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Bataille du golfe de Leyte

10° 22′ 12″ nord, 125° 21′ 18″ est
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Bataille du golfe de Leyte
Description de cette image, également commentée ci-après
Carte des quatre engagements
de la bataille du golfe de Leyte.
Informations générales
Date23 octobre au
LieuGolfe de Leyte, au large desPhilippines centrales
IssueVictoire décisive américaine
Belligérants
Empire du JaponDrapeau des États-UnisÉtats-Unis
Drapeau de l'AustralieAustralie
Commandants
Drapeau de l'Empire du JaponVice-amiralOzawa
(Force du Nord)
Drapeau de l'Empire du JaponVice-amiralKurita
(Force centrale)
Drapeau de l'Empire du JaponVice-amiralNishimura
(Force du Sud)
Drapeau des États-UnisAmiralNimitz
(CINCUS/CINCPOA)
Drapeau des États-UnisAmiralHalsey
(IIIe flotte)
Drapeau des États-UnisVice-amiralKinkaid (VIIe flotte)
Forces en présence
42 800 marins
4 porte-avions
7 cuirassés
13 croiseurs lourds
6 croiseurs légers
19 destroyers
17 sous-marins
116 avions embarqués
1 400 avions basés à terre.
143 668 marins
16 porte-avions rapides
18porte-avions d'escorte
12 cuirassés
23 croiseurs
105 destroyers
22 sous-marins
1 620 avions.
Pertes
11 500 morts
1 porte-avions d'escadre
3porte-avions légers
3 cuirassés
10 croiseurs
11 destroyers
5 sous-marins
1 000 avions.
1 500 morts
1porte-avions léger
2porte-avions d'escorte
3 destroyers
1 sous-marin
200 avions.

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Données clés
Coordonnées10° 22′ 12″ nord, 125° 21′ 18″ est
Géolocalisation sur la carte :Philippines
(Voir situation sur carte : Philippines)
Bataille du golfe de Leyte
Bataille du golfe de Leyte
Géolocalisation sur la carte :océan Pacifique
(Voir situation sur carte : océan Pacifique)
Bataille du golfe de Leyte
Bataille du golfe de Leyte

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Labataille du golfe de Leyte est uneopération militaire majeure de laguerre du Pacifique. Elle a lieu au début de lareconquête des Philippines, lors du débarquement des troupes américaines du généralDouglas MacArthur sur l'île deLeyte, au centre de l'archipel philippin. Considérée comme« la plus grande bataille navale de l'histoire »[1],[2],[3], elle oppose dans legolfe de Leyte deux flottes américaines déplaçant plus de 1 316 000 tonnes, à quatre forces japonaises, déplaçant près de 700 000 tonnes (soit 2 014 890 tonnes à Leyte contre 1 661 983 tonnes à labataille du Jutland en 1916).

Les24 et, des combats acharnés se déroulèrent sur une surface vaste comme le tiers de l'Europe ; à leur issue, la Flotte impériale japonaise lourdement battue avait cessé d’être une force offensive capable d'influer sur le cours de la guerre. Ces combats eurent lieu au cours de quatre engagements principaux situés enmer de Sibuyan, dans ledétroit de Surigao, au cap Engaño et au large deSamar. Le Corps spécial d'attaque japonais, plus connu sous le nom de « kamikaze », y fut engagé pour la première fois à grande échelle le[4],[Note 1].

Forces en présence – contexte général et préparatifs

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Le général Douglas MacArthur en discussion avec l'amiral Chester Nimitz

La stratégie américaine au cours de la guerre du Pacifique s'est caractérisée par une rivalité, en termes de priorité stratégique et d'attribution de moyens, entre le généralMacArthur, commandant en chef desForces armées des États-Unis en Extrême-Orient, soutenu par le généralMarshall, chef d'état-major de l'Armée, et l'amiralNimitz, commandant en chef de laFlotte du Pacifique, sous l'autorité de l'amiralKing, commandant en chef de laFlotte des États-Unis etchef des Opérations navales. Les zones d'opérations étaient différentes, mais connexes : lazone du Pacifique Sud-Ouest pour MacArthur, lesZones de l'Océan Pacifique pour Nimitz. En 1943, les offensives américaines dans les deux zones se développèrent parallèlement de part et d'autre de la mer des Salomon (campagne des îles Salomon etopérationCartwheel). Mais l'amiral King obtint l'accord de laréunion des chefs d'état-major pour engager une offensive en direction du Japon dans le Pacifique central. Entre les mois de et d', cela aboutit à laconquête des îles Mariannes qui allait fournir les bases d'où lesB-29Superfortresses pourraient bombarder l'archipel japonais[5]. Pendant ce temps, les forces de MacArthur avaient continué de progresser vers l'ouest sur la côte nord de laNouvelle-Guinée.

Le choix américain d'attaquer les Philippines

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Les discussions d'état-major furent ardues pour déterminer le prochain objectif stratégique. L'U.S. Navy proposait d'aller attaquerFormose pour mettre en place un blocus du Japon[6] ; le général MacArthur quant à lui tenait essentiellement à débarquer aux Philippines pour tenir sa promesse de 1942« I shall return » (enfrançais :« Je reviendrai »)[7].

Le général MacArthur impose ses vues à l'amiral Nimitz

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L'amiral Nimitz, en conférence à Hawaii, le, devant (de gauche à droite) le général MacArthur, le président Roosevelt et l'amiral Leahy.

L'attaque de Formose demandait un nombre de divisions qui excédait les capacités alliées du moment mais l'attaque des Philippines était hors de portée d'une aviation basée à terre. MacArthur obtint que l'affaire fût portée devant le présidentRoosevelt. La décision fut finalement d'attaquer les Philippines[Note 2] sous les ordres du général MacArthur. La couverture aérienne de l'opération serait confiée à la flotte du Pacifique, et en particulier aux forces navales du Pacifique central, c'est-à-dire laIIIe Flotte, commandée après la fin août par l'amiralHalsey, qui restait sous l'autorité de l'amiral Nimitz[8],[9].

L'amiral Nimitz accepta le plan du général MacArthur mais à la condition de couper les lignes arrière japonaises[10]. Les forces amphibies débarquèrent dans lesPalaos[Note 3] pour attaquerPeleliu etAngaur le. Mais en raison de fortifications bien installées et de la forte résistance japonaise, les combats durèrent plus de deux mois au lieu des quatre jours prévus pour sécuriser Peleliu, avec des pertes très importantes, qui conduisirent à mettre en doute l'intérêt stratégique de cette opération[11]. Le,Ulithi dans lesCarolines occidentales fut occupée sans opposition, et l'amiral Nimitz y fit rapidement transférer la base avancée de soutien de la flotte qui se trouvait àEniwetok, située à environ 1 600 km plus à l'est[12]. Les forces de MacArthur débarquèrent àMorotai dans lesMoluques. La suite des opérations était de débarquer àYap, à la fin du mois deseptembre, àMindanao ennovembre et dans la zone deLeyte-Surigao, endécembre[13].

Coup d'accélérateur de l'amiral Halsey

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L'amiralHalsey a commandé les forces navales du Pacifique central, désignées comme laIIIe Flotte, de la finaoût1944 à la fin. les décorations qu'il porte permettent de dater cette photo de cette période.

À la suite des bombardements sur l'île de Mindanao et dans lesVisayas[14], à partir de renseignements d'aviateurs abattus au-dessus des zones occupées et récupérés par des partisans philippins, l'amiral Halsey était convaincu de la faiblesse des réactions japonaises[15]. Fidèle à son comportement habituel, fonceur et changeant, l'amiral proposa alors le13 septembre d'avancer le débarquement sur Leyte. Soumise au Comité des chefs d'État-Major au cours de laseconde conférence inter-alliée de Québec, cette proposition est adoptée et les plans américains modifiés en conséquence. La date du débarquement sur Leyte est fixée au20 octobre[16] et les troupes devant débarquer à Yap rallient celles de MacArthur[17].

Le vice-amiral Kinkaid, commandant en chef de laVIIe flotte, sur son navire de commandement, l'USSWasatsh (AGC-9), ici en janvier 1945.

Il apparut alors nécessaire de renforcer laVIIe flotte (« la Marine de MacArthur ») que commandait levice-amiralKinkaid, du moins en ce qui concernait les forces amphibies et la couverture rapprochée. LeIIIe Corps Amphibie du vice-amiralWilkinson, les cuirassés anciens et les croiseurs du groupe d'appui-feu et de bombardement du contre-amiralOldendorf, ainsi que les porte-avions d'escorte du groupe d'appui aérien du contre-amiralThomas L. Sprague furent tous transférés à laVIIe flotte[18], ne laissant à laIIIe flotte que la Task Force de Porte-avions rapides (TF 38). Cette dernière était constituée de huit porte-avions d'escadre (sept de laclasse Essex et l'USS Enterprise), huitporte-avions légers, six cuirassés modernes, quinze croiseurs, leurs destroyers d'escorte et leur train d'escadre[19].

Cette organisation avait un inconvénient : compte tenu de la structure du commandement, elle plaçait les forces navales de l'opérationKing Two (nom de code du débarquement aux Philippines) dans deux lignes hiérarchiques distinctes, et dont le commandement supérieur commun se situait à Washington, plus précisément à la réunion des chefs d'état-major. Circonstance aggravante, les ordres écrits étaient assez vagues :« Les mesures nécessaires à une coordination détaillée entre les forces opérationnelles du Pacifique occidental (laIIIe flotte) et les forces du Pacifique sud-ouest (laVIIe flotte) seront arrangées par leurs commandants respectifs ». L'amiral Halsey avait alors demandé à l'amiral Nimitz si sa mission prioritaire était d'assurer la sécurité du débarquement, ou bien la destruction de la flotte de bataille ennemie, et la réponse avait été ambigüe[20],[Note 4].

PlanSho-Go (« victoire »)

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Dans le même temps, le haut commandement naval japonais (remanié après la perte des îles Mariannes[Note 5]) devait achever la mise au point du planSho-Go, c'est-à-dire la riposte contre la prochaine attaque américaine selon qu'elle viserait les Philippines, Formose et leNansei Shotō dont fait partie Okinawa,Honshū-Kyūshū et lesBonins dont fait partieIwo Jima, ou même encore l'île d'Hokkaidō[21]. Le Haut commandement naval n'avait plus d'illusions, il ne s'agissait plus d'obtenir par la victoire quelque résultat correspondant aux buts de guerre de l'Empire, mais d'opposer une résistance acharnée, au prix de pertes pouvant atteindre l'annihilation de la Flotte, pour faire en sorte que les États-Unis acceptent de modifier les conditions mises à l'ouverture de négociations sur l'arrêt des hostilités.

Toute la flotte impériale contre les forces amphibies américaines

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L'idée de manœuvre était d'engager la totalité des bâtiments encore opérationnels de la Flotte impériale contre les forces d'invasion américaines[22]. Il ne s'agissait plus de livrer une « bataille décisive » comme cela avait été le cas jusqu'à la bataille de la mer des Philippines[23], mais de s'efforcer de détruire les forces amphibies américaines sur les plages de débarquement[24].

L'expérience de deux ans de guerre navale dans le Pacifique avait montré que les cuirassés, fussent-ils modernes, n'étaient plus pour le côté américain les « capital ships », alors que, de juin 1942 au début de 1944, les cuirassés japonais les plus puissants[25] avaient été le plus souvent maintenus au mouillage deTruk, en attente de ce combat improbable. Pour autant, ce changement dans la doctrine d'emploi des cuirassés et des grands croiseurs ne faisait pas l'unanimité chez les officiers de marine japonais. Ils considéraient en effet qu'attaquer« des navires de transport auxiliaires et des cargos vides » n'était pas digne d'une flotte de guerre, tout comme le fait d'engager des sous-marins contre les navires de commerce n'était pas conforme à la tradition militaire japonaise[26].

L'amiral Toyoda, commandant en chef de la Flotte Combinée depuis, ici vice-amiral en.

Au printemps 1944, l'organisation de la Flotte combinée avec ses trois flottes, lapremière (composée de cuirassés directement aux ordres ducommandant en chef), ladeuxième (rassemblant croiseurs de bataille modernisés en cuirassés rapides et croiseurs lourds en une sorte d'« aile marchante »), ainsi que latroisième (rassemblant les porte-avions) cédèrent la place à une Flotte mobile, dont les composantes réunissaient porte-avions, cuirassés et croiseurs lourds, ressemblant aux Task Forces américaines. Initialement ce schéma est maintenu. La différence entre la Force de frappe (nouvelle désignation de l'ensemble des forces navales) et la Flotte mobile (telle qu'elle a participé à la bataille de la mer des Philippines) est que le nombre des porte-avions a été réduit à quatre, ceci à la suite des pertes subies, notamment les deux grands porte-avionsTaihō etShōkaku et leHiyō[27]. En revanche, le nombre des navires de ligne a été augmenté par l'incorporation dans les forces engagées de quatre bâtiments anciens : les cuirassésFusō etYamashiro ainsi que les deux cuirassés hybrides de porte-avionsIse etHyūga, constituant pour la forme une4e division de porte-avions[28].

Les attaques américaines sur les Palaos et Morotai laissaient peu de doutes sur le fait que les Philippines seraient la prochaine cible[29]. Or l'amiralToyoda, commandant en chef de la Flotte combinée, était convaincu que la perte des Philippines signifierait la fin de la guerre navale. Les navires basés au Japon seraient coupés de l'approvisionnement en pétrole, ceux basés dans les territoires occupés du Sud-Est asiatique (Malaisie ou Insulinde) n'auraient plus d'approvisionnement en munitions, ni accès à des capacités de réparations. Pour lui,« Sauver la flotte au prix de la perte des Philippines n'aurait aucun sens »[30]. Quel que soit leur scepticisme quant au succès de l'opération, les commandants des principales forces mesuraient le poids de l'enjeu, pensant comme le vice-amiralOzawa, que celles-ci y seraient détruites en totalité[31], ou comme le vice-amiralKurita[32] qu'elles y perdraient au moins la moitié de leurs forces[33].

Extrême faiblesse de l'aviation embarquée japonaise

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Le Haut commandement naval japonais avait une claire conscience des pertes de l'aviation embarquée au cours de labataille de la mer des Philippines, où le plus grave n'avait pas été la destruction de trois porte-avions mais le fait que la Flotte mobile, partie au combat avec 430 avions, était rentrée au Japon avec à peine 35[34]. Cette situation catastrophique aurait plusieurs conséquences.

D'abord, en contradiction avec le principe de concentration des forces[35], il fallut accepter de disperser la flotte, car si les porte-avions devaient être basés au Japon, enMer Intérieure pour être réparés et reconstituer leurs groupes aériens, la pénurie de pétrole résultant des attaques des sous-marins américains contre les liaisons maritimes avec les zones pétrolifères deBornéo conduisit à maintenir les cuirassés et les croiseurs lourds au plus près de ces sources de carburant, au mouillage desîles Lingga, à proximité de Singapour[36],[37]. Mais le vice-amiral Ozawa avait originellement l'intention de rallier le mouillage des îles Lingga avec les porte-avions, à la mi-novembre[38]. Dans cet esprit de rassemblement des forces, la5e flotte du vice-amiralShima, qui devait opérer avec le vice-amiral Ozawa, quitta sa base d'Ōminato, à l'extrême nord d'Honshū, pour rallierKure.

Ensuite, à titre conservatoire, l'artillerie anti-aérienne des cuirassés et des croiseurs lourds fut renforcée par l'installation de tourelles doubles decanons de 127 mm type 89[39] lorsque c'était possible, et par de nombreux tubes de25 mm anti-aériens type 96[40], jusqu'à en porter 50 à 60 sur les croiseurs lourds[41] et une centaine sur les cuirassés, voire 120 sur leYamato[42].

Le vice-amiral Ozawa, commandant en chef de la Force de Frappe, avait sous son autorité directe les quatre porte-avions japonais.

À la fin août, le Haut commandement japonais estimait que la prochaine attaque américaine aurait lieu au plus tôt en novembre et le vice-amiral Ozawa espérait réussir à former suffisamment d'aviateurs navals pour reconstituer les groupes aériens des porte-avions dans ce délai. Mais la formation rapide de pilotes n'était pas un point fort de la Marine impériale[43]. Le vice-amiral Ozawa, qui avait le commandement du Corps principal de la Force de frappe (impliquant donc tous les porte-avions), indiqua début octobre à l'amiral Toyoda, commandant en chef de la Flotte combinée, que les groupes aériens embarqués ne pourraient assurer, à bref délai, la couverture aérienne des sept cuirassés et onze croiseurs lourds de la Force d'attaque de diversionno 1 du vice-amiral Kurita. Il proposa en conséquence de faire opérer les deux forces de façon autonome[38], ce qui fut accepté par le Commandant en chef[33].

Le vice-amiral Ozawa reçut alors l'ordre de transférer à terre, à Formose ou aux Philippines, plus de la moitié de ses pilotes qui, sans avoir encore la capacité d'opérer sur porte-avions, pouvaient opérer depuis des bases terrestres. C'est ainsi que les porte-avions japonais du Corps principal se virent assigner le rôle de leurre pour entraîner à leur poursuite les porte-avions rapides américains et permettre aux navires du vice-amiral Kurita d'atteindre plus facilement les plages de débarquement. Le risque était l'annihilation complète duservice aérien de la Marine impériale japonaise, ce dont le vice-amiral Ozawa était très conscient[31],[44]. En attirant les forces américaines de couverture éloignée loin des forces amphibies de débarquement, l'amiral Toyoda n'espérait pas tant épargner aux navires de la ligne de bataille les coups des forces aéronavales de l'US Navy, dotées d'une force de frappe considérable, que leur faciliter la mission de destruction des forces amphibies[45].

Cette primauté délibérée des navires « porte-canons » par rapport aux porte-avions est la caractéristique fondamentale du planSho-Gô, ce qui échappa largement aux amiraux Halsey et Nimitz[46].

Derniers ajustements

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La couverture aérienne des forces navales devait donc être assumée par l'aviation basée à terre[47]. Mais si l'aviation navale basée à terre avait une certaine habitude de la coopération avec les forces en mer, c'était beaucoup moins le cas pour les forces aériennes de l'Armée impériale[48]. Par suite d'un souci exagéré du secret, ou parce que les choses s'accélérèrent (les forces d'invasion américaines ayant quitté les îles de l'Amirauté le 12 octobre), cette coopération ne fut pas organisée. Ainsi, le maréchalTerauchi, qui avait autorité sur les forces aériennes devant assurer la couverture des opérations navales, et dont le QG se trouvait à Saïgon, n'eut aucun contact avec l'amiral Toyoda, à Tokyo. Son subordonné, le généralYamashita, commandant les forces de l'Armée japonaise aux Philippines, dont le QG était à Manille, ne fut informé des opérations navales prévues dans les eaux de l'archipel philippin que dans les grandes lignes, et seulement cinq jours avant le début de ces opérations[22],[49].

En ce qui concerne l'organisation des forces navales, dès lors que les porte-avions devaient opérer séparément des cuirassés et des croiseurs, la5e flotte du vice-amiral Shima qui avait appareillé de Kure et se trouvait dans lesPescadores, reçut l'ordre d'opérer avec le vice-amiral Kurita afin d'attaquer les forces américaines dans le golfe de Leyte par le sud. En revanche, les cuirassés hybrides, parce qu'ils constituaient une4e division de porte-avions, tout en n'ayant aucun appareil embarqué, restèrent attachés au Corps principal du vice-amiral Ozawa. Mais tout ceci se fit dans la précipitation. En effet, le chef d'état-major d'Ozawa dut appeler en urgence le Quartier Général pour régler au téléphone les conditions d'intervention des porte-avions après que la majeure partie de leurs groupes aériens avait été débarquée[44].

