disque « comme avant ».« Comme vous étiez ? Avec John ? John est d’accord ? » demande le producteur, ce que le bassiste confirme[50]. Bien qu’il n’est pas encore décidé que la rupture soit imminente, lesBeatles vont se réunir une dernière fois dans les studios EMI d’Abbey Road, durant les deux mois de l’été 1969, bien décidés à mettre de côté leurs dissensions, à tirer dans le même sens, afin de « partir sur une note positive ». Cependant, John Lennon rate le début des séances, le temps d’être soigné après un accident de voiture en Écosse[18].
Une collection de chansons, dont certaines ont été composées en Inde, enregistrées sous forme dedémos à l’époque de l’« Album blanc » ou répétées en pour le projetGet Back, sont retravaillées pour aboutir à l’albumAbbey Road. Quoi de plus simple que de donner, à leur ultime œuvre commune, le nom de la rue — ils se font photographier sur le passage piéton, le8 août, pour la pochette du disque — où sont situés les studios dans lesquels ils ont enregistré l’immense majorité de leurs chansons depuis sept ans ? Il aura toutefois été question, un moment, d’appeler cet albumEverest, en raison de lamarque de cigarettes(en) fumées parGeoff Emerick[108].
Les titres d’Abbey Road évoquent les tracas et frustrations du moment, parlant d’argent qu’on n’arrive pas à obtenir, de dettes, de négociations juridiques (You Never Give Me Your Money de Paul McCartney), de poids à porter pour longtemps, de marteau d’argent qui s’abat sur la tête des gens dès que les choses vont mieux (Carry That Weight etMaxwell's Silver Hammer, Paul à nouveau), de retour du soleil après un hiver long, froid et solitaire (Here Comes the Sun, oùGeorge Harrison évoque les grands moments de tension au sein du groupe), ou encore d’un jardin sous-marin où « il n’y a personne pour nous dire ce que [nous] devons faire » (Ringo Starr dansOctopus's Garden). Malgré tout, l’ambiance musicale est généralement lumineuse, apaisée.
C’est leur premier — et dernier — album entièrement réalisé en huit pistes, et également un des premiers dans l’histoire du rock où l’on entend dusynthétiseur, unMoog en l’occurrence, acquis par George Harrison auprès de son créateur,Robert Moog[50]. Les harmonies polyphoniques, qui avaient rendu lesBeatles célèbres, sont de retour et contribuent au succès d’Abbey Road, sorti le (c’est leur album le plus vendu aprèsSgt Pepper's). Leur sommet dans ce domaine est sans doute constitué parBecause, titre queJohn Lennon a composé en entendant Yoko Ono jouer laSonate pour pianono 14 deBeethoven, plus connue sous le nom de « sonate au clair de lune », morceau qu’il lui a demandé de jouer à l’envers. SurBecause, les trois voix de John, Paul et George se superposent trois fois, soit une poignante harmonie à neuf voix, qui sera rééditée en versiona cappella sur le disqueAnthology 3 sorti en1996 et, de nouveau surLove en2006.
Lemedley, articulé autour du thème musical deYou Never Give Me Your Money de Paul, et qui contient en son sein trois bouts de chansons de John (Sun King,Mean Mr. Mustard etPolythene Pam), est élaboré parGeorge Martin etPaul McCartney. Mais, contrairement à beaucoup d’idées reçues émises postérieurement — et comme l’expliquent John Lennon et George Harrison — le groupe collabore dans son ensemble pour décider de l’ordre des morceaux, trouver de quoi remplir les mesures entre chacun, les enchaînements et lesbreaks[50].
L’apparente dernière plage du disque, qui clôture le medley, s’intituleThe End et se termine par une inédite série de solos (Ringo à la batterie d’abord, puis Paul, George et John, tour à tour, à la guitare, trois fois, sur deux mesures chacun) et la fameuse phrase « And in the end, the love you take is equal to the love you make » (« Et au bout du compte, on reçoit autant d’amour que l’on en donne »). La vraie dernière plage du dernier disque des Beatles (selon la chronologie d’enregistrement), d’une durée très courte (23 secondes), estHer Majesty,morceau caché par un « blanc » sur le sillon du33 tours, qui parle d’une manière peu commune de la reine d’Angleterre (le narrateur déclare qu’elle est « une chouette fille qui n’a pas grand chose à dire » et qu’un jour elle sera sienne…). À l’origine, elle se situait au cœur du medley, entreMean Mr. Mustard etPolythene Pam, et Paul McCartney avait demandé à l’ingénieur du son John Kurlander de la retirer. Mais ce dernier, à des fins de sauvegarde — la consigne générale était qu’aucun enregistrement des Beatles ne devait jamais être jeté — la place en fin de bande, après un blanc de 15 secondes, derrièreThe End, coupée net. Après avoir écouté le résultat, Paul donne son accord, appréciant cet effet incongru. N’étant pas crédité au dos de la pochette originale du 33 tours,Her Majesty est considérée comme le premiermorceau caché (hidden track) de l’histoire du rock.
Le, lesBeatles complètent l’enregistrement du titre de John LennonI Want You (She's So Heavy) : c’est la dernière fois qu’ils sont réunis tous les quatre en studio[26]. Le succès d’Abbey Road est énorme et, selon les acteurs, cette ultime collaboration est « heureuse »; lesBeatles semblent donc dire ici adieu aux Beatles, en montrant une dernière fois l’aspect miraculeux de leur association. « Tout le monde a incroyablement bien travaillé. C’est pourquoi j’aime particulièrement cet album » diraGeorge Martin[50].
Paul McCartney est par ailleurs, au même moment, l’objet d’une incroyable rumeur, selon laquelle il se serait tué dans un accident de voiture en et aurait été remplacé par un sosie. Pour les partisans de cette thèse, qui fait son apparition en 1969, tout est bon pour l’accréditer, grâce à plusieurs indices, dont ceux-ci :
À l’intérieur de la pochette deSgt. Pepper's, McCartney porte un badge sur lequel on peut lire « OPD », ce qui donne bien sûr « Officially Pronounced Dead » (« officiellement déclaré mort »). Ce n’est pas « OPD » qui est inscrit, mais « OPP », soit « Ontario Provincial Police ». On va aussi jusqu’à poser un miroir devant les mots « LONELY HEARTS » au centre de la grosse caisse devant laquelle pose le groupe : cela donne « 1 ONE I X HE ^ DIE », et bien sûr les folles interprétations qui s’ensuivent. Enfin, au verso de la pochette, ses trois camarades sont de face et lui, de dos.
Dans la chansonRevolution 9 — comme les neuf lettres de McCartney —, l’on entendrait nettement dans ce long collage sonore — œuvre de John Lennon et Yoko Ono — le bruit d’un accident de voiture. Les partisans de la thèse évoquée ici trouvent également de très nombreuses « preuves » de leurs allégations en passantRevolution 9à l’envers, dont le« Number nine » répété qui deviendrait« Turn me on, dead man »[172].
La phrase « He blew his mind out in a car » (« Il s’est éclaté la cervelle dans un accident de voiture ») dansA Day in the Life. Lennon évoque le jeune héritier des brasseriesGuinness, Tara Browne, qui s’est tué à 21 ans au volant de sa Lotus Elan en.
La pochette d’Abbey Road constitue le point de départ de cettelégende urbaine. Elle fourmille d’indices pour étayer le postulat délirant : Paul traverse le passage piéton pieds nus, comme les morts que l’on enterre en Inde. La Volkswagen blanche est immatriculée « LMW 28 IF » soit« Living-McCartney-Was 28 years old-If » (« McCartney aurait eu 28 ans s’il était encore vivant », ce qui ne peut pas vraiment concorder car McCartney avait 27 ans lorsque l’albumAbbey Road est sorti), il tient sa cigarette de la main droite alors qu’il est gaucher, etc.
Les mots mystérieux de John Lennon à la fin deStrawberry Fields Forever. Selon les tenants de cettethéorie, on l’entendrait dire « I buried Paul » (« J’ai enterré Paul »), alors qu’il prononce « cranberry sauce » (« sauce auxcanneberges »), clairement entendu sur la version d’Anthology 2.
La liste des indices est donc longue, et non exhaustive dans ce chapitre. Le canular est énorme, tout comme le tintamarre médiatique qu’il a généré. Paul McCartney finit par faire face à cette rumeur pour apporter un cinglant démenti. Il publiera même, en 1993, l’album en spectaclePaul Is Live, l’homonyme y faisant référence. Malgré tout, il existe encore, cinq décennies plus tard, des gens qui tentent de faire perdurer ce mythe. On trouve par exemple sur Internet des dossiers détaillés avec analyses photographiques à l’appui[173].
« J’ai fondé les Beatles et je les ai dissous, c’est aussi simple que cela. »
— John Lennon
LesingleSomething /Come Together va occuper partout la tête des palmarès, tandis que le 33 toursAbbey Road restera, à partir du, 17 semainesno 1 enAngleterre. Le, deux semaines avant la sortie de cet album et au moment où Ringo Starr est hospitalisé pour des examens pour des douleurs à l’intestin, John Lennon utilise un magnétophone pour lui enregistrer les discussions d’une réunion du groupe. Lors de celle-ci, Lennon propose que le prochain album des Beatles, à être publié vers la période des fêtes, soit composé de quatre de ses chansons, quatre de McCartney (toutes crédités individuellement), quatre de Harrison et deux de Starr (« s’il les veut »)[174]. Cette possibilité de retourner en studio meurt dans l’œuf quand, le, au retour d’un concert auToronto Rock and Roll Revival Festival avec lePlastic Ono Band naissant, Lennon annonce aux autres Beatles qu’il quitte définitivement le groupe, lors d’une réunion mouvementée chez Apple[175], en réponse à Paul McCartney qui, dans une ultime tentative de relance, proposait à son tour de repartir en tournée dans des petites salles[50]. Ils conviennent que cette nouvelle doit rester secrète, compte tenu des enjeux commerciaux de la renégociation des contrats de distribution avec EMI au Royaume-Uni et Capitol Records aux États-Unis.