Ayant été prévenu de l'approche des forces américaines par une « indiscrétion » provenant de Moscou (cette information semble avoir été communiquée à l'ambassadeur du Japon par le ministresoviétique des Affaires étrangèresViatcheslav Molotov[50]), le Commandement de la Flotte combinée, en fait le vice-amiralRyūnosuke Kusaka, chef d'état-major, donna le17 octobre au vice-amiral Kurita l'ordre d'appareiller[51], pour appliquer le planShō-1. En quelques jours, soixante-quatre bâtiments prirent la mer.

Déroulement

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Article détaillé :Ordre de bataille lors de la bataille du golfe de Leyte.

Préliminaires

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Au cours de la première quinzaine d'octobre, l'aviation embarquée des porte-avions rapides de laIIIe flotte qui avait la charge de bombarder les aérodromes qui pouvaient être utilisés par l'aviation japonaise, multiplia les attaques d'abord contreOkinawa, puis Formose, ensuiteLuçon enfin lesVisayas.

Au-dessus de Formose, l'aéronautique navale américaine se heurta à environ un millier d'avions engagés par les Japonais. Selon l'amiral Nimitz,« Ce furent les plus lourdes séries d'attaques aériennes jamais lancées par l'ennemi contre nos forces navales[52] ». Dans la confusion, du fait des nombreux sillages de navires, de traînées de feu et de fumée, les aviateurs nippons rapportèrent que 35 navires américains avaient été touchés[53] ! La propagande japonaise n'hésita pas à parler de « défaite aussi terrible que celle de la flotte tsariste, il y a 40 ans ». Comme lesUSS Canberra[54] etUSS Houston[55] furent sérieusement endommagés, les 13 et 14 octobre, les Américains déployèrent beaucoup d'efforts pour ramener à bon port la « division des éclopés » (CripDiv1), en les utilisant comme appât pour attirer des forces navales japonaises. Le vice-amiralShima sortit d'ailleurs deKure le14 octobre avec sa5e flotte qui comptait deux croiseurs lourds pour achever« les restes avariés de laIIIe flotte », mais les reconnaissances aériennes convainquirent l'état-major nippon de ne pas insister[56].

Au cours de ces combats aériens violents à l'occasion de ces bombardements préparatoires, plus de 800 appareils japonais furent détruits pour la perte d'une centaine d'appareils abattus et 64 aviateurs américains tués. Du point de vue de la destruction de la puissance aérienne ennemie, entre le 11 et le 16 octobre, ce fut« une des semaines avec le plus de succès, depuis le début de la guerre[52] », toujours selon l'amiral Nimitz. Les amiraux Ozawa et Kurita virent dans ces pertes subies alors par l'aviation japonaise une cause majeure de l'échec des plans du haut commandement japonais[57].

Le débarquement américain sur l'île de Leyte

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Partie principalement deManus enmer de Bismarck le12 octobre, laVIIe flotte se présenta le 17 devant le golfe de Leyte. Les pilonnages préparatoires de la part des cuirassés anciens et des croiseurs du TG 77.2 du contre-amiralOldendorf, ainsi que des appareils des porte-avions « à tout faire »[Note 6] du TG 77.4 du contre-amiral Thomas Sprague, commencèrent le 18. Le 19,Tacloban, au fond du golfe de Leyte fut également bombardée et les premières troupes américaines débarquèrent sur l'île deDinagat au nord-est du détroit de Surigao. Pendant ce temps, l'aviation embarquée de laIIIe flotte continuait le bombardement des aérodromes des forces aériennes basées à terre[58].

Le général MacArthur débarque le sur la plage de Palo.

Le20 octobre, le débarquement commença sur l'île deLeyte sur les plages dePalo (celle-là même où débarqua MacArthur[59]),Dulag et San Jose. Le débarquement de laVIe armée dulieutenant generalKrueger se déroula sans grandes difficultés[60]. Dès le lendemain, 103 000 hommes desXXIVe etXe corps d'armée avaient débarqué et Tacloban, la ville la plus importante de Leyte, était libérée[59]. Cependant, les QG des troupes à terre restaient très proches des plages, les rendant d'autant plus vulnérables à une attaque de navires japonais entrés dans le golfe.

L'aviation japonaise, qui disposait d'un grand nombre d'aérodromes surLuçon, ne resta pas inactive. Le20 octobre, le grand croiseur légerUSS Honolulu fut gravement endommagé par une torpille aérienne tandis qu'une bombe touchait l'USSSangamon[61],[59]. Le 21, c'est au tour ducroiseur lourdHMAS Australia d'être atteint à la passerelle par une attaque suicide d'un bombardier en piquéVal qui tue le commandant et blesse grièvement lecommodore Collins[Note 7] qui commandait le Groupe de couverture rapprochée (TG 77.3). Il sera remplacé par le contre-amiralBerkey[62]. Mais pendant trois jours, il n'y a eu aucune indication d'une sortie imminente de la flotte japonaise, excepté une augmentation du trafic des pétroliers et des navires auxiliaires entre le Nord de Bornéo et les parages deMindoro.

Cependant le temps était mauvais, ce qui retarda la construction de pistes d'aviation sur Leyte, faisant du coup reposer la couverture aérienne rapprochée du débarquement sur les dix-huit porte-avions d'escorte du TG 77.4, le groupe d'appui aérien de laVIIe flotte. Par ailleurs, l'accélération de l'attaque de Leyte n'a été que modérément appréciée par le général MacArthur qui pensait que l'amiral Halsey avait minimisé la capacité de résistance japonaise. Cela a conduit à faire débarquer des troupes initialement prévues pour attaquer Yap, et ne disposant donc que d'approvisionnements pour une opération très brève par rapport à l'attaque de Leyte. Un flux important et continu d'approvisionnement devenait donc impératif et l'irruption de forces navales japonaises dans le golfe de Leyte qui transformerait la zone en champ de bataille, mettrait en grande difficulté les troupes débarquées à terre[63].

Malgré la météo, quelques appareils japonais étaient parvenus à redécoller et attaquer les têtes de pont. Ils avaient mitraillé les plages et détruit un nombre non négligeable de dépôts de munitions et de carburant[64]. Comme on le verra plus tard, les flottes de Kurita et Nishimura seront attaquées par l'aviation embarquée américaine et les pilotes japonais seront mis à contribution pour la repérer et l'attaquer. Mais les reconnaissances lancées par l'aviation navale japonaise basée à terre ne permettront de localiser que le TG 38.3 au matin du 24 octobre[65] (voir plus loin).

Sortie de la Flotte impériale

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LeNagato, enbaie de Brunei, en route vers le golfe de Leyte (20 – 22 octobre 1944). À l'arrière-plan, on distingue leYamato et leMogami.

Le vice-amiral Kurita a appareillé le18 octobre du mouillage des îles Lingga, avec sept cuirassés, onze croiseurs lourds et deux croiseurs légers, et il est arrivé enbaie de Brunei, àBornéo le 20 en début d'après-midi. Il apprit alors que le débarquement américain avait commencé, le jour même, sur la côte orientale de l'île de Leyte.

Le vice-amiral Ozawa, avec un porte-avions d'escadre, trois porte-avions légers (ne portant au total qu'une centaine d'appareils), les deux cuirassés hybrides (sans aucun appareil embarqué), et trois croiseurs légers, a quitté la mer intérieure le 20 pour aller prendre position au nord-est deLuçon. Sa mission était d'attirer laTask Force 38 et ses porte-avions rapides et cuirassés le plus loin possible du golfe de Leyte[38],[66].

Le vice-amiral Shima, qui était sorti de Kure avec deux croiseurs lourds et un croiseur léger le 14, se trouvait dans ledétroit de Formose. Il a alors appris que les ordres avaient changé, qu'il ne devait pas rejoindre le Corps principal du vice-amiral Ozawa, mais relâcher en baie deCoron, dans lesîles Calamian le 23, et gagner le détroit de Surigao pour coopérer dans le golfe de Leyte avec la Force du vice-amiral Kurita, qui devrait y arriver le 25 au matin[67]. Il n'apprendra qu'un peu plus tard par radio que le vice-amiral Nishimura avait une mission identique, mais en raison de la consigne de silence radio imposée aux forces à la mer, il n'aura aucun moyen d'établir une liaison avec son collègue alors qu'ils ne sont qu'à une cinquantaine de nautiques.

Le vice-amiral Kurita scinde en deux la Force d'attaque de diversionno 1
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Le vice-amiral Kurita, commandant en chef de la2e Flotte depuisaoût1943 commande la Force d'attaque de diversionno 1.

À Brunei, le vice-amiral Kurita a fait refaire les pleins de carburant, auprès de pétroliers qui y avaient eu rendez-vous[24]. Il a réuni les commandants des navires, et leur a fait part de son intention de manœuvre qui était une attaque des forces amphibies américaines dans le golfe de Leyte, à la fois par le nord et par le sud. Il comptait conduire la majeure partie de ses forces, soit cinq cuirassés, dix croiseurs lourds, deux croiseurs légers et quinze destroyers, en passant par lamer de Sibuyan puis ledétroit de San-Bernardino, contourner l'île deSamar par le nord et l'est pour aller attaquer, le 25 au matin, les forces amphibies américaines jusqu'àTacloban, au fond dugolfe de Leyte. Il a alors indiqué au vice-amiral Nishimura qu'il devrait passer avec ses deux cuirassés (Fuso etYamashiro), le croiseurMogami et quatre destroyers par ledétroit de Balabac et lamer de Sulu, pour entrer ensuite dans le golfe de Leyte par le sud, c'est-à-dire par ledétroit de Surigao, le 25 au matin également[33]. Les deux forces réunies devaient repartir par le détroit de Surigao[68].

La Force d'attaque de diversionno 1 du vice-amiralKurita quitte Brunei, le.

Tous les bâtiments du vice-amiral Kurita ont quitté Brunei le 22 octobre tôt le matin. Ils étaient menés par le contre-amiralHashimoto, commandant la5e division sur leMyōkō, suivi duHaguro. Dans l'ordre suivaient quatrecroiseurs de la4e division, menée par l'Atago portant la marque du vice-amiral Kurita, les deux super-cuirassésYamato etMusashi, avec leur batterie d'artillerie principale de neuf canons de 460 mm et le cuirasséNagato, formant la1re division commandée par le vice-amiralUgaki, deux cuirassés rapidesKongō etHaruna formant la3e division commandée par le vice-amiral Yoshio Suzuki, deux croiseurs de laclasse Mogami et les deux croiseurs de laclasse Tone, formant la7e division aux ordres du contre-amiral Shirahishi enfin deux croiseurs légers de laclasse Agano et les destroyers. Les deux cuirassés anciens de la2e division du vice-amiral Nishimura appareillèrent peu après flanqués du croiseur lourdMogami.

Parallèlement, la flotte du vice-amiralShima descendait au sud-ouest en longeant les côtes occidentales des Philippines afin de rejoindre et grossir celle de Nishimura peu avant l'entrée du détroit de Surigao[67]. Au total donc, quatre flottes japonaises faisaient route vers le golfe de Leyte (Kurita,Nishimura,Shima et les porte-avions d'Ozawa), ce qui pouvait paraitre une force de frappe considérable. Mais à l'état-major de la Flotte Combinée, le chef d'état-major, le vice-amiralRyūnosuke Kusaka n'y voyait que« la dernière ligne de défense de la métropole[30] ».

Les sous-marins américains attaquent dans le passage de Palawan
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Des sous-marins de laVIIe Flotte américaine avaient été déployés pour tenter de repérer les forces japonaises qui arriveraient par l'ouest des Philippines. Le22 octobre vers minuit, alors qu'elle navigue à l'ouest de l’île dePalawan, la Force d'attaque de diversionno 1 du vice-amiral Kurita est repérée par deux sous-marins, lesUSS Dace[69] etDarter[70], qui signalent son approche[71]. Malgré l'interception du message des submersibles, l'escadre japonaise tarde à prendre des mesures de lutte anti-sous-marine, en raison de la présence de récifs coralliens dont la localisation est peu précisée sur les cartes. Le 23 octobre à l'aube, les deux sous-marins torpillent et coulent l’Atago et leMaya et avarient gravement leTakao qui est obligé de se replier versSingapour[48],[72], remorqué par les navires ayant secouru les rescapés de l’Atago et duMaya : les destroyersAsashimo etNaganami. Le coup est d'autant plus sévère pour les Japonais que, parmi les pertes ou les rescapés qui vont retourner à Singapour, on compte de nombreux personnels qui, à bord de l'Atago, étaient des spécialistes des transmissions, dont l'absence sera durement ressentie lors des combats des jours suivants[73],[74]. Pour les États-Unis, le prix à payer est faible : seul leDarter, à la poursuite duTakao qu'il comptait bien achever, s'échoue à 17 nœuds sur un récif, et doit être abandonné le lendemain. Alerté, leDace réussit à en recueillir l'équipage, juste avant l'arrivée de destroyers japonais qui ne trouvent qu'une épave sabordée[74].

Le vice-amiral Kurita, qui était à bord de l’Atago, se retrouve à la mer. Il est recueilli par le destroyerKishinami. Le commandement de l'escadre est alors assuré par le vice-amiralUgaki[75] à bord du cuirasséYamato. Dans l'après-midi, Kurita transfère sa marque sur leYamato et reprend le commandement de la Force d'attaque de diversion[74]. Mais les Américains sont en alerte, la principale force d'attaque japonaise est repérée et suivie à la trace par des sous-marins qui vont la signaler, dans la nuit du 23 au24 octobre à proximité dudétroit de Mindoro, alors que les porte-avions du vice-amiral Ozawa (qui devaient servir de leurre) ne se sont toujours pas fait repérer[76],[77].

Bataille de la mer de Sibuyan

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Le22 octobre au soir, levice-amiralMcCain, qui commandait le Task Group 38.1 (le plus puissamment armé de la TF 38) avait reçu l'ordre de mettre cap à l'est vers Ulithi, à environ 1 000 km, pour y reposer ses équipages et se réapprovisionner en munitions. Une fois connue la présence d'une importante force japonaise se dirigeant vers la mer de Sibuyan, les autres Task Groups de la Task Force 38 ont refait leurs pleins de carburant à la mer le23 octobre à l'aube, à 450 km au nord-est deSamar. Puis les Task Groups ont reçu ordre de se déployer sur une ligne nord-ouest/sud-est à 200 km les uns des autres, au large de la côte des Philippines. Dans la nuit du 23 au24, l'aviation japonaise n'a réussi à localiser que le TG 38.3. Le 24, celui-ci se trouvait au large deLuçon, à 100 km à l'est de l'île dePolillo. Le TG 38.2 se situait à 80 km du détroit de San-Bernardino tandis que le TG 38.4 était positionné à hauteur du détroit de Surigao, plus précisément à 100 km de la pointe sud de Samar. Le vice-amiralMitscher commandait la TF 38 et avait sa marque sur l'USS Lexington dans le TG 38.3. L'amiral Halsey avait la sienne sur l'USS New Jersey au sein du TG 38.2 et se trouvait au centre du dispositif[78].

Porte-avions rapides américains contre cuirassés japonais

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La TF 38 lança peu aprèsh des patrouilles aériennes de reconnaissance à peu près « tous azimuts ». Versh 45, la Force d'attaque de diversion avec ses cinq cuirassés et neuf croiseurs est repérée dans ledétroit de Tablas, naviguant à10 – 12 nœuds, cap au 030, alors qu'elle allait entrer dans les eaux étroites de la mer de Sibuyan, entourées de montagnes atteignant plus de 2 500 m[79]. C'est la première fois que l'on voit en opération les cuirassés géants dont on ne connait pas les caractéristiques exactes, tout en estimant qu'ils surpassent les plus puissants cuirassés américains. Prévenu versh 20, l'amiral Halsey ordonne au contre-amiralSherman qui commande le TG 38.3 et au contre-amiral Davison, qui commande le TG 38.4 de rallier au plus vite le TG 38.2. Il n'est pas question de s'aventurer en mer de Sibuyan où des mines ont peut-être été mouillées, où l'on est certain de se trouver à portée de l'aviation japonaise basée à terre, et sans que les porte-avions japonais aient été localisés. La mission de laIIIe flotte est d'arrêter avant la nuit la puissante escadre qui se trouve en mer de Sibuyan[79].

La « force du sud » japonaise est repérée et attaquée en mer de Sulu
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LeFusō ou leYamashiro sous les bombes de l'USS Enterprise, le 24 octobre 1944 au matin.

Mais à la même heure, un appareil de l'USS Enterprise qui fait partie du TG 38.4 repère deux cuirassés, un croiseur lourd et quatre destroyers, enmer de Sulu, au sud-ouest deNegros, marchant à20 nœuds, cap au nord-est. Une attaque aérienne de24 avions est aussitôt déclenchée, qui ne réussit pas, malgré quelques coups au but, à ralentir les navires du vice-amiralNishimura, car c'est d'eux dont il s'agit. Chez les Américains, la situation est jugée alarmante. En effet, cela signifie que les Japonais ont l'intention d'attaquer Leyte à la fois par le nord et par le sud. L'amiral Halsey est préoccupé car il y a maintenant deux problèmes à résoudre, tandis que les porte-avions ennemis ne figurent pas parmi les navires repérés[80]. Halsey ne modifie pas ses ordres, il estime nécessaire de concentrer ses forces contre l'escadre la plus puissante qui menace le détroit de San-Bernardino. Le mouvement du TG 38.4 vers le nord va toutefois l'empêcher d'atteindre la « force du sud ». Ce sera donc à laVIIe flotte d'en faire son affaire[81], et le vice-amiral Kinkaid l'indique aussitôt au contre-amiral Oldendorf qui commande le Task Group de bombardement et d'appui feu (TG 77.2), qui compte six cuirassés anciens.

Peu après dans la matinée, une nouvelle flotte composée de deux croiseurs lourds, un croiseur léger et de destroyers japonais est repérée par un quadrimoteur de la5e Air force[82] au nord-ouest de celle précédemment attaquée. Les Américains la considèrent alors comme faisant partie de la même force. En réalité, ces bateaux ont le même objectif mais ne relèvent pas du même commandement et opèrent séparément[83]. C'est la5e flotte deShima. Elle ne sera pas attaquée et le vice-amiral ne se rendra même pas compte que ses navires ont été repérés par l'ennemi[81]. Mais pour Halsey et ses subordonnés, la situation s'aggrave car la menace japonaise est désormais presque aussi importante au sud qu'au nord[82].

L'USSPrinceton est immobilisé en flammes à l'est de Luçon
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Versh 10, la première vague d'attaque du TG 38.2 du contre-amiral Bogan décollait desUSS Intrepid etCabot pour contrer la force japonaise en mer de Sibuyan. Au nord du dispositif américain en revanche, le contre-amiral Sherman peinait à exécuter les instructions de l'amiral Halsey. Il avait lancé très tôt vingt chasseurs pour attaquer les aérodromes de Manille. Après le départ des avions de reconnaissances à l'aube, la vague d'attaque était préparée pour le décollage en attendant le retour des appareils en vol. Mais il restait à peine assez de chasseurs pour les patrouilles de combat aérien qui devaient couvrir le Task Group[84].

L'USS Princeton, touché par un bombardier japonais, le, est secoué à10 h par une violente explosion.

Or, le TG 38.3 avait été localisé par les avions de reconnaissance japonais, et trois vagues d'avions de la1re flotte aérienne du contre-amiralŌnishi[85],[86], sont repérées au radar vers 8 heures, dont une d'au moins60 appareils, dans l'ouest-sud-ouest.

Sept chasseursHellcats de l'USS Essex (VF-15) s'interposent et au terme d'un violent combat aérien d'une heure et demi, lecommanderMcCampbell[87] qui commande le groupe établit le record de neuf victoires en une journée. Seize autres au moins sont à mettre au compte de ses coéquipiers et les assaillants japonais qui n'ont pas été abattus sont dispersés. À peu près au même moment, desHellcats deUSS Lexington interceptent des bimoteursG4MBetty. Douze sont abattus et les autres mis en fuite. Une troisième vague japonaise est prise à partie par les chasseurs et la DCA duporte-avions légerUSS Princeton et c'est un nouveau carnage parmi les aviateurs japonais, pour la plupart inexpérimentés[88].

Mais àh 38, jailli d'un nuage, un bombardierJudy (il sera abattu peu après par deuxHellcats)[89] place une bombe de 250 kg sur l'USS Princeton. L'impact provoque un incendie qui fait exploser dans le hangar des avions aux réservoirs de carburant pleins et prêts à être hissés sur le pont d'envol[90]. À10 h, le porte-avions est secoué par une violente explosion. Les équipes de sécurité vont s'affairer toute la matinée et une partie de l'équipage est évacuée. Croiseurs et destroyers se portent au secours du navire immobilisé, tandis qu'une nouvelle attaque aérienne japonaise est repoussée par la chasse embarquée desUSS Essex etLangley. Les pertes de l'aviation japonaise ont été très importantes, le contre-amiral Sherman les a estimées à120 appareils, mais il n'est plus possible au TG 38.3 de faire mouvement[91].

Cuirassés et croiseurs japonais sous les bombes en mer de Sibuyan
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LeMusashi attaqué par la TF38 le 24 octobre, dans les eaux resserrées de la mer de Sibuyan.

À10 h 30, les appareils de la première vague du TG 38.2 (19 chasseursHellcats, 12 bombardiersHelldivers et 13 bombardiers torpilleursAvengers) aperçoivent les navires japonais dans le détroit de Tablas à l'est de Mindoro, sans couverture de chasseurs, mais la DCA est « terrifiante », par la multitude de pièces de 25 mm à 127 mm, mais aussi par les tirs deshrapnel anti-aériens des grosses pièces. Les pilotes de l'USSIntrepid ont rapporté avoir mis deux torpilles sur un cuirassé de laclasse Yamato, et une sur un croiseur lourd, une bombe de 450 kg sur unKongo et probablement une sur unYamato[92]. À la suite de cette attaque, gravement avarié, le croiseur lourdMyōkō a dû rebrousser chemin pour rentrer à Singapour[48],[93], le contre-amiral Hashimoto transférant sa marque sur leHaguro[94].

La seconde frappe de l'USSIntrepid avec 14Hellcats, 12Helldivers et 9Avengers retrouve les navires japonais vers12 h-12 h 45 à une cinquantaine de kilomètres plus à l'est, ayant donc marché à 18nœuds (33 km/h). UnYamato a encaissé trois torpilles et une bombe de 450 kg et leNagato une bombe également. Quelques minutes après l'attaque, une forte explosion a été observée sur le cuirassé de la classe Yamato qui venait d'être touché[95].

LeYamato, en mer de Sibuyan, dans la journée du 24 octobre 1944.

La troisième attaque est enfin menée par l'aviation embarquée desUSS Essex etLexington du TG 38.3 du contre-amiral Sherman. Avec 16Hellcats, 20Helldivers et 33Avengers, elle atteint la force japonaise vers13 h 30. Un des cuirassés de la classe Yamato était seul, au sud-est de l'île deMarinduque, dans les eaux où il avait été vu lors de la précédente attaque. Il perdait du mazout, avançait à petite vitesse vers le nord-ouest, l'avant enfoncé. Deux groupes de deux cuirassés avec des croiseurs étaient à30-40 km à l'est, à mi-parcours du détroit de San-Bernardino en mer de Sibuyan. Les aviateurs américains ont revendiqué plusieurs torpilles et plusieurs bombes sur le cuirassé avarié declasse Yamato, sur l'un des cuirassés rapides de laclasse Kongō, et sur des croiseurs lourds. Après l'attaque, ils ont rapporté que le cuirassé de classe Yamato était immobilisé et que d'autres semblaient très endommagés[95]. Mais les pilotes américains étaient unanimes sur un point : l'escadre de Kurita ne s'était pas disloquée pour échapper aux tirs mais manœuvrait au contraire d'un seul bloc sans trop s'écarter de sa route. Cette escadre représentait toujours la force principale[96]. Mais pour l'amiral Halsey et le vice-amiral Mitscher, les porte-avions japonais étaient aussi un grave sujet de préoccupation.

Nouvel objectif de laIIIe Flotte : les porte-avions japonais

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L'amiral Halsey était convaincu qu'une attaque à tout-va comme celle à laquelle étaient soumises les forces navales américaines devaient comporter une participation des porte-avions nippons. Le vice-amiral Mitscher, qui se trouvait avec le TG 38.3, constatait que les attaques étaient pour une part menées par de l'aviation embarquée (leurs crosses d'appontage en attestaient[97]) sans pourtant avoir la moindre idée de l'endroit où se trouvaient les porte-avions ennemis[98]. En réalité, les Américains ignoraient qu'une partie de l'aviation embarquée avait été basée à terre.

Le vice-amiral Ozawa n'avait pourtant pas ménagé sa peine pour se faire repérer. Il avait notamment rompu le silence radio et envoyé la majeure partie de ce qui restait de son aviation embarquée (réduite à une centaine d'appareils) attaquer le TG 38.3. Mais les Américains n'avaient pas identifié l'origine de cette attaque, qui s'était noyée parmi les attaques venues deLuçon. En effet, les pilotes japonais avaient reçu ordre de ne pas rentrer sur leurs porte-avions, mais d'aller se poser àLuçon, tant les chances de survie de ces bâtiments paraissaient faibles[99].

À la recherche des porte-avions
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Le vice-amiral Mitscher avait donc, vers11 h 55 demandé au contre-amiral Sherman d'envoyer des reconnaissances vers le nord, entre les caps 350 et 040. Mais plusieurs attaques japonaises en fin de matinée ont accaparé la chasse embarquée américaine, au point que le contre-amiral Sherman a dû demander au vice-amiral Mitscher d'envoyer les reconnaissances sans couverture de chasse, ce qui fut fait vers14 h 5[100].

En portant assistance à l'USS Princeton, le grand croiseur légerUSS Birmingham a subi plus de pertes que n'en a eues le porte-avions léger.

Pendant ce temps, les équipes de sécurité de l'USS Princeton et de plusieurs bâtiments du TG 38.3, en particulier du grand croiseur légerUSS Birmingham et du croiseur léger anti-aérienUSS Reno, s'étaient efforcées de venir à bout des incendies qui ravageaient le porte-avions léger, et paraissaient près d'arriver à leurs fins.

En ce début d'après-midi, la situation était incertaine, aux yeux des principaux commandants à la mer. Les porte-avions japonais n'avaient pas été repérés, ce qui préoccupait le vice-amiral Ozawa parce qu'il n'était pas en situation de jouer le rôle de diversion qui lui était imparti par le plan Sho-Gô, tandis que l'amiral Halsey aurait voulu connaître la position et la force de l'escadre des porte-avions japonais. Quant au vice-amiral Kurita, il n'avait pas subi de perte trop grave du fait des attaques aériennes, mais un de ses grands cuirassés était à la traîne avec une perte de flottabilité, et surtout il ignorait ce qu'il aurait à affronter, s'il parvenait à franchir le détroit de San-Bernardino.

L'amiral Halsey avait cependant une conviction à défaut de certitude, il lui fallait utiliser ses porte-avions rapides pour les frappes « au delà de l'horizon », mais utiliser ses cuirassés pour achever les navires ennemis endommagés. Peu après15 h, Halsey avait donc signalé à Nimitz et à MacArthur sa décision de former une Task Force 34 sous le commandement du vice-amiralLee pour engager l'ennemi au canon, à longue distance, avec les cuirassésUSS Iowa,New Jersey,Washington etAlabama, deux croiseurs lourds, trois grands croiseurs légers et deux escadrilles de destroyers, prélevés sur les TG 38.2 et 38.4. Pour l'amiral Halsey, c'était l'annonce d'une intention, mais le vice-amiral Kinkaid, qui a intercepté le message, a cru comprendre que c'était chose faite. Lorsque l'amiral Halsey précise, deux heures plus tard, que la TF 34 sera formée si l'escadre japonaise débouche du détroit de San-Bernardino[101], le message radio n'est pas intercepté par laVIIe flotte.

La situation tactique (ou du moins l'image que les états-majors en percevaient) a alors beaucoup évolué dans les heures qui ont suivi. À15 h 25, une énorme explosion dans le magasin de munitions arrière de l'USSPrinceton provoqua des pertes considérables (229 tués et420 blessés) sur les ponts de l'USSBirmingham qui se trouvait alors presque bord à bord avec le porte-avions. Au même moment, l'aviation embarquée du TG 38.3 repoussait une nouvelle attaque aérienne contre l'USS Essex qui en réchappa de peu[102].

Mais surtout, trois vagues d'attaques aériennes américaines se succèdent, chacune menées par un des trois Task Groups de la TF 38. La première, celle du TG 38.3, a signalé une fois encore qu'unYamato était immobilisé. Mais le rapport des aviateurs, transmis à l'amiral Halsey après uneséance d'évaluation des officiers de l'état-major du vice-amiral Mitscher, a signalé sobrement que deux croiseurs lourds et un cuirassé, au demeurant non identifiés, ont été endommagés[103]. Les deux dernières vagues d'assaut de l'aviation embarquée américaine ont été le fait des Task Groups du contre-amiral Davison (TG 38.4) et du contre-amiral Bogan (TG 38.2). Les rapports des aviateurs se sont dans les deux cas avérés exagérément optimistes quant aux dégâts subis par les grands bâtiments japonais. Ils furent en effet transmis à l'amiral Halsey sans une séance d'évaluation aussi sérieuse que pour ceux du TG 38.3. Un point a cependant particulièrement retenu l'attention : certains grands bâtiments ont été signalés à20 km à l'ouest de la position où ils avaient été observés précédemment et marchant cap à l'ouest, ce qui faisait penser qu'ils étaient sur une route de retraite[104]. Effectivement, à partir de16 h 30, le vice-amiral Kurita a fait faire demi-tour à la Force d'attaque et de diversionno 1, pour attendre le résultat des attaques de l'aviation japonaise sur les porte-avions américains, s'est-il justifié auprès de l'amiral Toyoda[105],[106].

Vers16 h 40, sont arrivés les premiers messages signalant une, puis deux forces comprenant des porte-avions à210 kilomètres à l'est de la côte nord deLuçon[107]. Les observations des reconnaissances étaient les suivantes : un premier groupe repéré composé de quatre cuirassés (dont un doté d'un pont d'envol à l'arrière), cinq ou six croiseurs et six destroyers marchant au 210 à 15 nœuds, puis un second comprenant deux porte-avions declasse Shōkaku, un porte-avions léger, trois croiseurs légers, peut-être un croiseur lourd et au moins trois destroyers, marchant cap à l'ouest à 15 nœuds, le tout signalé à 25 km au nord et 100 km à l'est du groupe précédent[108]. Toutefois, le vice-amiral Mitscher et son état-major ont considéré qu'il y avait sans doute une surestimation de cette « Force du Nord » car, compte tenu des cuirassés ennemis déjà repérés (cinq en mer de Sibuyan et deux dans la Force du sud), il ne pouvait y en avoir que deux dans la Force du Nord, effectivement dotés d'un pont d'envol à l'arrière. Quant aux porte-avions de laclasse Shōkaku, deux exemplaires avaient été mis en service, mais on savait que sur cinq porte-avions d'escadre, trois avaient coulé enmer des Philippines sans qu'on sache précisément à quelle classe ils appartenaient. Le vice-amiral Mitscher signala donc à l'amiral Halsey qu'il estimait cette nouvelle flotte à deux groupes : l'un de quatre cuirassésou croiseurs lourds, cinq croiseurs et six destroyers, l'autre de deuxShōkaku et un porte-avions léger, trois croiseurs légers et trois destroyers, ce qui était encore surestimé[109].

L'amiral Halsey à la poursuite de la « Force du nord »
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Levice-amiral Mitscher et son chef d'état-major, lecommodore Burke en ont tiré la conséquence. À16 h 45, le vice-amiral Mitscher a signalé au contre-amiral Sherman« en vue d'un contact au nord », et pour redonner toute sa capacité d'évolution à son Task Group, de saborder l'USS Princeton ce dont s'est acquitté l'USS Reno[109]. Vers17 h, estimant qu'il était trop tard pour lancer une attaque aérienne de jour contre les porte-avions japonais, les deux officiers ont échafaudé un plan de manœuvre pour lancer une attaque de nuit, au canon, exécutée par les cuirassésUSS Massachusetts etSouth Dakota avec en soutien deux croiseurs légers et une escadrille de destroyers, le tout prélevé sur le TG 38.3. Ce dernier se trouvait alors à200 km au sud des porte-avions japonais, et à150 km au nord des navires censés devoir constituer la Task Force, prévue dans le message de l'amiral Halsey deux heures plus tôt[101].

Néanmoins, l'amiral Halsey était versatile et fonceur.« Je crois en la violation des règles », avait-il dit une fois,« Nous les violons tous les jours. Nous faisons des choses qu'on n'attend pas. Mais le plus important, quoi que nous fassions jamais, nous le faisons vite[110]. » Il l'a montré à cette occasion, en changeant radicalement de plan de bataille.

Pour l'analyse de la situation générale, Halsey était convaincu que la force en mer de Sibuyan (désignée comme la « Force centrale ») n'était plus une menace. Il se fondait pour cela sur les rapports des aviateurs ayant participé aux dernières attaques : un cuirassé declasse Yamato était désemparé et avait sans doute coulé ; plusieurs autres cuirassés étaient très endommagés, enfin et le plus important, cette Force avait fait demi-tour[111]. En ce qui concerne la nouvelle « Force du Nord », qui n'avait alors fait l'objet d'aucune attaque, il y voyait« une fraiche et puissante menace[112] ». Il avait toujours cru à la puissance de frappe des porte-avions, et près de trois ans de guerre navale dans le Pacifique ne lui permettaient pas d'imaginer un seul instant que l'escadre de porte-avions ne fût pas une composante importante de la force de frappe de la flotte ennemie[46]. En d'autres termes, une fois repérés les porte-avions ennemis, il ne fallait plus les lâcher[97].

Il avait cependant une incertitude quant à la composition de cette nouvelle flotte nippone et il ne lui paraissait pas raisonnable d'aller l'affronter sans avoir une supériorité assurée. Cela l'amena à ne pas séparer une TF 34 (qui aurait monté la garde devant le détroit de San-Bernardino) de la TF 38 prévue, pour attaquer la flotte de porte-avions japonais, comme le proposaient, à leur façon, Mitscher et Burke. Pour Halsey, la seule solution possible était d'aller attaquer la « Force du Nord » avec toute la Task Force 38[112], et au demeurant, cela n'était pas en contradiction avec les instructions de l'amiral Nimitz[20].

Le vice-amiral Lee, ici contre-amiral en 1942-43, a été le commandant de l'éphémère Task Force 34.

Vers20 h 20, le plan de l'amiral Halsey est donc mis en œuvre. Les contre-amiraux Bogan et Davison reçoivent l'ordre de mettre cap au nord, à25nœuds, avec leurs TG 38.2 et 38.4, pour rallier une heure avant minuit le TG 38.3 et attaquer à l'aube, sous le commandement du vice-amiral Mitscher, la force de porte-avions japonais. Même le TG 38.1 du vice-amiralMcCain est mis à contribution, avec ordre de mettre cap au nord, dès qu'il aura ravitaillé[97]. En même temps, un message est adressé au vice-amiralKinkaid pour lui indiquer que la « Force centrale », très affaiblie, était encore en mer de Sibuyan, et pour l'avertir que l'amiral Halsey faisait mouvement vers le nord avectrois groupes. Cependant, le vice-amiral Kinkaid a interprété ce message en pensant qu'un quatrième groupe (en l'occurrence la TF 34) restait devant le détroit de San-Bernardino[113].

Un peu après23 h, les forces légères qui avaient été avariées en participant au soutien de l'USS Princeton ont mis le cap vers Ulithi. Lecaptain Inglis, commandant de l'USS Birmingham a signalé au contre-amiral Sherman« Essaierons de revenir aussitôt que possible. Au revoir, bonne chance. Frappez-les fort pour nous. »[114]

LeMusashi est coulé mais la « Force centrale » japonaise trouve la mer libre
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La situation différait toutefois assez sensiblement de celle qu'avait prise en compte l'amiral Halsey. En ce qui concernait la « Force centrale », le cuirassé géantMusashi était effectivement très mal en point en milieu d'après-midi du 24, il perdait de la vitesse et de la flottabilité. Lorsqu'il a fait faire demi-tour à sa flotte, le vice-amiral Kurita a ramené l'escadre à proximité duMusashi[115]. Interrogé après la guerre, il a estimé qu'hormis leMusashi (devenu une épave immobile) et leNagato dont les installations de transmission avaient été endommagées, il n'y avait« rien d'important à signaler pour les autres navires[105],[106] . » On sait aussi qu'il estimait que de toute façon, au moins la moitié de ses forces seraient détruites dans la bataille. Après les derniers assauts américains qui frappèrent encore durement leMusashi, Kurita abandonna donc le cuirassé géant à son sort et remit le cap à l'est, vers le détroit de San-Bernardino. Ayant encaissé le nombre considérable de16 torpilles et de18 bombes[116], leMusashi est englouti vers19 h 30[93] avec plus de 1 000 hommes sur les 2 400 de l'équipage[117].

À peu près au même moment, l'amiral Toyada signala de Tokyo« Confiante dans l'aide divine, la force entière attaquera » ce qui signifiait qu'il fallait attaquer et s'en remettre à l'aide divine pour ce qui était des pertes que la flotte aurait à subir[106].

Le vice-amiral Ozawa avait eu connaissance par une interception radio du repli initial vers l'ouest de la Force centrale. Il en a conclu que le vice-amiral Kurita avait dû renoncer, que sa mission de leurre devenait sans objet et que le plan Sho avait échoué. Il avait donc décidé lui aussi de se replier vers le nord. Mais l'amiral Toyoda ayant par son message grandiloquent rappelé à chacun où était son devoir, comme Nelson à Trafalgar, le vice-amiral Ozawa en conclut qu'il devait chercher le contact avec les forces américaines à tout prix et il détacha les deux cuirassés hybridesIse,Hyūga et quatre destroyers aux ordres du contre-amiral Matsuda qui mirent cap au sud[99].

Au sein du TG 38.2 du contre-amiral Bogan, un porte-avions, l'USS Independence[118] avait été aménagé en « porte-avions de nuit »[119]. La Force d'attaque de diversionno 1 du vice-amiral Kurita qui progressait à nouveau en mer de Sibuyan à plus de20 nœuds n'a pas échappé à ces reconnaissances. Un premier signal est reçu vers20 h 30, un second vers23 h, un troisième vers minuit, alors que les navires japonais approchaient du détroit de San-Bernardino.

Mais l'amiral Halsey ne les prit pas en considération, estimant qu'il ne pouvait s'agir que d'une partie des navires attaqués en mer de Sibuyan, ou encore en faisant référence au comportement des marins japonais manifestant un aveuglement« à la Guadalcanal » (en français dans le texte), pour exécuter des ordres inapplicables[120]. Plusieurs amiraux parmi lesquels le vice-amiral Mitscher[121], et le vice-amiralLee, ne partageaient pas la vision de l'amiral Halsey, subodorant que la « Force du Nord » était un leurre. Ceux qui essayèrent d'exprimer leur opinion, comme le contre-amiral Bogan[122] ont essuyé une rebuffade de l'état-major de l'amiral Halsey. Le vice-amiral Mitscher, à qui certains demandaient d'insister auprès de l'amiral, a répondu :« S'il le sait et qu'il veut mon avis, il me le demandera » et le vice-amiral Lee :« Si vous dites à l'amiral Halsey de faire quelque chose, c'est la seule chose qu'il ne fera pas. » et de conclure« Ça a été la plus grosse bourde tactique de la guerre[123]. »

Le vice-amiral Kurita pour sa part s'attendait à rencontrer de l'opposition en débouchant en mer des Philippines. Mais après avoir navigué à vue, en ligne de file, dans le détroit de San-Bernardino, il ne vit rien, pas même un destroyer enpiquet radar[105]. À 00 h 35, il commença à longer la côte deSamar en route vers le golfe de Leyte[124].