LesBeatles se sont sévèrement disputés autour de la nomination de leur nouveau manager, entreAllen Klein, soutenu par Lennon, Harrison et Starr, et Lee Eastman, avocat, père de Linda, l’épouse de Paul. Contrairement à la tradition au sein du groupe qui dicte que les décisions doivent être unanimes, Klein, que Paul déteste et qui refuse de poser sa signature en bas du contrat qui le lie aux Beatles, devient leur dernier manager[176].
Pour couronner le tout, ils perdent également la propriété de tout leur catalogue de chansons.Northern Songs était en effet détenu à 51 %, soit la majorité des parts, par Brian Epstein à travers sa société NEMS. Une fois ce dernier disparu, sa famille, etDick James(en), éditeur du groupe et administrateur deNorthern Songs depuis les débuts en 1963, décident en 1969 de vendre le catalogue à l’empire ATV (Associated Television), sans que lesBeatles ne puissent rien faire[50]. Un déboire qui pèse aussi de tout son poids dans l’ambiance délétère menant à la dissolution du groupe. C’est ce catalogue détenu par ATV queMichael Jackson rachètera pour 47,5 millions de dollars[177] en 1985.
La toute dernière séance d’enregistrement des Beatles se déroule en l’absence définitive de John Lennon. Elle a lieu les 3 et avec la chanson de George HarrisonI Me Mine[26] qui avait été répétée durant les séances à Twickenham en janvier 1969 et retenue pour le filmLet It Be mais qui n’est pas finalisée pour l’album. En introduction de la version publiée sur le disqueAnthology 3 en 1996, on peut entendre ce dernier lâcher une plaisanterie à ce sujet : « You all will have read that Dave Dee is no longer with us, but Mickey and Tich and I, just like to carry on the good work that's always gone down in number two », ce qui signifie : « Vous aurez tous lu que Dave Dee n’est plus avec nous, mais Mickey, Tich et moi-même apprécions de poursuivre le bon travail qu’on a toujours fait au [studio] numéro deux » ; ces noms faisant référence à un groupe britannique populaire du moment,Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick and Tich. Quatre mois s’écouleront encore sans aucune activité musicale commune, avant que la séparation ne soit rendue publique.
En mars, à l’initiative d’Allen Klein, et avec l’accord de John Lennon et George Harrison[50], les bandes enregistrées en sont confiées au producteur nord-américainPhil Spector, afin qu’il mixe et assemble ce qui deviendra l’albumLet It Be. Spector, fidèle à son style de production, ajoute chœurs féminins et arrangements de cordes à trois de ces chansons qui devaient rester « brutes ». En entendant le résultat sur son titreThe Long and Winding Road, Paul McCartney, qui n’a pas été consulté, pique une énorme colère. Il expédie une lettre adressée à Allen Klein chez Apple dont les derniers mots sont : « Ne refaites plus jamais ça[50] ! » Toutefois, l’album est publié, avec ces nouveaux arrangements, le, et cette polémique interne n’entame en rien son succès, ni celui des chansonsGet Back,Let It Be etThe Long and Winding Road, toutesno 1 des deux côtés de l’Atlantique.
Les Beatles n’ont plus aucune activité commune et Paul McCartney prépare son premier album solo, quand Ringo Starr débarque à la porte de son domicile, porteur d’une lettre commune aux trois autres membres lui demandant de retarder la sortie de son disque pour laisser la place àLet It Be dont la sortie est prévue pour le. Furieux, McCartney l’envoie au diable et lui claque la porte au nez[178]. Quelques jours plus tard, le, il sort donc son premier album solo, sobrement intituléMcCartney, et annonce, à travers un communiqué de presse (une « interview » dansThe Daily Mirror où il fait les questions et les réponses[179]) inséré dans les pressages « promotionnels » de son disque solo, qu’il ne fait plus partie du groupe à la suite de « désaccords sur les plans personnel, financier et artistique[26] ». Il rompt donc lui-même le secret et s’attribuede facto la pleine responsabilité de la séparation, ce qui aura le don d’outrer ses camarades, surtoutJohn Lennon qui ne lui pardonnera jamais cette attitude (il l’interprète comme un simple coup publicitaire dans le but de faire vendre l’albumMcCartney)[178].
« Je n’avais pas l’intention que ce communiqué signifie que je quittais le groupe. C’est un gros malentendu. Quand j’ai vu les unes des journaux, j’ai juste pensé : « Seigneur, qu’ai-je fait ? » Et maintenant, on y est. Je n’ai pas quitté lesBeatles.LesBeatles ont quitté lesBeatles, mais personne ne veut être celui qui dira que la fête est terminée », se justifie Paul à chaud[50]. Ringo Starr déclarera de son côté : « Oui, j’étais dans lesBeatles. Oui, nous avons fait des grands disques ensemble. Oui, j’aime ces gars. Mais c’est la fin de l’histoire. » Quant à John Lennon il dira plus tard : « J’ai fondé lesBeatles et je les ai dissous, c’est aussi simple que cela »[50],[178]. Le 9 janvier 1975, la dissolution légale des Beatles sera prononcée dans laHaute Cour de justice de Londres[180].
Fin, McCartney intente un procès à ses trois camarades afin de mettre un terme définitif à l’entité juridiqueBeatles, et d’empêcher Allen Klein, toujours manager du groupe, de faire main basse sur l’argent que celui-ci continuait à générer[181]. La dissolution juridique du groupe sera finalement prononcée en 1975. Malgré cette dissidence, lorsqu’il s’agira pour McCartney et Lennon de jouer, chacun de son côté, au jeu du « qui a fait quoi ? » sur les plus de 200 titres cosignésLennon/McCartney, ils se montreront globalement d’accord, à de très rares exceptions près (notammentIn My Life etEleanor Rigby) entre ce qui est à 100 % composé collectivement, à 50-50, à 60-40 ou à 80-20 de l’un ou de l’autre. À l’exception d’unbœuf enregistré en 1974 et diffusé sur unalbum pirate sous le nomA Toot and a Snore in '74(en) mais jamais officiellement publié, les deux collaborateurs n’ont jamais plus été en studio ensemble après la séparation du groupe.
Les quatre membres du groupe publient chacun un album solo en 1970. Ils disposent alors d’un grand nombre de chansons déjà composées, et pour certaines ébauchées et répétées en groupe, voire enregistrées et quasiment finalisées, depuis le séjour en Inde et les séances de l’« Album blanc » ou deLet It Be.
À la suite de la publication de son premieralbum solo, avec lequel il a annoncé la séparation du groupe, Paul McCartney sort en 1971 l’albumRam sur lequel il s’offre, sur la chansonToo Many People, une petite pointe à Lennon avec les vers « Too many people preaching practices, don't let them tell you what you want to be »[x],[182]. Il fonde le groupeWings la même année et en 1973, il publie l’albumBand on the Run, le plus grand succès commercial et critique de sa carrière[183].
Même avant la séparation officielle du groupe, John Lennon sort des singles engagés ou plus personnels (Give Peace a Chance,Cold Turkey etInstant Karma!) et un album live fin 1969 (Live Peace in Toronto), puis son premier véritable album studio en solo,John Lennon/Plastic Ono Band, paraît le (Two Virgins etLife with the Lions étaient des albums de musique expérimentale). En 1971 suit l’albumImagine contenant lachanson homonyme qui devient un succès mondial. Dans cet album, en réponse à la prétendue attaque de son ex-collègue, il l’apostrophe dans le titreHow Do You Sleep? (« Comment dors-tu ? »)[y]. De plus, on insère dans la pochette de l’album une photo de Lennon tenant un cochon par les oreilles qui parodie la pose que prend McCartney, sur la pochette du disqueRam, tenant un bélier par les cornes[184]. McCartney lui répond dans le premier disque de Wings,Wild Life, avec la chansonDear Friend : « Are you afraid or is it true? » (« As-tu peur ou est-ce vrai ? ») et plus tard surBand on the Run, avec la chansonLet Me Roll It qui reprend le style de son vieil ami[185].
Starr, quant à lui, publie, le, l’albumSentimental Journey, puisBeaucoups of Blues le de l’année suivante. Le premier est composé de reprises de standards des années 1920 à 1950 et le second, né d’une collaboration avec leréalisateur artistique américainPete Drake et ses musiciens, contient des chansons demusique country écrites pour lui et enregistrées àNashville. En 1973 sort l’albumRingo, qui comprend des titres composés et interprétés par chacun des ex-Beatles, mais séparément (hormis pourI'm the Greatest où jouent ensemble tous les ex-Beatles sauf McCartney).
Cependant, durant le reste de la décennie, la popularité des anciens membres décline. Les premiers groupesheavy metal, lemouvement punk, ou encore la modedisco, prennent à présent une très grande part du marché. Les albums sortis par chacun pendant cette période — deSome Time in New York City en 1972 àRock 'n' Roll en 1975 pour Lennon (qui se retire de la scène musicale cette année-là), deLiving in the Material World en 1973 à l’album homonyme en 1979 pour George Harrison, deGoodnight Vienna en 1975 àBad Boy en 1979 pour Ringo Starr, et deVenus and Mars en 1975 àBack to the Egg en 1979 pour Paul McCartney et lesWings — varient en qualité et se vendent de façon modeste. Les ex-Beatles ne retrouveront le succès qu’en 1980 lorsque l’assassinat de John Lennon replacera les souvenirs de laBeatlemania à l’avant plan dans l’actualité.
Dans les années 1970, la question du retour des Beatles reste toujours d’actualité. En, six ans après leur séparation, un promoteur pop de Los Angeles, Bill Sargent, leur propose, pour un unique concert d’une durée minimum de vingt minutes retransmis à travers le monde, la somme de cinquante millions de dollars[186],[187]. Les Beatles refusent. Sept mois plus tard, le, un autre promoteur, Sid Bernstein, leur offre publiquement 230 millions de dollars pour un concert de charité[188],[189]. Fin de non-recevoir. Plus jamais, par la suite, un artiste ne se verra proposer des montants aussi astronomiques pour un seul concert. À ce sujet, Paul McCartney précise, en : « En fait, nous en avons beaucoup discuté. Et nous nous sommes toujours dits que si nous le faisions, ce ne serait peut-être pas génial, alors que la carrière des Beatles l’avait été. Et même si les offres étaient énormes, et qu’il y avait des gens pour nous dire : « On vous payera tant pour le faire », nous nous sommes mis d’accord sur le fait que la boucle était bouclée et qu’il y aurait quelque chose de pas correct là-dedans »[190],[191]. En 1979,Kurt Waldheim, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, a tenté lui aussi de convaincre les Beatles d’effectuer un concert caritatif au profit des « Boat-people », les réfugiés de l’Asie du Sud-Est. Le groupe a refusé mais Paul McCartney organisera tout de même lesConcerts for the People of Kampuchea en décembre de la même année[192].