Bataille du détroit de Surigao

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Le vice-amiral Nishimura a commandé les deux cuirassés japonais qui ont été anéantis dans le détroit de Surigao.
Le vice-amiral Shima devait soutenir l'attaque japonaise dans le détroit de Surigao.

Enmer de Sulu, au sud des Philippines, les navires japonais qui devaient attaquer les forces amphibies américaines par le sud dans le golfe de Leyte, ont été repérés le24 octobre. Les deux cuirassés anciens, le croiseur lourd et les quatre destroyers qui, aux ordres du vice-amiralNishimura se trouvaient le plus à l'est n'ont subi, dans la matinée, qu'une seule attaque de l'aviation embarquée de laIIIe flotte, avec peu de résultats, ne ralentissant pas la marche des navires. Le groupe du vice-amiralShima, soit deux croiseurs lourds, un croiseur léger et quatre destroyers, suivait à une soixantaine de kilomètres plus à l'ouest. Également repéré, il ne subit aucune attaque[81]. Ces deux groupes, que les Américains ont désigné comme la « Force japonaise du sud », n'avaient en commun que leur objectif : entrer dans le détroit de Surigao versh du matin le25 octobre pour déboucher dans le golfe de Leyte versh et y retrouver la « Force centrale » que commandait le vice-amiral Kurita, dont on a vu qu'il allait franchir sans encombre ledétroit de San-Bernardino vers minuit dans la nuit du 24 au 25. Pour le reste, ils n'ont pas eu la possibilité de se coordonner car ils n'ont eu connaissance de cet objectif commun qu'après leur appareillage, Nishimura des îles Lingga (à côté de Singapour), Shima de Kure au Japon, et ils étaient soumis au silence radio imposé aux forces à la mer[125].

Le vice-amiral Kurita, retardé par les attaques de l'aviation embarquée américaine en mer de Sibuyan, allait avoir au moins six heures de retard. Le vice-amiral Shima l'avait compris et il a forcé la vitesse pour soutenir le vice-amiral Nishimura, sans pour autant le lui signaler. Celui-ci de son côté, considérait que sa mission était d'attaquer les Américains et d'entrer dans le golfe de Leyte en profitant de l'approche de la « Force centrale »[33], et n'estimait pas qu'il fût de son devoir de ralentir. Cette absence de coordination a peut-être aussi été délibérée de la part du vice-amiral Nishimura qui était un peu plus âgé que le vice-amiral Shima. Ce dernier avait été mieux classé dans leur39e promotion[126] à l'Académie navale d'Etajima, avait une ancienneté supérieure de quelques mois dans le grade de vice-amiral, et aurait donc été commandant supérieur à la mer s'ils avaient opéré ensemble[127].

Le contre-amiral Oldendorf, qui s'est illustré dans le détroit de Surigao, a commandé les cuirassés anciens de la Flotte du Pacifique du début de 1944 jusqu'à la fin de la guerre.

Dès que le vice-amiral Kinkaid a donné mission au contre-amiralOldendorf, commandant du Groupe de bombardement et d'appui feu (TG 77.2) d'arrêter la « Force japonaise du Sud », ordre a été donné aux cuirassés de la4e division (BatDiv4)USS Maryland,West Virginia etMississippi de l'Unité d'appui feu nord, aux ordres du contre-amiral George L. Weyler, de rallier les cuirassés de la2e division (BatDiv2)USS Tennessee,California etPennsylvania de l'Unité d'appui feu sud, aux ordres du contre-amiralChandler[128],[Note 8]. Une Force de bataille a ainsi été constituée, dont la coordination tactique a été confiée au contre-amiral Weyler. Trois croiseurs lourds et deux grands croiseurs légers, vingt destroyers et trente-neufvedettes lance-torpilles ainsi que deux croiseurs américains, un croiseur australien et six destroyers du Task Groupe 77.3, le Groupe de couverture rapprochée du contre-amiralBerkey complétaient le dispositif[18]. Le contre-amiral Oldendorf, commandant du Task Groupe 77.2, assurait la coordination tactique de l'ensemble, avec sa marque sur son navire-amiral de la4e division de croiseurs (CruDiv4) l'USS Louisville.

Carte de la bataille dans ledétroit de Surigao.

Persuadé que l'intention de manœuvre japonaise était de détruire les navires des forces amphibies américaines devant les plages de débarquement, le contre-amiral Oldendorf résolut de se placer entre les attaquants japonais et les plages et de ne pas se porter à la rencontre de l'ennemi pour l'engager au canon avec les grands bâtiments. En effet, les cuirassés avaient utilisé une proportion importante de leurs munitions lors des bombardements des jours précédents, leurs dotations en obus de perforation, pour un combat entre navires cuirassés étaient faibles et ils n'avaient pas de temps pour se réapprovisionner en munitions. Il fallait donc mettre en œuvre une tactique reposant sur un combat d'artillerie de courte durée. Tout ceci fut exposé par le contre-amiral Oldendorf lors d'une réunion tenue dans la journée du 24, sur l'USS Louisville[129].

Les forces américaines ont pris position le 24, à la nuit tombée : les cuirassés furent déployés dans la partie nord du détroit, en position de « barrer le T » aux navires venant du sud voulant déboucher dans le golfe de Leyte. Les croiseurs étaient placés en route parallèle aux cuirassés un peu plus au sud, en renforçant le flanc gauche, au cas où la force japonaise passée par le détroit de San-Bernardino aurait réussi à percer le dispositif américain. Les destroyers qui devaient s'efforcer d'affaiblir les assaillants en les attaquant à la torpille ont été déployés dans le détroit, et lesPT boats jusqu'enmer de Mindanao[130].

Attaque des vedettes lance-torpilles et des destroyers

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LesPT boats ont repéré l'approche de navires japonais à environ cent kilomètres au sud-ouest du détroit de Surigao, en mer de Mindanao, un peu après22 h. Regroupés en treize groupes sur une large zone pour une surveillance optimale, trente neufPT boats disponibles au sein de laVIIe Flotte sous les ordres ducommander Bowling, étaient à l'affût, par mer calme et nuit nuageuse. À22 h 35, la vedettePT-131 repéra l'approche des navires japonais à 10nautiques dans l'ouest-sud ouest. LesPT 130, 131 et 152 se portèrent aussitôt à l'attaque mais furent très vite bousculés par les navires japonais qui ripostèrent vigoureusement[131]. Au fil de la nuit, d'autresPT boats leur succédèrent mais avec des résultats similaires : les vedettes débusquaient les navires japonais (et ce malgré leurs radars brouillés par l'écho des côtes proches) mais les destroyers et l'artillerie secondaire des grands bâtiments les repoussaient continuellement. Ces actions durèrent jusque versh 25, sans résultats reconnus malgré34 torpilles tirées, et au prix de la perte d'unPT boat[132] (PT-493) et de dix autres endommagés. Trois marins américains ont été tués et vingt autres blessés. Sur le plan tactique, l'attaque desPT Boats bien que courageuse fut un échec. Mais elle permit de renseigner laVIIe flotte sur la composition et la route suivie par la force du vice-amiral Nishimura[133].

Àh 15, des navires japonais ont été repérés au radar, à40 km du navire amiral américain. Versh 30, les destroyers se sont déployés en deux colonnes, la54e escadrille de destroyers (DesRon54) aux ordres ducaptain J. G. Coward, sur le flanc gauche, et la24e escadrille de destroyers (DesRon24) aux ordres ducaptain K. M. McManes, sur le flanc droit, pour attaquer sur les deux flancs les navires emmenés par le vice-amiral Nishimura. Les attaques ont eu lieu versh eth 10, sous le feu japonais. Près de cinquante torpilles ont été lancées entre 8 000 et 10 000 mètres. Peu avanth 20 une très importante explosion a été observée sur un des cuirassés[134]. La question de savoir de quel cuirassé il s'agissait (Fusō ouYamashiro) a fait l'objet de débats entre historiens, depuis la fin de la guerre[135] : en fait, il s'est agi très vraisemblablement duFusō. Entreh 20 eth 35, leYamashiro et trois des quatre destroyers japonais ont été torpillés, deux des destroyers ont coulé presque aussitôt, leYamagumo àh 30, leMichishio àh 55, tandis que l'Asagumo a été achevé par les croiseurs américains dans la matinée du 25. La vitesse duYamashiro est tombée à moins de10 nœuds (18,5 km/h) et comme le croiseurMogami et le destroyerShigure ralentissaient pour ne pas disloquer ce qui restait de la formation, le vice-amiral Nishimura, pour les inciter à continuer d'avancer à la bataille, a signalé par radio« Nous avons reçu une attaque à la torpille. Vous devez continuer à avancer, et attaquer tous les navires[136] », et la progression vers le nord a repris, la vitesse du cuirassé revenue à 18nœuds. La détermination du vice-amiral Nishimura a inspiré cette réflexion à un officier américain qui l'observait :« Leur stratégie et leur renseignement semblaient être inversement proportionnels à leur courage »[137].

Au même moment, un nouvel engagement était en cours, entre lesPT boats de laVIIe flotte et les forces japonaises du vice-amiral Shima. Versh 20, au large de l'extrémité sud de l'île de Panaon, le croiseur légerAbukuma a été torpillé, ralenti et laissé à la traine[138]. Comme la bataille faisait rage entre les navires japonais et les destroyers américains, versh 45, l'épave duFuso a été secouée d'une énorme explosion et s'est brisée, les divers tronçons continuant à flotter[139].

Les cuirassés américains « barrent le T » aux cuirassés japonais

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L'USS West Virginia avait été pratiquement reconstruit après Pearl Harbor. On le voit ici en juillet 1944.

Les cuirassés américains, quant à eux, effectuaient des allers et retours d'ouest en est etvice versa, à 5nœuds, dans le détroit, avec l'intention d'ouvrir le feu lorsque les navires japonais seraient à20 000 yards (soit à peu près 18 300 m). Àh 50, alors que la distance était de21 000 yards (soit 19 200 m) pour les cuirassés et15 000 yards (soit un peu plus de 13 700 m) pour les croiseurs, le contre-amiral Oldendorf a donné l'ordre d'ouvrir le feu.

L'USSWest Virginia tirant dans le détroit de Surigao, le 25 octobre 1944.

Un déluge de feu s'est abattu sur les navires japonais de sorte qu'il fut à peu près impossible à chacun de savoir quel était le résultat de ses tirs, tandis que la riposte japonaise n'avait pas d'efficacité. Àh 1, le contre-amiral Oldendorf a donné ordre aux cuirassés de faire demi-tour et mettre cap à l'ouest pour éviter de tirer par-dessus les croiseurs du flanc gauche. L'exécution de cette évolution, par suite d'une fausse manœuvre de l'USS California a un peu perturbé la formation des cuirassés. Mais surtout une division de destroyers, la56e escadrille de destroyers (DesRon56) aux ordres ducaptain Smoot, partie à l'attaque avant l'ouverture générale du feu, s'est retrouvée prise sous des tirs croisés japonais et américains et le contre-amiral Oldendorf a décidé, àh 10, de faire cesser le feu[140] mais finalement un seul destroyer, l'USSAlfred W. Grant (DD-649) a sérieusement souffert recevant sept obus japonais de 120 mm et onze obus américains de 152 mm[141]. Le tir des cuirassés américains a largement dépendu de la performance de leur système de direction de tir, qui avait été modernisé sur certains cuirassés endommagés à Pearl Harbor. L'USS West Virginia a tiré seize salves (93 obus de 16 pouces), l'USS Tennessee treize (69 obus de 14 pouces), l'USS California neuf (63 obus de 14 pouces), l'USS Maryland six (48 obus de 16 pouces), l'USS Mississippi qui portait la marque du contre-amiral Weyler, une, pour vider ses canons, et l'USS Pennsylvania aucune[142]. Lorsque le contre-amiral Oldendorf a ordonné la reprise du feu, àh 19, aucune cible n'était plus visible, le champ de bataille était noyé dans la fumée. LeYamashiro avait disparu des écrans radar àh 18[143], leMogami avait mis cap au sud, comme le dernier destroyer japonais à flot, leShigure[144].

Après avoir remonté le détroit de Surigao pendant une heure à28 nœuds (52 km/h) en se dirigeant d'après les éclairs de la canonnade, le vice-amiral Shima, sur leNachi, àh 30, n'a repéré aucun navire américain, mais est entré en collision avec leMogami qui ne gouvernait plus. Àh 45, le vice-amiral Shima a décidé de se replier et mit le cap au sud[145]. Ainsi s'est achevée la dernière bataille entre cuirassés de l'histoire.

Le contre-amiral Oldendorf a conduit depuis son croiseur amiral la poursuite des éclopés japonais, aux premières heures du jour. Si les croiseurs lourds du vice-amiral Shima ont réussi à se dérober, leMogami a coulé dans la matinée du 25 octobre et l'Abukuma a été achevé par les bombardiers desUS Army Air Forces le lendemain[146].

La victoire américaine était écrasante : environ 4 000 marins japonais ont été tués au prix d'une trentaine de marins américains, mais avec ses munitions (obus et torpilles) presque épuisées et son carburant au plus bas, le Task Group du contre-amiral Oldendorf ne pouvait plus prendre aucune part à unebataille au large de Samar[147].

Bataille du cap Engaño

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Le24 octobre vers minuit, les trois Task Groups 38.2, 38.3 et 38.4 qui s'étaient rejoints, naviguaient cap au nord-ouest, à16nœuds, pour aller affronter dès l'aube, les porte-avions japonais qui se trouvaient en mer des Philippines, au large deLuçon, dont l'extrémité nord-est est le cap Engaño. Même si la manœuvre de l'amiral Halsey, qui laissait sans surveillance les cuirassés et croiseurs japonais de la « Force centrale » japonaise qui avaient été attaqués la veille enmer de Sibuyan, ne faisait pas l'unanimité au sein de laIIIe flotte, son intention de constituer une Task Force autour des cuirassés modernes et des croiseurs pour achever les bâtiments qui auront été endommagés par l'aviation embarquée faisait l'objet d'une adhésion résolue[148].

Versh 40, un hydravion de patrouille maritimeMavis est abattu par la chasse de nuit de l'USS Enterprise à30 km de la Task Force. Un peu aprèsh, une reconnaissance aérienne a signalé un groupe de trois grands bâtiments et trois petits à130 km au nord, marchant vers le sud-est à15nœuds, et une demi-heure plus tard, un grand groupe à65 km derrière. Le vice-amiral Mitscher a alors proposé à l'amiral Halsey de venir cap au nord et de former la Task Force 34, ce que le vice-amiral Lee a reçu ordre de faire peu avanth. Cette TF a été constituée des sept cuirassés des trois Task Groups, constituant une ligne de bataille aux ordres directs du vice-amiral Lee, de deux croiseurs lourds, de cinq grands croiseurs légers et de dix-huit destroyers, l'amiral Halsey assurant lui-même la coordination tactique de cette Force de Frappe de Surface Lourde[149].

Les porte-avions rapides américains attaquent les porte-avions japonais

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Le contact avec la « Force du Nord » a alors été malencontreusement perdu et il n'a pas été possible d'avoir un contact radar avec elle le reste de la nuit. Le vice-amiral Ozawa qui marchait au sud, avait, en effet au cours de la nuit, rappelé le groupe du contre-amiral Matsuda, et la jonction effectuée, était reparti vers le nord pour attirer laIIIe flotte le plus loin possible du détroit de San-Bernardino[150],[151].

Peu avanth, les patrouilles de reconnaissance de l'aube ont décollé pour rechercher les porte-avions japonais entre55 km et135 km, entre le nord et l'ouest-sud-ouest. La première vague d'attaque (60 chasseurs,65 bombardiers et55 avions torpilleurs) a suivi et devait attendre en vol que la cible ait été localisée. La recherche ne donnant pas de résultats, elle a été étendue à l'est du nord et àh 35, la totalité de la « Force du Nord » (le porte-avions d'escadreZuikaku, trois porte-avions légers, les deux cuirassés hybrides, trois croiseurs légers et huit destroyers) a été repérée marchant au sud à20nœuds, à225 km, à 15° à l'est du nord de la TF 38. Àh 10, les avions américains ont aperçu les sillages des navires japonais. Ils ont été surpris du très petit nombre des chasseurs en couverture, et de l'absence d'avions sur les ponts d'envol.

Le vice-amiral Mitscher en conversation avec lecommander McCampbell, meilleur « as » de la Navy et commandant du groupe aérien de l'USSEssex.

Quinze à vingt chasseurs japonais ont attaqué les assaillants, mais surclassés par la chasse embarquée américaine, qui a abattu plusieurs d'entre eux, ils se sont repliés et n'ont plus reparu de la journée[150]. Les navires japonais évoluaient en formation resserrée, les cuirassés en appui rapproché, la Défense Contre Avions était précise et intense, dégageant une fumée épaisse comme un cumulus. Au total, dans la journée, une dizaine d'appareils américains auront été détruits par le feu japonais[152].

Le vice-amiral Mitscher avait confié aucommander McCampbell la coordination de l'attaque qui incluait des éléments de tous les Task Groups, y compris celui du contre-amiral Davison, qui a ainsi participé à l'attaque de toutes les forces japonaises. McCampbell a choisi d'attaquer en priorité les porte-avions et a lancé le groupe de bombardement de l'USS Essex (VB-15) sur un porte-avions léger de laclasse Chitose, qui a reçu huit bombes de450 kg et deux torpilles desAvengers du groupe de torpilleurs (VT-15) de l'USSEssex. Attaqué également par des bombardiers de l'USS Lexington, il a ralenti à14 nœuds, a pris une fortegîte sur bâbord, a explosé et a coulé[153].

Les porte-avionsZuikaku, navire-amiral du vice-amiral Ozawa, etZuihō sous les bombes, le 25 octobre au matin, à la bataille du cap Engaño

Le second porte-avions léger de laclasse Chitose atteint par plusieurs bombes, s'est retrouvé immobilisé. Un croiseur léger frappé par une torpille a été secoué par une violente explosion. Le porte-avions d'escadreZuikaku a été endommagé par une torpille et par plusieurs bombes. Le destroyerAkizuki a sombré[150].

Les Américains apprendront plus tard que le vice-amiral Ozawa a alors décidé de transférer sa marque du porte-avionsZuikaku sur le croiseurŌyodo. En effet, les dommages subis par les systèmes de transmission du porte-avions ne permettaient pas de faire savoir à l'amiral Toyoda ni au vice-amiral Kurita que la mission fixée aux porte-avions japonais par le Plan Sho était remplie (les porte-avions rapides américains avaient été attirés à480 km du détroit de San-Bernardino), alors que le croiseur avait des équipements de transmission conçus pour répondre aux besoins d'un état-major de flotte[150],[154],[155].

Cependant, les résultats communiqués au contre-amiral Carney[156], chef d'état-major de laIIIe Flotte, lui ont fait déplorer les attaques aériennes répétées contre des navires endommagés, alors que l'amiral Halsey souhaitait que ceux-ci soient achevés par l'artillerie navale. Dès que le contact avait été établi avec la « Force japonaise du Nord », l'amiral avait signifié au vice-amiral Lee de se porter avec la TF 34 au contact de l'ennemi à20 nœuds. Aussitôt les résultats de l'attaque connus, il lui a signalé par radio d'avancer à25 nœuds[157]. Mais le commandant de laIIIe Flotte commençait à recevoir des messages très alarmistes du vice-amiralKinkaid, commandant laVIIe Flotte, au sujet du combat qui se déroulait au large deSamar entre les cuirassés et les croiseurs lourds du vice-amiral Kurita et des porte-avions d'escorte de laVIIe Flotte[158].