Pendant cette décennie, et les suivantes, les Beatles, en tant que groupe, restent très populaire. En 1973,Apple Records sort les deux fameuses compilations, l’Album rouge et l'Album bleu qui regroupent 54 chansons à succès du groupe. Sur les pochettes respectives de ces doubles albums, les Beatles posent en 1963 dans les étages des locaux d’EMI — même pose que sur leur premier disque,Please Please Me —, et au même endroit et dans la même position en 1969 — c’est la photo qui avait été prise pour l’albumGet Back, en préparation au début de cette année Les compilations « Rouge » et « Bleue » atteignent des sommets en matière de ventes, permettant à toute une génération — celle qui succède aux « baby boomers » et était trop jeune pour vivre laBeatlemania — de découvrir leur musique à travers un choix de titres très judicieux. Ce sont les deux compilations post-séparation les mieux vendues duXXe siècle.
Si le rêve de voir les Beatles se produire ensemble perdure, un drame y met un terme définitif : John Lennon, revenu à son métier de musicien après cinq années de retrait de la vie publique, est assassiné à 40 ans, au pied de son appartement duDakota Building àNew York, le par un déséquilibré,Mark David Chapman à qui Lennon avait signé un autographe quelques heures plus tôt. Dès lors, George Harrison aura ce trait d’humour : « les Beatles ne se reformeront pas tant que John Lennon restera mort » (« … there won't be a Beatles reunion as long as John Lennon remains dead. »)[193].
Au lendemain de sa mort, la carrière des anciens membres, alors en déclin (à l’exception de McCartney dont son albumMcCartney II sorti six mois auparavant est disque d’or), connaissent à nouveau le succès : l’albumDouble Fantasy du duo Lennon/Ono, sorti moins d’un mois plus tôt et fraîchement accueilli, se vend très bien et les ventes explosent à la suite de sa mort ;All Those Years Ago, la chanson hommage à Lennon de Harrison avec les McCartney aux chœurs, et Ringo Starr aux chœurs et à la batterie, connaît un succès important, tandis que le batteur publie l’année suivante l’albumStop and Smell the Roses, qui sera un succès critique, et McCartney (qui a dissout les Wings) retrouve le producteur George Martin pour l’albumTug of War qui connaît du succès en 1982 à sa sortie. Mais cela n’est qu’éphémère, puisque Harrison et Starr vont chacun sortir un album qui seront des échecs, avant de se retirer de la musique jusqu’à avant la fin de la décennie. Bien que McCartney continue à sortir régulièrement des albums, le succès de ceux-ci diminuent au fil des années. La veuve de Lennon publie quelques albums posthumes de son mari,Milk and Honey (dont Lennon a enregistré certaines parties le jour de sa mort) où elle participe en duo etMenlove Ave. comprenant des démos et quelques chansons inédites. Ces deux albums n’ont pas le succès escompté.
Au courant de l’année1987 sont réédités, en formatCD, lesdouze albums originaux du groupe plus la version américaine deMagical Mystery Tour. L’année suivante, sortent les deux volumesPast Masters où sont compilées, entre autres, toutes les faces A et B des 45 tours publiés entre les albums et qui ne figuraient donc pas sur ceux-ci, complétant ainsi pour la première fois la discographie du groupe.
Mais le projet le plus important porte le nom d’Anthology qui réunit, en 1994, Paul McCartney, George Harrison, Ringo Starr (qu’on surnomme pour le coup les « Threetles ») et leur producteur George Martin. Il comporte trois doubles albums sortis entre 1995 et 1996, un documentaire télévisé de près de six heures (disponible à présent en coffretDVD/BD) et un livre (traduit en français en 2000). Chaque album double, publié chronologiquement, propose des versions ou prises alternatives de leurs chansons, des versionslive, des documents sonores rares, des essais, des expériences — comme n’entendre que les violons d’Eleanor Rigby, ou que les voix deBecause — sans oublier quelques chansons inédites restées dans les cartons.Pete Best, qu’on peut entendre sur une dizaine de titres et qui vient de prendre sa retraite, peut enfin profiter monétairement de sa participation au groupe avec les redevances qui lui reviennent ; dans la foulée, il reformera lePete Best Combo et effectuera des tournées qui l’amèneront dans plusieurs pays. Le clou de la collection demeure la présence de deux nouvelles chansons. Il s’agit, au départ, des démosReal Love etFree as a Bird, écrites et enregistrées sur cassette par John Lennon durant sa période de retrait de toute activité publique. À la demande de McCartney,Yoko Ono confie ces bandes aux autres Beatles survivants pour qu’ils puissent les compléter et y ajouter leurs voix et leurs instruments, le tout produit parJeff Lynne.
En 1997, Paul McCartney arrêtera d’écrire les chansons pendant près de deux ans lorsque sa femmeLinda sera diagnostiquée d’uncancer du sein duquel elle décédera le. De même, en 1997, George Harrison apprend qu’il est atteint d’uncancer de la gorge. À la suite de traitements et d’une opération, sa santé semble se rétablir. Mais le, un homme souffrant de troubles mentaux entre par effraction dans sa maison et lui assène une quarantaine de coups de couteau[194]. Il survit à l’attaque brutale, mais en est fort affaibli. Sa maladie évolue à nouveau, et le plus jeune des Beatles meurt le àLos Angeles, à 58 ans, d’un cancer généralisé[195]. Avant sa mort, il achève son dernier albumBrainwashed, qui sera une réussite à sa sortie posthume.
Si les Beatles ont été consacrés cinquième meilleurs vendeurs d’albums aux États-Unis durant les années 1990, la décennie suivante les verra terminer en deuxième place (en fonction des ventes générées par la réédition de tout leur catalogue remasterisé) avec plus de 27,5 millions d’albums vendus (le plus gros vendeur des années 2000 étantEminem)[196].
Le groupe entre dans le nouveau millénaire avec une autre compilation,1, où figurent les 27 chansons des Beatles ayant atteint la première place des ventes soit en Grande-Bretagne ou aux États-Unis entre 1963 et 1970. Bien que cette compilation soit parue trente ans après la séparation des Beatles, c’est à ce jour l’album le plus rapidement écoulé de tous les temps : publié le, il s’est vendu à 13,5 millions d’exemplaires dans le monde dans son premier mois de commercialisation[197].
Le, Paul McCartney fait publier le disqueLet It Be… Naked (c’est-à-dire « nu », sans ornements) avec l’accord donné juste avant sa mort par George Harrison et avec celui de Yoko Ono, héritière de John Lennon. Débarrassé des arrangements et effets de production dePhil Spector, permettant donc d’entendre ces chansons enregistrées en direct sans aucun ajout en studio, ce disque s’accorde avec le projet original. L’ordre des morceaux est modifié par rapport auLet It Be original et un amalgame des deux versions enregistrées sur le toit deDon't Let Me Down de John Lennon y est inclus. Pour dramatiser le double objectif d’un retour aux sources et d’une simplicité voulue, sa pochette reprend en négatifs noir et blanc les photos deLet It Be à l’exception de celle de Harrison qu’on voit dans une nouvelle pose.
Concernant la restauration du filmLet It Be, tant attendue par les fans,Paul McCartney etRingo Starr s’opposent à ce que le film soit à nouveau lancé sur le marché estimant que cette réédition n’apporterait rien de plus au public que de leur montrer le côté sombre de toute cette aventure. Ni l’un ni l’autre ne seraient à l’aise avec l’idée de publiciser un film montrant les Beatles en train de se taper sur les nerfs les uns les autres. Le projet d’unnouveau documentaire tiré de ces images sera annoncé à la fin de la prochaine décade[198].
En est publié, une fois de plus sous la houlette de George Martin, aidé cette fois par son filsGiles, le disqueLove[199]. Il s’agit d’un « patchwork » de la musique des Beatles, constitué de titres remixés et de « mash-up » (plusieurs chansons emmêlées), préparé au départ pourle spectacle donné par leCirque du Soleil au Mirage deLas Vegas à partir du et qui quitte la scène le après dix-huit ans et 11,5 millions de billets vendus[200].
Remastérisation du catalogue
Laréédition remastérisée en CD desdouze albums originaux, encore une fois accompagnés de la version américaine deMagical Mystery Tour et des deuxPast Masters (désormais réunis en un seul album double), constitue un important dépoussiérage et une amélioration notable par rapport à la réédition de 1987[201],[202]. Maintes fois repoussée, la date de commercialisation choisie, le, n’est pas un hasard ; on peut la rattacher au célèbre « number nine » répété dans le montage sonoreRevolution 9 entendu sur l’« Album blanc ». Le jeu vidéoThe Beatles: Rock Band est commercialisé simultanément à la sortie du boîtier[201].
La compagnie Apple explique :
« Chaque coffret CD propose la réplique des pochettes originales des albums britanniques, ainsi que des livrets complets contenant de nouvelles notes historiques en compagnie d’informations sur les enregistrements, et des photos rares. Chaque CD contient aussi un court film documentaire sur chaque album. Les albums ont été remastérisés par une équipe d’ingénieurs, dédiée aux studios Abbey Road sur une période de quatre ans, utilisant une technologie de pointe en même temps que les équipements de studio de l’époque, afin de précautionneusement maintenir l’authenticité et l’intégrité des enregistrements analogiques originaux. Le résultat de ce processus laborieux est le catalogue de la plus haute fidélité depuis les publications originales »[201].