Dilemme de l'amiral Halsey

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« Où est la Task Force 34 ? » demande l'amiral Nimitz
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Une série de messages, parfois non chiffrés, vont ainsi être envoyés par le vice-amiral Kinkaid, commandant de laVIIe Flotte, annonçant d'abord que des porte-avions d'escorte sont attaqués par des cuirassés et des croiseurs japonais au nord-est de Samar, puis réclamant l'intervention des cuirassés de laIIIe Flotte, que Kinkaid croit chargés de surveiller le débouché du détroit de San-Bernardino. Le troisième message donne la composition de la force japonaise, quatre cuirassés et huit croiseurs, c'est-à-dire non pas une partie mais la totalité de la « Force Centrale » attaquée en mer de Sibuyan. Le quatrième indique que les cuirassés et les grands croiseurs de laVIIe Flotte sont dans l'incapacité de s'opposer aux grands bâtiments japonais. L'amiral Halsey pense d'abord que la gravité de la situation décrite par le vice-amiral Kinkaid est exagérée, et il va successivement répondre que les cuirassés américains sont avec lui, très au nord de Samar, puis qu'il a rappelé le Task Group 38.1 du vice-amiral McCain, avec cinq porte-avions, et qu'il lui a demandé d'attaquer les navires japonais au large de Samar[158].

À bord duNew Jersey, l'amiral Halsey va pendant plusieurs heures devoir ainsi gérer à la fois l'attaque et la destruction des dernières forces aéronavales japonaises au large du cap Engaño, et les appels au secours de laVIIe Flotte dans le golfe de Leyte. La réalité était que les dégâts subis par la « Force Centrale » japonaise en mer de Sibuyan ont été très surestimés, que ne pas avoir veillé à empêcher cette force de déboucher en mer des Philippines a été une erreur mais que si l'amiral Halsey décidait de faire demi-tour sans délai, il ne pourrait espérer apporter un soutien efficace aux forces américaines dans le golfe de Leyte avant le lendemain matin[159].

A contrario, face aux porte-avions japonais, la situation se présentait sous les meilleurs auspices, et dans des délais qui se situaient entre une et deux heures, de sorte que l'amiral Halsey n'avait aucune intention de changer ses instructions à court terme, et il a laissé les cuirassés de la TF 34 et les porte-avions de la TF 38 continuer au nord à pleine vitesse[159]. Une deuxième vague d'attaque moins nombreuse, a été lancée et a encore immobilisé plusieurs navires japonais, tandis que quelques autres faisaient des cercles autour des premiers pour les protéger[160].

Mais, à10 h, est arrivé un message, cette fois de l'amiral Nimitz :« Où est, je répète, où est la Task Force 34 ? Le monde s'interroge. » L'amiral Halsey a cru y voir un reproche, il en a pleuré de rage, à la pensée de voir lui échapper son « opportunité en or »[160] comme il le dira plus tard, son chef d'état-major a dû le raisonner. En réalité, le message a été mal déchiffré[Note 9] mais le mal est fait. Encore un peu après11 h, alors que les cuirassés sont à une quarantaine de kilomètres en avant des porte-avions, le contre-amiral Bogan va signaler qu'une reconnaissance aérienne du TG 38.2 a repéré trois porte-avions japonais immobilisés à65 km des cuirassés du vice-amiral Lee, autrement dit après une heure à25 nœuds les cuirassés seront à portée de tir. Les équipages des cuirassés scrutent l'horizon pour voir apparaitre les mâtures des porte-avions japonais. Mais à11 h 15, ordre est donné à la Task Force 34 de virer à 180° pour mettre cap au sud. L'amiral Halsey a alors répondu à la question de l'amiral Nimitz que les cuirassés rapides étaient avec lui et qu'ils naviguaient cap au sud pour aller porter assistance à laVIIe Flotte, mais il a précisé pour le vice-amiral Kinkaid qu'il ne pouvait pas être attendu plus tôt qu'àh le lendemain[160].

Mais cette intervention du Commandant-en-Chef de la Flotte du Pacifique, depuis son QG de Pearl Harbor, auprès du commandant supérieur à la mer, a été sévèrement critiquée, en ce qu'elle a seulement permis aux éclopés de la flotte du vice-amiral Ozawa d'échapper à une destruction imminente. Certains sont allés jusqu'à la rapprocher de celle de l'amiral de la FlotteDudley Pound,Premier Lord de la Mer, entrainant la dislocation duconvoi de Russie PQ 17 à l'été 1942[161].

...et les cuirassés américains se retirent sans combattre
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À midi, la TF 34 est dissoute en tant que commandement autonome. Dans un premier temps, pour se porter au secours de laVIIe Flotte, l'amiral Halsey choisit d'emmener les six cuirassés modernes, le TG 38.2 du contre-amiral Bogan, avec les porte-avionsUSS Intrepid,Cabot etIndependence pour la couverture aérienne, trois grands croiseurs légers et huit destroyers. Mais ces petits bâtiments qui devaient assurer la sécurité contre les sous-marins, allaient avoir à soutenir une vitesse élevée pendant sept à huit heures, il fallait avant de filer vers le sud, en refaire les pleins auprès des cuirassés, ce qui a conduit à réduire la vitesse à16 nœuds.

Le porte-avionsZuikaku, en début d'après-midi, le 25 octobre 1944, à la bataille du cap Engaño.

Il appartenait aussi dès lors au vice-amiral Mitscher, ne disposant plus que des deux Task Groups TG 38.3 et 38.4, d'en finir avec les navires du vice-amiral Ozawa et les croiseursUSS Wichita,New Orleans,Santa Fe,Mobile et dix destroyers ont été remis à sa disposition[162].

Sans attendre, le vice-amiral Mitscher avait fait décoller vers midi la troisième vague d'assaut aérien, forte de160 appareils, aussitôt que les avions de la première vague eurent été ravitaillés en carburant et réarmés. Vers13 h 30, leZuikaku, leZuihō et un cuirassé hybride ont été repérés semblant peu endommagés, marchant cap au nord à20 nœuds. DouzeHelldivers de l'USS Lexington et neuf de l'USS Essex ont lancé des bombes perforantes d'une demi tonne sur leZuikaku, qui en a encaissé plusieurs, provoquant des incendies.

L'équipage duZuikaku salue le pavillon avant d'abandonner le porte-avions dans l'après midi du25 octobre

LeZuiho a été également endommagé, mais il a semblé en mesure de maîtriser ses incendies. Une nouvelle attaque de l'aviation embarquée sur lesUSS Enterprise,Franklin etSan Jacinto l'ont endommagé de nouveau. Vers14 h 30, leZuikaku qui gîtait fortement sur bâbord, a commencé à chavirer et s'est englouti[163],[164].

Le porte-avions léger japonaisZuiho durant la bataille, vu depuis un avion de l'USSEnterprise.

Lorsque le ravitaillement des destroyers s'est achevé vers16 h, l'amiral Halsey a changé une nouvelle fois son dispositif, et décidé de ne partir qu'avec l'USS New Jersey qui portait sa marque, l'USS Iowa, les trois grands croiseurs légers et huit destroyers, laissant le TG 38.2 suivre à la vitesse des autres cuirassés dont la vitesse maximale était inférieure de cinq à six nœuds à celle des cuirassés de laclasse Iowa[165].

La quatrième vague d'attaque de l'aviation embarquée américaine est arrivée une demi-heure plus tard. Plusieurs bombes d'une demi tonne et deux torpilles sont venues à bout duZuiho[166],[167],[168].

Au moment où l'amiral Halsey est enfin parti à grande vitesse vers le sud, il ne restait à flot des porte-avions du vice-amiral Ozawa que leChiyoda, immobilisé depuis le début de la matinée. Pensant qu'il avait été abandonné, le contre-amiral Sherman a proposé au vice-amiral Mitscher de le prendre en remorque pour le ramener comme prise de guerre. Mitscher a refusé, ordonnant que les porte-avions américains ne s'approchent pas à moins de100 km des navires japonais. Il a donné ordre au contre-amiral DuBose à qui avait été confié le commandement d'un Task Group 30.3, dont les croiseurs récupérés lors de la dissolution de la TF 34 formaient le noyau, d'aller achever ce porte-avions au canon. Le contre-amiral DuBose a exprimé sa préoccupation de devoir affronter les cuirassés hybrides qui portaient huit pièces de14 pouces (356 mm) ; mais ceux-ci ayant été signalés s'éloignant vers le nord, le TG 30.3 s'est rapproché du porte-avions et a ouvert le feu vers16 h 25. Le porte-avions qui n'avait pas été abandonné, a riposté, mais à16 h 40, il était en flammes, et il a coulé quelques minutes plus tard. Aucun rescapé n'a été récupéré[169],[170].

Une cinquième et dernière attaque aérienne avant le coucher du soleil a rassemblé96 appareils desUSS Essex,Lexington,Langley, etEnterprise. Peu après17 h, elle a pris pour cibles lesIse etHyūga, mais malgré les rapports optimistes des aviateurs américains, ne leur a infligé que de « très légers dommages » selon le chef d'état-major du vice-amiral Ozawa[171].

Les croiseurs américains ont ensuite recherché d'autres cibles vers le nord et ont ainsi échangé des tirs jusqu'après19 h avec des destroyers qui ont réussi à se mettre hors de portée[172]. Vers19 h 30, pensant avoir affaire à deux cuirassés, le vice-amiral Ozawa a décidé de faire demi-tour, et a marché avec ses deux cuirassés à la rencontre des bâtiments américains. Mais la nuit étant tombée, et ses destroyers commençant à être à court de mazout, le contre-amiral DuBose a fait demi-tour vers21 h 50. Ne rencontrant personne, l'amiral japonais a remis cap au nord, vers le Japon[173].

Le vice-amiralLockwood, commandant les sous-marins de la Flotte du Pacifique, avait déployé plusieursmeutes de sous-marins sur les routes de retour des bâtiments japonais, faisant miroiter à ses sous-mariniers« la chance de leur vie ». Vers23 h 10, l'USS Jallao[174] qui faisait partie de la meute des « Clarey's Crushers » (enfrançais :Les Concasseurs de Clarey car lecommander B. A. Clarey y était l'officier le plus gradé), a coulé de trois torpilles un des troiscroiseurs légers de la « Force du Nord » japonaise, leTama de laclasse Kuma[175].

Bataille au large de Samar

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Carte des mouvements des navires japonais (en rouge) et américains (en noir) durant la bataille au large de Samar.

Le25 octobre au petit matin, seize des dix-huit porte-avions du Groupe d'appui aérien de laVIIe Flotte (TG 77.4) que commandait le contre-amiral Thomas L. Sprague[176], allaient prendre position à l'est de l'archipel philippin, pour la journée.

Le Task Group comprenait trois unités :

La mission du TG 77.4 était le soutien aérien des forces amphibies débarquées sur la côte orientale du golfe de Leyte. La22e division de porte-avions était constituée de quatre porte-avions de laclasse Sangamon, les quatorze autres porte-avions appartenaient à laclasse Casablanca, mais lesUSS Chenango etUSS Saginaw Bay ont été détachés vers Morotai[18]. Ces porte-avions d'escorte avaient été conçus pour la lutte anti-sous marine, leur déplacement à pleine charge était de l'ordre de 24 000 tonnes pour la classe Sangamon et de 10 000 tonnes pour la classe Casablanca, leur vitesse maximale de17-18 nœuds, leur artillerie principale une pièce unique de127 mm pour la classe Casablanca, deux sur la classe Sangamon, leur groupe aérien de30 ou 28 appareils[177] sensiblement des mêmes types que sur les porte-avions d'escadre (mais les chasseurs y étaient desWildcats au lieu deHellcats), avec des bombes semi-perforantes ou hautement explosives d'un quart de tonne plutôt que des bombes perforantes d'une demi tonne, des charges anti-sous marines, et une dotation totale d'une douzaine de torpilles par bâtiment. Ces porte-avions avaient « fait le job » en 1943 dans labataille de l'Atlantique, mais avaient aussi rendu les plus grands services, dès la fin de 1942 dans ledébarquement en Afrique du Nord[Note 10], en 1943 dans les débarquements en Italie, et en 1943-1944 dans le Pacifique central, ce qui leur avait valu le surnom de « jeep carriers » qu'on peut traduire enfrançais : « porte-avions à tout faire »[Note 6]. Pour autant, il n'était aucunement prévu que ces bâtiments aient à affronter les plus puissants cuirassés du monde[178].

Les porte-avions d'escorte de laVIIe Flotte face aux cuirassés japonais

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Le cuirassé géantYamato et un croiseur de laclasse Tone à l'attaque, le 25 octobre au matin, au large de Samar.

Àh 30, les reconnaissances aériennes et anti-sous marines ont décollé de la TU 77.4.3 qui se trouvait au nord du dispositif américain, marchant au nord en zigzag à14 nœuds. Un peu aprèsh 30, quelques signaux prémonitoires (interférences de conversations radio en japonais, échos radar non identifiés dans l'ouest-nord-ouest) ont fait mettre le cap au sud-ouest[179]. Àh 45, une importante force navale, composée de plusieurs cuirassés aux mâts en pagode et de nombreux croiseurs et destroyers est apparue à l'horizon, dans l'ouest-nord-ouest. Les équipages ont été rappelés aux postes de combat, le cap mis plein est pour pouvoir décoller avec le vent soufflant du nord-est, tout en s'éloignant de l'ennemi, la vitesse poussée à16 nœuds, et les préparatifs de décollage activés[180].

L'USS White Plains, sous le feu japonais, vu depuis l'USS Kitkun Bay, le 25 octobre 1944 au large de Samar

La surprise était grande sur les navires américains, car pour le commandement de laVIIe Flotte, la conviction était acquise que laIIIe Flotte contrôlait le débouché en mer des Philippines par le détroit de San-Bernardino[181]. Mais les marins japonais n'étaient pas moins surpris, car aucun compte-rendu de l'aviation basée à terre n'avait signalé aux forces à la mer la présence des porte-avions d'escorte. La surestimation des forces rencontrées, assez habituelle en pareilles circonstances, qui fait prendre des croiseurs pour des cuirassés et des destroyers pour des croiseurs, a fait penser à l'état-major de la force japonaise qu'il se trouvait en face de porte-avions rapides de laIIIe Flotte[32],[182],[183] le vice-amiral Kurita a ordonné« Attaque générale ! » et àh 58, les canons de460 mm duYamato ont ouvert le feu à 25 000 mètres environ[184],[185].

La supériorité japonaise est manifeste
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Les destroyers deTaffy 3 tendent un rideau de fumée pour masquer les porte-avions.

D'énormes gerbes colorées, jaunes, rouges, vertes ou bleues, se sont élevées dangereusement près des petits porte-avions, manquant de peu l'USS White Plains, puis l'USS St. Lo[185]. Le contre-amiral Clifton Sprague a alors demandé aucommander W. Thomas de faire tendre un rideau de fumée par les bâtiments d'escorte qu'il commandait, trois destroyers de laclasse Fletcher, et quatredestroyers d'escorte. Mais marchant à une vitesse supérieure sur une route convergente, à 20° au sud de l'est, la force japonaise se rapprochait rapidement et allait mettre les porte-avions en très grande difficulté[185],[186]. Ungrain de pluie réduisant considérablement la visibilité a, versh 20, opportunément permis aux porte-avions de mettre cap au sud, pour se rapprocher des autres unités du Task Group[183]. Aussitôt qu'ils ont été de nouveau visibles des navires japonais, ceux-ci ont repris la chasse, cap au sud, les destroyers sur le flanc droit, les croiseurs de laclasse Tone sur le flanc gauche, les cuirassés et les autres croiseurs talonnant les porte-avions[187],[188].

Le vice-amiralKinkaid, commandant de laVIIe Flotte, qui avait la responsabilité de la couverture rapprochée du débarquement de Leyte, était extrêmement inquiet de cette irruption de puissants navires de surface japonais, auxquels il était bien en peine de faire face, alors qu'ils ne menaçaient pas seulement les porte-avions du Groupe d'appui aérien, mais toutes les forces amphibies et les troupes à terre qui en dépendaient. Le Groupe d'Appui Feu et de Bombardement du contre-amiral Oldendorf qui venait de repousser victorieusement l'attaque japonaise dans le détroit de Surigao comptait des cuirassés anciens bien moins puissants que leYamato et qui se trouvaient très à court de munitions et de mazout[189]. Et la réponse que le vice-amiral Kinkaid a reçue de l'amiral Halsey à un message qu'il avait envoyé dans la nuit[190], indiquant que les cuirassés modernes étaient à plusieurs centaines de kilomètres au nord, c'est-à-dire pratiquement à une demi journée de mer, ne pouvait que l'accabler. Il a alors envoyé à l'amiral Halsey message sur message, parfois à quelques minutes d'intervalle, parfois aussi sans être chiffrés, d'abord signalant l'attaque, ensuite demandant l'intervention des cuirassés rapides, donnant la composition de la force ennemie ou signalant la faiblesse des bâtiments de ligne dont il disposait.

Dans le même temps, le contre-amiral Clifton Sprague a demandé à sa force d'escorte de lancer une attaque à la torpille[191], et le contre-amiral Thomas Sprague a demandé aux autres unités du Task Group d'envoyer tous les avions disponibles soutenirTaffy 3[189].

La pugnacité américaine n'empêche pas la perte de l'USSGambier Bay
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En manœuvrant pour éviter des torpilles qui avaient manqué leHaruna, leYamato se retrouve dans la contre marche d'un autre cuirassé japonais.

Sans en attendre l'ordre, avanth 30, lecommander Evans avait lancé le destroyer qu'il commandait, l'USS Johnston[192], à l'attaque des grands bâtiments japonais. Il a torpillé leKumano endommageant sa proue, ce qui a contraint ce croiseur lourd à quitter le champ de bataille[193], le contre-amiral Shiraishi transférant sa marque sur leSuzuya. Puis l'USSJohnston a soutenu d'un tir très nourri de ses pièces de 127 mm les destroyersUSS Hoel[194] etUSS Heermann[195] dont les attaques à la torpille des cuirassés rapidesHaruna etKongō ont désorganisé la ligne de bataille japonaise[196]. Le destroyer d'escorteUSS Samuel B. Roberts[197] qui suivait les deux destroyers et dont la vitesse maximale prévue était de23 nœuds a réussi à atteindre28 nœuds pour se rapprocher à moins de 5 km du croiseur lourdChōkai, lui lancer trois torpilles qui l'ont atteint à la poupe, et lui tirer plusieurs centaines de coups de 127 mm dans les superstructures[198].

Le destroyer d'escorte USSSamuel B. Roberts a été coulé au large de Samar le 25 octobre 1944.

Mais tous ces bâtiments légers ont beaucoup souffert de leur engagement contre des cuirassés et des croiseurs lourds. Certes, la conduite de tir de labatterie de 127 mm des destroyers était excellente, le tir japonais était relativement lent et plus chanceux que précis (les tirs encadrants ont été fréquents et les coups au but proportionnellement plus rares), les obus perforants de gros calibre trouaient les tôles minces des destroyers sans exploser[199], mais finalement, le combat était trop inégal. Les marins américains en étaient parfaitement conscients. Ainsi, lelieutenant commander Robert W. Copeland a lancé par haut parleur à l'équipage de l'USSSamuel B. Roberts qu'il commandait« Ce sera un combat avec des difficultés considérables auquel il ne faut pas s'attendre à survivre »[200],[201],[Note 11].

L'USSHoel, après avoir attaqué à la torpille à 12 500 m les deux colonnes de grands bâtiments japonais, a été pris en étau entre les deux colonnes ennemies ; il a reçu plusieurs obus de14 pouces (356 mm), à l'effet dévastateur, a dû être abandonné[202], et a coulé versh 30. L'USSSamuel B. Roberts qui avait engagé leChikuma qui tirait sur l'USS Gambier Bay, a été accablé par les croiseurs qui assaillaient le porte-avions, l'équipage a combattu jusqu'à la dernière extrémité, comme le chef canonnier de la tourelle arrière de 127 mm, Paul H. Carr[203],[204], et le destroyer d'escorte a coulé versh. L'USSJohnston, zigzagant entre les porte-avions et les destroyers américains au risque de les aborder ou de se faire éperonner[202], ne cessant pas de tirer sur les têtes de colonnes japonaises qui l'accablaient d'une« avalanche d'obus »[205], a été très sévèrement endommagé[206], et a coulé en fin de matinée.

La charge des bâtiments légers ducommander Thomas[207] n'a pas fait cesser la canonnade des cuirassés et croiseurs japonais contre les porte-avions d'escorte américains, qui marchaient cap au sud-ouest, en deux groupes, lesUSS Fanshaw Bay,USS White Plains etUSS Kitkun Bay, en avant,USS Gambier Bay,Kalinin Bay etSt. Lo en arrière. C'est ce dernier groupe qui a été le plus touché[205]. L'USSFanshaw Bay, sur lequel le contre-amiral Clifton Sprague avait sa marque, a reçu six coups de8 pouces (203 mm) et l'USSKalinin Bay en a reçu quinze[208]. Les croiseurs japonais sur le flanc gauche contrariaient la mise en œuvre des appareils embarqués, et la centaine d'appareils qui se trouvaient en l'air ou qui ont réussi à décoller, ont dû aller se poser sur les porte-avions d'autres unités du Task Group (l'USS Manila Bay de la TU 77.4.2 a ainsi accueilli jusqu'à onze appareils des porte-avionsUSS Sangamon,White Plains,Kitkun Bay etGambier Bay) ou sur les pistes de fortune établies sur la côte de Leyte[209]. Mais la distance se réduisant à moins de 15 000 m, les porte-avions ont pu utiliser leur unique pièce de 127 mm. L'USSKalinin Bay aurait ainsi atteint leHaguro[208] et l'USSWhite Plains a endommagé les plates formes lance-torpilles duChōkai. Leur explosion va forcer le croiseur lourd à quitter la ligne[198].

Le porte-avionsUSS Gambier Bay sous le feu de bâtiments japonais, dont un croiseur lourd est visible à l'horizon à droite.

Versh 20, pris sous le feu de trois croiseurs, l'USS Gambier Bay a été endommagé par des obus qui l'ont manqué de peu ou n'ont pas explosé mais qui ont provoqué des déchirures dans lebordé en dessous de la ligne de flottaison. L'eau a envahi les machines, l'USSGambier Bay s'est immobilisé et a pris de la gîte sur bâbord, avant de chavirer et de couler peu aprèsh[210].

À partir deh 30, l'aviation embarquée de la TU 77.4.2 du contre-amiral Stump a attaqué les grands navires japonais avec 28 chasseurs et 31 Avengers, mais en ayant mis le cap au nord-est pour lancer leurs avions, les porte-avions s'étaient rapprochés de l'unité du contre-amiral Clifton Sprague qui marchait au sud-ouest et donc des croiseurs japonais qui la talonnaient. LeChōkai déjà avarié, a été bombardé par des Avengers de l'USS Kitkun Bay. Il a reçu sur l'arrière une bombe semi perforante d'une demi-tonne qui l'a immobilisé et le destroyerFujinami a été détaché pour en recueillir l'équipage[198]. Cependant les croiseurs japonais sur le flanc gauche gagnaient encore sur les porte-avions et semblaient près de leur couper la route et de les acculer sous les canons des cuirassés[211]. Mais àh 25, le vice-amiral Kurita a signalé« À tous les navires, ma route au nord, vitesse20 nœuds. »[212]

Le contre-amiral Clifton Sprague, qui aura des propos très critiques à l'égard de l'amiral Halsey, a vu dans ce signal aussi surprenant que salvateur pour ses navires, la conséquence du sacrifice des bâtiments d'escorte et des aviateurs des porte-avions, mais a aussi mentionné dans son rapport d'opérations« la partialité bien arrêtée de Dieu Tout-Puissant »[213].

Tergiversations du vice-amiral Kurita
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Les raisons pour lesquelles le vice-amiral Kurita a mis fin à l'attaque des porte-avions d'escorte de laVIIe Flotte n'ont jamais été totalement élucidées[26],[212], l'amiral japonais n'ayant jamais été prolixe ni précis sur ce sujet[32]. Il lui paraissait nécessaire, en prévision des attaques aériennes qu'il anticipait, de remettre de l'ordre au sein de sa formation dispersée après deux heures et demie de combats où, en raison de la pugnacité des Américains, les manœuvres individuelles l'avaient emporté sur les mouvements d'escadre, a-t-il indiqué lors de son interrogatoire par des officiers américains après la guerre[214],[215]. Son chef d'état-major, le contre-amiral Koyanagi a indiqué que l'ordre d'arrêt de l'attaque générale avait été donné sans que l'on ait eu, sur leYamato, pleinement conscience, en raison de la fumée et desgrains que les croiseurs les plus avancés n'étaient qu'à environ8 km des porte-avions d'escorte américains[215],[216].

Aussitôt que les porte-avions du contre-amiral Clifton Sprague ont mis cap au sud, à15 nœuds, pour aller panser leurs plaies, douze Avengers et huit chasseurs de l'unité du contre-amiral Stump ont décollé versh 35, sans encombre malgré un vent de travers[213]. Seize Avengers et vingt-huit chasseurs avaient décollé, versh 30, des porte-avions de l'unité sud, celle du contre-amiral Thomas Sprague, pour couvrir le débarquement sur Leyte, mais avaient été redirigés pour soutenir les porte-avions attaqués. Après trois heures en l'air, ils se sont retrouvés à court de carburant et certains ont dû aller se poser sur les pistes à peine praticables proches deTacloban ou deDulag, tandis que d'autres se sont posés en mer[217].

LeChikuma utilise ses hélices pour manœuvrer au large de Samar, après qu'une torpille a endommagé son gouvernail.

Au cours des attaques menées alors par l'aviation embarquée américaine, leChikuma a été attaqué versh 50 par quatre Avengers. Il a reçu une torpille à l'arrière bâbord qui a endommagé une hélice et le gouvernail, rendant le croiseur ingouvernable[218].

Avant de repartir à l'attaque, car telle était alors l'intention du vice-amiral Kurita[213], il lui est apparu nécessaire de faire le point avec l'état-major de la Force d'attaque de diversion japonaise, sur la situation des navires avariés et des autres forces japonaises[219]. Mais à ce moment, le vice-amiral Ozawa était dans l'incapacité de communiquer correctement depuis leZuikaku et aucune information n'était encore parvenue sur le sort de la force du vice-amiral Nishimura, le commandant duShigure n'enverra un message que vers midi[220]. Pendant deux heures, les navires japonais eurent une course assez erratique et ont été signalés marchant au nord, mais aussi par deux fois au sud, et toujours à quelques heures de marche du golfe de Leyte, ce qui ne manquait pas d'inquiéter considérablement le vice-amiral Kinkaid, surtout dans la seconde situation, d'autant que l'aviation terrestre japonaise ne manquait pas de profiter de l'engagement des porte-avions d'escorte au large, pour bombarder les troupes à terre jusqu'à Tacloban[221]. Le commandant de laVIIe Flotte n'a donc pas cessé d'envoyer des messages à tonalité très alarmiste à l'amiral Halsey[222], qui a répondu qu'il avait demandé au vice-amiralMcCain dont le TG 38.1 était la grande unité la plus proche du golfe de Leyte, de lancer au plus vite une attaque contre la Force centrale japonaise[158].

Au vu des éléments dont il disposait, c'est-à-dire avec une aviation de reconnaissance très faible (les hydravions d'observation avaient été débarqués et envoyés àSan Jose (en) (Mindoro)[73]), sauf ceux duYamato), il est apparu au vice-amiral Kurita que, compte tenu du retard pris depuis la veille en mer de Sibuyan et au large de Samar, il y avait de bonnes raisons de penser que les transports américains auraient quitté la proximité des plages de débarquement. Se présenter en début d'après midi dans le golfe de Leyte n'aurait donc plus bénéficié de l'avantage de la surprise, et s'y aventurer dans l'ignorance de la position des porte-avions d'escadre américains revenait à« sauter dans un piège de l'ennemi ». Le vice-amiral Kurita qui disposait encore de quatre cuirassés, en bonne condition de combat, et de deux croiseurs lourds, deux croiseurs légers et dix destroyers[222], a alors estimé que la priorité n'était plus l'attaque des forces amphibies mais la recherche du contact avec les autres porte-avions d'escadre américains, car les dégâts infligés à quatre de ses croiseurs l'avaient confirmé dans l'idée que les bâtiments qu'il venait d'affronter en faisaient partie. Au demeurant l'abandon de l'objectif d'attaque des forces amphibies allait dans le sens souhaité par certains officiers de marine[26], comme son chef d'état-major, le contre-amiral Koyanagi[223].

Sans disposer de forces de reconnaissance tant navales qu'aériennes, il a estimé que les bâtiments qu'il recherchait se trouvaient au large deLuçon, à peu près là où avait coulé la veille le porte-avions que l'aviation navale japonaise basée à terre avait attaqué. Or les porte-avions rapides américains se trouvaient en réalité300 km plus au nord, au contact des porte-avions du vice-amiral Ozawa, comme le prévoyait le Plan-Sho[222], mais cela le vice-amiral Kurita ne le savait pas.

Sensiblement à l'heure même où l'amiral Halsey, sur l'USS New Jersey, s'est résigné à mettre cap au sud avec ses cuirassés rapides, au large du cap Engaño, le vice-amiral Kurita, sur leYamato, a mis cap au nord, au large de Samar[224]. Dans quelle mesure sa décision a aussi été déterminée par la succession d'attaques venant de porte-avions d'escorte de laVIIe Flotte n'est pas établi[225]. Néanmoins, la quatrième et plus importante attaque de la TU 77.4.2 du contre-amiral Stump, avec37 avions torpilleurs et19 chasseurs, a porté des coups décisifs à deux croiseurs lourds déjà endommagés, on le verra plus loin. Elle a commencé, à11 h 40 par l'attaque des navires japonais qui se dirigeaient vers le golfe de Leyte, cap au sud-ouest, mais, plus tard, selon les pilotes, ils ont viré au nord, à grande vitesse, et ils n'en ont plus dévié[224].

Les attaques deskamikaze coulent l'USSSt. Lo

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Les hommes de l'unité « Shikishima », avec le vice-amiral Onishi, pendant le toast cérémonial, peu avant leur départ pour la première attaque-suicide

Les vice-amirauxOnishi etFukudome, commandants en chef des1re et2e Flottes aériennes, basées àLuçon, sachant la mission de sacrifice de la Flotte, ont pensé qu'il leur fallait agir avec autant de détermination et d'esprit de sacrifice et ils ont décidé d'engager la Force Spéciale d'Attaque, plus connue sous l'appellation deKamikaze. Même si auparavant des pilotes japonais avaient écrasé leur avion dans le feu du combat sur des navires américains ou alliés, avec l'attaque duHMAS Australia, le 21 octobre, ce fut la première fois qu'une telle attaque a été conduite de façon coordonnée et délibérée par une formation constituée dans ce but. Preuve de l'insuffisante coordination entre les forces japonaises, pourtant appelées à coopérer, la décision de mise en œuvre de cette nouvelle méthode de combat a été prise sans concertation entre l'aviation basée à terre et les forces à la mer[226].

C'est la TU 77.4.1 du contre-amiralThomas Sprague, la plus au sud du dispositif, qui a subi la première attaque, versh 40, menée par quatre chasseurs« Zero». Le premier a piqué sur l'USS Santee[227], et s'est écrasé sur le pont d'envol à bâbord avant, tuant seize marins et provoquant un incendie qui a contraint à jeter à la mer des bombes de450 kg que le feu menaçait. Le second a plongé vers l'USS Sangamon mais, atteint par la DCA, il a dévié et est tombé devant la proue à bâbord. Le troisième a plongé sur l'USS Suwannee et s'est écrasé sur le pont d'envol en avant de l'ascenseur arrière, le moteur explosant dans le hangar, mettant l'appareil de direction du navire temporairement hors service, alors que l'USSSantee était victime d'une attaque sous-marine concomitante[228] du sous-marinI-56[229].

Les porte-avions d'escorte de laVIIe Flotte n'ont pas cessé leurs attaques après que le combat au canon eut pris fin. La quatrième attaque menée par la TU 77.4.2 du contre-amiral Stump a commencé vers11 h 40. Au cours de celle-ci, vers12 h 5, leChikuma, attaqué par cinq Avengers de l'USS Kitkun Bay a reçu deux torpilles à bâbord qui ont noyé les machines, immobilisant ce croiseur : le destroyerNowaki a été dépêché pour l'assister[218]. Au même moment, leSuzuya a été endommagé par une bombe qui l'a manqué de peu, avariant une plate-forme lance-torpilles tribord dont les torpillesLongues Lances à propulsion par oxygène comprimé ont explosé peu après, endommageant la salle des machines tribord. À midi et demi, le contre-amiral Shirahishi a transféré pour la seconde fois sa marque, cette fois sur leTone. Le destroyerOkinami a reçu l'ordre d'aller assister leSuzuya, dont il a recueilli l'équipage[230].

L'USS St. Lo a été le premier grand bâtiment de l'US Navy coulé par une attaque dekamikaze.

À10 h 50, alors que les porte-avions de la TU.77.4.3 du contre-amiral Clifton Sprague récupéraient leurs appareils, les vigies ont vu surgir six « Zero » qui n'avaient pas été repérés au radar. Le premier a plongé vers l'USSKitkun Bay, mais est tombé à la mer à20 mètres de l'avant sur bâbord, un deuxième a voulu mitrailler en enfilade le pont d'envol de l'USS White Plains mais le porte-avions a viré brutalement à gauche, l'avion est tombé à la mer et a explosé. Un autre, avec une bombe sous chaque aile, s'est écrasé au centre du pont d'envol de l'USS St. Lo, avec un éclair terrifiant quand les bombes ont explosé. Le pont s'est déchiré sur une partie de sa longueur et sur toute sa largeur, l'ascenseur a été projeté en l'air dans un nuage de fumée. L'équipement de lutte contre l'incendie devenu inopérant, le navire a gîté sur bâbord, puis après une explosion interne, fortement, de 30°, sur tribord. À11 h, l'ordre d'abandon été donné et le porte-avions a coulé par l'arrière à11 h 25. Le destroyer USSHeermann a recueilli les rescapés, dont quatre cents blessés[231]. Deux avions-suicides se sont encore écrasés sur l'USS Kalinin Bay, puis vers11 h 10, un groupe de bombardiers en piquéJudys s'est présenté par l'arrière, dont un seul a plongé, et touché par l'artillerie anti-aérienne, est tombé en mer sur l'avant de l'USSKitkun Bay.

Les porte-avions de la TU 77.4.1, qui n'avaient plus subi d'attaques depuish, ont, vers11 h 15, envoyé leurs chasseurs prêter assistance à la TU 77.4.3, mais vers11 h 55, trois ou quatre chasseurs monoplaces les ont attaqués en mitraillage à basse altitude. Ceux-ci ont été repoussés et une bombe a manqué l'USS Petrof Bay. Enfin, vingt minutes plus tard, l'artillerie contre avions a repoussé une attaque aérienne, après qu'une attaque en piqué suicide a manqué l'USSSantee[232].

Retour de laIIIe Flotte

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La bataille du golfe de Leyte est caractéristique en ce qu'elle montre l'inexactitude des convictions les plus arrêtées du haut commandement dans chaque camp. L'amiral Halsey se fonde sur des informations erronées de son service de renseignement militaire sur les résultats qu'il a obtenus en mer de Sibuyan, et sur l'exagération de la menace que représentent les porte-avions japonais au nord deLuçon. Le vice-amiral Kurita exagère la force des navires qu'il attaque au large de Samar et se replie alors qu'il les a bousculés. L'aviation japonaise basée à terre s'acharne sur un porte-avions léger le24 octobre et assaille des porte-avions d'escorte le 25, plutôt que les porte-avions d'escadre. Les derniers développements de la bataille, le25 après-midi et le 26, n'ont pas permis de corriger les choses.

Le Task Group 38.1 du vice-amiral McCain passe à l'attaque, en vain
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En route, à grande vitesse, vers Samar, le Task Group 38.1, le plus puissant de la Task Force 38, était encore à340 nautiques (soit630 km) à l'est, lorsqu'à10 h 30, le vice-amiral McCain a fait préparer une vague d'attaque pour répondre à l'injonction de l'amiral Halsey d'attaquer les cuirassés et croiseurs japonais au large de Samar. Cette vague comportait98 avions (46 chasseurs,33 Helldivers, et19 avions torpilleurs) desUSS Hancock,Hornet etWasp, mais elle avait relativement peu de bombes : la distance à parcourir était considérable et il fallait économiser du poids pour emporter suffisamment de carburant pour revenir, au cas où il ne serait pas possible de se poser sur Leyte ou sur un porte-avions au large de Samar (le temps avait manqué pour installer des réservoirs supplémentaires). Ces bombes étaient aussi prévues pour attaquer les porte-avions du vice-amiral Ozawa, et donc assez inopérantes contre des cuirassés[233].

Les bâtiments japonais ont été en vue vers13 h 10, marchant au nord à 24 nœuds. Leur défense contre-avions a été particulièrement violente. Six chasseurs japonais ont essayé de s'interposer, deux ont été abattus et les autres repoussés. L'attaque a été conduite séparément par les groupes aériens de chaque porte-avions, peu de résultats ont été revendiqués pour une attaque de cette importance, avec aucun dégât sérieux sur les cuirassés. Le retour a été cauchemardesque, avec les indicateurs de carburant en chute accélérée. Sur douze Helldivers de l'escadrille de bombardement de l'USSHancock, seuls trois ont regagné le porte-avions avant la nuit, un a été abattu par laflak japonaise, deux ont dû amerrir, leur carburant épuisé, à54 km et77 km du porte-avions[Note 12], quatre ont apponté sur un porte-avions d'escorte américain et deux ont atterri avec difficulté à Tacloban[234].

Une seconde attaque a été lancée depuis lesUSS Hancock etHornet, à12 h 45, après que les porte-avions eurent avancé pendant deux heures à grande vitesse, avec20 chasseurs,20 bombardiers et13 avions torpilleurs, qui ont mené vers15 h une attaque pas très bien coordonnée. Au total, pour les deux attaques, quatre bombes ont fait but sur leYamato, autant sur unKongō, une sur leNagato et cinq sur des bâtiments non identifiés[235]. Dans l'après-midi, les porte-avions d'escorte de laVIIe Flotte ont aussi continué leurs attaques. L'unité du contre-amiral Stump en a ainsi mené deux, soit six au total pour la journée du25 octobre. Selon le vice-amiral Kurita, les dégâts ont surtout résulté d'éclats d'obus perforant les coques et n'ont eu d'autres effets que de laisser des trainées de mazout se répandre dans les sillages. La dernière attaque des porte-avions d'escorte a eu lieu vers17 h 20, au nord-est de Samar. La force japonaise, cap au nord-ouest (au 300), à petite vitesse, comptait alors quatre cuirassés, trois croiseurs lourds (seuls leHaguro et leTone étaient encore opérationnels, leSuzuya et leChikuma avaient fini par couler[230],[218], leChōkai a été sabordé au début de la nuit[198]) deux croiseurs légers et sept destroyers[236].