La mise en vente du catalogue remastérisé se présente sous la forme de deux coffrets : 14 albums en stéréo, et 11 albums en mono. Seuls les disques en stéréo sont vendus à l’unité. Pour écouter les Beatles dans la forme sonore où tous les albums ont été conçus jusqu’en 1968, il faut donc se procurer le coffret mono entier. Les premiers chiffres de vente, une semaine après la commercialisation du catalogue, font apparaître un formidable succès commercial, entraînant le retour du groupe au sommet descharts des deux côtés de l’Atlantique (2,25 millions de copies vendues en 5 jours[203]), tandis que les distributeurs font face à des ruptures de stock. C’est l’albumAbbey Road qui devance toutes les autres œuvres du groupe en tête des ventes et des classements[204],[205]. Moins de cinq mois après la parution de ces remasterisations, environ 13 millions d’albums ont déjà été vendus[206].
Depuis le, tout le catalogue Beatles est disponible en téléchargement légal suriTunes[207]. C’est la conclusion dudifférend judiciaire entre Apple Corps et Apple computer qui a duré près de 30 ans pour s’achever sur un accord à l’amiable en, et dont on attendait qu’il débouche sur la mise en ligne des titres et des albums du groupe phare des années 1960. Un peu moins de trois ans plus tard, C’est désormais chose faite. Le lancement du catalogue « dématérialisé » sur Internet a été précédé d’une annonce sur iTunes le : « Demain est un jour que vous n’oublierez jamais. Revenez demain pour découvrir une annonce exceptionnelle » avec quatre horloges indiquant l’heure du lancement, en Californie, à New York, à Londres et à Tokyo, soit précisément 16h00 le heure de Paris[208]. L’ironie de cette affaire veut que le catalogue de chaque Beatle en solo soit depuis longtemps disponible.
Opération remixage etThe Beatles: Eight Days a Week
Live at the BBC est remixé en2013, accompagné de la parution deOn Air - Live at the BBC Volume 2. En 2015, la compilation1 ressort remixée parGiles Martin (le fils de George) et l’ingénieur du son Sam Okell à partir des enregistrements originaux du groupe afin de proposer au public un son réactualisé. C’est le premier album d’une longue série de cette opération qui suivra à raison d’un album par an.
Le, de nombreux articles de presse dans le monde entier soulignent le cinquantenaire de la séparation du groupe[212].
The Beatles: Get Back
Le, le jour du50e anniversaire du « concert sur le toit »[213], il est annoncé qu’une réédition du filmLet It Be et la création deThe Beatles: Get Back, un nouveau montage d’images inédites par le cinéastePeter Jackson, sera réalisé pour l’année 2020[214]. Ces images, vieilles d’un demi-siècle, sont restaurées et les bandes audio sont traitées par un algorithme d’intelligence artificielle qui permet de séparer les sons afin de les rendre plus audibles et de les équilibrer. La pandémie de laCovid-19 repousse la date de sortie de ce documentaire mais permet aussi une exploration plus poussée des images et des sons captés en 1969. C’est finalement unetélésérie en trois épisodes d’une durée totale de près de huit heures qui est mise en ligne en novembre 2021 sur la plate-formeDisney+[215]. Le concert sur le toit y est montré en entier et satrame sonore complète est offerte enstreaming. Le film d’origine tardera à être réédité mais l’albumLet It Be est à son tour remixé.
Une réédition de l’albumRevolver sort en 2022 dont les bandes 4 pistes sont démixées par Emile de la Rey, de l’équipe de Peter Jackson, et remixées parGiles Martin et Sam Okell[216].
Now and Then
En, lors d’une interview à la BBC, Paul McCartney laisse entendre que la chansonNow and Then, partant d’unedémo voix et piano enregistrée surcassette par John Lennon en 1978, qui avait été abordée puis rapidement abandonnée lors des séancesAnthology, a finalement été achevée, information reprise par Ringo Starr le mois suivant[217]. L’enregistrement original, de très mauvaise qualité, a été nettoyé par la même équipe dePeter Jackson qui a produit le documentaireGet Back[218]. McCartney etGiles Martin ont finalisé les arrangements, entamés en 1995, avec la voix de Lennon maintenant isolée, afin d’achever ce« dernier disque des Beatles »[219] sorti le 2 novembre[220]. Les quatre Beatles sont présents sur le titre puisqu’on peut y entendre, outre l’instrumentation de Paul McCartney, une nouvelle partie de batterie par Ringo Starr, les guitares rythmique et électrique de George Harrison enregistrées en 1995, en plus d’échantillons de chœurs tirés d’enregistrements originaux du groupe[218].
Un court documentaire de douze minutes, intituléNow and Then – The Last Beatles Song, écrit et réalisé par Oliver Murray, sort la veille de la sortie de la chanson[221] et un clip vidéo réalisé par Peter Jackson, mêlant des images des Beatles dans les années 1960 à celles du projetAnthology en 1995, des séances de l’orchestration en 2022 et de McCartney et Starr reprenant leurs prestations en 2023, est mis en ligne le. Il dépasse rapidement les 25 millions de vues[222].
Dans la foulée, les compilationsThe Beatles 1962–1966 et1967–1970 sont remixés et réédités en version élargie le, atteignant les deuxième et troisième places du palmarès anglais[224].Now and Then est incluse sur cette dernière. La réédition de l’« Album rouge » utilise la technologie dedémixage afin de séparer l’instrumentation et les voix enregistrées à l’origine sur des magnétophones 2-pistes et 4-pistes[225].
La célèbre basseHöfner 500/1 en forme de violon[228], avec laquelle Paul McCartney a joué sur scène et utilisée en studio pour les deux premiers albums et les premiers singles, a été volée en octobre 1972 dans les environs deNotting Hill à Londres. Après une campagne médiatique, débutée en 2018 sur les réseaux sociaux par leLost Bass Project ayant pour résultat la réception de plus de six cent appels et messages, il est annoncé en 2024 que l’instrument a été retrouvé dans ce même quartier et a été remis au Beatle[229].
Le, Apple annonce qu’une série de quatre films biographiques, chacun prenant le point de vue d’un des membres du groupe, sera réalisé par le cinéaste britanniqueSam Mendes pour une sortie prévue en 2028[230],[231].
Le, le filmLet It Be de 1970 est mis en ligne sur la chaîneDisney+[232]. Le montage est identique à celui du film original, sauf pour quelques différences mineures. On voit pour la première fois l’image complète de la pellicule 16 mm d’origine deformat 4/3, parfaitement restaurée, accompagnée d’une trame sonore remixée en utilisant la technologie de séparation des sons développée par l’équipe dePeter Jackson[233]. Cette même technologie est utilisée pour un nouveau documentaire, intituléBeatles '64 décrivant l’arrivée du groupe en sol américain, qui est diffusé surDisney+ à partir du. Une réédition en vinyle 180 grammes desversions américaines des albums du groupe en mono, sortis en 1964, est commercialisée le[234].
En, lefilm biographique sur Brian Epstein,Midas Man(en), est présenté auToronto Jewish Film Festival(en). La première officielle a lieu à Liverpool le, et il est mis en ligne le lendemain surAmazon Prime Video[235], uniquement au Royaume Uni. Les droits de distribution dans le reste du monde sont toujours en suspens et la production du film a été décrite comme étant un« cauchemar » ; trois réalisateurs se sont succédé, les retards se sont accumulés, avec un budget qui s’est emballé[236].
Le, Ringo Starr est un invité surprise sur la scène de l’02 Arena de Londres pour le dernier spectacle de la tournéeGot Back(en) de Paul McCartney. Pour l’occasion, McCartney a utilisé, pour la première fois en cinquante ans, sa basse Höfner, retrouvée en début d’année[237].
Style musical et influences
L’analyse de la musique des Beatles fut l’une des premières occurrences d’analyse musicologique de pop / rock[238].
Influences
Lerock'n'roll américain, et notammentElvis Presley, est la première influence musicale des Beatles.
« Rien ne m’a vraiment touché jusqu’au jour où j’ai entenduElvis. S’il n’y avait pas eu Elvis, il n’y aurait pas eu les Beatles[50]. »
— John Lennon
Influencé par leskiffle, dontLonnie Donegan est le porte-étendard britannique, McCartney décide à 14 ans d’échanger latrompette, que son père lui a offert, pour une guitare[239].The Quarrymen, groupe formé par John Lennon pendant la vague skiffle, utilise la guitare, la batterie et des instruments bricolés, telles lawashboard et latea-chest bass. Rapidement les Quarrymen se transforment en Beatles et adoptent un stylebeat, typique durock 'n' roll des années 1950, contribuant à forger leMerseybeat — du nom du fleuveMersey traversant Liverpool.
En début de carrière, ils s’inspirent d’autres rockers britanniques commeCliff Richard ouThe Shadows. Même après avoir rencontré le succès, le groupe continue d’incorporer diverses influences de groupes ou artistes contemporains. À mesure que les Beatles introduisent davantage d’expérimentation dans leurs compositions, se fait sentir l’influence de la poésiesurréaliste deBob Dylan dans leurs textes, de l’éclectisme musical deFrank Zappa et de groupes nord-américains plus proches de leur style, commeThe Byrds etThe Lovin' Spoonful[244]. Enfin, les recherches mélodiques desBeach Boys, sous l’impulsion deBrian Wilson, ont largement influencé la période psychédélique du groupe : Paul McCartney a été fortement impressionné par leur album de 1966,Pet Sounds. Cet album est du reste conçu comme une réponse àRubber Soul par Brian Wilson qui s’est lancé à cette époque — et quasiment seul pour ce qui est de la composition et de la production — dans une concurrence artistique effrénée avec les Beatles, jusqu’à sombrer dans la dépression. Évoquant leleader du groupe californien, George Martin déclarera :« Personne n’a eu autant d’influence sur les Beatles queBrian Wilson »[245].
En dehors de la musique rock, les Beatles sont également influencés par la musique folk galloise, les grands compositeurs classiques et contemporains, et lamusique indienne. Levirtuose dusitarRavi Shankar, avec qui George Harrison a étudié durant six semaines en Inde à la fin 1966, exerça une influence déterminante sur les derniers albums du groupe[246].
Genres musicaux abordés
Au fil de leur carrière, les Beatles ont exploré de nombreux genres et sous-genres musicaux, élargissant les frontières de la notion demusique pop. La porte s’ouvre en grand lorsque ce « boys band » publieYesterday accompagné d’unquatuor à cordes, qui devient un succès intergénérationnel.
L’« Album blanc », paru en 1968 avec sa trentaine de chansons disparates, comporte diverses incursions dans les sous-genres du rock : leblues rock avecRevolution 1, ou encore lehard rock avecHelter Skelter, qui fait partie des premiers morceaux du genre[248].
Les années 1966 à 1968 témoignent d’une volonté accrue d’expérimentation, tendant parfois jusqu’à lamusique sérielle. L’influence deYoko Ono conduit à la production d’une chanson en collages sonores,Revolution 9 et d’une chanson longtemps inédite,What's The New Mary Jane, incluse dans l’albumAnthology 3, qui visent à créer une ambiance psychédélique aux accents demusique expérimentale, bien que Paul McCartney s’y soit déjà essayé par le passé avec, entre autres, son « mythique »Carnival of Light. Harrison s’y met aussi avec des titres commeOnly a Northern Song etBlue Jay Way, bien que celles-ci soient plus structurées musicalement.
SurTomorrow Never Knows, la mélodie est rattachée à unbourdon en do, emprunté à la musiqueindienne, et contient selon certains musicologues la première rythmiquetechno de l’histoire de la musique[250].
Héritage
« Je dis dans mes discours qu’une mission plausible des artistes est de faire apprécier au moins un petit peu aux gens d’être en vie. On me demande ensuite si je connais des artistes qui ont réussi cela. Je réponds : “Les Beatles l’ont fait.” »
La marque laissée par les Beatles sur la jeunesse des années 1960 est indélébile : la longueur des cheveux chez les garçons, la philosophie « Peace and Love », l’apparition de lacontre-culturehippie, etc[251]. Bien qu’il soit faux de croire que le groupe ait initié ces changements culturels, celui-ci était, en quelque sorte, le porte-étendard des bouleversements de la société. Même la frénésie de laBeatlemania n’était pas inédite ; par exemple, lalistzomanie en 1840, lesbobby-soxers deFrank Sinatra exactement un siècle plus tard, ou les fans d’Elvis Presley dans la décennie 1950. Mais, avec le « baby boom, l’avènement de latélévision et la possibilité de voyager enavion de ligne, le phénomène Beatles fut le premier à connaitre une envergure globale dans ce nouveau monde devenu plus petit. Un demi-siècle plus tard, leur musique est encore présente et leur image toujours représentative de cette décennie marquante.
Impact sur la musique
Les Beatles ont exercé une grande influence sur la musique populaire occidentale. Tout d’abord, ils ont popularisé la structure du groupe de rock à« deux guitares, une basse et une batterie », avant de s’éloigner de cette formule en utilisant une très large palette d’instruments.
Par ailleurs, après avoir commencé par interpréter des standards durock 'n' roll, les Beatles ont imposé le fait pour un groupe d’interpréter ses propres compositions. Un grand nombre des leurs sont aujourd’hui devenues des classiques du rock et de la pop, et plusieurs d’entre elles figurent parmi les plus interprétées au monde[z]. Un certain nombre de ces reprises sont d’ailleurs devenues de grands succès[252].
C’est aussi le premier groupe vocal pop dans lequel plusieurs chanteurs et auteurs se définissent au nom du groupe tout au long de leur carrière.A contrario, les musiciens accompagnateurs d’Elvis étaient plutôt anonymes ouBuddy Holly and the Crickets où le chanteur et auteur, à partir du second album, était la tête d’affiche, etc.
Impact sur l’industrie discographique
Avant la venue des Beatles, les artistes avaient peu de pouvoir décisionnel sur l’enregistrement et la présentation de leur produit. Les maisons de disques contrôlaient ce qu’elles produisaient. Le fait que les Beatles aient pris le contrôle du studio a ouvert la porte à ceux qui les ont suivis[253].
Dans le monde du rock, ce sont principalement les Beatles qui ont redéfini la conception des albums pour en faire des ensembles cohérents, c’est-à-dire reflétant une véritable démarche artistique, plus qu’un empilement de chansons.Rubber Soul, sorti fin 1965, constitue un jalon majeur de cette évolution. Jusque là, c’était le formatsingle ou45 tours qui primait dans l’industrie du disque. Contribuant à cette genèse, lesBeach Boys répondent àRubber Soul avecPet Sounds, dont la cohésion sonore et thématique est encore plus poussée, puis le morceauGood Vibrations ; les Beatles ripostent avecRevolver, et l’année suivante avecSgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band : c’est la naissance d’une nouvelle notion, celle d’album-concept, dans la lignée deFreak Out! deFrank Zappa sorti un an plus tôt. Au-delà de la musique, c’est ce qui l’entoure qui révolutionne l’industrie du disque, en particulier cette pochette particulièrement soignée, qui s’ouvre, qui est agrémentée des paroles imprimées au dos et d’une planche d’accessoires à découper : désormais la pochette d’un album ne sera plus une simple nécessité commerciale mais fera partie intégrante du projet artistique.
Les chansons des Beatles ont fait l’objet de multiples adaptations dans le monde entier et dans presque toutes les langues, y comprisen français et dans toute la francophonie. Elles ont aussi été conjuguées dans tous les styles musicaux, et des albums entiers de reprises — instrumentales,a cappella ou chantées — leur sont consacrés.
Durant lesannées 1960,George Martin enregistre quelques albums de musique symphonique inspirée des Beatles. On commercialise des adaptations aussi variées que leReggae Tribute to the Beatles, enregistré par des chanteurs jamaïcains, leTropical Tribute to the Beatles, avec des artistes d’Amérique latine, leBeatles Go Baroque, issu des pays de l’Est, ou encore des versionsjazz telsBasie On The Beatles (1970) etBasie's Beatle Bag (1998), parCount Basie ouMeets the Beatles deJohn Pizzarelli[aa].
En 1988,Michael Jackson a reprisCome Together pour son filmMoonwalker et l’a intégré plus tard dans son albumHIStory. Le groupeTears for Fears a produit un pastiche des Beatles avec la chansonSowing the Seeds of Love en 1989[255]. Le groupe britanniqueOasis, très inspiré par les Beatles, a reprisI Am the Walrus sur scène, publiée en 45 tours en 1994[256] et incluse sur la compilationThe Masterplan en 1998[257].
Plusieurs émissions de télévision utilisent les chansons des Beatles. Ainsi, l’émissionVa Savoir, présentée parGérard Klein surLa Cinquième, n’utilisait que des musiques du quatuor de Liverpool,Magical Mystery Tour servant de générique. L’éphémèreLes enfants de John, également sur la Cinquième, avait pour génériqueRevolution. Les scénarios de la série animée pour enfantsBeat Bugs utilisent les chansons des Beatles comme point de départ[260]. Toujours d’actualité, des reprises de chansons, des films de fiction et des documentaires, des livres et des rééditions de disques des Beatles continuent à être commercialisés cinquante ans après la séparation du groupe.
Historiographie
Dans son ouvrageThe Beatles and the Historians, Erin Torkelson Weber utilise la façon dont l’histoire du groupe a été présentée au cours des décennies afin de démontrer l’importance d’une bonne méthodologiehistoriographique.
Durant la période où le groupe était actif, la version officielle voulait créer et entretenir le mythe desFab Four, un groupe uni de jeunes musiciens issus de la classe ouvrière qui ressemblaient à leurs caricatures présentées dans le filmA Hard Day's Night. La biographie deHunter Davies(en) en est le parfait exemple : les parties plus sombres, telles que la prise de drogues, le départ de Pete Best ou les aventures sexuelles sont presque balayées du revers de la main. Publiée avant l’arrivée de Yoko Ono et d’Allen Klein, cette biographie officielle ne fait évidemment pas mention des dissensions subséquentes.
Les biographies qui suivent la dissolution du groupe ont tendance à encenser Lennon au détriment de McCartney, qui hérite du blâme de la rupture et qui est présenté comme un musicien commercial et charmeur, et minimisant l’apport de Harrison et Starr. Les livresLennon Remembers(en) deJann Wenner(en) etShout!: The Beatles in Their Generation(en) dePhilip Norman(en) sont caractéristiques de cette situation. À la suite de la mort de Lennon, les biographies et les articles de magazines et de journaux le représentent de façon quasimenthagiographique. À l’opposé,Albert Goldman(en) publie en 1988 unebiographie(en) très négative portant sur Lennon[261]. C’est aussi à cette époque que les proches du groupe publient des mémoires quelquefois sensationnalistes (The Love You Make(en) dePeter Brown(en)) ou plus descriptives (Here There and Everywhere deGeoff Emerick,All You Need Is Ears(en) deGeorge Martin et, beaucoup plus tard,Magical Mystery Tours(en) de Tony Bramwell) mais qui sont quelques fois teintés d’une préférence personnelle pour l’un ou l’autre des membres de groupe.
Au milieu des années 1990, le projetAnthology, la nouvelle biographie officielle, utilise, dans un souci d’équité, les interviews des quatre Beatles à parts égales et de quelques proches mais sans l’apport de Pete Best ni Yoko Ono. Bien que moins aseptisée, certains aspects problématiques ne sont qu’effleurés.
Depuis, les œuvres plus importantes sont devenues moins dithyrambiques et plus posées, se basant sur de nouvelles sources primaires ou secondaires (des enregistrements, de la correspondance, des interviews de témoins pour la plupart contre-vérifiés) et exposant plus d’un point de vue si nécessaire. On peut nommer les livres,Can’t Buy Me Love(en) de Jonathan Gould,You Never Give Me Your Money(en) de Peter Doggett,Revolution in the Head(en) deIan MacDonald(en) et les titres deMark Lewisohn (The Complete Beatles Recording Sessions(en),The Complete Beatles Chronicle et surtoutThe Beatles: All These Years(en) - Tune In, le tome 1 de sa trilogie en trois ou six volumes) qui peuvent maintenant être considérés véritablement comme des ouvrages historiques[262].