Les cuirassés japonais échappent aux cuirassés rapides américains
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Finalement, le vice-amiral Kurita n'est pas allé plus au nord que le nord de Samar. Persuadé qu'il lui fallait se porter le plus loin possible des porte-avions rapides américains qui, il en était persuadé, tenteraient de le bombarder le lendemain, et vers17 h 30, après avoir eu confirmation du résultat de la bataille du cap Engaño, il a forcé la vitesse à 24 nœuds, et a signalé qu'il mettrait, au crépuscule, le cap sur le détroit de San-Bernardino, afin de le franchir vers minuit[237]. Mais dès21 h 45, une reconnaissance aérienne de nuit a repéré la flotte japonaise à l'entrée du détroit[238].

À partir de16 h 30, l'amiral Halsey avec ses deux cuirassés les plus rapides, trois grands croiseurs légers et huit destroyers (constituant un Task Group 34.5) a marché vers le détroit de San-Bernardino, à28 nœuds, espérant intercepter les cuirassés japonais[239]. Il se trouvaitmutatis mutandis dans la situation desamirauxCunningham, à labataille du cap Matapan poursuivant leVittorio Veneto, ouTovey poursuivant leBismarck. Mais le vice-amiral McCain, malgré les moyens dont il disposait, n'a pas eu la réussite qu'ont eue la douzaine d'antiquesFairey Swordfishes duvice-amiralSomerville, qui ont immobilisé leBismarck le au soir.

Lorsque les navires de l'amiral Halsey se sont trouvés vers minuit à60 km du détroit, la force du vice-amiral Kurita l'avait franchi depuis deux heures environ[240], et le troisième combat de cuirassés de la guerre du Pacifique n'a pas eu lieu. Quel en aurait été le résultat ? LeYamato était le plus fortement armé, et avait la cuirasse la plus épaisse, les cuirassés américains étaient plus rapides, ce qui est important pour avoir le choix du moment du combat, de la position et de la distance, leur système de direction de tir était sans doute supérieur, les deux cuirassés rapides de laclasse Kongō étaient surclassés par les cuirassés modernes américains, labataille navale de Guadalcanal l'avait montré, leNagato était d'une conception ancienne. Mais les Japonais avaient l'avantage du nombre, car le principe de concentration si cher à l'amiral Halsey, le soir du24 octobre avait, le lendemain, été jeté par-dessus bord, en raison des exigences de la bataille[241]. Enfin quel aurait été, dans un combat de jour, le rôle de l'aviation embarquée américaine, alors que les porte-avions du contre-amiral Bogan n'étaient qu'à une quarantaine de nautiques en arrière et celui de l'aviation japonaise basée àLuçon, l'Histoire ne l'aura pas dit.

Pour conclure dans son style laconique, le vice-amiralLee, dans son rapport d'opérations de commandant des cuirassés de la Flotte du Pacifique a écrit :

« Aucun dommage en bataille n'a été subi,ni n'a été infligé à l'ennemi, par les navires opérant en tant que Task Force Trente-Quatre. »[242]

Derniers combats, le 26 octobre

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L'amiral Halsey a interrompu la poursuite en mettant le cap au sud-est àh 25[240]. Il a alors lancé les trois grands croiseurs légers,USS Vincennes,USS Miami etBiloxi, et trois destroyers, aux ordres du contre-amiral F. F. M. Whiting, aux trousses d'un contact radar, dans le sud, à un peu plus de30 km, route à l'ouest à20 nœuds. Partis vers le sud, les croiseurs ont mis au bout d'une demi-heure le cap à l'ouest et ont ouvert le feu avec leur artillerie principale à 15 500 mètres. Versh, la cible s'est révélée être un grand destroyer, bientôt immobilisé en flammes de la proue à la poupe. Deux destroyers se sont approchés jusqu'à 4 000 m pour le mitrailler et l'ont torpillé. Il a explosé versh 35. Il s'agissait duNowaki qui s'était attardé à recueillir les rescapés duChikuma, qui ont disparu avec lui[218]. Les croiseurs ont recherché ensuite d'autres navires avariés, ils n'ont trouvé que des débris et des flaques de mazout, mais ont recueilli des rescapés de groupes aériens des porte-avions d'escorte, tombés à la mer. Une reconnaissance aérienne de nuit de l'USS Independence a repéré la flotte japonaise, mais au milieu de la nuit, un orage a fait perdre le contact[243].

Le lendemain matin, les TG 38.1 et 38.2 se sont rejoints, versh, et dèsh, deux avions de reconnaissance de l'USS Wasp ont repéré le gros de la force japonaise, à15 km au nord-ouest de l'extrémité nord de l'île dePanay, dans ledétroit de Tablas, à la sortie de la mer de Sibuyan. Des groupes d'attaque des deux task groups, qui avaient décollé versh, attendaient que les navires japonais aient été localisés. Le temps nuageux a gêné la désignation des objectifs, la défense contre avions était puissante.16 bombardiers,7 avions torpilleurs, et12 chasseurs, de l'USS Intrepid et trois avions torpilleurs de l'USS Cabot ont revendiqué des impacts sur les cuirassés, mais ne les ont pas ralentis[244].

LeYamato touché par une bombe qui ne fait pas de gros dégâts à la tourelleno 1, le26octobre1944.
LeKumano attaqué par l'aviation embarquée américaine, le.

Survolant le détroit de Tablas cap au sud à haute altitude, un grand groupe de83 appareils du Task Group du vice-amiral McCain a repéré un navire isolé, croiseur ou grand destroyer, l'a attaqué, et l'a touché d'une bombe. Plus loin, ce groupe d'avions a repéré au travers des nuages un croiseur lourd de laclasse Mogami, au large de la pointe sud de Mindoro, cap à l'ouest. Un groupe de4 bombardiers,7 avions torpilleurs et12 chasseurs de l'USS Hancock l'ont attaqué. C'était leKumano qui a reçu une bombe de450 kg et peut-être deux torpilles. Il en a été immobilisé un moment, mais il a pu finalement se trainer jusqu'à Manille[245],[193]. Peu après, le gros de la force japonaise a été repérée, mais seuls13 avions torpilleurs,3 bombardiers et4 chasseurs desUSS Wasp etCowpens ont pu attaquer. Une bombe a touché la tourelleno 1 duYamato, et une leNagato. Le croiseur légerNoshiro a reçu deux torpilles, qui l'ont immobilisé. Il a coulé peu après11 h, sous les coups de nouvelles attaques de l'aviation embarquée du TG 38.1. Celle-ci ne pouvait plus atteindre les cuirassés, désormais hors de portée des porte-avions américains restés en mer des Philippines, et a dû se contenter d'attaquer les trainards et d'affronter l'aviation de chasse japonaise basée à terre[246].

Leskamikaze, quant à eux, pouvaient encore frapper les porte-avions d'escorte américains. Vers midi, l'USS Suwannee, déjà touché la veille, a été atteint par un“Zero” qui s'est écrasé sur le pont d'envol, déclenchant un incendie, ce qui a provoqué de lourdes pertes (71 tués et92 blessés)[247], tandis qu'un autre avion-suicide, mis en pièces par l'artillerie anti-aérienne, manquait de peu l'USS Petrof Bay. Ce fut la dernière attaquekamikaze de la bataille[248].

Au début de la matinée du26 octobre, des avions de reconnaissance de laVIIe Flotte avaient repéré un croiseur léger et quatre ou cinq destroyers, enmer des Camotes à l'ouest de Leyte. Ce n'étaient pas des rescapés de la bataille du détroit de Surigao, comme les Américains l'ont pensé d'abord, mais l'escorte d'un transport de troupes qui avaient été débarquées enbaie d'Ormoc. Ils ont été attaqués par l'aviation embarquée des porte-avions d'escorte du contre-amiral Stump, qui était par ailleurs engagée contre les attaques aériennes japonaises dans le golfe de Leyte. Le destroyerUranami a été coulé en début d'après-midi, près de l'île deMasbate, et leKinu, dans les mêmes eaux, vers17 h 30. Ce fut le26e et dernier bâtiment perdu par la Flotte impériale à la bataille du golfe de Leyte[249].

Le27 octobre, l'aviation embarquée américaine a encore attaqué des trainards japonais, comme le destroyerFujinami, qui a été coulé alors qu'il avait à son bord les survivants duChōkai. Dans le même temps, les survivants de plusieurs navires américains ont été recueillis après avoir passé jusqu'à50 heures à la mer.

Le30 octobre, la TF 38 a rejoint Ulithi, où le vice-amiral Mitscher en a passé le commandement au vice-amiralMcCain, le TG 38.1 étant confié au contre-amiralMontgomery.

Bilan des quatre batailles

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Le25 octobre au soir, l'amiral Halsey avait signalé à l'amiral Nimitz, au vice-amiral Kinkaid et au général MacArthur :
« On peut annoncer avec assurance que la Marine japonaise a été battue, mise en déroute et brisée par les Troisième et Septième Flottes. »

Une victoire écrasante

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Au vu du tableau des pertes, l'assertion de l'amiral Halsey était indiscutable.

Pertes de l'US Navy
Pertes de la Marine impériale japonaise

La Marine impériale japonaise a ainsi vu disparaître 26 bâtiments déplaçant au total 305 710 t, soit 45 % du tonnage engagé, sans compter les avions détruits de l'aviation navale basée à terre (les1re et2e Flottes aériennes), et de l'aviation de l'Armée impériale, mais un décompte précis est difficile à établir comme l'a montré l'interrogatoire du vice-amiralFukudome après la guerre[251]. Ce tableau, qui ne recense que les navires coulés du23 octobre au26 octobre 1944, ne fait pas non plus apparaître que trois croiseurs lourds, lesTakao,Myōkō etAoba[252], ont été si endommagés qu'ils n'ont jamais plus été envoyés en opérations, et que deux autres croiseurs lourds, lesNachi[253] etKumano[252], et le cuirassé rapideKongō[252] ont été coulés après la bataille, en rentrant au Japon.

L’US Navy, quant à elle, a eu six navires coulés, totalisant 36 600 tonnes, soit 2,8 % de son tonnage engagé, et 12 % des pertes japonaises, ce qui montre bien l'ampleur de la victoire américaine[250]. Par catégories de navires, la Marine impériale a perdu un tiers de ses cuirassés, la totalité de ses porte-avions, 70 % de ses croiseurs lourds (mais 85 % d'entre eux ont été mis hors de combat) et 60 % des croiseurs légers, contre aucun cuirassé, trois de ses trente-quatre porte-avions (9 % en nombre) et aucun croiseur, du côté de l'US Navy.

Des pertes élevées, très inégalement réparties

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En termes de pertes en vies humaines, celles de la Marine impériale s'établissent à 11 500, soit un peu moins de 27 % des effectifs engagés, et celles de l’US Navy sont de l'ordre de 1 500, soit un peu plus de 1 % environ[254]. On rappelle qu'auJutland, le pourcentage de pertes subies par rapport aux effectifs engagés a été de 11 % pour les Britanniques et de 6,8 % pour les Allemands[255].

Il y eut, dans l'histoire contemporaine, des victoires écrasantes, où le vainqueur n'a subi que très peu de pertes, au cours de laguerre hispano-américaine ou en 1914, àCoronel ou auxFalklands. Dans la Seconde Guerre mondiale, on peut citer labataille de Ko Chang, le combat final contre leBismarck ou la destruction duYamato. Dans le golfe de Leyte, la bataille du détroit de Surigao et la bataille du cap Engaño entrent dans cette catégorie.

Le premier combat, l'attaque des sous-marins américains à l'ouest dePalawan, a eu lieu l'avant-veille du début de la bataille du golfe de Leyte proprement dite, mais y est intimement lié. Deux croiseurs lourds japonais y ont été coulés, l'Atago avec 369 de ses1060 marins, et leMaya avec 470 de ses1105 marins. Il n'y a aucune perte du côté américain, même si un sous-marin a dû être abandonné.

Pour ce qui est de la bataille du détroit de Surigao, les pertes de deux cuirassés japonais pèsent lourdement (plus de 30 % du total du nombre des tués de la Marine impériale dans le golfe de Leyte), d'abord parce que ce sont les navires qui ont les équipages les plus nombreux, mais aussi parce que le taux de pertes en bataille est très élevé, soit lorsque la destruction du cuirassé résulte d'une explosion de soutes, constaté dès la Première Guerre mondiale sur leBouvet auxDardanelles, sur les croiseurs de bataille britanniques auJutland, puis depuis 1940, sur laBretagne àMers el-Kébir, sur leHMS Hood, leHMS Barham, l'USS Arizona àPearl Harbor et leRoma, ce qui se vérifiera encore sur leYamato, soit lorsque le recueil des rescapés est rendu difficile par la poursuite de la bataille, ce fut le cas pour leBismarck ou leScharnhorst. Or ces circonstances se sont trouvées réunies lors de la destruction desFusō etYamashiro, sur lesquels il n'y a donc eu, au total, que moins de quinze rescapés[256]. Deux des croiseurs japonais qui ont pris part à la bataille ont coulé avec350 hommes sur 1 300[257].

Pour ce qui est de la bataille du cap Engaño, on notera d'abord que dans les batailles de porte-avions, l'évacuation des équipages des navires avariés par des attaques aériennes est facilitée, parce que les navires ennemis sont « au-delà de l'horizon ». Le taux de pertes sur les neuf porte-avions japonais coulés en mer de Corail, à Midway, aux îles Santa Cruz, ou en mer des Philippines, varie de 15 % à 35 % (avec l'exception duSōryū, sur lequel il atteint 65 %). Ces taux se situent entre le double et le quintuple du taux de pertes qu'a connu la marine américaine (7 % en moyenne) sur les cinq navires qu'elle a perdus dans les batailles aéronavales de la même période. Au cap Engaño, seul le taux duZuihō (à 22 %) est dans cette fourchette. Il est plus élevé pour leZuikaku et leChitose, respectivement 49 % avec presque850 tués, et 54 % avec un peu plus de900 tués. Le cas duChiyoda est exceptionnel, il est coulé au canon par des croiseurs et l'encadrement a interdit le recueil des rescapés qui aurait été constitutif d'une reddition, c'est-à-dire une désertion, et tout l'équipage a disparu[258],[259].

Au total, dans le passage de Palawan, dans le détroit de Surigao et au cap Engaño, ce sont plus de 8 000 marins japonais qui ont été tués contre quelques dizaines de pertes américaines.

En mer de Sibuyan, la situation est à peu près identique, leMusashi focalise les attaques de l'aviation embarquée de laIIIe Flotte et coule avec un peu plus de 1 000 de ses 2 400 hommes d'équipage. Les pertes américaines se limitent à18 avions abattus[117]. Mais au large de la côte orientale deLuçon (Philippines), le TG 38.3 subit des attaques acharnées contre l'USS Princeton, qui a eu108 tués sur un équipage de 1 469 marins, donc un taux de pertes faible, 7,4 %, mais il y a eu plus de200 morts et le double de blessés, sur le croiseurBirmingham qui portait assistance au porte-avions léger. En contrepartie, l'aviation japonaise, avec plus d'une centaine d'avions abattus, a eu des pertes équivalentes à la moyenne de celles subies au cours des batailles aéronavales de 1942, de la mer de Corail aux îles Santa Cruz.

La bataille la plus disputée a été celle au large de Samar. Dans sa première partie, trois bâtiments d'escorte américains ont été coulés. Sur le destroyerUSS Johnston, pour un équipage de327 hommes, environ 50 ont été tués à bord, 45 sont morts sur les radeaux et canots de sauvetage, et 95 ont été portés disparus en mer. Sur le destroyerHoel, sur un équipage de333 marins, 253 sont morts, dont une quarantaine en mer, en attendant les secours pendant deux jours. Le destroyer d'escorteSamuel B. Roberts, sur un équipage de210 marins, en a perdu 90. Le porte-avions d'escorteUSS Gambier Bay, coulé au canon par les croiseurs lourds, avait un équipage de860 hommes. Il n'a eu que80 tués, mais les survivants n'ont été recueillis qu'après avoir passé deux jours en mer[259]. Dans la seconde partie de la bataille, trois croiseurs lourds japonais, avariés dans des combats au canon, ont été achevés par l'aviation embarquée des porte-avions d'escorte, des destroyers ont recueilli une partie des équipages, mais deux d'entre eux ont été détruits dans la suite des combats, leNowaki avec les rescapés duChikuma, et leFujinami avec ceux duChōkai, de sorte que plus de 2 150 hommes ont ainsi été tués[257]. Les attaques deskamikaze ont réussi à couler l'USS St. Lo, mais ses navires d'escorte restant à flot ont pu recueillir plusieurs centaines de blessés et il n'y eut qu'une centaine de tués.

Pour la Marine des États-Unis, avec quinze cents tués, la bataille du golfe de Leyte a été, au moment où elle a eu lieu, une des plus meurtrières des batailles navales de la guerre du Pacifique, dépassée seulement par celle de l'île de Savo, avec 1 700 tués. En tout cas la bataille au large de Samar fut la seule au cours de laquelle l'US Navy a perdu plusieurs porte-avions dans la même journée. Ce n'était arrivé ni enmer de Corail, ni àMidway, niau large de Guadalcanal, ni auxîles Santa-Cruz, ni au large desîles Marshall, et ce ne sera pas non plus le cas au large desPhilippines[260], ou d'Iwo Jima[261]. Mais les destructions de porte-avions américains, à partir de 1944, n'y ont pas été le fait de porte-avions, elles ont résulté de l'action de croiseurs ou de l'aviation basée à terre, puisque l'aviation embarquée japonaise avait été détruite enmer des Philippines.

Des décisions improbables

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Le plan conçu par l'amiral Toyoda était hétérodoxe et compliqué[8]. Il résultait pour une large part de la situation d'extrême faiblesse dans laquelle se trouvait leservice aérien de la Marine impériale japonaise, incapable d'assurer la mission de force de frappe de la flotte, ni celle de couverture aérienne, ce qui a conduit à recourir à la ligne de bataille des cuirassés pour ce qui était de la force de frappe, et à ne pas hésiter à sacrifier des porte-avions avec une aviation embarquée réduite au minimum comme leurre pour attirer l'aviation embarquée américaine loin des objectifs des cuirassés. Ce sacrifice des porte-avions qui a conduit à leur annihilation au cap Engaño a suscité ce commentaire du chef d'état-major du vice-amiral Ozawa :« Nous devions faire quelque chose (pour empêcher la perte des Philippines), et nous avons fait de notre mieux. Ce fut la dernière chance que nous ayons eue, mais ce n'en était pas une très bonne[262],[263]. »

Ce plan de bataille, mis en œuvre avec l'énergie du désespoir en mer de Sibuyan, dans le détroit de Surigao et au cap Engaño, a été très près de réussir[264].

En ce qui concerne les cuirassés, ce fut la seconde fois de la guerre du Pacifique que ceux de la Marine japonaise sont parvenus au contact de leurs rivaux, mais l'engagement entre cuirassés américains et cuirassés japonais n'a concerné que des navires anciens, dans le détroit de Surigao[265], et il n'y a pas eu de rencontre entre les principales forces de cuirassés qui comptaient les unités les plus modernes. La force principale des cuirassés japonais, appuyée par un nombre important de croiseurs lourds, a supporté des attaques de la Task Force des porte-avions rapides, dans des conditions très difficiles, sans couverture aérienne, mais avec une artillerie anti-aérienne particulièrement fournie, et elle y a perdu un des deux plus puissants cuirassés du monde[266].