Les Beatles ont également été déclinés en personnages de bande dessinée. En 1968, une adaptation dufilm Yellow Submarine est adapté encomic book parJosé Delbo avec les textes dePaul S. Newman[266] pourGold Key Comics /Western Publishing[267]. L’histoire diffère du film car la bande dessinée a été achevée bien avant que le scénario ne soit finalisé[268]. Pour célébrer le cinquantième anniversaire de la sortie de ce film d’animation, une adaptation BD du scénario, illustrée parBill Morrison, est publiée le parTitan Comics[269].
Publiée en 2012, la bande dessinéeLiverfool deGihef etVanders (Emmanuel Proust éditions), retrace l’histoire du premier manager des Beatles,Allan Williams(en). De plus, la vie de Brian Epstein est contée dansThe Fifth Beatle, une bande dessinée sortie le chezDark Horse Comics, écrite par l’écrivain et producteur de théâtre américainVivek Tiwary et illustrée parAndrew C. Robinson. Une adaptation cinématographique de celle-ci est en cours de préparation ; initialement confiée àBruce Cohen (American Beauty) la production devrait finalement être assurée par Simon Cowell[273],[274].
Pastiches
L’image et l’histoire des Beatles ont en outre été abondamment parodiées. En la matière, l’une des plus célèbres et des plus réussies, à laquelle George Harrison a apporté son concours, est certainement lepastiche desRutles, avecPaul Simon etMick Jagger qui y jouent leur propre rôle, dans le filmAll You Need Is Cash. Les pastiches des chansons sont autant de clins d’œil aux « tics » musicaux de leurs modèles —Ouch! imité deHelp!,Cheese and Onions qui a des accents d’A Day in the Life,Piggy in the Middle évoquantI Am the Walrus,Doubleback Alley qui est le cousin dePenny Lane, etc.Les Bidochons, pour leur part, ont déformé les textes de leurs chansons dans l’albumQuatre Beadochons dans le vent. Les Beatles apparaissent aussi sous les traits desMosquitoes lors de l’épisodeDon't Bug the Mosquitoes (saison 2, épisode 12[275]) de l’émission jeunesse américaineGilligan's Island (Les Joyeux naufragés). Dans la version originale en anglais, les personnages s’appellent Bingo, Bango, Bongo et Irving[ac]. Le groupe américainThe Monkees, originellement des personnages d’une émission de télévision de la chaîneNBC, est aussi unpastiche des Beatles. Le groupe est aussi parodié dans le filmWalk Hard: The Dewey Cox Story[276].
Théâtre
Plusieurs productions théâtrales ont été montées au sujet de la musique des Beatles, la comédie musicaleLet It Be(en) de 2012 en est un exemple. En 2016, dans la production londonienneThe Sessions, on peut suivre l’histoire du groupe en studio avec un acteur personnifiant George Martin comme narrateur[277].
La ville deLiverpool a développé diverses activités touristiques autour de la carrière des Beatles. Un rapport du conseil municipal de 2016 indique qu’un emploi sur cent est directement ou indirectement lié au groupe[278]. Sur l’Albert Dock, le muséeThe Beatles Story(en) leur est consacré. Plusieurs rues de Liverpool portent désormais un nom en rapport avec ses plus célèbres citoyens et leur histoire : John Lennon Drive, Paul McCartney Way, George Harrison Close et Ringo Starr Drive dans le projet résidentiel Kensington Fields ; Epstein Court, Apple Court, Cavern Court dans les environs, ainsi que Pete Best Drive et le Casbah Close dans leWest Derby[279]. Les lieux emblématiques du groupe, tels que leCavern Club,Strawberry Field(en),Penny Lane(en), ou encore les maisons d’enfance deMcCartney au20 Forthlin Road, deLennon au251 Menlove Avenue, deHarrison au10 Admiral Grove et de la familleStarkey au12 Arnold Grove se visitent en circuit organisé. En 2007, un luxueux hôtel à thème, leHard Day's Night Hotel, a ouvert ses portes[280]. LeGeorge Harrison Woodland Walk est un espace de douze acres du quartier Allerton, qui sera aménagé pour y intégrer des installations d’artistes basées sur l’œuvre du guitariste. Le réaménagement duAllerton Towers ornamental gardens and woodland walk, acheté par le conseil de ville de Liverpool en 2018, devrait être complété au printemps 2021[281].
Les statues des Beatles, sur la rive du fleuveMersey àLiverpool.
Chaque année, fin août, est organisé à Liverpool l’International Beatles Week Festival[282]. L’aéroport de la cité portuaire est devenu en 2002 leLiverpool John Lennon Airport. Enfin, le, cinquante ans jour pour jour après leur dernière prestation dans leur ville natale, est inauguré un ensemble de statues de bronze des Beatles sur la rive du fleuveMersey, près des bâtimentsPier Head[283]. Offertes à la ville par leCavern Club, ces statues de 1,2 tonne et mesurant 2 mètres sont l’œuvre du sculpteur Andy Edwards[284]. Une peinture murale a été dévoilée le sur Mason Street àNew Brighton(en), à quelques pas du site du Tower Ballroom, aujourd’hui disparu, où le groupe a joué vingt-sept fois entre 1961 et 1963. On y voit la silhouette des Beatles et des reproductions d’affiches promotionnelles des soirées à la salle créées à l’époque par l’artisteTony Booth(en)[285].
Londres offre également des circuits pour visiter les lieux où ont vécu et travaillé les Beatles, notamment le passage pour piétons d’Abbey Road[286] ou l’édifice qui abritait leur maison de disquesApple Corps au 3Savile Row où a eu lieu le « concert sur le toit ».
Le, àPlymouth dans le comté duDevon, est dévoilée une sculpture à l’endroit où les membres du groupe posèrent pour une photo en 1967, assis dans l’herbe du parcPlymouth Hoe, devant la tourSmeaton. Des traces de leurs postérieurs, de leurs jambes, de leurs pieds et de leurs mains, moulées encuivre, sont installées à l’endroit exact où chacun était positionné, afin que les passants puissent s’y asseoir pour reproduire cettecélèbre photographie deDavid Redfern(en), prise pendant le tournage du filmMagical Mystery Tour[287].
Hambourg
Sculptures de laBeatles-Platz.
ÀHambourg, au croisement de Große Freiheit et de laReeperbahn — à mi-distance entre le Top Ten Club et le Kaiserkeller, deux clubs où les Beatles se produisirent au tout début des années 1960[288] — uneBeatles-Platz a été inaugurée en. Au centre de cette place qui prend la forme d’un disque33 tours, le groupe est représenté par cinq silhouettes métalliques (avecStuart Sutcliffe un peu à l’écart), tandis que le batteur est stylisé de façon que l’on puisse aussi bien reconnaîtrePete Best, qui officiait avec le groupe à l’époque, queRingo Starr, qui ne le rejoignit qu’à partir des deux derniers passages dans la ville allemande[289]. Le musée « Beatlemania », aménagé sur cinq étages au cœur de la Reeperbahn, est ouvert de 2009 à 2012.
Ailleurs dans le monde
L’étoile du groupe sur leWalk of Fame à Los Angeles, située au 7080 Hollywood Blvd., inaugurée le 25 décembre 1998[290].
Par ailleurs, John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr ont chacun deux étoiles sur leWalk of Fame deHollywood Boulevard àLos Angeles : l’une en tant que membre des Beatles, et l’autre pour honorer leurs carrières solo respectives[300].
En 2017, àHouston auTexas, des statues des Beatles tels qu’ils étaient vers la fin des années 1960 ont été créées parDavid Adickes. Hautes de dix mètres, les statues seront en place pour au moins un an et ensuite vendues pour 350 000 $US[301].
En décembre 2021, dans la ville portuaire deMazatlán auMexique, la ruelle Malpica a été renomméeLiverpool Alley et décorée dans le thème du groupe avec, entre autres, des statues grandeur nature de la mise en scène de la pochette d’Abbey Road et la reproduction du sous-marin jaune du dessin animé[304].
Le[313], le groupe est intronisé auRock and Roll Hall of Fame àCleveland, présenté par leur amiMick Jagger[314], et ce musée possède depuis 2012 une exposition permanente d’artéfacts du groupe[315]. Les membres du groupe ont aussi été intronisés individuellement auHall of Fame (Lennon en 1994[316], McCartney en 1999[317], Harrison en 2004[318] et Starr en 2015, ce dernier dans la catégorieMusical Excellence[319]. George Martin et Brian Epstein ont reçus le prixAhmet Ertegun en 1999[320] et 2014[321], respectivement.
L’université Hope de Liverpool a inauguré, en, un cursus demaîtrise en arts dédiée au groupe, pour étudier son impact et son influence sur la musique populaire et la société en général[332],[333].« Plus de 8 000 ouvrages ont été écrits sur les Beatles mais il n’y a jamais eu d’études académiques sérieuses et c’est ce que nous allons faire », explique Mike Brocken, directeur des études à l’université Hope.« Les Beatles ont eu une telle influence sur la société, pas seulement avec leur musique, mais également dans le domaine de la mode avec leurs vestes sans col ou leurs vêtements psychédéliques… Quarante ans plus tard, c’est le bon moment. Liverpool est le meilleur endroit pour étudier lesBeatles. Il s’agit assurément de la première maîtrise sur lesBeatles dans ce pays et je dirais probablement la première dans le monde »[334]. Le cours est intitulé « lesBeatles, musique populaire et société », il débute en septembre et dure 12 mois à temps complet ou 24 mois à temps partiel[335]
Depuis septembre 2022,The Journal of Beatles Studies est publié par la Liverpool University Press, édité par Holly Tessler de l’Université de Liverpool et Paul Long de l’Université Monash deMelbourne (Australie). Cette revue semestrielle contient des essais originaux rigoureusement recherchés, ainsi que des critiques de livres et de médias[336].
Records établis
Au cours d’une carrière discographique longue de seulement huit années, lesBeatles ont établi bon nombre de records de ventes. Voici une liste non exhaustive de records que les Beatles ont établi durant leur carrière.