Desservi par les insuffisances de son service de renseignement militaire[267] quant aux dégâts que les cuirassés et croiseurs lourds japonais avaient subis et quant à la force réelle de l'aviation embarquée japonaise, l'amiral Halsey, trop attaché à ses convictions, a laissé le vice-amiral Kurita déboucher sans combat en mer des Philippines. La disposition du détroit de San-Bernardino qui a conduit l'amiral japonais à y faire naviguer la Force d'attaque de diversionno 1 en ligne de file, aurait offert aux cuirassés américains une occasion de « barrer le T » dans des conditions aussi favorables que dans le détroit de Surigao[124]. C'était sans doute une autre « opportunité en or »[160] que l'amiral Halsey n'a pas voulu saisir, au grand regret du vice-amiral Lee. Celui-ci, à la tête de cuirassés rapides de laIIIe Flotte, se serait contenté, selon l'amiralMorison, de la couverture aérienne des porte-avions d'escorte de laVIIe Flotte[268]. Encore eût-il fallu que l'organisation du commandement permît une telle coordination entre laIIIe et laVIIe Flotte, ce qui n'était pas le cas. C'est donc incontestablement la décision de ne pas garder le débouché du détroit de San-Bernardino qui a été « la plus grosse bourde » de l'amiral Halsey, pour reprendre l'expression du vice-amiral Lee. L'inefficacité du retour des cuirassés à grande vitesse le lendemain n'en est qu'une conséquence[160],[269].

Mais en matière de bévues les Japonais n'ont pas été en reste. On rappellera d'abord l'absence de coordination qui a abouti à priver les forces à la mer de couverture aérienne, encore qu'il semble que le vice-amiral Kurita n'en ait pas été particulièrement surpris, à moins qu'il ait préféré faire croire qu'il en comprenait les raisons[48]. On n'aura garde d'oublier ensuite les erreurs d'identification des forces à affronter, l'absence de renseignement militaire, faute de forces d'éclairage, l'incapacité à communiquer le résultat des engagements. Mais surtout, l'aveuglement à poursuivre des objectifs dans des conditions insurmontables (dans le détroit de Surigao) et le manque de détermination à atteindre un objectif assigné déjà presque à portée de main (au large de Samar) ont été caractéristiques du comportement erratique du commandement japonais au cours de cette bataille.

Lorsque la Force du vice-amiral Kurita, le25 octobre au matin, a attaqué au canon de petits porte-avions, ceux-ci n'ont été défendus que par des bâtiments légers, car les croiseurs qui avaient nommément en charge la couverture rapprochée avaient été engagés, la nuit précédente, dans un combat statique en appui des cuirassés anciens, tandis que les cuirassés rapides américains se trouvaient à400 km au nord. L'attaque du vice-amiral Nishimura a pu être jugée suicidaire, mais il a, inconsciemment peut-être, mais très réellement, atteint son objectif : en fixant au sud le Task Group d'Appui Feu et de Bombardement du contre-amiral Oldendorf, tandis que le vice-amiral Ozawa fixait au nord la Task Force des Porte-avions rapides, il avait rendu possible l'irruption dans le golfe de Leyte de la Force d'attaque de diversionno 1, ce dont, au demeurant, le vice-amiral Kinkaid avait parfaitement conscience.

Le vice-amiral Kurita pensait que le Plan Sho-Gô entrainerait la perte d'au moins la moitié des bâtiments engagés. Il a réussi avec beaucoup de difficultés, et une bonne part de chance, à quitter le champ de bataille avec plus de la moitié des cuirassés (quatre sur sept) avec lesquels il avait appareillé le18 octobre, mais sans avoir réussi à empêcher le débarquement de Leyte. Or, sauf leYamato envoyé quelques mois plus tard en mission suicide dans le cadre de l'opérationTen-Go de défense d'Okinawa, aucun de ces cuirassés n'a repris la mer, faute de carburant. L'amiral Toyoda avait vu juste :« Sauver la flotte au prix de la perte des Philippines n'aurait aucun sens ». Gagner une bataille ne se mesure pas seulement en nombre de navires coulés ou ramenés, mais par rapport au résultat attendu sur le plan stratégique. En supportant des pertes terribles, les vice-amiraux Ozawa[270] mais aussi Nishimura ont atteint les objectifs qui leur avaient été assignés, ce que le vice-amiral Kurita n'a pas fait, et ce sont ses choix de la matinée du25 octobre qui en sont la cause[32],[271].

Il peut être intéressant d'examiner comment la conduite des uns et des autres a été jugée par leur hiérarchie, en observant que le haut commandement de la Marine impériale a parfois répugné à sanctionner certains vaincus[Note 13].

L'amiral Toyoda a seulement indiqué qu'« il ne critiquerait pas » l'action dans le golfe de Leyte du vice-amiral Kurita[272]. Celui-ci a quitté, le 23 décembre, le commandement de la2e Flotte[273]. Il y a été remplacé par le vice-amiralIto, qui avait été Vice-Chef de l'État-Major Général de la Marine, depuis 1941 jusqu'à novembre 1944[274]. Le vice-amiral Kurita a été nommé, le 15 janvier 1945, à la tête de l'Académie navale d'Etajima[275].

Le vice-amiral Ozawa a pensé à se suicider, il en a été dissuadé par un collègue qui lui a fait observer qu'il avait été, à la bataille du golfe de Leyte, le seul commandant de grande unité à avoir rempli la mission qui lui avait été donnée[272]. Il a refusé une promotion au grade d'amiral. Il a été nommé, le 18 novembre 1944, Vice-Chef de l'État-Major Général de la Marine[274] et directeur de l'École Supérieure de Guerre Navale[276]. Lorsque, à la fin mai 1945, l'amiral Toyoda a été nommé Chef de l'État-Major Général de la Marine, en remplacement de l'amiralOikawa[277], démissionnaire, en désaccord avec la stratégie de défense agressive à outrance, le vice-amiral Ozawa a remplacé l'amiral Toyoda comme commandant en chef de la Flotte combinée[278] et commandant en chef de la Marine[279]. Le vice-amiralOnishi l'a remplacé comme Vice-Chef de l'État-Major Général de la Marine[274], et le vice-amiralShima a remplacé le vice-amiral Onishi à la tête de la1re Flotte aérienne[85].

Les contre-amiraux Inoguchi, Ban et Shinoda, qui ont été tués respectivement sur leMusashi, leFusō et leYamashiro, ont été promus vice-amiraux à titre posthume[117],[139],[143]. Aucune promotion de ce type n'a été décidée en ce qui concerne le vice-amiral Nishimura[Note 14].

Pour ce qui est des amiraux américains, le vice-amiral Mitscher[280], les contre-amiraux Oldendorf[281], Thomas Sprague[176], Felix Stump[282], Clifton Sprague[283], Ralph Ofstie[284] qui commandait la26e Division de Porte-avions dont faisait partie l'USS Gambier Bay, ont reçu laNavy Cross, et l'amiral Halsey a, pour sa part, été cité au titre de laNavy Distinguished Service Medal, comme l'avait étéRaymond Spruance pour son commandement àMidway et enmer des Philippines ; dans la hiérarchie des décorations américaines une telle récompense se situe à un niveau inférieur à celui de laNavy Cross[Note 15]. Cela n'a cependant pas entamé sa popularité et, à la fin de 1945, il a reçu la cinquième étoile d'amiral de la Flotte. Il a été le seul amiral ayant commandé à la mer pendant la guerre à recevoir cette promotion.

Le vice-amiralKinkaid n'a pas reçu de décoration de l'US Navy pour la bataille du golfe de Leyte, mais il a été promuamiral au début de 1945, quatrième des cinqamiraux ainsi promus pendant la Guerre du Pacifique, aprèsChester Nimitz,William Halsey, etRaymond Spruance, et avantRichmond K. Turner. Le général de l'Armée MacArthur lui a obtenu, en 1946, de recevoir, pour sa contribution à la campagne de libération des Philippines, l'Army Distinguished Service Medal, qui avait été attribuée à Halsey, et venait de l'être à Spruance et Turner.

Bilan global : une victoire décisive, qui ouvre la voie auxkamikaze

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LeMyōkō immobilisé, à Singapour, ici après la capitulation japonaise

La bataille du golfe de Leyte fut, sur le plan stratégique, une victoire américaine décisive, non pas au sens de la doctrine « Kantai kessen », mais dans la mesure où le résultat en a été incontestable et n'a jamais été remis en cause, commeTrafalgar ouTsushima. L'enjeu y était le débarquement américain sur l'île de Leyte, ce débarquement a eu lieu, et les conséquences de la perte des Philippines ont été celles que craignait l'amiral Toyoda. Plusieurs navires qui ont réussi à rentrer au Japon ont pu être réparés mais n'ont jamais eu le carburant nécessaire pour reprendre la mer. Ceux qui, avariés, se sont réfugiés à Singapour, comme leMyōkō ou leTakao, n'ont jamais été remis en état.

Après cette bataille, il restait encore au Japon quelques porte-avions presque opérationnels, principalement des bâtiments tout juste achevés ou en voie d'achèvement, comme lesUnryū etShinano. Mais il n'y avait plus d'aviateurs navals expérimentés ni de navires d’escorte en état d'assurer leur protection. Ils seraient l'un et l'autre torpillés et coulés avant le31 décembre 1944[285].

Pour acheminer des produits nécessaires à l'économie de guerre du Japon, les deux cuirassés hybrides de porte-avionsIse etHyūga, rentrés au Japon avec le vice-amiral Ozawa, furent envoyés à Singapour en novembre, toujours sous les ordres du contre-amiral Matsuda, acheminant des munitions. Avec l'Ōyodo et trois destroyers, ils parvinrent à rapporter au Japon dans la seconde moitié de février 1945, au cours de l'opérationKita, 10 000 barils de carburant (soit environ 1 600 tonnes), 1 600 tonnes de caoutchouc et 1 600 tonnes d'étain, malgré les efforts de l'aviation et des sous-marins américains pour les intercepter.

Pour le reste, la flotte américaine avait acquis la maîtrise définitive des mers, mer des Philippines et mer de Chine, où la Task Force 38 allait s’aventurer en janvier, bombardant tous les mouillages japonais des îlesRyūkyū àSaïgon. Lors des débarquements américains aux Philippines, puis à Iwo Jima et Okinawa, ce qui restait de la marine japonaise ne s’interposa pas, en-dehors de lamission de sacrifice duYamato et de huit destroyers d'escorte, le.

Des navires revenus de la bataille de Leyte, seuls les deux croiseurs lourds de la5e Division, leHaguro, portant la marque du contre-amiral Hashimoto, et l'Ashigara, continuèrent à opérer en soutien des garnisons japonaises en Asie du Sud-Est, le premier à l'ouest et le second à l'est de Singapour, jusqu'à ce qu'ils soient coulés par laRoyal Navy, en mai et juin 1945[286].

En proie à l’incendie, gîtant fortement, avec des pertes et des dégâts considérables, l'USS Franklin est définitivement mis hors de combat le.

L'amiralYonai, ministre de la Marine, avait raison lorsqu'il déclara après la bataille du golfe de Leyte« J'ai senti que c'était la fin ». Mais le vice-amiral Ozawa, interrogé après la guerre, a considéré pour sa part que c'était un nouveau combat qui avait commencé sur mer :« Après (la) bataille (du Golfe de Leyte), les forces de surface sont devenues strictement des forces auxiliaires, et nous nous sommes appuyés sur les forces terrestres, les forces spéciales d'attaque (leskamikaze) et les forces aériennes »[57]. L'amiral Toyoda était partisan de cette stratégie de défense agressive, utilisant leskamikaze, et c'est ce qui a été fait lors des débarquements àLuçon et plus tard à Iwo Jima et Okinawa[287]. Les vice-amirauxOnishi, à la tête de la1re Flotte Aérienne, etUgaki, qui a commandé la5e Flotte Aérienne à partir du début de février[75], ont porté des coups très durs à l'US Navy. Deux porte-avions d'escorte ont été coulés, lesUSS Ommaney Bay etUSS Bismarck Sea[286]. Même si aucun des plus grands bâtiments de la flotte américaine n'a été coulé, l'USS Saratoga a été très gravement endommagé en février, et deux porte-avions de laclasse Essex, l'USS Franklin en mars[288],[289], et l'USS Bunker Hill en mai[290] ont subi des dégâts considérables et des pertes terribles, environ800 tués sur le premier et400 tués sur le second, de sorte qu'ils n'ont ensuite plus jamais été envoyés en opérations.

Cérémonie pour le60e anniversaire de la bataille à Tacloban, Philippines, le 20 octobre 2004.

L'amiral de la Flotte Nimitz a reconnu après la guerre« Rien de ce qui est arrivé durant la guerre n'a été une surprise — absolument rien — à l'exception des tactiques deskamikaze vers la fin de la guerre. Ceux-là, nous ne les avons pas vu venir. »[291]. Si l'histoire de la guerre navale a connu plus d'un épisode qui relevait de la « guerre dissymétrique », comme les combats deJean Bart,Robert Surcouf, voireKarl Dönitz ou les théories, en leur temps, de la « Jeune École » de l'amiralAube, jamais la méthode de combat n'avait eu un caractère aussi dramatique et désespéré[Note 16]. Le destin des amiraux Ugaki et Onishi le montre assez : ils ont choisi de ne pas survivre aux hommes qu'ils avaient envoyé à la mort, le premier s'est fait tuer dans une dernière missionkamikaze qu'il a organisée après que l'Empereur du Japon eut annoncé qu'il acceptait la capitulation[75], et le second s'est suicidé dans des conditions atroces, le[86].

Notes et références

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Notes
  1. D'autres historiens font remonter la première attaque de ce style à mai 1944 ; voir :http://www.j-aircraft.com/research/rdunn/hms_aust/first_kam.htm.
  2. En fait, la réunion avec le président Roosevelt s'est conclue sur la réaffirmation de l'intérêt de la reconquête des Philippines, mais le rappel du généralStilwell comme chef d'état-major deTchang Kaï-chek, alors que l'amiral King avait en lui la plus grande confiance, a amené les chefs de l'U.S. Navy à se rallier au point de vue de MacArthur.
  3. Précédemment, la marine américaine avait délaissé les Palaos pour attaquer les Mariannes. Mais dès lors que l'objectif retenu était d'attaquer les Philippines, cette ancienne dépendance de l'Empire espagnol des Philippines retrouvait de l'intérêt pour une progression depuis la Nouvelle-Guinée vers les Philippines.
  4. L'amiral Nimitz avait répondu que la mission était« de couvrir et de soutenir les forces du Pacifique sud-ouest, afin de les assister dans la saisie et l'occupation des objectifs dans les Philippines centrales. » Toutefois, il concluait« Au cas où l'opportunité de la destruction d'une majeure partie de la flotte ennemie s'offre ou peut être créée, une telle destruction devient la première tâche. »
  5. L'amiralShimada, ministre de la Marine, qui exerçait conjointement les fonctions de Chef d'État-Major Général de la Marine, depuis février 1944, a été écarté du Gouvernement et remplacé dans les fonctions de chef d'État-Major Général par l'amiralOikawa. Le vice-amiralItō demeurait Vice-Chef d'État-Major Général, l'amiralToyoda, commandant en chef de la Flotte combinée et le vice-amiralRyūnosuke Kusaka, son chef d'état-major.
  6. a etbLa versatilité d'emploi des porte-avions d'escorte leur a valu le surnom dejeep carriers. « Jeep » est la version orale deGP pourGeneral Purpose.
  7. Le commodore Collins avait succédé au contre-amiralCrutchley, héros de la Première Guerre mondiale. qui avait été décoré de laVictoria Cross pour sa participation à l'« embouteillage d'Ostende », en 1918. Il avait commandé leHMS Warspite en avril 1940, à la secondebataille de Narvik, puis avait rejoint la Marine royale australienne, avait été présent à labataille de l'île de Savo et avait commandé la TF 44 puis la TF 74.
  8. Le contre-amiral Chandler avait rallié le théâtre d'opérations du Pacifique au début d'octobre 1944. Il avait auparavant fait campagne dans l'Atlantique et a été faitofficier de la Légion d'honneur pour sa participation à la reconquête desîles d'Hyères, lors dudébarquement de Provence. Il a été mortellement blessé lors de l'attaque dekamikaze sur l'USSLouisville, le 6 janvier 1945. C'est le quatrième amiral de l'U.S. Navy tué, après les contre-amirauxKidd tué àPearl Harbor,Scott etCallaghan tués àGuadalcanal, dont les noms ont été donnés aux quatre unités de laclasse Spruance, commandées par l'Iran, qui n'ont pas été livrées après la chute duChah.
  9. Les trois derniers mots, qui ont troublé l'amiral, n'avaient rien à voir avec la situation militaire du jour. Ce n'était qu'un élément de cryptographie, destiné à perturber les décrypteurs ennemis. Au cas particulier, c'était une très brève citation extraite d'un poème de LordAlfred Tennyson, "LaCharge de la brigade légère", qui faisait référence à labataille de Balaklava, dont c'était le90e anniversaire (25 octobre 1854).
  10. L'USS Suwannee, commandé parJoseph J. Clark, alorscaptain a été le premier porte-avions américain à être crédité d'avoir coulé un submersible hostile, vraisemblablement leSidi-Ferruch français, devant Casablanca.
  11. R. Copeland (1910-1973) a fait partie des120 survivants sur un équipage de210 marins, qui ont été recueillis après avoir passé50 heures sur trois radeaux. Il a reçu laNavy Cross. Membre de la Réserve de l'US Navy, il y parvint au grade de contre-amiral.
  12. Les équipages de ces avions ont alors passé parfois plusieurs jours en mer dans un radeau avant d'être récupérés.
  13. Le vice-amiralAbe a été relevé de son commandement pour avoir été tenu en échec à la premièrebataille navale de Guadalcanal, puis contraint à la retraite. Mais le vice-amiralKondō, vaincu à la seconde, sera promu amiral quelques mois plus tard. Le contre-amiralŌmori, tenu en échec à labataille de la baie de l'Impératrice-Augusta, en novembre 1943, a été nommé vice-amiral en 1944, avant les contre-amirauxTanaka etHashimoto, qui avaient été moins bien classés que lui dans leur41e promotion de l'Académie Navale d'Etajima, trente ans plus tôt.
  14. Précédemment, le contre-amiralYamaguchi, mort à Midway, le contre-amiralGoto, mortellement blessé à labataille du cap Espérance, en 1942, l'amiralYamamoto dont l'avion a été abattu, les contre-amirauxAkiyama etIsaki, tués pendant lacampagne des îles Salomon, en 1943, l'amiralKoga dont l'avion a disparu, le vice-amiral Endo, tué devantHollandia, le contre-amiralbaron Ijuin tué devant Saipan, les vice-amirauxNagumo, etTakagi, tués à Saipan et à Tinian, en 1944, ont été promus au grade supérieur à titre posthume. Ce sera encore le cas du vice-amiral Seigo Yamagata qui s'est suicidé pour échapper à la capture en Chine, du vice-amiralIto tué sur leYamato et du contre-amiralSugiura tué sur leHaguro, en 1945.A contrario, le vice-amiralKakuta, disparu à Tinian, le vice-amiral Suzuki tué sur leKongō en 1944, le vice-amiralHashimoto tué sur leHaguro en 1945 ont subi le même traitement que le vice-amiral Nishimura.
  15. On observera qu'après labataille d'Iwo Jima et le début de labataille d'Okinawa pendant lesquelles l'amiralSpruance a retrouvé le commandement des Forces navales du Pacifique central et le vice-amiralMitscher celui de laTask Force 58, ces deux amiraux ont été décorés de laNavy Cross, (pour la troisième fois pour Marc A. Mitscher).
  16. Les pertes des sous-mariniers allemands pendant la Seconde Guerre mondiale ont été très supérieures à celles deskamikaze (près de 28 000 contre environ un millier), mais le taux de pertes, qui a atteint 85%, n'a jamais été révélé, du côté allemand, pendant toute la guerre.
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