Albums
Plus grand nombre de disques vendus estimé à 600 millions, tous supports confondus, à travers le monde[337].
Les Beatles détiennent le plus grand nombre d’albums numéro 1 au niveau international : 37 albums[338].
Aux États-Unis, les Beatles sont le groupe musical qui détient le record d’albums certifié platine (plus d’un million d’exemplaires vendus) : 39[340].
Aux États-Unis, les Beatles détiennent le record d’albums ayant atteint la première place : 19 (14 parus pendant leur carrière sur la période 1964-1970 et 5 parus après leur séparation).
Au Royaume-Uni, les Beatles détiennent le record d’albums ayant atteint la première place : 15 (11 parus pendant leur carrière sur la période 1963-1970 et 4 parus après leur séparation)[341].
Aux États-Unis, plus grand nombre de semaines passées à la première place des ventes : 132.
Au Royaume-Uni, plus grand nombre de semaines passées à la première place des ventes : 174.
Plus grand succès durant la première semaine de vente pour un double album, avec 855 473 exemplaires du disqueAnthology 1 écoulés aux États-Unis entre le 21 et le.
La compilation1 des Beatles parue en est devenue, dans le monde, le disque grand format le plus rapidement vendu de l’histoire de l’industrie discographique : 3,6 millions d’exemplaires vendus en une seule semaine et plus de 12 millions d’exemplaires vendus en trois semaines[342]. Il a depuis sa parution, franchi le cap des 31 millions d’exemplaires vendus[343].
Singles
Aux États-Unis seulement, le groupe a écoulé 1,6 milliard de singles[337].
d’une part le plus grand nombre de chansons ayant atteint la première place des charts internationaux,
d’autre part la meilleure moyenne de chansons numéro 1 par année.
Les Beatles ont réussi à placer 66 chansons numéro 1 à travers le monde, dont 64 au cours de leur carrière, soit une moyenne de 8 chansons numéro 1 par an[338]. (Ils auraient pu en décrocher encore davantage si leurs propres singles n’étaient pas entrés en compétition « interne ». Par exemple, le 45 toursPenny Lane/Strawberry Fields Forever fut publié en tant que « double face A », ce qui entraîna un comptage de ventes et de diffusion séparé au lieu d’être collectif[346]).
Durant la semaine du, les chansons des Beatles étaient aux cinq premières places du classement duBillboard aux États-Unis. Personne n’avait jamais réalisé un tel exploit auparavant, et personne ne l’a fait depuis lors. Les chansons étaient dans l’ordre :Can't Buy Me Love,Twist and Shout,She Loves You,I Want to Hold Your Hand, etPlease Please Me. La semaine suivante,, 14 chansons des Beatles figuraient dans leBillboard Hot 100.
Ils détiennent un autre record dans ce « Billboard Hot 100 » : le fait d’avoir placé trois titres l’un derrière l’autre à la première place : en 1964,Can't Buy Me Love (5 semaines) détrônaShe Loves You (2 semaines), qui avait supplantéI Want to Hold Your Hand (7 semaines), sur un total de 14 semaines d’affilée.
La plus rapide vente de single de tous les temps est également à mettre à leur crédit : 250 000 exemplaires deI Want to Hold Your Hand vendus en trois jours aux États-Unis, un million en deux semaines, 10 000 exemplaires écoulés par heure durant les 20 premiers jours dans la seule ville deNew York.
En précommandes, le record est de 2,1 millions pourCan't Buy Me Love (940 225 exemplaires vendus le jour de la sortie).
Le, avant la publication de la chansonYesterday, leur maison d’éditionNorthern Songs révélait que 1 337 reprises de leurs chansons avaient déjà été enregistrées, après seulement 32 mois de carrière discographique.
Yesterday est la chanson la plus reprise de l’histoire de l’industrie musicale. LeLivre Guinness des records recense plus de 3 000 versions enregistrées. C’est aussi la chanson la plus diffusée de l’histoire internationale de la radio.
Prestations
Les Beatles ont également établi le record d’audience à la télévision aux États-Unis (hors retransmissions sportives) avec plus de 70 millions de téléspectateurs assistant à leur prestation au Ed Sullivan Show sur CBS le[348].
En se produisant auShea Stadium de New York le, les Beatles établirent un nouveau record du monde de spectateurs (environ 56 000) et de rentabilité. Ce fut la première fois dans l’histoire de la musique populaire qu’un groupe ou un artiste se produisit dans un stade. Le concert a été filmé et présenté à la télévision en 1966 au Royaume-Uni et en 1967 aux États-Unis[349]. En 2016, une version restaurée a été présentée en salle en supplément à la sortie du documentaireThe Beatles: Eight Days a Week.
Ils furent aussi le premier groupe musical à jouer au Budokan deTokyo, jusque là exclusivement réservé auxarts martiaux. Fin, les cinq spectacles en trois jours ont attiré plus de 10 000 spectateurs chacun[348].
À l’été 1956,John Lennon fonde un groupe deskiffle,The Quarrymen, avec des amis de son lycée. En, il recrutePaul McCartney, puis accepte en l’arrivée d’un ami de celui-ci,George Harrison[350]. Au départ, tous trois jouent de la guitare, mais les rôles se répartissent dès 1961 avec Lennon à laguitare rythmique, Harrison à laguitare solo et McCartney à labasse qui remplaceStuart Sutcliffe le bassiste original du groupe. Le quatrième membre, Richard Starkey, ditRingo Starr, est recruté plus tard : il ne tient labatterie qu’à partir de l’été 1962, en remplacement de Pete Best[351].
Si, pour les premiers albums du groupe, les quatre musiciens s’en tiennent généralement à leurs instruments respectifs, ils ne tardent pas à diversifier leur palette musicale, jouant de toutes sortes de claviers, percussions, instruments divers, et allant parfois jusqu’à inverser les rôles. C’est ainsi Paul McCartney qui se charge du solo deTaxman à la place de George Harrison[352], et il joue également de la batterie dans quelques chansons commeBack in the U.S.S.R.[353]. À l’inverse, il arrive à Lennon ou à Harrison de tenir la basse, comme dansHelter Skelter ouTwo of Us. Lennon et McCartney jouent, seuls, de tous les instruments dansThe Ballad of John and Yoko[354]. Les membres du groupe adoptent également de nouveaux instruments : Paul McCartney, qui joue également dupiano, est un des premiers à utiliser lemellotron fin 1966. George Harrison introduit laguitare électrique à12 cordes sur l’albumA Hard Day's Night et joue de plusieurs instruments indiens, notamment lesitar, dans plusieurs chansons à partir de 1965. Il est également un pionnier de l’utilisation dusynthétiseur dans le rock, sur l’albumAbbey Road[355].
Les quatre membres des Beatles chantent en solo. En règle générale, Lennon, McCartney et Harrison interprètent leurs propres compositions. Au niveau des chœurs, le chanteur principal peut doubler sa voix sur une autre piste ou parAutomatic Double Tracking[356] ou est accompagné par les deux autres, sans compter les harmonies à deux ou trois, voire jusqu’à neuf voix virtuelles comme sur la chansonBecause, grâce à un subterfuge de production. Jusqu’à l’albumHelp!, Harrison chante sur un à trois titres — reprises de standards du rock ou chansons composées par le duoLennon/McCartney — mais introduit dès le deuxième album une de ses propres compositions,Don't Bother Me. À partir de 1965, on retrouve habituellement deux de ses compositions sur chacun des albums. Quant à Starr, il interprète une reprise ou une composition de Lennon/McCartney sur chaque album, à l’exception deA Hard Day's Night etLet It Be où il ne chante pas. On entend sa voix en prédominance sur l’instrumentalFlying de l’albumMagical Mystery Tour. Il est également l’auteur de deux chansons du répertoire du groupe pour lesquelles il est le chanteur principal,Don't Pass Me By etOctopus's Garden[357].
Anciens membres
Pete Best, batteur des Beatles de 1960 à 1962. Il est évincé du groupe alors que celui-ci commence sa carrière professionnelle.
Pete Best (né le) a été le batteur du groupe de 1960 à 1962, durant les séjours des Beatles àHambourg et leurs concerts auCavern Club deLiverpool. Au mois d’, alors que le groupe décroche auprès deGeorge Martin et dulabelParlophone son premier contrat d’enregistrement, il est évincé du groupe et remplacé par Ringo Starr[358]. Par la suite, sa carrière ne décollera jamais, lui valant de passer à la postérité comme l’homme qui a raté de peu le succès[359]. Il doit attendre 1995 et la publication du disqueAnthology 1 pour pouvoir obtenir une rétribution financière d’environ quatre millions de livres, pour sa contribution aux enregistrements publiés sur cet album[360].
Stuart Sutcliffe ( -), ami peintre de John Lennon, est le premier bassiste des Beatles. Sans véritablement maîtriser son instrument, il participe aux premières tournées du groupe à Hambourg, avant de reprendre ses études d’art en. Il meurt à 21 ans d’unehémorragie cérébrale[361] avant que le groupe connaisse le succès international[362]. John Lennon, très marqué par cette disparition, y fait allusion dans plusieurs chansons, dontIn My Life (1965).
Jimmie Nicol est le seul musicien à avoir joué sur scène avec les Beatles durant laBeatlemania.
Parmi les musiciens ayant collaboré avec les Beatles,Jimmy Nicol est le seul à être monté sur scène avec eux en pleineBeatlemania : au mois de, alors queRingo Starr est hospitalisé en urgence, atteint d’une infection aux amygdales, Nicol est chargé de le remplacer à la batterie pour une dizaine de concerts durant une tournée en Europe puis en Océanie[366].
Au cours du temps, un grand nombre de personnes ont pu prétendre au titre de « cinquième Beatle », à commencer par les quatre musiciens qui ont joué avec eux en concert : le bassisteStuart Sutcliffe, les batteursPete Best etJimmie Nicol, etBilly Preston pour son travail aux claviers sur l’albumLet It Be[368]. S’y ajoute également l’artiste et bassisteKlaus Voormann, ami du groupe depuis leurs séjours à Hambourg, qui a souvent joué avec eux durant leurs carrières en solo et a contribué à plusieurs travaux du groupe, notamment la conception de la pochette de l’albumRevolver, qui remporta unGrammy Award[369].
Sont également citésNeil Aspinall,road manager du groupe de ses débuts à 1963, devenu leur assistant personnel et enfin le président d’Apple Corps durant quarante ans, mais aussiDerek Taylor, leur attaché de presse et confident.George Harrison a déclaré que Taylor et Aspinall étaient sans contestation les deux « cinquièmes » Beatles[370]. Certains, plus éloignés du groupe, se sont vus attribuer le titre pour d’autres raisons. Le journaliste Ed Rudy s’est ainsi surnommé« le cinquième Beatle » pour avoir été le seul journaliste à accompagner le groupe durant sapremière tournée américaine et en avoir tiré de nombreusesinterviews. Le disc-jockey Murray Kauffman ditMurray The K(en), également proche des « Fab Four » durant leur première tournée et fervent défenseur de leurs disques, assure en direct avoir été intronisé« cinquième Beatle » parGeorge Harrison lui-même ; il s’est avéré par la suite qu’il n’en était rien. Enfin, le footballeurGeorge Best, joueur britannique emblématique dans les années 1960, acquiert un tel statut, à l’époque, qu’il se fait humoristiquement surnommer ainsi[371].
Deux personnes sont généralement considérées comme le« cinquième Beatle » pour leur rôle dans la carrière du groupe.Paul McCartney a déclaré au sujet deBrian Epstein, manager des Beatles de 1962 à sa mort en 1967, qui a façonné leur image et décroché leurs premiers contrats au Royaume-Uni, que« si quelqu’un a été le cinquième Beatle, c’était Brian »[372]. Enfin,George Martin est fréquemment qualifié ainsi pour avoir engagé les Beatles sur son labelParlophone, en 1962, et avoir été leur producteur du début à la fin de leur carrière. Il a également joué des claviers dans de nombreuses chansons, contribué à leur éveil musical et à l’introduction de nouveaux instruments dans leur musique. Il a aussi écrit la plupart des arrangements, parmi lesquels ses partitions pourYesterday,Eleanor Rigby ouAll You Need Is Love[373].
Voici la liste des douzealbums, des deuxmaxis de chansons inédites et des vingt-deuxsingles officiels publiés enAngleterre par les Beatles entre1962 et1970, complétée de quelques autres enregistrements notables. Dans le reste du monde, les albums pouvaient être édités différemment, surtout pendant les années avant « Sgt. Pepper's ». D’autres albums et singles furent publiés après leur séparation ; on retrouve plus bas une courte liste des plus notables de ces albums. À présent, toutes les chansons qui n’étaient pas parues sur leurs33 tours originaux sont disponibles en CD sur les compilationsPast Masters ou sur la version augmentée du disqueMagical Mystery Tour.
Au début de leur carrière, plusieursEP sont commercialisés au Royaume-Uni, tous reprenant des chansons déjà publiées, sauf pourLong Tall Sally, qui contient quatre titres inédits, et le double EPMagical Mystery Tour qui en possède six. Cet ultime EP est publié en 1967 pour accompagner la sortie dutéléfilm éponyme. Aux États-Unis, la maison de disquesCapitol Records préfère publierMagical Mystery Tour en format 33 tours, en y ajoutant cinq autres chansons parues en singles la même année. En 1976, cette version augmentée est finalement commercialisée en Angleterre et intègre alors la discographie officielle du groupe[185].
Les singles sont présentés suivant l’ordre « Face A / Face B ». Les singles accompagnés du symbole « 2ƒA » sont des singles « double face A ». Quelques autres singles ont été publiés aux États-Unis durant la carrière du groupe. L’astérisque dénote une chanson qui se retrouve aussi sur un album ou EP et le symbole ≈ dénote une version différente d’une chanson parue sur un 33 tours.
The Beatles: Live at the Hollywood Bowl - enregistrements de concerts à Los Angeles en 1964 et 1965 (1977 pour la première édition, 2016 pour la seconde avec une pochette différente et des titres supplémentaires)
Past Masters - chansons sorties en 45 tours qui ne figuraient pas sur les albums studio officiels, ou, pour certaines, dans des versions différentes (1988 pour la première édition en deux volumes, 2009 pour l’édition en album double)
1990 :The Beatles: The First U.S. Visit(en), réalisé par Kathy Dougherty. Filmé en 1964 par les frèresMaysles et sorti à l’époque sous le titreWhat's Happening! The Beatles in the U.S.A., décrit la première tournée américaine du groupe[387].
1995 :The Beatles Anthology raconte l’histoire des Beatles par l’entremise d’entrevues avec des membres du groupe et des gens de leur entourage.
2021 :The Beatles: Get Back, une réalisation dePeter Jackson. Ce documentaire de styletéléréalité de près de huit heures, en trois épisodes, est constitué d’images, la plupart inédites, tournées en janvier 1969 lors de la réalisation du filmLet It Be[389].
2009 :How the Beatles Rocked the Kremlin, réalisé parLeslie Woodhead(en), examine l’influence des Beatles sur la jeunesse et la société derrière lerideau de fer[392].
2013 :Good Ol’ Freda, réalisé par Ryan White, ce documentaire raconte la carrière des Beatles vécue par la responsable dufan club du groupe,Freda Kelly[393].
2017 :How the Beatles Changed the World, réalisé par Tom O'Dell, ce documentaire analyse l’impact musical et culturel que les Beatles ont eu sur le monde, à travers des interviews et des images d’archive[394].
Autres
Séries d’animation
The Beatles est une série de dessins animés, diffusée aux États-Unis entre et, faisant intervenir les quatre Beatles dans leur précédent style, c’est-à-dire sans moustaches ni lunettes. Les voix des personnages n’avaient plus rien en commun avec celles des Beatles, leur accent de Liverpool ayant été considéré comme difficilement compréhensible par le public américain. Chaque épisode comportait une chanson des « vrais » Beatles[395].
Beat Bugs est une série animée par ordinateur en trois saisons, en onde à partir de, qui met en scène des insectesanthropomorphiques dans un jardin de banlieue, où l’histoire est tirée d’une chanson du groupe qui est reprise pour les besoins de l’épisode par des chanteurs connus[260].
Vidéographie
Au cours de leur carrière, des films promotionnels ont été tournés pour promouvoir certaines de leurs chansons. Ceux-ci ont été compilés dans la réédition de luxe du disque1 publié le. Cette collection comprend aussi plusieurs clips créés à la suite de la séparation du groupe[396] et plusieurs autres ont été produits depuis la publication de ceCD.
prévus en 2027 :(titres à venir) Réalisés parSam Mendes, quatre films raconteront l’histoire du groupe, chacun selon la perspective d’un membre différent[399].
2007 :Across the Universe, deJulie Taymor, est une comédie musicale rythmée par 33 titres des Beatles, qui conte une histoire d’amour desannées 1960 entre Jude (interprété parJim Sturgess), jeune ouvrier de Liverpool venu aux États-Unis à la recherche de son père, et Lucy (interprétée parEvan Rachel Wood), belle blonde dont le frère est un étudiant révolté dePrinceton.
2019 :Yesterday est une comédie, réalisée parDanny Boyle et écrite parRichard Curtis, qui raconte l’histoire de Jack, un musicien inconnu, (Himesh Patel) victime d’un accident de la route subi au même moment qu’une panne de courant affecte la planète entière. Subséquemment, il devient le seul à connaître les Beatles et leurs chansons ce qui lui permet de devenir une vedette de la musique[400].
Notes et références
Notes
↑Bien que l’albumLet It Be soit sorti en 1970, il a été principalement enregistré l’année précédente.
↑Le 15 octobre 1960, Lu Walters, bassiste du groupe Rory Storm and The Hurricanes, invite Ringo Starr, le batteur de ce groupe, accompagné de Lennon, McCartney et Harrison, pour enregistrer la chansonSummertime chez Akustik, un studio amateur de Hambourg. Cet enregistrement 78 tours est aujourd'hui disparu.
↑Traduction de la pancarte :« Pour le groupe pop de Liverpool de renommée mondiale, dont la carrière a débuté en 1962 au Star Club de Hambourg. »
↑La version avec Pete Best sera finalement incluse surAnthology 1 en 1995, tandis que celle avec Ringo Starr, publiée aux États-Unis pour la première fois en 1980 surRarities (bien que publiée en 45 tours auCanada en février 1963), sera placée surPast Masters Volume One, compilation diffusée mondialement en 1988. Les bandesmaster ayant été effacées par Martin pour s’assurer que la version qu’il juge la meilleure soit toujours employée pour les publications subséquentes, c’est un repiquage du 45 tours qui sera utilisé pour ces compilations.
↑Il n’est pas sûr que celle-ci a été enregistrée, mais si oui, cet enregistrement est aujourd'hui disparu. Unbœuf, enregistré en janvier 1969, avec un rythme lent est entendu dans le documentaireThe Beatles: Get Back en 2021.
↑C’est la raison pour laquelle cette chanson n’est pas incluse dans l’album1 publié en 2000.
↑Un peintre en lettres de Liverpool et frère de Brian O'Hara, guitariste desFourmost.
↑Une autre membrane, avec le mot « Love » peint en jaune sur un fond rouge, est utilisée dans le filmMagical Mystery Tour et aperçue dans les vidéos deLady Madonna etHey Bulldog.
↑LeE.P.Yesterday fut d’ailleurs édité avec chaque membre du groupe chantant une des chansons.
↑Le palmarès hebdomadaire de la BBC ne jouait que l’un des deux titres, en alternance chaque semaine avec l’autre.Day Tripper y fut donc diffusé trois fois etWe Can Work It Out deux seulement. Il aurait été suicidaire pour tout autre groupe de disperser ainsi l’attention de son public sur deux chansons nouvelles en même temps.
↑« Trop de gens prêchent des pratiques, ne les laissez pas vous dire qui vous voulez être. »
↑Le premier est joué par le musicien et acteurLes Brown, Jr.(en) et les trois autres, par les membres du groupeThe Wellingtons(en), les mêmes qui chantent la chanson-thème de la série.